Virginia Tentindo, Les mains du Feu sous la cendre

Collection Les HSE


     zoom

Virginia Tentindo, Les mains du Feu sous la cendre

Christophe DAUPHIN
Odile COHEN-ABBAS
Virginia TENTINDO

Livre d'art

ISBN : 978-2-912093-68-4
172 pages - 21 x 21 cm
25 €


  • Présentation
  • Du même auteur

Sous la direction de Christophe Dauphin et Odile Cohen-Abbas, ce livre, co-édité avec les éditions Rafael de Surtis, outre les oeuvres de Virginia Tentindo, comporte des textes de Julio Cortázar, José Pierre, Virginia Tentindo, Christophe Dauphin, Lou Dubois, Nelly Kaplan, Odile Cohen-Abbas, Sarane Alexandrian, Henri Béhar, Christophe Commentale, Marc Kober, Jean-François Rabain, Daniel Sibony, Marcella Biserni & Georges Bloess. Photographies de Christophe Dauphin & Luc Joubert.

Les sculptures de Virginia Tentindo, à la fois sensuelles et terribles, associent des têtes de félidés avec des corps d’hommes et de femmes, aux jambes qui se fondent en une seule, longue et flexible comme un serpent. Ces humanimaux, tels que les appelle Sarane Alexandrian, ont l’air de plantes carnivores. Il ne s’agit pas d’hybrides tels qu’en fabriquent des artistes enclins à des effets insolites faciles, car l’originalité de Virginia est justement de ne pas faire d’assemblages arbitraires. Julio Cortázar a ainsi pu écrire que chez Virginia Tentindo, tout est ou peut être mandragore, Gorgone, hermaphrodite, rite phallique, hiérogamie et pourquoi pas épiphanie. Car rien n’est donné sur un seul plan et la multiplicité des essences est, pour plusieurs de ses sculptures, comme une invite à s’approcher et à toucher ; alors on découvre que ces pièces ne commençaient ni ne finissaient à leur contour visuel mais que le toucher est là pour ouvrir une seconde porte basse. L’art de Tentindo n’est jamais apparence mais toujours intériorité.

Je suis née dans un pays où la mémoire est traversée par le limon du « Fleuve d’Argent, El rio de la Plata », imprégnée des conquêtes et révoltes mêlées aux langues où la culture précolombienne posait les questions et les réponses. Les mêmes, je les ai trouvées dans cette argile du fleuve qui a donné la forme à ma pensée à travers la sculpture. Dès 1974 j’entrepris le travail de mes sculptures sur la « belle et noble matière » : le bronze et le marbre, dans lesquels je voulais les perpétuer, m’ont transportée dans un pays de la Toscane, nommé Pietrasanta. Berceau mythique de Michel-Ange, les sculpteurs y arrivent, se berçant d’un rêve de perfection de la matière. J’aime depuis lors le ronronnement des trains et leur reptation érotique dans la nuit. Ils me mènent au marbre et m’en ramènent.  Je fais des mots que l’on touche, que l’on caresse et que l’on pose devant soi, pour être certain de les avoir bien lus…

Virginia Tentindo est l’une des plus grandes sculpteurs de notre époque, née à Buenos Aires en 1931, dans une famille d’émigrés. Elle suit des études à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Buenos Aires et à l’âge de dix-huit ans, deux ans après avoir exposé en 1947 ses œuvres pour la première fois, elle ouvre sa propre galerie. En 1953, elle quitte Buenos Aires et rejoint Naples, puis Paris. L’émigrée argentine y est mal accueillie. Le combat commence et tout d’abord pour subsister : elle modèle des objets en terre cuite et travaille au noir dans des conditions difficiles, avant de regagner le soir une chambre sans électricité ni confort. Ce combat, elle le mènera seule durant dix ans. En 1960, Virginia élargit le spectre de son art : Abel Gance, pour son film Austerlitz, lui commande cinquante sculptures de figurines, d’après Le Sacre de Napoléon, de David. Neuf plus tard, en 1969, elle réalise les poupées du film de Nelly Kaplan, La Fiancée du pirate. Elle entame une carrière de graphiste et de maquettiste pour le magazine Science & Vie. En 1974, Virginia Tentindo s’installe à Pietrasanta, en Toscane, où elle apprend à travailler le marbre et commence à réaliser ses bronzes. En 1979, Virginia Tentindo installe son atelier au célèbre Bateau-Lavoir, à Montmartre. Cet atelier, l’écrivain surréaliste José Pierre l’évoque en 1986, comme « la fabrique des dieux ».

El fuego ! C’est cela Virginia Tentindo, le tango du Feu de la vie et de la passion ; le Feu du désir et de la poésie ; le Feu de la métamorphose et celui de l’alchimiste qui, de son Athanor, ressort de l’or émotionnel en terre-cuite : un Chat d’octobre ou une Lionne des jours Terre-Lune. Virginia aux mains de flamme sculpte le feu sous la cendre.

Christophe DAUPHIN