Un fanal pour le vivant

Collection Les HSE


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Un fanal pour le vivant

Poèmes décantés
Christophe DAUPHIN

Poésie / Illustrations d'Alecos Fassianos

ISBN : 978-2-912093-43-1
Prix ROGER-KOWALSKI des lycéens 2015
114 pages - 13 x 20,5 cm
12 €


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  • Du même auteur

De Rabelais à Yves Martin, en passant par les Vaux de Vire d’Olivier Basselin et de Jean Le Houx ou les exhortations de Charles Baudelaire, le vin et l’alcool ont toujours constitué un précieux fanal pour le vivant. Christophe Dauphin en témoigne à son tour, à la suite de ses aînés, mais sans gaillardise ni penchant pour la chansonnette. Tout en célébrant la richesse des terroirs consacrés, ses poèmes nous font voyager à travers l’Europe et le monde. Ici, le vin parle d’abondance, et la dive bouteille coule à flot pour exalter la joie, l’humour, la révolte, la nostalgie et la mélancolie aussi, pour partager dans l’amitié la splendeur des émotions et ce secret ultime : quelles que soient les circonstances, il faut savoir raisin garder ! 

César BIRÈNE

*

Un fanal pour le vivant a reçu (ex aequo avec Soleil patient de Gabrielle Althen), le premier Prix ROGER-KOWALSKI des lycéens 2015, prix de poésie de la Ville de Lyon.

*


LES ORACLES DE L’OUZO

(Rebétiko - ρεμπέτικο)

« Pour moi, c’est d’abord cela, le rebétiko : une atmosphère autant qu’un chant, des visages silencieux et marqués autant que des danses ou des cris, des odeurs mêlées de vin résiné, d’ouzo, de sciure fraîche sous les tables, de mégots refroidis.»,

  Jacques Lacarrière (in L’Été grec, 1976).

 à Nanos Valaoritis, Alecos Fassianos et Anastassia Politi

Le sommeil de l’oiseau prend feu en plein vol
dans l’étoile d’un dormeur que la mort caresse
la nuit s’endort en parlant à l’oreille des pierres

Le délire peut alors lancer son cri
les nuques se renversent comme des montagnes
avance Dionysos mes vertèbres mes vocables
Dionysos qui fait poing de tout vertige
de fracassants soleils allument un incendie
qui ne s’éteint pas et qui mord les mots du chant
avant de les noyer dans l’ombre du vin

Pendant que la pluie rouille dans la nuit
pendant qu’un monde décousu de ses rêves
s’effondre au bout d’une potence

Voici venu le temps des pillards
langage technocratique langue de plomb
d’invisibles voleurs veillent dans les poignets de l’aube
d’invisibles voleurs font les poches de la vie
les barbares sont venus aujourd’hui
quelque chose tremble et meurt en moi en nous

Quelles lois pouvaient faire les Sénateurs ?
les lois les barbares s’en sont chargés une fois venus

Ils ont vendu Le Pirée à la criée
entre deux Metaxas et trois Schnaps
avec la banque des Cyclades
faux-monnayeurs ils ont  joué les yeux d’Homère
et le paquebot des Argonautes aux osselets

Le Cheval de leur Troïka à la crinière hémoglobine
galope avec ses hoplites cravatés Goldman Sachs
sur les paupières d’Ithaque qui bégayent la mer
les mains d’Ulysse sont vendues
aux doigts de leurs capitaux 

C’est au creux de la terre dans la caverne
qu’a retenti le premier oracle :
En voici du Abdul Hamid de l’Adolf Luftwaffe !
des oncles Churchill du rosbeef-pudding
et des Colonels barbelés !
de quoi jouer de la harpe avec les vertèbres d’Artémis

La mer Égée nage dans Apollon
sur un jardin de vagues qui se mord les lèvres
et Ulysse se souvient entre deux fusils
de ces îles qui naviguent dans des bottes de sang
Yaros Léros Ikaria dérivent
entre les reins frappés de la marée des orties
et les naufragés se rancissent toujours dans la déploration du monde tel qu’il meurt en chacun de nous
l’individu-cœur-poumon dans l’être-USB

Celui qui croyait au triple A et celui qui n’y croyait pas
la dette de la lumière court après la pistache financière
comme le crabe après sa reconstitution
la vache folle après le cheval-bœuf et le tiercé monétaire
C’est la crise de la dignité du poulpe et du tarama
et du sensible de la tête qui roule sur l’horizon
de la prise en main du poignet coupé
de la toux du soleil qui crache sa dette et ses caries
du pire et du meilleur qui ont rendez-vous chez le notaire
de la « bombe propre » et des « frappes chirurgicales »
qui déversent leur amour en habits de noce
des sans-papiers qui font les poubelles de la nuit
de la croissance zéro de la pétanque
et de la croissance négative du bilboquet

L’Ouzo court après ses glaçons qu’un sous-marin allemand fait déborder du verre de l’Europe
qui jongle avec ses labyrinthes en quête de Minotaure

La langue se nourrit de ce qu’elle absorbe
de bois comme de feu et des voleurs d’arcs-en-ciel
du désastre mondial de l’estomac qui frappe à la porte
de l’administration de ses tripes à la mode de Caen
de la soumission des regards en haillons
de la marchandisation des bretelles du Christ Adidas
qui joue du bouzouki avec la Vierge Nike

Ô Gaïa Ö Calypso !
la terre nous porte et cherche son nombril
la pierre très sainte l’Omphalos
le nombril ombreux
dans l’entrecuisse de la falaise de Delphes
arraché à ce qui fut lumière
où veille l’ensommeillé veilleur

La terre Omphale
peut à présent capturer l’homme
et l’oracle parle :


Crise de toutes les Crises
ma colique de l’économie néphrétique
mon expulsion gastrique comme tu es belle
amazonisée googleisée
tu es la plus belle de toutes les Crises et pire encore
twiterisée facebookée
tu es belle comme les hauts-fourneaux de Florange mastiquant de la gum Goodyear
tu es belle comme une délocalisation
qui est partout chez elle et nous dit adieu
tu es belle comme un homme politique français
qui ouvre un compte en Suisse et chante La Marseillaise
une catastrophe naturelle qui n’en est pas une
et qui se retire comme une banque
sur la pointe des pieds de la faillite

Apollon fait pivoter les sphères du cosmos
et l’oracle qui ne dit ni ne cache mais signifie
et l’oracle parle :

Crise j’écris ton nom
sur la Colère d’Achille avec le kérosène de l’Olympe
sur un pays soldé bradé éparpillé désossé comme Troie
qui déterre sa langue dans un cheval

J’écris ton nom sur tes yeux vidés d’Œdipe
sur l’amphore de Diogène qui s’envole par la fenêtre
sur l’olivier expulsé de son olive délocalisée en Chine
sur le solde de tout compte de Socrate et de la nausée
sur le revenu minimum du calamar
qui s’est taillé les veines avec l’huître de ses rêves
sur la rage de dents du mont Athos pendu à un sanglot
sur les vingt mille déportés de Makronissos
et sur Embiríkos
qui portent des montagnes de sueur sur leurs épaules
sur les chenilles des panzers de Madame Merkel
Qui parle ? Qui ne dit rien ?
celui dont la voix chante les machines à sous
le saumon pourri et les OGM de l’amour
et qui plonge en toi pour adorer ton vide
ou celui dont le sang est une émeute
et qui lève les mains vers le ciel pour déchirer le réel
que vont recoudre chaque nuit les prêtres de Wall Street
te rapporte la Pythie

Et je te salue peuple de la grécité
soleil de justice qui serre les dents de ses vignes
alors que les gants rouges des étoiles
caressent la pluie qui court après le laurier et l’olivier

Ici la lumière trouve son chemin
dans le thym et le romarin
la mer tangue dans le bol de Jason
et le pêcheur d’éponges
nage sur les lèvres brûlées de raki de l’été
dans la barbe de Yannis le camarade Rítsos
sur le front d’Anastassia la pasionaria Politi
sur les paupières de Nikos Bolivar
et de Simon Engonopoulos
qui sont beaux comme toi peuple grec

Grécité
le ciel rince l’azur des pierres de nos yeux
et l’oracle porte en elle la crypte lourde que l’azur allège
alors la Pythie te signifie :

Sur la zone € qui danse le zeibekiko de l’agora
avec la gamba-champagne
sur la zone € crise je bois un ouzo et j’écris ton nom
sur le bateau de l’armateur qui avale la mer
sur le coup de soleil du touriste All Inclusive
sur la barbe de l’Église orthodoxe des oursins
sur la pluie et le beau temps qui transpire sa casquette
sur la plage privée de la rigueur et du malheur
et sur l’acropole des oreilles de l’austérité
sur la tombée du jour à la langue de perroquet
et aux épaulettes de chouette

Sur la zone € crise
sur les ailes des abeilles licenciées de leur ruche
sur les passants et sur le dos des langoustes
crise j’écris ton nom qui est une brèche
dans laquelle je crie :

   RÊVE GÉNÉRAL !

qui est l’autre nom de la Révolte et de l’Amour.

Christophe DAUPHIN

(Poème extrait d'Un fanal pour le vivant, Les Hommes sans Epaules éditions, 2015).

*

Κριστόφ Ντοφέν[1]: ένας σύγχρονος φιλέλλην

Εισαγωγή: Νάνος Βαλαωρίτης

Ο Christophe Dauphin έχει μια φλόγα ασυνήθιστη πλέον στην εποχή μας, που συμπεριλαμβάνει ένα πάθος για την Ελλάδα και ονομάζεται αυθόρμητη έκφραση αισθημάτων. Κάτι τέτοιο έχουμε να ακούσουμε στην ελεύθερη, όπως την λέω, ποίηση, από τον καιρό του Apollinaire και του Jarry.

Ο Christophe Dauphin είναι ένας ποιητής που υμνεί την «μπουκάλα» όπως την παρουσιάζει στο τέλος του Πέμπτου Βιβλίου του ο Rabelais : « La dive bouteille vous y envoye, soyez vous memes interpretes de votre entreprinse. »

Σε αυτόν τον τόνο, τον ενθουσιώδη, ανοίγει μια νέα προοπτική για μια Ελλάδα που σπαράζει κάτω από τα ανελέητα κτυπήματα της ευρωπαϊκής οικονομικής ελίτ.

Μας τείνει μια χείρα βοηθείας όπως θα έκαναν στην επαναστατημένη Ελλάδα ο Victor Hugo και ο Eugène Delacroix και πολλοί άλλοι φιλέλληνες.

Αυτό το ποίημα, Οι χρησμοί του ούζου, είναι αφιερωμένο σε μια Ελλάδα πάλι σκλαβωμένη με τα άρρητα δεσμά του οικονομικού κυνισμού.

Μετάφραση: Φωτεινή Παπαρήγα

 

« Chez Christophe Dauphin, il y a une flamme inhabituelle de nos jours, qui contient une passion, dans son poème « Les oracles de l'ouzo », pour la Grèce, que l’on appelle : expression spontanée des sentiments. Nous n'avons rien entendu de pareil depuis Apollinaire et Jarry.

Christophe Dauphin est un poète qui glorifie la « bouteille » comme la met en valeur Rabelais à la fin de son Cinquième livre :« La dive bouteille vous y envoye, soyez vous memes interpretes de votre entreprinse. »

Sur un ton exalté se présente une nouvelle perspective pour la Grèce déchirée par les coups féroces des élites économiques européennes. Christophe Dauphin nous tend la main comme le firent Victor Hugo, Eugène Delacroix et bien d'autres philhellènes français, vers la Grèce révolté.

Ce poème, « Les oracles de l'ouzo », est dédié à la Grèce de nouveau assujettie aux liens inextricables du cynisme économique. »

Nanos VALAORITIS

(in revue Eneken, Thessalonique, Grèce, août 2017. texte traduit du grec par Photini Papariga).

 

*

 

Οι χρησμοί του ούζου

(Ρεμπέτικο)

 

«Για μένα αυτό ήτανε το ρεμπέτικο: ατμόσφαιρα όσο και τραγούδι, σιωπηλα πρόσωπα σημαδεμένα από τους χορούς όσο και κραυγές, μυρουδιές μπερδεμένες με ρετσίνα, με ούζο, πριγιονίδι κάτω από το τραπέζι, σβησμένα αποτσίγαρα.»

Jacques Lacarrière, (στο Ελληνικό Καλοκαίρι, μετ. Ιωάννα Δ. Χατζηνικολή, 8η έκδοση, εκδ. Χατζηνικολή, 1980, σελ. 285)

 

στον Νάνο Βαλαωρίτη, τον Αλέκο Φασιανό και την Αναστασία Πολίτη

 

Σαν πουλί που πετά ψηλά ο ύπνος αρπάζει φωτιά

στο άστρο του ο κοιμώμενος φλερτάρει με τον θάνατο

η νύχτα αποκοιμιέται ψιθυρίζοντας στις πέτρες

 

Και τότε το παραλήρημα βγάζει μια κραυγή

ο λαιμός γέρνει όπως τα βουνά

ο Διόνυσος τρυπώνει στη σπονδυλική μου στήλη στις λέξεις μου

ο Διόνυσος δε λείπει ποτέ από τη μέθη

κραυγαλέοι ήλιοι ανάβουν μια πυρκαγιά

που δε σβήνει που δε δαγκώνει τους στίχους

και τους πνίγει στο σκοτεινό κρασί

 

Κι ενώ η βροχή σκουριάζει τη νύχτα

κι ενώ ένας κόσμος με τα όνειρά του ξεφτισμένα

καταρρέει στην άκρη της αγχόνης

 

Να σου κι εμφανίστηκε η εποχή των λεηλατών

γλώσσα τεχνοκρατική γλώσσα απ’ατσάλι

αόρατοι κλέφτες επιβουλεύονται τους καρπούς της αυγής

αόρατοι κλέφτες ψαχουλεύουν τις τσέπες της ζωής

ήρθαν οι βάρβαροι σήμερα

 

κάτι τρέμει μέσα μου μέσα μας και πεθαίνει

Ποιους νόμους θα έφτιαχναν οι Συγκλητικοί;

τους νόμους τους ανέλαβαν οι βάρβαροι όταν ήρθαν.

 

Ο Πειραιάς πουλήθηκε στη δημοπρασία

όσο να πιεις τρία τσίπουρα και δύο Μεταξά

παραχαράκτες έπαιξαν στα ζάρια

μαζί με την τράπεζα των Κυκλάδων

τα μάτια του Ομήρου και το πλοίο των Αργοναυτών

 

Της Τρόικάς τους τ’άλογο με την αιμοσφαίρινη χαίτη καλπάζει

παρέα με τους γραβατωμένους οπλίτες της Goldman Sachs

στα βλέφαρα της Ιθάκης που τραυλίζουν τη θάλασσα

τα χέρια του Οδυσσέα πουλήθηκαν

στα δάκτυλα των κεφαλαίων τους.

 

Στη σπηλιά μες στην κοιλιά της γης

ακούστηκε ο πρώτος χρησμός:

Ιδού ο Αμπντούλ Χαμίντ ο Άντολφ Λούφτβαφε!

οι θείοι Τσώρτσιλ η πουτίγκα-ροζμπίφ

και οι Στρατηγοί με τα συρματοπλέγματά τους!

να παίζουν άρπα με τους σπόνδυλους της Άρτεμης

 

Το Αιγαίο Πέλαγος πλέει στο φως του Απόλλωνα

πάνω σε ένα κήπο από κυματάκια που δαγκώνουν τα χείλη

ο Οδυσσέας θυμάται ανάμεσα σε δύο ντουφέκια

τα νησιά που βυθίστηκαν μέσα σ’αρβύλες αίματος

η Γιάρος, η Λέρος, η Ικαρία παραπαίουν

από τα χτυπήματα της τσουκνιδοπλημμύρας στα πλευρά

όλοι οι ναυαγοί πεθαίνουν μοιρολογώντας

 

ετούτον τον ντουνιά που σκοτώνει εντός μας

το άτομο καρδιά και πνεύμονες στην USBύπαρξη

Πιστεύεις δεν πιστεύεις στο τριπλό Α

το χρέος του φωτός τρέχει πίσω από το οικονομικό φιστίκι

όπως ο κάβουρας πίσω από την αποκατάστασή του

ή η τρελή αγελάδα πίσω από το μοσχαρίσιο άλογο και τη νομισματική τριάδα

 

Στον ορίζοντα είναι ορατή πλέον η κρίση αξιοπρέπειας

του χταποδιού και του ταραμά και της εγκεφαλικής ευαισθησίας

της χειραφέτησης της κομμένης παλάμης

του βήχα του ήλιου που φτύνει χρέος και τερηδόνα

των χειρόνων και των κρεισσόνων που έχουν ραντεβού με τον συμβολαιογράφο

της «καθαρής βόμβας» και της «χειρουργικής επέμβασης»

που σκορπίζουν την αγάπη τους με νυφιάτικα ρούχα

των παράνομων μεταναστών που ψάχνουν σκουπίδια τη νύχτα

της μηδενικής ανάπτυξης της pétanque

και της αρνητικής ανάπτυξης του βιλβοκέτου

 

Το ούζο τρέχει πίσω από τα παγάκια του που χάρη σε ένα γερμανικό υποβρύχιο πέφτουν έξω από το ποτήρι της Ευρώπης

ενώ εκείνη κάνει ασκήσεις επιδεξιότητας με τους λαβυρίνθους της

αναζητώντας τον Μινώταυρου

 

Η γλώσσα με τα πάντα που απορροφά

με ξύλο με φωτιά και με κλέφτες ουρανίων τόξων

με την παγκόσμια καταστροφή του στομάχου που κτυπά στην πόρτα

με τη διοίκηση των εντοσθίων της αλά Κάιν

με την υποταγή των κουρελιασμένων βλεμμάτων

με την εμπορευματοποίηση του τρίριγου Χριστού Adidas

που παίζει μπουζούκι με την Παρθένο Nike

 

Ω Γαία ω Καλυψώ

η γη μας εγκυμονεί και αναζητά τον αφαλό της

την πανάγια πέτρα τον Ομφαλό

το σκοτεινό αφαλό

στη χαραμάδα του βράχου των Δελφών

που έχει αποσπασθεί απ’ αυτό που εγένετο Φως

όπου ξαγρυπνά ο κοιμισμένος φύλακας

 

Η γη του Ομφαλού

μπορεί τώρα να συλλάβει τον άνθρωπο

και ο χρησμός ομιλεί:

Κρίση όλων των Κρίσεων

της νεφρικής μου οικονομίας κολικέ μου

γαστρική μου απέλαση τι όμορφη που είσαι

αμαζονοποιημένη γκουγκλαρισμένη

είσαι η ωραιοτέρα όλων των Κρίσεων και ακόμη πιο πολύ

τουιταρισμένη και φεισμπουκαρισμένη

είσαι ωραία όπως οι υψικάμινοι της Florange

που μασουλάνε ελαστικά Goodyear

είσαι ωραία όπως μια μεταφορά επιχείρησης

που παντού γι’ αυτήν η γης είναι πατρίς και μας αποχαιρετά

είσαι ωραία όπως ένας γάλλος πολιτικός

που ανοίγει λογαριασμούς στην Ελβετία τραγουδώντας

τη Μασσαλιώτιδα

και μια φυσική καταστροφή που δεν πάει πουθενά μόνη της 

και που αποσύρεται όπως οι τράπεζες

στις μύτες των ποδιών της χρεοκοπίας

 

Ο Απόλλων περιστρέφει τις σφαίρες του σύμπαντος

και ο χρησμός που ούτε λέει κι ούτε κρύβει αλλά σημαίνει

αυτός ο χρησμός μιλά:

 

Κρίση γράφω το όνομά σου

πάνω στη Μήνι του Αχιλλέα με την κηροζίνη του Ολύμπου

πάνω σε μια χώρα πουλημένη, ξεπουλημένη, διαμελισμένη, ξεκοκαλισμένη όπως η Τροία που ξεθάβει τη γλώσσα της

μέσα από ένα άλογο

 

Γράφω το όνομά σου πάνω στα βγαλμένα μάτια του Οιδίποδα

πάνω στον αμφορέα του Διογένη που φεύγει από το παράθυρο πετώντσς

πάνω στην ελιά που απελάθηκε από τον καρπό της και μεταφέρθηκε στην Κίνα

πάνω στην έκπτωση κάθε λογαριασμού του Σωκράτη και της ναυτίας

πάνω στο ελάχιστο εισόδημα του καλαμαριού

του οποίου οι φλέβες πήραν το σχήμα του στρειδιού των ονείρων του

πάνω στη λύσσα των δοντιών του Αγίου Όρους που κρέμεται από ένα λυγμό

πάνω στους είκοσι χιλιάδες εξόριστους της Μακρονήσου

και πάνω στους Εμπειρίκους

που κουβαλούν βουνά ιδρώτα στους ώμους τους

πάνω στους αστραγάλους των τανκς της Κυρά-Μέρκελ

Ποιος μιλά; Ποιος δε λέει κάτι;

εκείνος που η φωνή του υμνεί χρηματομηχανές

μολυσμένους σολομούς και μεταλλαγμένες αγάπες

και βυθίζεται μέσα σου για να λατρέψει το κενό σου

ή εκείνος που το αίμα είναι μια εξέγερση

και σηκώνει τα χέρια στον ουρανό και ξεσκίζει τα πραγματικά

για να έρχονται κάθε βράδυ οι ιερείς της Wall Street να τα μπαλώνουν

σου αναφέρει η Πυθία

 

Και σε χαιρετώ λαέ της ελληνικότητας

ήλιε της δικαιοσύνης που σφίγγει τα δόντια στα αμπέλια

όσο τα κόκκινα γάντια των αστεριών

χαϊδεύουν τη βροχή που τρέχει πίσω από τη δάφνη και την ελιά

 

Εδώ το φως βρίσκει μέσα

από θυμάρια και ρίγανες τον δρόμο του

η θάλασσα κουνιέται μες στο βάζο του Ιάσονα

κι ο σπογγαλιέας

κολυμπά πάνω στα χείλη του καλοκαιριού καμένα από το ρακί

στη γενειάδα του συντρόφου Γιάννη Ρίτσου

στο μέτωπο της πασιονάριας Αναστασίας Πολίτη

στα βλέφαρα του Νίκου Μπολιβάρ

και του Σίμωνα Εγγονόπουλου

που είναι ωραίοι όπως εσύ ελληνικέ λαέ

 

Ελληνικότητα

ο ουρανός ξεπλένει το κυανό από τις πέτρες των ματιών μας

και ο χρησμός φέρει εντός του τη βαριά κρύπτη που το κυανό ελαφρώνει και τότε η Πυθία σημαίνει:

 

Στη ζώνη του Ευρώ που χορεύει το ζεϊμπέκικο της αγοράς

με γαριδοσαμπάνια

στη ζώνη του Ευρώ πίνω ένα ούζο και γράφω το όνομά σου

πάνω στο πλοίο του εφοπλιστή που καταπίνει τη θάλασσα

πάνω στο μαύρισμα του τουρίστα με πακέτο προσφοράς

πάνω στα γένια της ορθόδοξης Εκκλησίας των αχινών

πάνω στη βροχή και την καλοκαιρία που μουσκεύει το καπέλο της

πάνω στην ιδιωτική παραλία των αυστηρών μέτρων και της δυστυχίας

και πάνω στην ακρόπολη των αυτιών της λιτότητας

πάνω στο απόβραδο όμοιο με  γλώσσα παπαγάλου

και ώμους κουκουβάγιας

 

Πάνω στη ζώνη της κρίσης του Ευρώ

πάνω στα φτερά των μελισσών που εκδιώχθηκαν από την κυψέλη τους

πάνω στους περαστικούς και πάνω στη ράχη των αστακών

κρίση γράφω το όνομά σου που είναι μια ρωγμή

μέσα στην οποία φωνάζω:

 

                                                                ΓΕΝΙΚΟ ΟΝΕΙΡΟ!

που είναι το άλλο όνομα της Επανάστασης και της Αγάπης.

 

 

Christophe DAUPHIN

(Poème extrait d'Un fanal pour le vivant, Les Hommes sans Epaules éditions, 2015).

Poème traduit du français par Photini PAPARIGA (in Revue Eneken, Thessalonique, septembre 2017).


[1]    Ο Κριστόφ Ντοφέν είναι γάλλος ποιητής, κριτικός λογοτεχνίας, δοκιμιογράφος, Γενικός Γραμματέας της Ακαδημίας Mallarmé και διευθυντής του γαλλικού λογοτεχνικού περιοδικού Les Hommes sans épaules.


Lectures

« Chez Christophe Dauphin, il y a une flamme inhabituelle de nos jours, qui contient une passion, dans son poème « Les oracles de l'ouzo », pour la Grèce, que l’on appelle : expression spontanée des sentiments. Nous n'avons rien entendu de pareil depuis Apollinaire et Jarry.

Christophe Dauphin est un poète qui glorifie la « bouteille » comme la met en valeur Rabelais à la fin de son Cinquième livre :« La dive bouteille vous y envoye, soyez vous memes interpretes de votre entreprinse. »

Sur un ton exalté se présente une nouvelle perspective pour la Grèce déchirée par les coups féroces des élites économiques européennes. Christophe Dauphin nous tend la main comme le firent Victor Hugo, Eugène Delacroix et bien d'autres philhellènes français, vers la Grèce révolté.

Ce poème, « Les oracles de l'ouzo », est dédié à la Grèce de nouveau assujettie aux liens inextricables du cynisme économique. »  

Nanos VALAORITIS (in revue Eneken, Thessalonique, Grèce, août 2017).

*

" Ce « fanal », ensemble de poèmes très écrits, est bien l’éloge de ce que le vin, son entourage peuvent donner de plus beau. Le livre offre au lecteur, bien vivant, de très longs poèmes, chaque fois ancrés humainement et géographiquement. Ainsi, les nombreux dédicataires des textes ont un lien privilégié avec le poète voyageur, amateur de crus, qui, avec lyrisme et ferveur, à l’aide de métaphores parfois solennelles à l’adresse des lieux et des gens, au fil des rencontres dont il tire parti, sème de belles descriptions à l’usage des amateurs des régions de France et d’ailleurs, de leurs vins, et ce, par une traversée des vignobles, des divers cépages (« Cahors/ des tanins longs et concentrés ») et de l’histoire. Un peu comme l’eussent fait autrefois Cendrars et Thiry ou Goffin, pour insérer le banal, l’anecdote, le moderne, l’usage nouveau dans le poème. Ici, « la poésie roule plein gaz sur l’autoroute ».

Oui, il faut vivre et se donner le goût d’apprécier « la langue » qui « se nourrit de ce qu’elle absorbe », de  moderne, passé, anecdotique etc.

L’exotisme, ainsi, n’est pas absent : « Le téquila se boit dans une ville-monde / au manteau de bidonvilles/ dont les trottoirs se recouvrent de paupières »

Rien de paradoxal pourtant à voir, dans cette célébration de la vie et de la vigne, quelques « tombeaux » à l’adresse des poètes, d’anonymes.

Célébration mais avant tout du vin, que Dauphin décline selon des variations en « cette Côte-Rôtie de belle terre et de pluie » ou en « c’est le pays de Saint-Chinian/ des fruits noirs et des parfums de garrigue/ qui fusent sur les réglisses comme tram sur la mer ».

Mais avant tout, dire, la mer, le soleil sur Londres, l’amitié des gens, des lieux, de tous les proches (A. Breton).

« Un fanal », c’est de la poésie qui a de la chair, de l’étoffe, de la matière. Quelque chose de grenu : on sent le poète plus versé pour décrire le monde qu’à densifier ses élans. Ses poèmes, donc, prennent le temps, s’arrogent la féconde langue des métaphores et la pâte heureuse des beaux termes poétiques.

Le lecteur sans cesse est sollicité : les invites, les apostrophes, les conseils sont nombreux (« Buvons ce vin aux tanins frais/ pas de trêve pour la soif »).

Comme dans plusieurs recueils antérieurs, Dauphin use des mots-métaphores avec trait d’union, tels que « épée-rasoir »…

Nourri de culture, de références littéraires et autres (terroir, tradition), le livre sait aller du côté du « pays de Joë Bousquet », l’ermite contraint de Carcassonne, dont le « vin » cathare « a la robe intense.

Tout le livre propose de belles trouvailles de rythme  (ce que facilitent les anaphores et la longueur de nombre de poèmes) et des blasons :

Dans « Vau de vire des falaises », par exemple :

 « Paupières d’ardoise et d’écume
  Dieppe fait rouler ses falaises
  Dans le fond de tes poches trouées »

Un très long texte, trois pages, au titre « Poète assis au bord du Danube », déroule thèmes de soi et hommage aux autres poètes, tel cet Attila Josef, dont la « nuque » fut traversée de balles.

Aussi, le livre est-il fécond pour faire sentir la fraternité et le vin s’offrir en partage.

« Ce vin dont le ciel est l’enclume » m’a fait tout de suite penser (effet intertextuel ou de connivence) à Bousquet et son « le fruit dont l’ombre est la saveur ».

Les bonheurs d’écrire abondent : « Lausanne s’enivre de chasselas/ et de solitude ».

Je suis sûr que Pirotte eût aimé ce catalogue de vers(verres) / à boire.

Bon vin, Dauphin, dirai-je tout simplement. "

Philippe LEUCKX (cf. "Critiques" in www.recoursaupoeme.fr, décembre 2016).

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«  Un fanal pour le vivant, poèmes décantés de Christophe Dauphin, Editions Les Hommes sans Epaules. Christophe Dauphin est une personnalité majeure du monde de la poésie. Essayiste, critique, éditeur, directeur de revue, il est avant tout un véritable poète c’est-à-dire un homme total. Le poète est celui qui porte sur le monde ce regard intransigeant qui fouille les entrailles de l’émotion comme du songe.

La poésie décantée de Christophe Dauphin est engagée. Elle s’engage et engage le lecteur très profondément dans les replis sombres ou lumineux de la psyché. C’est une poésie de la révolte. Le passant ordinaire devient corsaire de la liberté pour voguer sur une intimité ensanglantée. C’est le vent des mots qui sauve du vulgaire. Beaucoup de ces poèmes sont des cris.

Voici une poésie éveillante faite d’abordages et d’attaques intempestives. Des vivres pour ravitailler les habitants de l’Île des poètes, l’une des Îles des immortels bannis.
 
Christophe Dauphin, d’un continent à l’autre, voyageur des corps et des âmes déchirés, explore le continuum de la douleur. Il refuse de dormir. Il refuse de supporter l’insupportable. Vivant, il s’adresse aux vivants même quand il est trop tard.
 
Il ne s’agit pas de s’en laver les mains. Je dis et je retourne au banal. Non, l’amitié se construit, combattante ou distante du monde, elle est faite d’ivresse et de poésie. Face à l’impossibilité de ce monde-là, face à l’imposture permanente, il y a la posture rabelaisienne, le savoir et la joie. Le rire à en mourir. A plus haut sens. »

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 4 mars 2015).

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"Un fanal pour le vivant est le nouveau recueil de l'étonnant secrétaire général de l'Académie Mallarmé, et directeur de la revue désormais mythique, Les Hommes sans Epaules: Christophe Dauphin. J'oserais presque parler de poésie-essai, car j'y trouve des rappels de nouveaux classiques comme Ilarie Voronca, Marc Patin, Sarane Alexandrian ou André Breton, sinon d'autres que le poète analyse sans concessions mais avec la pure passion qui ne l'abandonne jamais, de quoi qu'il écrive ou parle. Un fanal pour le vivant, décanté comme le vin du Vau de Vire ou le Cognac de Camus, est plus qu'un recueil, presque un manifeste de toutes les tentatives de ce poète hors-norme et prêt à toutes les aventures des mots les plus signés, dans une oeuvre foisonnante et surtout vivante, jamais endormie, émotiviste selon lui."

Paul VAN MELLE (in Inédit Nouveau n°274, Belgique, mai/juin 2015).

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"Un fanal pour le vivant, c'est du Christophe Dauphin tout craché. Il faut lire "la ballade du salé", poème poignant et affectueux consacré à Alain Simon. Un livre où l'alcool roule grand train."

Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°62, juin 2015).

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"Je n’imaginais pas écrire une lettre ouverte aujourd’hui. Mais Jean-Pierre Thuillat me rappelle amicalement que je n’en ai pas écrit depuis longtemps pour la revue. Et comme je viens de consacrer une émission radio sur RCF (« Dieu écoute les poètes ») à Christophe Dauphin, j’ai pensé que je pourrais la prolonger ici, dans ce numéro 118 de "Friches".

Justement, commençons : Christophe Dauphin s’auto-proclames athée, parfois à grand renfort d’imageries surréaliste : il a écrit, par exemple, une charge violente contre et pour (« Thérèse, Cantate de l’Ange vagin », éditions Rafael de Surtis, 2006) celle que j’appelle « ma copine » : Thérèse Martin, plus connue sous le nom de sainte Thérèse de Lisieux et à laquelle j’ai, alors maire de Guyancourt, consacré une voie publique… parce qu’elle était aussi poète… Il est vrai que cette grande petite sainte est, comme Dauphin, Normande et que ce dernier porte en lui profondément ce que Léopold Sédar Senghor, dont il fut l’ami et par certains côtés le disciple, appela sa « normandité ». L’œuvre poétique de Christophe Dauphin y fait très souvent référence avec bonheur et il a même consacré une belle anthologie aux poètes en Normandie du XIe siècle à nos jours : « Riverains des falaises » (éditions clarisse, 2012).

A propos de l’anthologie, Dauphin, qui est un boulimique de la lecture et de l’écriture, a également publié « Les riverains du feu » (Le Nouvel Athanor, 2009), un ouvrage anthologique dédié aux poètes qu’il rassemble sous le vocable émotivisme ». Ce concept, qu’il développe et qu’il illustre de cinq cents pages et qui reprend des extraits de recueils de plus de deux cents poètes (!), est au cœur de sa pensée et son écriture.

Car si Christophe Dauphin s’insère dans une filiation surréaliste, ce n’est pas pour singer un mouvement disparu, mais au contraire pour en poursuivre l’esprit – dont il juge qu’il est toujours extrêmement vivant. Et il est vrai que ses poèmes brillent souvent d’un éclat surprenant grâce aux images dont il a le secret et qui laissent le lecteur pantois et admiratif devant leur inventivité et leur puissance. Dans son recueil, « Le gant perdu de l’imaginaire » (Le Nouvel Athanor, 2006), qui est un choix de poèmes écrits entre 1985 et 2006, on en trouve à toutes les pages, ainsi à la première :

« La lune a mis ses bretelles sur l’idée de beauté
Un train déraille dans la bouteille de la nuit
Il est temps de décapiter la pluie
D’égorger l’orage… »

Mais si j’ouvre ce beau recueil  à n’importe quelle autre page, je reconnais le poète prince de l’image, roi de la métaphore :

« Le sourire d’une femme est la lame de fond du regard
Debout entre trois océans »

Il faudrait aussi parler de son livre « Totems aux yeux de rasoirs » (éditions Librairie-Galerie Racine, 2010), préfacé par son ami Sarane Alexandrian, qui fut le très proche collaborateur d’André Breton et le directeur de la revue « Supérieur Inconnu », à laquelle dauphin collabora. Ou bien encore parler de ce gros ouvrage recueillant des poèmes, des notes, des aphorismes : « L’ombre que les loups emportent (Les Hommes sans Epaules éditions, 2012). Henri Rode surnomme Christophe Dauphin « l’ultime enfant du siècle et la fête promise ». C’est que, très tôt, dauphin a senti bouillonné en lui la poésie, indissociable de la révolte et de l’amour.

L’amour n’est d’ailleurs pour Dauphin pas loin de l’amitié à laquelle il sacrifie fidèlement notamment à travers la revue qu’il dirige : « Les Hommes sans Epaules », qui a d’ailleurs consacré une anthologie à ses collaborateurs de 1953 à 2013 sous le titre « Appel aux riverains » (Les Hommes sans Epaules éditions, 2013). A ce propos, il faudrait aussi évoquer son œuvre considérable de critique littéraire et de critique d’art. Dauphin a décidément une capacité de travail et de création qui, au sens propre, m’époustouflent !

Et comme il est encore jeune, bien que dans l’âge mûr, je lui souhaite de continuer ainsi avec la même vigueur et la même ferveur. Maintenant qu’il est devenu secrétaire général  de l’Académie Mallarmé, il n’en aura que plus de force pour défendre et illustrer la poésie contemporaine, et pour soutenir ses créateurs.

Fraternellement en notre diversité."

Roland NADAUS (cf. « Lettre ouverte à Christophe Dauphin », in revue Friches n°118, mai 2015).

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"Christophe Dauphin se sert du prétexte de diverses boissons alcoolisées et de différents vins pour faire appel à quelques poètes et autres célébrités (comme Joséphine Baker ou Léo Ferré) pour mieux se révolter contre l’ordre établi et ses injustices. Il renoue ainsi avec une tradition qui traverse la littérature française depuis Olivier Basselin et François Rabelais dont le « le vau de vire » du premier et l’ivresse chez le second ont été élevés au rang de métaphysique et de moyens de connaissance du réel. Et après ce parcours tant poétique qu’éthylique, Christophe Dauphin termine par ce mot qui sonne comme un coup de tocsin « Enivrez-vous ! ». Et par ce constat que la poésie n’est que la métaphore du vin (ou vice versa). Ses poèmes ont donc valeur de manifeste(s).

Ce n’est pas un hasard si le recueil s’ouvre sur une ode à l’ouzo qui se transforme rapidement en réquisitoire contre la politique européenne à l’égard de la Grèce : les technocrates unis contre la volonté d’un peuple. Technocrates et politiciens réunis par leurs trahisons ; l’exemple de la Grèce permet de dire ce qui se passe ailleurs (à propos de la crise) : « tu es belle comme les hauts-fourneaux de Florange / mastiquant de la gum Goodyear ». L’actualité du moment où j’écris ces lignes se retrouve dans ce vers « sur les chenilles des panzers de Madame Merckel ». Et ce n’est pas un hasard non plus si « Les oracles de l’ouzo » se termine par ce cri d’espoir « Rêve général ! » qui n’est pas sans rappeler ce beau titre de Pablo Neruda, « Le Chant général »…

Via le rhum, le whisky, le tequila, la bière ou, plus particuliers, le vin des côtes de Toul, le côteaux-du-layon, le chablis, le malbec, le montlouis, le champagne ou le saint-chinian (parmi d’autres) sont convoqués le surréalisme, l’anarchie, les poètes hongrois, Marc Patin, Jean Rousselot et bien d’autres. Et c’est à chaque fois l’occasion d’évocations d’événements historiques, du racisme, de la xénophobie, de la mort de l’amère Thatcher (qui nous vaut ces vers imprécatoires : « Dame de Fer, baronne de l’Enfer ! Rouille / rouille saloperie ! Que l’ordure aille aux ordures ! »), de l’assassinat du Che… Voilà qui explique l’engagement de Dauphin et qui donne sens à ces trois vers qui terminent « Poème ardéchois » (traversé par le souvenir de Jean Ferrat) : « Le jour est vide comme un verre / et le temps brûle comme une barricade / avec sa révolution licenciée par ses révolutionnaires. »

Mais Christophe Dauphin a aussi le culte de l’amitié et cultive le souvenir de ceux avec qui il a trinqué (du moins on se plaît à l’imaginer) : Guy Chambelland, Yves Martin, Jean et Alain Breton, Thérèse Plantier ou Jacques Simonomis qui sont, d’une certaine manière, à l’origine de ces vers émouvants : « Un Gewurz, un Riesling et un Singulier Grand ordinaire / c’était avant Jacques bien avant / que la tumeur ne ronge ton cri jusqu’à l’os » ou « Je suis seul et triste comme un con / avec Gabrieli et Meursault et toi… ». C’est peut-être là qu’il est le meilleur, peut-être... Le reste ne va pas sans quelques illusions : le Mexique est devenu l’arrière-cour des Yankees, la Hongrie s’est débarrassée de ses révolutionnaires d’opérette pour se donner au fascisme, les USA sont le pays de Guentanamo et toujours du racisme et du mépris pour les autres peuples… Christophe Dauphin, s’il rend hommage à des poètes comme Henri Rode, Alain Breton ou Paul Farellier, prêche pour sa paroisse (ce qui est normal) : « C’est un Lirac qui nous régalait là-bas / là où le Rhône émonde nos chants émotivistes / […] / ainsi sont les Hommes sans Épaules ainsi sont les Wah / buveurs de Lirac… » ; mais la poésie est diverse…

Que dire encore ? Qu’en cette époque où il ne faudrait boire que de l’eau, Christophe Dauphin est politiquement incorrect (ce qui est réjouissant), tant par ses préférences politiques, que par son éloge des boissons alcoolisées. Que le mot amitié revient souvent car ce recueil est celui de l’amitié qui n’est pas toujours nommée (mais alors on la devine), cette dernière coulant autour d’une table où les verres se remplissent… Que le temps est à relations intéressées… Que l’on ne prend jamais Christophe Dauphin en défaut sur la description des vins, que certains de ses poèmes comportent même des recettes (comme dans le poème intitulé « Asti »), que la fantaisie éclate dans la troisième strophe du « Vau de Vire du pauvre Lélian »  : « Est-elle brune blonde ou rousse ? Je l’ignore / mais la Belgique nous en offre plus de sept cents / […] / des îles de houblon glissent sous le vent trappiste »… Mais, il faut être sérieux avec l’objet de ses rêves, sachant que cet avertissement vaut autant pour le poète de « Un fanal pour le vivant » que pour le signataire de ces lignes…"

Lucien WASSELIN ("Chemins de lecture 2015" in revue-texture.fr, août 2015).

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"Ça bouge, ça danse, ça remue à profusion ! Il y a tant de matière à danser dans ce livre, il y a tant d’embryons, d’explosions, de longues et belles vies en chorégraphie que les lignes semblent la figure intrépide, les battements géants, les membres, la psyché multiprises d’un seul corps !

Lève-toi et danse ! Dévêts-toi de tes vêtements, de tes douleurs et désillusions, de ta mort, exalte la vie, le corps en transe, la primauté et l’infinitude du mouvement, comme David vêtu d’un simple pagne dansant devant l’arche d’alliance ! On dirait donc l’agencement, le rassemblement d’un seul être, transcendant, tumultueux, communautaire, où chaque poème, à tour de rôle, se lève, s’individualise, dit son histoire, son rêve, son essence, son origine, puis retrouve sa place au sein du corps dont il est solidaire. Et un autre à son tour se dresse, et un autre, et chaque effet individuel accroît l’effet général de rythme, de cadence, d’enivrement, d’allégresse qui doit autant à la réalité qu’à la prodigalité de l’auteur qui la met en texte. Je ne suis pas sûre (il s’en faut de beaucoup) de connaître le nom de tous ces vins, mais je suis sûre que Christophe Dauphin est un irremplaçable poète et que son ivresse de vivre nous promet encore de prodigieux lendemains.

Odile COHEN-ABBAS (in revue Les Hommes sans Epaules n°40, octobre 2015).

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"Voilà bien longtemps que la poésie avait oublié les voies des chansons à boire. Non que les poèmes de Christophe Dauphin soient réellement à chanter, mais ils sont une véritable invite à boire. Il n'oublie certes pas toute la poésie à redécouvrir, les parfums et les couleurs avec le vocabulaire ad hoc qui déjà fait chanter les âmes. Et en bon poète qu'il est, il n'a de cese de se référer aux autres poètes, de Villon à Baudelaire, et de chanter autre chose que le vin, le whisky ou le calvados. Il remet ainsi au goût du jour les "vaux-de-vire" ou "vaudevires", célèbres au XVIe siècle.

Le vin sait couler ma naissance mon nom mon ombre - et mes angoisses - qui me suivent à la trace loup aux crocs de vigne.

En n'oubliant pas que le vin peut crier contre les misères sociales partout dans le monde et particulièrement dans nos territoires d'outre-mer: contre la vie chère kont pwofitasyon."

Bernard FOURNIER (in revue Poésie/première n°62, octobre 2015).

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Son recueil, Un fanal pour le vivant, aurait pu s’appeler Alcools. Las, Apollinaire avait pris ce titre. Car Christophe Dauphin, né en 1968 en Normandie, écrit avec toutes sortes de breuvages, cidre, whisky, bière, Gigondas… Sa poésie est forte en goût, tonitrue, éclabousse, ou s’engourdit dans quelque rêverie… « Paupières d’ardoises et cils d’écume/Dieppe fait rouler ses falaises/dans le fond de tes poches trouées/d’où s’envolent des avions en bois. » Et ce constat qui ravira tous les dignes amateurs : « Nous sommes deux pour inventer le temps/dans un verre de mercurey. » À lire sans modération. L’avantage de la poésie est que son verre ne se vide jamais.

Philippe SIMON (in Ouest France, 15/16 octobre 2016).

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"Il incombe à Adrian Miatlev d’ouvrir la marche d’Un fanal pour le vivant, le dernier livre de poèmes de Christophe Dauphin, dont le titre est tiré d’un texte du grand poète lyonnais Roger Kowalski : Un vin rigoureux dissipe la pénombre, une lueur de cuivre sur la table, un fanal pour le vivant. Sous l’aile de ces deux aînés, Christophe Dauphin donne libre cours à ses envies, à ses passions, à ses excès de toutes sortes, qu’il gère par le biais de la poésie ; une poésie qui rappelle celle du cher vieux Cendrars. On est dans le ton. On vit les choses avant de les écrire. Tiens ! En parlant de « vit », il en est fortement question dans ce livre. Allez-y voir ! Ici, on boit du vin, du bon, du meilleur : un Pomerol, par exemple ! À la santé de Luis Buñuel, de son Los Olvidados et de bien d’autres.

Mais il n’y a pas que le vin dans la vie, ni de films en version originale. Christophe Dauphin est sensible à bien d’autres choses. D’aventures syntaxiques, de paris, de jeux frivoles et/ou graves ; il amasse, il emplit ses coffres de poèmes et d’objets hétéroclites, qui s’avèrent être sous sa plume des objets poétiques, des mots qui dérangent, qui interpellent.

Dans cet ouvrage, comme dans la plupart de ceux de Dauphin, le quotidien est sublimé. Le poète veut tout. Maintenant. Tout vivre et tout voir. Tout entendre, tout respirer. On est riche d’expériences, de gestes, d’émois. Christophe est le dauphin de l’Empire du surréel. Son esprit fourmille. La poésie : il aime ; la sienne et celle des autres.

Chez lui, chaque battement de cil est un poème.

Il faut goûter les textes d’Un fanal pour le vivant, pour apprécier les saveurs de la poésie qui se crée aujourd’hui. Ajoutons, qu’Un fanal pour le vivant s’est vu décerner le premier Prix Roger-Kowalski des Lycéens en 2015."

Jean CHATARD (in Les Hommes sans Epaules n°43, 2017).

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"Il était possible de s’en tenir à l’esprit, à la lettre féconde de ce grand livre sur l’éloge de la Vigne de Christophe Dauphin « Un fanal pour le vivant », de suivre le parcours, les trajectoires innombrables de ce vin identitaire au travers des mœurs, des régions du cœur, des pays. Et notre joie, notre surprise auraient été combles. Mais ce qui m’a encore voluptueusement, béatement, captivée dans cette épopée énergique, magistralement composite de l’ivresse, c’est celle qui l’exprime, et la façon insolite, toute nouvelle dont elle l’exprime : la bouche. La bouche éminente du poète.

Ici la bouche qui dit et la bouche qui boit est érotisée à l’extrême, la bouche duelle du verbe et de l’ingestion, s’étire, se meut, se transcende sans retour, se compose en un mode majeur et, dans une tension de suprême dilatement, s’unifie, jusqu’à faire du poème un concept organique quand le lieu du vin et le lieu du texte convergent. « La poésie crée la soif du poème et du corps -que mord le mot soleil -une femme se cambre comme un pont sur l’été - et la bouteille libère son fleuve »

La bouche maîtresse du poème de Christophe Dauphin est une bouche qui nous donne à baiser ses lettres mêlées au goût des vins et de leurs origines, mais aussi, écartelée de tous les appels du réel, une bouche qui s’ouvre toute, qui a sa demeure dans l’engagement, le serment et l’honneur, fondant sa mystique de dons concrets et d’échanges substantiels. Car cette bouche, ces lèvres dilatées ont ceci de particulier qu’elles sont à la fois forme et action. Beauté formelle qui se réalise dans l’espace, y trouve son règne plastique, et percées dans les mouvements du temps, les circonstances, les traumatismes historiques. « Tyrannie dans la maison que tu habites - et dans la clé qui la ferme - dans le sommeil et les saisons au visage inutile - dans l’enfant qui boit un fil de lait - dans la femme et le travail que tu as perdus - dans le flocon qui fait fondre les oiseaux - dans le poème que tu écris ou n’écris pas - dans le soleil qui donne froid dans le dos - dans la couleur de tes yeux et celle de ta peau - il y a tyrannie »

Cette bouche généreuse, qui semble sans fin s’ouvrir primitivement sur l’univers, comme rejouant son surgissement d’un moment fatidique, originel, prend tout, combine tout, transmute tout, incorpore les substances scripturaires à la flaveur des vins et de la salive : l’être, l’écrit, le dire, le cep, la vigne, les hommes, les poètes, les bourreaux, les victimes, soi-même, la mort, le désir. Portée dans son discours vivant aussi, témérairement, la mort insupportable de l’ami !  Je me suis demandé s’il y avait concoction, préméditation ? alchimiques à cette allégeance totale aux forces efficientes du langage, ce fracas d’armes verbales d’une efficace et d’un sensualisme envoûtants.

Mais non, chez Christophe Dauphin, tout vient d’un coup, à chaque instant. C’est son panache, sa joute ascendante ! Le meilleur ni le pire n’épuiseront jamais les atouts de sa langue. Sa bouche, ses fonctions linguale et linguistique sont des liqueurs laudatives. « La joie est dans toute chose, mais toute chose a besoin d’une autre chose, pour faire jaillir sa joie. La joie c’est ce visage, cette vigne et ces mains énormes de soleil, ces yeux où les regards tournent comme des insectes dans les trous d’un arbre, ces tempes, ces joues creusées par l’orage, ce corps de femme qui attend l’amour et dont le fleuve est un bras jeté en travers d’un pont, alors que l’autre tient haut dans l’air le bouquet des comètes, qui voyagent comme les tannins traversent l’aurore boréale, pour atteindre Braila, que le fleuve rejette comme un vieux marin triste contre l’épaule des Carpates ; »

Et le vin, mémoire intime, mémoire commune, mémoire historique (toutes consanguines), prendra toujours le pas sur l’ensevelissement, la finitude de l’autre mémoire, triomphe et grâces indemnes du souvenir ! Cependant, la lecture de « Un fanal pour le vivant », n’est pas une lecture paisible. De part en part de la texture poétique, l’extraordinaire émerge et déchire la trame, offrandes de mots, d’images, d’associations violentes et rares qui ont coupé leurs nœuds et leurs liens avec le terrestre, le sensé, le raisonnable. La bouche fait des voltes, entre dans les voies sarmenteuses du secret, du jamais énoncé, connait l’union sensuelle avec d’autres langages de sang, de vin, de pierre, d’eau et de feu. « Le Tequila se boit la tête dans un mur - qui déchire les veines coupe les voix - arrache les tripes des mots et divise - jusqu’à la mer éventrée qui rouille dans ses vagues - à Tijuana les projecteurs sont braqués sur la mort - par le yankee qui sonne la charge de 7e de cavalerie »

Ce qui me transforme au fur et à mesure de ma lecture, c’est le polymorphisme d’un authentique courage (et pas seulement un courage poétique), une puissance, une jouissance insurgées de vivre qui affrontent les phases les plus sordides et les plus sublimes de la réalité. Voici sa révolte, l’enrôlement du cœur qui exulte : « Margaret n’a plus une seule arête - et le genre humain se donne la main - pour sabrer cette cuvée Amour blanc de blanc - pour savourer son trépas - des notes florales de tilleul et de chèvrefeuille - qui crachent sur sa mémoire et son sang pourri - Battler Britton et Lord Byron crient : champagne ! » Et parce que l’ouvrage ne saurait, par essence, en rester sur une fin, ceci encore, volubilement amoureux, qui me fait tant sourire : « Qu’est-ce qu’on boit maintenant Alain Thibault - un Gasnier ou un Angeliaume ? -Une Vieille vigne 100% Cabernet Franc - une Vielle vigne de Cravant-les-Coteaux  - pardi ! »

Odile COHEN-ABBAS (in revue Les Hommes sans Epaules n°45, 2018).

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"Ces poèmes parcourent l'Europe pour célébrer le vin et la vigne, la richesse des terroirs et l'ivresse qui exalte les passions. "

Electre, Livres Hebdo, 2015.

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« Ce Vésuve qui marche en moi la nuit »

Christophe Dauphin

 

         On n'en finit/finirait pas de relever les bonheurs d'expression, les trouvailles, l'oeil surréaliste et inventif de l'auteur, à la lecture de ce Fanal pour le vivant, dont le sous-titre Poèmes décantés diffuse déjà un peu des effluves, des arômes corsés qui attendent le lecteur dès les premiers poèmes. La densité du livre ne se volatilise pas dans l'écoulement des pages. Il faut, consciemment, ou pas, se préparer à tendre souvent son verre. La soif du poète est communicative. Qui s'en plaindrait ?

         Livre ouvert, c'est souvent gargantuesque, ça porte une adresse verlainiene pour le pauvre Lélian, ça flatte ailleurs la chanterelle ou le bandonéon, ça trinque avec Jehan Rictus, ça enchante le gosier, tombe la veste/le cuir. Et souvent ça fait un bras d'honneur à la mort. Comme les toasts au champagne à la nouvelle du décès de Margareth Thatcher[1], dont la politique et le soutien affiché à un certain général chilien ont laissé leur traces dans les mémoires. La sentence pour celle qui n'aura su que se révéler indifférente, méprisante à ceux d'en bas, se mue, à juste titre, en hymne à la joie... et au champagne !

         Difficile de résister à l'élan de vie du bon buveur qu'est Christophe Dauphin, à l'enthousiasme de cet échanson, qui tient du maître de chais et qui le prouve à l'envie.

Mes dithyrambes de l'alambic/mes poèmes décantés des iles tanniques» C'est lui qui parle....Et qui ajoute La poésie crée la soif du poème et du corps/que mord le mot soleil/une femme se cambre comme un pont sur l'été/et la bouteille libère son fleuve. Ailleurs ce titre Il faut être ivre pour être vivant. Rappelons en passant que le personnage est un gilet jaune affirmé et qu'on a pu le voir, en bonne logique et bonne compagnie, sur les rond-points !

         Impossible non plus de ne pas lui tenir compagnie quand s'allonge l'insoutenable liste des amis passagers des voyages sans retour, avec lesquels les liens ne pouvaient être que fraternels et/ou teintés de respect. Parmi leurs noms qui s'allument dans le texte, figurent Albert Ayguesparse, Guy Chambelland, Jean Breton, Jean Rousselot, Illyes et Gara, Sarane Alexandrian, Jacques et Yvette Simonomis, (Jacques auquel le recours à l'argot fait penser) Marc Patin, Yves Martin, Alain Thibaut, Ilarie Voronca, Jean Sénac, Mouloud Feraoun, Jacques Taurand, etc, etc … Les poèmes alors sont chargés d'une tendresse réelle. Dauphin est un authentique adepte de la fraternité humaine, dont le pendant peut se révéler être une férocité justifiée, défensive. [2]  

         Le personnage  n'est pas épargné non plus par les plongées en abîme Ce vin c'est une cure de sommeil sur la rampe du coma/c'est le cru de l'oubli/ de l'homme qui boit/de l'homme que personne ne voit/qui apaise sa douleur dans la soif. Ou ailleurs Une corde est accrochée à une poutre//Les wagons  s'enfoncent dans la  nuit-Krisztina/et dans chaque compartiment/on dort dans le  verrou de la mort.

Sans oublier Ici rien ne chante/que les fonderies dans l'oracle du fer/et des oiseaux en fusion s'envolent/comme des cloches qui sonnent le glas.

         Christophe Dauphin, il tient la barre en bon Viking est un voyageur qui n'aura pas seulement voyagé autour de sa chambre, un voyageur qui salue, ce n'est pas contradictoire, Joë Bousquet, grand paralysé de guerre. Il a écrit (et bu, comment non ?) en Amérique Latine, (Chili, Mexique notamment) Lèche ta peau entre le pouce et l'index/le mot et la vie et bois le Tequila/qui nage dans l'agave et brille d'azur dans nos gouffres/au bord de l'aile et de l'abîme...Il a séjourné aux Etats-Unis C'est un whisky [3]que le blues distille/dans la nuit du lézard qui déboutonne le désert/sous les paupières ensevelies du sommeil. Son poème garde vivant le sang de son passage dans plusieurs pays d'Europe (et pas seulement le sang de la vigne). Et il ne maque pas d'appétit pour les dépaysements, les changements d'horizons qui fertilisent l'écriture, tordent le cou aux habitudes.

         Ce fanal pour le vivant illumine les ivresses, adoucit les angoisses. Comment ne pas être tenté de remettre une tournée porteuse d'autant d'arômes ?

Gérard Cléry (in revue Concerto pour marées et silence n°16, 2023).


[1]    Requiem pour une dame de fer, page 60

[2]    Soleil d'Agave, page 20

[3]    Le blues de la nuit californienne, page 34

Gérard CLERY (in revue Concerto pour marées est silence, 2023).