Dans la presse

 

Tri par numéro de revue
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Lectures critiques :

Tchicaya U TAM’SI dans Les Hommes sans Épaules : ce cri superbe qui déchire la bêtise de notre époque.

C’est un numéro exceptionnel que nous offre Christophe Dauphin dans lequel nous retrouvons Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Patrice Lumumba, Tchicaya U TAM’SI, Jacques Rabemananjara, Nimrod et de nombreux autres penseurs et poètes. Au cœur de ce livre, l’invention de la « race » et la cascade de souffrances qui en découle.

« J’ai découvert, nous dit René Depestre en introduction, du point de vue sémantique, d’où venait le mot « race ». C’est à l’origine un terme de vénerie qu’on n’employait pas à propos des hommes. : il y a eu une extension : on l’a appliqué aux hommes, à une époque où il y avait une manie de classifier, légitime dans les sciences naturelles avec Linné, Buffon et tous les autres savants du XVIIIème siècle. Mais on a voulu aussi classifier les hommes, au point de voir des « Rouges » ici, là des « Noirs », des « Blancs » : tout cela relevait de la pure fantaisie. J’ai fait le rapprochement avec le carnaval. Un beau jour on a décidé que certains étaient des « Indiens », que les autres étaient des « Noirs », que c’était une façon générique de simplifier cavalièrement les choses. Sion devait tenir compte de chaque ethnie africaine et des religions, on n’en sortait pas. Donc, on avait en face de soi le « Noir » : c’était aussi une façon de discréditer, de diminuer l’être qu’on opprimait. C’est une tentation diabolique qui est venue à l’esprit des colonisateurs d’ajouter ce malheur à tous les autres malheurs de la colonisation et de l’esclavage… »

Beaucoup de noms présents dans ces pages sont inconnus de la majorité d’entre nous. Tous portent une parole puissante et bénéficient d’un portrait suffisamment développé pour que leurs paroles ne soient pas qu’une émanation sans chair. Tout au contraire, l’histoire de ces poètes, qui sont autant de grands témoins, rend la parole manifeste.

Le dossier est consacré à Tchicaya U Tam’si, « le poète écorché du fleuve Congo », « fils révolté » de Senghor, plutôt que disciple, nous dit Christophe Dauphin. Tchicaya U Tam’si cherche à balayer préjugés et illusions. Il ne veut rien laisser auquel se raccrocher afin de laisser la possibilité de se construire hors des adhérences. Il a cru cependant en Patrice Lumumba. Nous connaissons la suite.

Tchicaya U Tam’si propose une contre-histoire de l’Afrique, contribution à une identité africaine, n’hésitant pas pour cela à faire éclater les identités factices nées de la colonisation.

« Son lyrisme étincelant et tragique, écrit Christophe Dauphin, est avant tout une quête passionnée et perpétuelle de l’identité. Un cri bouleversant. En rupture avec la poésie de la négritude, il propose des poèmes éclatés, à la syntaxe désarticulée, travaillés par des ruptures de tons, de collages baroques, qui juxtaposent le prosaïque et le sublime, provoquant ainsi une tension, qui, à son tour, provoque l’intranquillité du lecteur. »

 

Place au poème :

 

Natte à Tisser

 

Il venait de livrer le secret du soleil

et voulut écrire le poème de sa vie

pourquoi les cristaux dans son sang

pourquoi les globules dans son rire

il avait l’âme mûre

quand quelqu’un lui cria

sale tête de nègre

depuis il lui reste l’acte suave de son rire

et l’arbre géant d’une déchirure vive

qu’était ce pays qu’il habite en fauve

derrière des fauves devant derrière des fauves

 

Nous ne pouvons rendre compte de la richesse et de l’importance, quasi vitale, de ce numéro. Insistons simplement sur la nécessité de se procurer ce cri superbe qui déchire la bêtise de notre époque.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 24 octobre 2022).

*

« La race est un carnaval ». C’est ce qu’écrit René Depestre dans son intro au n°54 de Les Hommes sans Épaules. il prend son pays comme exemple pour expliquer « la couleur de peau est un masque » auquel la société du moment nous astreint (même si certains sont plus astreints que d’autres). En Haïti, suivant le dictateur, on sera ostracisé selon que l’on tire plus sur le blanc ou plus sur le noir. Il poursuit : « J’ai toujours été très attaché à Césaire, même quand j’avais des réserves sur la « négritude » parce que je craignais qu’en partant d’une idéologie qui met l’accent sur la race… Il y aavit un risque qu’un aventurier s’en empare et en fasse un intégrisme… »

 

Outre Léopold Sédar Senghor (portrait par Christophe Dauphin, les souvenirs de son ami Aimé Césaire, poèmes choisis), ce n°54 de Les Hommes sans Épaules, est consacré à la poésie francophone d’Afrique, de Madagascar (avec un rappel des ignominies et des horreurs commises par le capitalisme colonial au nom de la France).

 

Donc aux précurseurs David Diop, Lamine Diakhaté (« Je ferai le voyage par ls routes anciennes – le père de Grand-père était maître de science – Il asséchait mers et fleuves – Il pliait les routes à l’ombre – De son aisselle droite…, 1963), J.-B. Tati-Loutard (« Baobab ! je suis venu replanter mon être près de toi – Et râcler mes racines à tes racines d’ancêtre…, 1968), Marc Rombaut, Breyten Breytenbach, Yambo Ouologuem (le héros du Goncourt de Mohammed Mbougar Sarr), Valentin-Yves Mudimbé, Amadou Lamine Sall (« Mon pays m’est un baobab nocturne – une herbe noire une fleur froide – un fruit anémique une terre agenouillée…, inédit), Jacques Rabemamanjara  (« Mais ce soir la mitrailleuse – racle le ventre du sommeil – La mort rôde – parmi les champs lunaires des lys – La grande nuit de la terre – Madagascar… »).

 

Et aussi un gros dossier consacré à Tchicaya U Tam’si : les relations Léopold Sédar Senghor / Jean-Félix Tchicaya (le père du poète) et suivant les relations Léopold Sédar Senghor / Tchicaya U Tam’si racontées par Nimrod, une présentation conséquente, enthousiaste en minitieuse (comme toujours) par Christophe Dauphin, la reprise d’un entretien Tchicaya U Tam’si / Jean Breton. « J. B. : Vous êtes un oiseleur. c’est à flot que els images s’envolent de vos poèmes. T. U. : En ce moment, j’écris moins parce que j’ai tendance à être moraliste : ça me gêne » ;

 

et une belle volée de poèmes : « Il venait de livrer le secret du soleil – et voulut écrire le poème de  sa vie – pourquoi les cristaux de son sang – pourquoi les globules de son rire – il avait l’âme mûre – quand quelqu’un lui cria – sale tête de nègre… » Et la francophonie d’aujourd’hui pour clore ce super-riche numéro : Nimrod, Abdourahman Wabéri, Jean-Luc Raharimanana, patrice Nganang et Alain Mabanckou : « Choisis tes mots – N’emprunte pas ceux des autres – L’indépendance commence – Par le choix – Et s’arrête avec l’adhésion ». Et bien d’autres trucs encore…

 

Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°192, 2023).




2006 - À propos du numéro 22

    « … C’est Christophe Dauphin, un fidèle, qui, lui ayant consacré déjà un ouvrage important, Jean Breton ou la poésie pour vivre, récidive avec un numéro spécial de la revue (HSE n°22), qu’il intitule Jean Breton ou le soleil à hauteur d’homme. Ce poète, également animateur, valait comme tant d’autres ce genre d’efforts. Dauphin d’ailleurs est coutumier du fait et a rendu ce service à Marc Patin, Sarane Alexandrian et Jacques Simonomis. Je souhaite à tous les modestes de tels amis, pour que vivent les poètes disparus dans la mémoire des générations suivantes. Mais il faut avouer que c’est infiniment rare et que s’il existe des fidèles, ils ne sont pas toujours des essayistes. Les pauvres poètes souffrent… »
    Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°213, juin/août 2007).

    « Christophe Dauphin rend un bel et sérieux hommage à Jean Breton (HSE n°22), fondateur des Hommes sans Épaules et figure de la poésie française des années soixante, soixante-dix, « poète intransigeant et d’une fidélité exemplaire à ses idées »… Christophe Dauphin rappelle le cheminement du poète venant du surréalisme, écrivant des romans érotiques et de nombreuses notes critiques. »
    Bernard Fournier (Aujourd’hui poème n°83, septembre 2007).

    « Dans le numéro 38 de Rimbaud Revue, Christophe Dauphin donnait un large texte (suivi d’un choix de poèmes) pour célébrer Jean Breton qui est mort l’an dernier. Dans les Hommes sans Épaules n°22, il développe ce même texte et propose une large anthologie de poèmes, les deux parties étant séparées par un cahier de photos. Je ne reviens pas sur l’action éditoriale de Jean Breton (voir Verso précédent) ; je ne m’attarde pas sur sa vie d’homme (Ch. Dauphin par ce biais explique bien des versants de la poésie de Jean Breton), je reprends juste quelques critiques de l’époque citées par Ch. Dauphin… pour retenir ce qui est le plus intéressant (à mes yeux) dans ce n° des Hommes sans Épaules : l’anthologie. Les poèmes de Jean Breton sont à la fois rugueux (fortement prosaïques), énergiques et amples, débordants d’images, de sève, remuants de chair vivante et chargés de colère, d’indignation… Ce sont les poèmes d’un homme qui prend son époque, sa vie à bras le corps ; parmi tous ces poètes qui visent l’intemporel, l’indicible, le vrai poète et autres divins saucissons, c’est une qualité qui me plait.»
    Christian Degoutte (Verso n°130, septembre 2007).

« Une revue peut revêtir toute sorte d’apparence. Une des formes extrêmes de ses avatars possibles, c’est quand elle touche aux confins du livre. C’est le cas avec ce numéro 22 des Hommes sans Épaules, qui est consacré entièrement à Jean Breton, disparu il y a peu. La moitié du numéro est composée par le rédacteur en chef, Christophe Dauphin, d’études de son œuvre. Celles-ci sont ponctuées de morceaux d’entretien et suivent la chronologie des recueils, sans négliger l’apport biographique. La seconde offre une anthologie de ses proses et poèmes. Entre les deux, un cahier iconographique permet de mieux suivre et connaître le personnage… Lire Jean Breton donne envie d’écrire, tant son écriture rafraîchit et enthousiasme. En tous les cas, cette livraison fait le point exact sur cette personnalité à la fois humaine et solaire. »
    Jacques Morin (« La Revue du mois », site internet de la revue Décharge, 14 juin 2007).

    « La revue Les Hommes sans Épaules a consacré un numéro spécial (HSE n°22), illustré, à Jean Breton. Ce poète-critique-animateur-éditeur en fut le fondateur, en 1953, ainsi que de la célèbre revue de renommée internationale Poésie 1… Christophe Dauphin nous livre là une étude très vivante sur Jean Breton. Elle constitue la première moitié de l’ouvrage, la seconde étant consacrée à un choix de vers et de proses du « Poète de l’amour », dont l’œuvre est constellée de pépites. »
    Francesca Y. Caroutch     (Traversées n° 48, automne 2007).

    « Les HSE n°22 : Jean Breton ou le soleil à hauteur d’homme. Retour sur un demi siècle  de poésie à travers la vie d’un homme qui en fut une sorte « d’homme-orchestre » et qui également poète nous rappelle un peu cruellement mais certainement justement qu’on ne peut pas faire de petits cadeaux de temps à l’écriture. Il faut lui consacrer sa vie. »    
    Yves Artufel (Liqueur 44 n° 77/76, hiver 2007).

    « Ce n°22 des HSE, Jean Breton ou le soleil à hauteur d’homme, est un véritable essai consacré par Christophe Dauphin à l’homme orchestre de la poésie contemporaine, décédé à 76 ans, après une vie bouillonnante et passionnante qui s’est confondue avec la défense de la poésie… Un cahier de photos, une anthologie de 65 pages et une bibliographie complètent cet ensemble exhaustif. »
Marie-Josée Christien (Spered Gouez n°14, février 2008).




Lectures

" Quand on feuillette chaque nouveau numéro des Hommes sans Epaules, on ne sait jamais par quoi inaugurer la lecture tant le sommaire est riche et consistant, la crainte étant de retenir certains dossiers et d’en négliger d’autres. Tant pis, courons le risque en retenant d’abord l’hommage à Jacques Lacarrière. Plus de 10 ans après sa disparition, ses écrits sont d’une brûlante actualité. Le souffle que l’on ressent à la lecture de Lacarrière est celui des plus grands poètes c’est-à-dire ceux qui n’ont besoin de personne pour se hisser aux sommets.

En complément, on lira l’important dossier central consacré aux poètes grecs contemporains. Coordonné par Christophe Dauphin, cet impressionnant dossier donne à lire les textes de 10 poètes parmi lesquels le merveilleux Yannis Ritsos, le minutieux Constantin Cavafy ainsi que les deux Prix Nobel que furent Georges Séféris et Odysséus Elytis.

L’Arménie est aussi présente dans ce numéro avec une étonnante suite poétique de Paul Farellier et, du même auteur, une évocation d’Armen Lubin, le poète emblématique de l’Arménie, réfugié en France et décédé en 1974.

Mais la richesse de cette livraison ne s’arrête pas là puisqu’on trouve encore des poèmes de Gisèle Prassinos, des présentations de poètes ainsi que des notes de lectures sur plus de 50 pages. Bref, comme toujours avec cette revue, on tient la preuve vivante qu’il est possible d’associer harmonieusement la qualité des contributions et la quantité d’écrits. "

Georges CATHALO (cf. "Lectures flash" in revue-texture.fr, janvier 2016).

*

" Où es-tu Grèce ? je ne sais de toi que ce mot épelé au lointain des lèvres, ce mot de sable et de sillage tout craquelé d'aurore", Jacques Lacarrière. Le quarantième numéro des Hommes sans Epaules, cette revue semestrielle, consacre ses trois cents pages à deux expressions modernes de peuples se rejoignant dans la tragédie humaine et la poésie: le grec et l'arménien. La poésie grecque en particulier, par ses voix du XXe siècle, puisant dans le fond puissant de ses racines. Lumières à travers les tragédies de multiples occupations et résistances, guerres et massacres, voix éprises de liberté, cette liberté que la Grèce antique a apportée au monde, Jacques Laccarière nous y initie, de sa réflexion mais aussi sa voix intime et poétique: "Pour nous, c'était le droit de parler à la nuit, de revendiquer ces portiques où le couchant solarisait chaque émergence de pierre."

La poésie de Claude Michel Cluny rejoint cette voie splendide et antique : "L'orage a lavé les Dieux - de ses seaux tristes - Un insecte s'écrase - odeur d'une sueur - celle de ton passage."

Parmi les textes français présentés dans la revue, on peut souligner celui d'Hervé Sixte-Bourbon, "Le fils de Pasolini", rejoignant l'humanité antique: "Et - Plus loin - Face aux statues - Devant la chute de l'orgueil face au soleil - J'ai senti la racine de tes ongles".

Au coeur du dossier, Jacques Lacarrière reprend la main et introduit : Cavafy, Sikélianos, Séféris, Embirikos, Ritsos, Elytis, Valaoritis, Alexandrou, Christodoulou, Patrikios; voix modernes, magistrales d'une Grèce universelle et résistante. Plusieurs témoignent de ce qui était, il y a un siècle encore, l'héritage d'un peuplement millénaire sur les rives asiatiques de la mer Egée, ou même de la Méditerranée, et dans l'incendie de Smyrne, dernière ville grecque d'Asie, se rejoint la détresse des Grecs et celle des Arméniens massacrés et exilés (lire l'émouvant "Ecrit à l'Ange de Smyrne" que Paul Farellier consacre à cette effroyable tragédie). comme Constantin Cavafy, né à Alexandrie, on regarde alors avec eux vers la patrie intime, celle d'Ulysse: "Ithaque t'a accordé le beau voyage. - Sans elle, tu ne serais jamais parti. - Elle n'a rien d'autre à te donner. - Et si pauvre qu'elle te paraisse, - Ithaque ne t'aura pas trompé. - Sage et riche de tant d'acquis - Tu auras compris ce que signifient les Ithaques." On aimerait citer toutes ces voix, unies par un combat souvent désespéré, éclairé par la soleil comme la poésie de Yannis Ritsos: "Dans ce pays, le soleil nous aide à soulever le poids - De pierre que nous avons toujours sur nos épaules", ou d'Angelos Sikélianos: "En couvrant de vos danses les aires de l'abîme, - A vous, combattants qui défiâtes la mort, - Je dis que près de Vous - Les ténèbres d'En bas sont comme l'ombre - D'un arbre immense sous lequel - Côte-à-côte allongés - Nous avons parlé de la Grèce - Jusqu'à l'heure où vos yeux se fermèrent à ce monde - Ce monde qui croulait sous la lumière - Que vos âmes ont fait moindre".

Des auteurs français qui suivent, on peut retenir le poème de Christophe Dauphin, "Les oracles de l'ouzo", marchant sur le chemin tracé, reprenant actualité et poème de Cavafy avec humour et tristesse mêlés : "Le délire peut alors lancer son cri - les nuques se renversent comme des montagnes - avance Dionysos mes vertèbres mes vocables -... les barbares sont venus aujourd'hui - quelque chose tremble meurt en moi en nous - Quelles lois pouvaient faire les Sénateurs? - Les barbares s'en sont chargés une fois venus - ... Ils ont vendu le Pirée à la criée - Entre deux Metaxas et trois schnaps - avec la banque des Cyclades - Faux-monnayeurs ils ont joué les yeux d'Homère - et le paquebot des Argonautes aux osselets".

Pour conclure un si riche et profond numéro, laissons comme lui la parole à Jacques Lacarrière : " C’est cela qui persiste pour moi dans le mot Grèce : ce premier regard, cette première fissure découverte et maîtrisée (cette porte entrebâillée dans la psyché par où Oedipe aperçoit dans la chambre nuptiale le cadavre pendu de sa mère), cette première lumière insoutenable mais regardée en face, et parfois aveuglante au sens propre du terme."

Olivier MASSE (in revue Diérèse n°67, avril 2016).

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"Les Cahiers Littéraires Les Hommes sans Epaules consacrent leur numéro 40 à "Jacques Lacarrière et les poètes grecs". Christophe Dauphin y signe une préface engagée où les difficultés du présent invitent tout autant à la sympathie qu’à l’empathie, le poète étant en ces occasions leur meilleur interprète. César Birène signe, pour sa part, un portrait de l’auteur de L’Eté grec et de celui qui écrivait pour « dériver de l’homme ancien ». L’errance et l’écriture se rejoignent en un chemin peuplé d’ailleurs, éternel retour à Ithaque. Un choix de poésies de Jacques Lacarrière tirées d’A l’orée du pays fertile permet d’entendre à nouveau cette voix qui ne s’est jamais tue. Ce riche dossier propose également de retrouver celui qui fit tant pour les poètes grecs contemporains en les traduisant, en diffusant leurs écrits engagés à une époque difficile de l’exil et de la répression pour un grand nombre d’entre eux. Cavafy, Sikélianos, Séféris, Elytis et bien d’autres encore ont prêté leur voix à l’un de leur plus grand interprète dans notre langue, et que nous entendons dans cette belle et riche livraison.

Philippe-Emmanuel KRAUTTER (in lexnews.fr, janvier 2016).

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"Dirigés par Christophe Dauphin, ces « cahiers littéraires » paraissent deux fois par an. Le présent numéro offre quatre-vingts pages de poètes grecs, parmi lesquels Cavafy, Séferis, Ritsos, Élytis, avec leurs meilleurs poèmes. Il offre vingt pages de Jacques Lacarrière. On aime relire : « S’alléger de ce qui est trop lourd en soi, s’affranchir de l’excès d’attraction, accéder aux délices, aux délires d’une pure évanescence. » Il offre encore trente pages de et pour Claude Michel Cluny, quinze belles pages de Paul Farellier, dernier grand prix de poésie de la SGDL pour L’Entretien devant la nuit, sur ses ancêtres arméniens, dix pages d’Armen Lubin. En bref, une somme.

La structure est sans défaut, à l’image de la régularité de cette revue papier. Passé l’éditorial, en effet, qui inscrit la générosité foncière de son directeur dans la réalité du monde tel qu’il cahote, on trouve un salut à des disparus, salut toujours éclairé par un choix opéré dans leur œuvre propre. Ce choix est nourri pour une éventuelle découverte (tout le monde est jeune, un jour, avide à tout connaître). Ensuite vient le dossier, ici des poètes grecs, tous et chacun successivement présentés par Lacarrière, un régal. D’autres poètes contemporains de toutes les générations sont ensuite présentés. Frédéric Tison, né en 1972, écrit par exemple : « La flamme dévorait. Je dus la souffler. La nuit vint remercier ma bouche : lorsque son chant entra en moi, ma voix trembla. — Je suis encore ta naissance, me dit l’ombre. » Une telle concision ne tient-elle pas de l’accomplissement ? Le numéro, pour aller vite, s’achève par une cinquantaine de pages de notes de lecture. On pourrait là peut-être émettre une réserve, mais que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre !

Un hommage de Jean Pérol à Cluny, décédé le 11 janvier, trouve place dans ce beau numéro. C’est coruscant. Ouvrir au diariste des dix volumes parus de L’Invention du temps (La Différence) la porte de la postérité est d’une grande justesse, même si la beauté chez Cluny vient de loin. Ainsi, ces lignes des années 1960 me semblent universelles : « Attendre aura été le chant de ma vie. J’ai attendu, enfant, que la vie m’appartienne. Ensuite, j’ai su que nous ne possédions rien. Que rien ni personne ne préservera jamais le peu d’illusion que nous sommes de l’effacement. Ce que nous voyons, ce que nous comprenons, nos mains le mêlent à nos désirs pour l’offrir à d’autres. »

Généreuse, donc, avec un grand empan tant sur le plan éditorial, générationnel que géographique, éclectique sans jamais perdre de vue la qualité poétique, de belle facture de surcroît, la revue Les Hommes sans épaules mérite plus que de l’attention, une franche adhésion. Il est plus que temps de suivre ce qui se fait de mieux, en revue de poésie, aujourd’hui."

Pierre PERRIN (in nonfiction.fr, le quotidien des livres et des idées, 28 décembre 2015).

*

"Il arrive à l’auditeur de radio de s’impatienter en écoutant l’énumération des offices de la moindre personnalité : « ainsi donc, vous êtes diplomate, voyageur, claveciniste à ses heures, parapentiste, cuisinier, philosophe, écrivain & j’en passe… »

Mais, concernant Jacques Lacarrière, les dresseurs de liste peineraient à faire le tour de ses multiples talents ; « je suis pléthorique » aimait-il à dire. Comme l’illustre encore cet excellent dossier que Les hommes sans épaules consacrent, dix ans après sa mort, au poète « porteur de feu ».

Sujet en outre bienvenu pour redonner de la Grèce une autre image que celle de mendiant de l’Europe qui prévaut ces temps-ci. Dans l’introduction, citant Lacarrière, Christophe Dauphin rappelle que l’histoire de celle-ci n’a été « qu’une suite de combats pour sa libération, on y retrouve très souvent le poète au milieu même des combattants ».

S’ensuit une biographie économe et directe écrite par César Birène, que complète un florilège extrait du beau recueil paru en 2011 chez Seghers :

La dormeuse

D’après une gravure de Picasso

Tu cueilleras tout aussi bien des fleurs dans le soleil. Tes bras respireraient jusqu’au zénith le feuillage que les forêts soumettent à l’espace. Ne cherche pas à conquérir la pluie que supposent les toits, à chevaucher les fleuves sur des arbres géants. Reflète-toi entre deux ciels et tu connaîtras l’amitié que les astres te portent.

… entre deux ciels, cet usage fluide et tragique à la fois du présent, du futur et du conditionnel.

Mais l’originalité du dossier tient à cette somme (posthume) de Lacarrière sur ses contemporains grecs : un très beau cadeau. Bien sûr, on croise des figures connues comme Ritsos, Seferis et Cavafy, qu’il est toujours intéressant de (re)lire sous la plume du traducteur amical qu’était Lacarrière.

Je m’étendrai d’avantage sur les noms moins connus.

Par un usage tout aussi intéressant du conditionnel, Anghélos Sikélianos, mort en 1954, se tient à cheval sur le profane et le sacré, sur la terre et au sommet où les noms des dieux sont gravés :

Ou j’aurais pu soudain
 Devançant le corbeau des Ténèbres
 Haletant sur mes pas pour s’emparer de moi,
 Rassembler toutes les forces vives
 Et m’élancer au-delà des cercles étroits de l’univers
 Pour chercher dans la nuit
 Mon dur destin de créateur.

Mais aujourd’hui, je Vous le dis,
 Je veux rester à Vos côtés,
 Ne plus Vous perdre un instant
 Car j’ai fait de mon cœur une aire
 Pour que Vous y dansiez.

Telle parole, en ces temps de transhumanisme et d’hybris généralisé, ne peut que consoler le sage !

Voix plus intérieure saisissant des instants, des sensations et des lumières en équilibre précaire, que celle d’Andéas Embirikos, un des premiers freudiens grecs, ami de Yourcenar :

 Accroissement
 Parfois il nous arrive de porter à nos lèvres
 La main d’une lumière aurorale
 Immobiles et bouche scellée
 Dans le silence du paysage
 Avant que la ville bruissante de fontaines
 Ne s’éveille aux cris brutaux jetés dans le soleil
 Par les éboueurs matinaux.

 Nos souffrances ne furent pas inutiles
 Les voici soulevant leurs voiles et révélant
 Leurs bras livides et tuméfiés,
 Les voici s’éployant vers le cœur de la ville
 Relevant un à un les doigts des endormis
 Comme des mages orientaux et gagnant
 Le cortège odoriférant des caïques
 Traçant, tressant au cœur des rues
 Des espaces aussi souverains que les yeux
 D’une femme éperdue de rêve.

 Les notices de Jacques Lacarrière font bien entendu partie du charme de cette publication, elles sont personnelles, tirées des rencontres et des amitiés que ce dernier a cultivées. Un passage consacré à Odysséas Elytis, « le buveur de soleil », en témoignera pour les autres : « Au cours d’un entretien que j’eus avec lui après sa parution, Elytis me confia qu’il avait écrit ce poème pour compenser l’injustice et la non-récompense dont le monde contemporain faisait preuve à l’égard des souffrances de son pays. Le titre, emprunté à un hymne byzantin très célèbre, peut se traduire par Digne ou Loué soit — sous-entendu : ce monde. C’est un hymne à toutes les Grèce, l’ancienne, la byzantine, celle des guerres de l’Indépendance et celle d’aujourd’hui — qui, elle, sortait à peine de l’Occupation et de la guerre civile — ainsi qu’à ses traditions, ses paysages et surtout sa langue ».

J’ai peine à ne pas faire entendre les autres voix : celle d’Aris Alexandrou, le désabusé et de Dimitri Christodoulou tout en « résistance et vigilance ». Terminons ce frustrant tour d’horizon par l’humour de Nanos Valaoritis :

 Ainsi donc nous sommes assiégés
 Et nous le sommes par qui
 Par toi et par moi, par machin-chose
 Nous sommes sans cesse assiégés
 Par les frontières, les douanes, les contrôles de passeports, Interpol, la police militaire, les tanks, le bagout, la bétise, (…)

 Drôle ? Après tout, pas tant que cela.

 Il serait dommage de ne pas signaler, dans ce riche numéro, le dossier que Paul Farrelier consacre au regretté Claude-Michel Cluny. Jean Pérol rend hommage à leur amitié « libre, souple, vive, affectueuse ». Un remarquable florilège montre que le fondateur de la collection « Orphée » fut d’abord un poète :

… Ce matin, est-ce pour susciter quelque regain de courage ? j’ai retourné des travaux anciens, de ceux que je ne me suis pas résigné à vendre. Ce fut pénible. Ce qu’on a laissé au cours des années dormir, face au mur, et que l’on rend au jour, surgit comme d’une tombe. Le leurre des enthousiasmes s’écaille, la vie peinte à fresque sur un mur mangé par le salpêtre. Au vrai, on se déprend tôt de soi."

 
Eric PISTOULEY (cf. "Revue des revues" in www.recoursaupoeme.fr, novembre 2015).

*

«  Ce très beau numéro est consacré à Jacques Lacarrière et à la poésie hellénique. Dans son éditorial, Christophe Dauphin nous rappelle que la Grèce et l’Arménie sont des terres de souffrance et de résistance dans lesquelles la poésie est irriguée par le sang perdu.

Jacques Lacarrière, qui nous a quittés en 2005, « aventurier de l’esprit et l’un des meilleurs connaisseurs du monde antique et de la Méditerranée », rebelle précieux qui s’est toujours efforcé de transmettre ce qui est, témoigne, dans une œuvre multiple, du rayonnement permanent de la Grèce. Les poèmes choisis pour cet hommage sont d’une grande densité, souvent charnus pour mieux souligner l’esprit qui demeure.

 Cinabre

Soleil emprisonné dans les macles du soir,

blessure d’où suinte le mercure,

tu dis l’ultime cri du sang avant qu’il ne se fige

la grande paix des cicatrices et la convalescence de la terre

Nous retrouverons avec grand plaisir dans le dossier l’un des grands auteurs grecs du XXème siècle, grand ami de Nikos Kazantzakis, Anghélos Sikélianos, dont on se rappellera le merveilleux Dithyrambe de la Rose. La poésie grecque des dernières décennies du siècle passé fut particulièrement riche comme en témoigne Jacques Lacarrière : « Je crois qu’il est bon de préciser ici que la Grèce, à l’inverse de la France, n’a jamais connu d’écoles, de mouvements, de chapelles ni de cercles poétiques. Les poètes grecs n’ont jamais manifesté, à quelque génération qu’ils appartiennent, un besoin de communauté littéraire. Très vite, ces poètes nouveaux – ou du moins dont les œuvres opérèrent une évolution sans marquer pour autant de rupture avec les poètes antérieurs – vont faire poésie à part, si je puis dire. Je ne vais pas ici me mettre à dresser l’inventaire de leurs noms ni de leurs oeuvres car à partir de ces années 70, la poésie se caractérise par un foisonnement d’œuvres et de publications, une véritable explosion de revues, une multiplicité de personnalités, d’individualités pour qui la poésie se trouve désormais affranchie de toute sujétion à l’histoire. Je dis bien : à l’histoire mais sans pour autant braver ou brader aussi la mémoire… »

Le choix de poèmes rassemblés dans Les HSE démontre que les Hellènes n’ont pas quitté la Grèce depuis des siècles comme certains l’ont avancé imprudemment en Grèce même. L’essentiel est toujours de revenir en Ithaque comme l’affirme Constantin Cavafy :

Et surtout n’oublies pas Ithaque.

Y parvenir est ton unique but.

Mais ne presse pas ton voyage,

Prolonge-le le plus longtemps possible

Et n’atteins l’île qu’une fois vieux.

Riche de tous les gains de ton voyage,

Tu n’auras plus besoin qu’Ithaque t’enrichisse.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, novembre 2015).

*

« Christophe Dauphin dans son éditorial des HSE n°40 : « s’agissant de la Grèce ou de l’Arménie, qui commémore le centenaire du génocide, l’histoire de ces deux pays n’est qu’une longue lutte douloureuse contre les envahisseurs » (et Pâques 1916 à Dublin – NDLR). En exergue, « les porteurs de feu » : Jacques Lacarrière (et les poètes grecs) et Claude Michel Cluny. Donc, d’abord un portrait de Lacarrière par César Birène qui cite le poète : « Il n’est de manque véritable que le vide d’un monde privé de poésie » suivi de seize pages de textes. Dont : « Elle [la poésie] est toujours de ce monde puisqu’elle demeure vivante parce que vivace, vivace parce que rebelle ». Plus loin, un très important et passionnant dossier sur Lacarrière et dix poètes grecs contemporains, avec, en plus, un portrait du « peintre du surréel grec », Nikos Engonopoulos.

Le portrait de Claude Michel Cluny est signé Paul Farellier : « L’œuvre poétique de Claude Michel Cluny frappe tout d’abord par son intense beauté, beauté du sens poétique et de l’image, bien sûr, mais en même temps beauté française de la langue ». Suivent dix-neuf pages de textes et des inédits du poète Jean Pérol. Un détour chez « les Wah » avec six poètes : K. Dimoula, F. Y. Caroutch, D. Abel, H. Sixte-Bourbon, F. Tison, Ch. Guinard.

Paul Farellier, avec Ecrit à l’ange de Smyrne nous entraîne dans les « Inédits des HSE » avant de nous présenter l’œuvre de Chahnour Kerestedjian Armen Lubin (surtout des textes).

Avec la rubrique Dans les cheveux d’Aoûn, nous sommes entraînés dans l’univers de quatre créateurs, poètes et peintres : Alain Breton, Gwen Garnier-Deguy, Hélène Durdilly et J.-Gabriel Jonin. Les textes de quatre poètes précèdent une vingtaine de pages consacrées à des notes de lecture.

En somme, comme d’habitude, une revue dense et passionnante. »

Alain LACOUCHIE (in revue Friches n°121, juillet 2016).




Lectures :

LA REVUE DU MOIS DE MAI 2023, C’EST : Les Hommes sans Épaules n° 55

On a une somme ! Près de 350 pages, consacrée aux poètes de l’Est (de la France), entre Alsace et Lorraine. Tous les auteurs importants alsaciens et lorrains sont recensés dans ce volume. Tous avec une notice biographique et bibliographique large et soignée.

Chaque fois, on rentre dans un destin, une histoire, pour ne pas dire hors norme, on va dire étonnante. Ces vies de poètes si différents défilent et on y trouve chaque fois un intérêt renouvelé. Parfois aussi on est un peu déçu par les textes joints et proposés, peut-être insuffisamment nombreux ou reflétant des époques même récentes un peu dépassées ou des styles relativement datés. Mais j’ai tout lu d’un bout à l’autre en me régalant. Il faut bien avouer qu’il y a là un particularisme spécifique entre une histoire avec un basculement de nationalités entre 1871 et 1919, puis entre 1940 et 1945 d’un côté et de l’autre consécutivement une langue tiraillée entre français et allemand.

Pour prendre les grands aînés : Jean Hans Arp parle trois langues dans son enfance, avec l’alsacien. Il est aussi bien poète que sculpteur et fera partie du groupe fondateur du mouvement Dada. Les oignons se lèvent de leurs chaises / et dansent aussi rouge que si l’on gantait le jus des nains… Second « porteur de feu » : Yvan Goll, seul représentant de l’expressionnisme en France. Il s’opposera à Breton qui défend écriture automatique et récits de rêves contre une pensée où la raison intervient davantage. Il a inventé le Réisme. À noter, comme le souligne Christophe Dauphin, que son œuvre en France n’est plus du tout éditée. De lunes à lunes / se tendent les courroies de transmission / Soleil sur monocycle / au vélodrome astronomique / poursuis ton handicap…

Suivent ensuite Charles Guérin, poète symboliste, franc-tireur, avec un focus sur le maître verrier Emile Gallé. René Schickele, « général des pacifistes », Claire Goll, à la vie exaltante, Nathan Katz et un second focus sur les « Malgré nous ». Puis Henri Thomas qui pense que « le roman est lié à la vie alors que la poésie est liée au langage. Déclenchement d’une action contre déclenchement d’une harmonie ». La Bastille a des aubes froides / La neige y fait des taches noires.

Le grand Jean-Paul de Dadelsen dont le maître livre est « Jonas ». Claude Vigée disparu en 2020 à l’âge de 99 ans. Il ne nous reste pas un endroit pour tomber. Daniel Abel, son amitié avec André Breton, son lyrisme teinté de merveilleux. Jean-Claude Walter publié par Rougerie. Jacques Simonomis, revuiste de « Soleil des Loups » avec Jean Chatard et du « Cri d’os » : Des terres attendent / serrées dans tes poches / rapetassées d’étoiles filantes / d’éclisses de soleil / avec sous ton mouchoir / la mer qui vaut le coup…

Le dossier central est consacré à Richard Rognet par Paul Farellier : l’enfant s’est retrouvé / prisonnier de la vie, sentinelle d’un territoire / qui ne s’est pas livré. Autre dossier : Maxime Alexandre par Karel Hadek. Il a connu une vie passionnante, rencontre avec Aragon, rupture avec le surréalisme, communisme, expérience catholique…

Joseph Paul Schneider, Roland Reutenauer et Jean-Paul Klée, qu’on adore : « la matière verbale s’est emparée de ma pauvre personne ». Autant de livres édités que d’inédits. Avec un focus sur le Struthof où son père est mort par Christophe Dauphin et des dessins d’Henri Gayot. Enfin Germain Roesz à la fois peintre, poète et éditeur des « Lieux-Dits ». Gérard Pfister et les éditions Arfuyen…

Enfin Ernest de Gengenbach par César Birène, sous-titre : « Satan dans les Vosges ». Une vie incroyable qui mériterait un film. Il est exclu du groupe surréaliste en 1930, y opposant politique et ésotérisme. Prêtre défroqué, a collectionné les « bienfaitrices »…

À noter encore René Char, Christophe Dauphin et Marc Patin, les critiques…

Un numéro passionnant.

Jacques MORIN (in www.dechargelarevue.com, 1er mai 2023)

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Les Poètes de l’Est dans les Hommes sans Epaules

Christophe Dauphin a voulu ce numéro consacré aux poètes de l’Est, de l’Est de la France, autour de l’Alsace et de la Lorraine, à l’identité marquée et souvent douloureuse. Le dernier numéro consacré aux poètes de cette terre pourtant propice à la création datait de 1972. Il était grand temps. Dans ce numéro de Poésie 1, le n°26, la question alsacienne était présente, celles aussi de la langue, de la guerre, de l’occupation allemande, de l’annexion, etc. Christophe Dauphin prend le temps de rappeler les traumatismes, les blessures non cicatrisées qui immanquablement, consciemment ou non, orientent encore la chanson du poète de l’Est même si la Lorraine et les Vosges relèvent d’autres particularismes que l’Alsace. Si le destin n’est pas commun, il est bien partagé.

Deux porteurs de feu sont présents dans ce volume, Jean Hans Arp et Yvan Goll.

« Jean Hans Harp, nous dit Christophe Dauphin, n’est pas seulement le plus grand artiste sculpteur et poète alsacien, mais aussi, avec Francis Picabia, le plus grand peintre-poète du XXe siècle. Les deux sont issus du sulfureux et subversif mouvement Dada. Il y a donc une injustice à voir son œuvre plastique magnifique occulter son œuvre poétique, qui ne l’est pas moins, magnifique. »

Les HSE nous introduisent ainsi à la poésie du strasbourgeois qui disait de sa sculpture « C’est de la poésie faite avec les moyens plastiques ». L’œuvre poétique de Arp dépasse son expression poétique, elle-même remarquable, pour embrasser toute sa création.

 

Extrait de « Sophie rêvait Sophie Peignait Sophie dansait » :

 

Tu rêvais d’étoiles ailées,

de fleurs qui cajolent les fleurs

sur les lèvres de l’infini,

de sources de lumière qui s’épanouissent,

d’éclosions symétriques,

de soies respirantes,

de sciences sereines,

loin des maisons aux mille dards,

aux prosternations de déserts naïfs,

parmi mille miracles débraillés.

Tu rêvais de ce qui repose dans l’immuable de la clarté.

Tu peignais une rose dévoilée ;

un bouquet d’ondes,

 un cristal vivant.

Yvan Goll (1891-1950) est vosgien. Il laissa une œuvre considérable en allemand, français et anglais. Si la poésie tient dans son œuvre la place essentielle, il s’intéressa aussi au roman, au théâtre, à l’opéra, rédigea des essais, des anthologies et assura des traductions. S’il est connu et reconnue en Allemagne, il est totalement oublié en France, malheureusement. Ce « Jean sans Terre » devenu par la poésie homme complet, homme universel, mérite pourtant une attention très particulière. Les HsE nous offrent donc la possibilité de découvrir pour la plupart d’entre nous un poète exceptionnel et parfois visionnaire.

 

Extrait de « Amérique » (in Elégie de Lackawanna, 1944) :

 

Amérique aux yeux de mercure et d’oranges

Amérique au crâne rempli de fourmis et de comètes rouges

Amérique qui cours et qui n’habites

Que des villes défaillantes sur les dunes

Halte ! Halte ! sur les boomerangs de tes highways

Halte ! devant tes totems d’essence

Dont les yeux de tabac et de pétrole

Clignent sous la dune d’anis

Halte ! te dis-je, car dans ton dos cavale l’avenir

Et le regard sacrificateur de l’Indien

Fait tourner à l’envers les roues de ton soleil

Les roues rutilantes de tes iris ferrugineux

Et les dollars de on chariot roulant à l’infini

Amérique prends garde aux venins verts du lierre indien

Aux plumes de coqs déjà plantées dans ton échine

Prends garde au triangle de l’oiseau nickelé

J’entends tes fleuves frapper leurs écailles de cuivre

Et les oreilles de tes moules emplies

Du suicide éternel des eaux et de la créature

 

Bien d’autres poètes de l’Est sont présents dans ces pages, notamment Richard Rognet longuement présenté par Paul Farellier et le toujours aussi étonnant Ernest de Gengenbach, abbé saisi et déchiré entre dieu et diable par sa rencontre avec le surréalisme.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 13 juin 2023).

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La belle revue pilotée depuis 1997 par Christophe Dauphin parait deux fois l’an, en mars et en octobre, proposant 350 pages de poésie venue de tous les coins du monde. Cette troisième série, qui en est aujourd’hui à son numéro 55, a été précédée d’une première, initiée par Jean Breton, qui parut à Avignon puis à Paris de 1953 à 1956 (neuf numéros), puis d’une seconde, sous la direction d’Alain Breton, publiée à Paris de 1991 à 1994 (onze numéros).

Les Hommes sans Épaules est le nom d’une tribu dans le roman Le félin géant de J.-H. Rosny aîné, ainsi que le rappelle l’extrait du roman placé en quatrième de couverture, hommes que ne charge aucun fardeau, « hommes de la tête aux pieds, sans épaules mais entiers, c’est-à-dire avouant nos faiblesses et nos forces, [qui] célébrons encore le rêve, l’amitié de l’homme et de la nature ». Un historique très complet de la création et de l’évolution des Hommes sans Épaules est retracé par Christophe Dauphin à l’occasion des 70 ans de la revue, dans un Salut aux riverains de 2023 qui fait écho à l’Appel aux riverains de 1953, le manifeste des Hommes sans Épaules, dans lequel Jean Breton écrivait : « La poésie ne saurait se définir par sa mise en forme, puisqu’elle échappe à son propre moule pour se répandre et se communiquer. Elle est cette rumeur qui précède toute convention esthétique ; domptée, mise au pas ou libérée selon une technique personnelle à chaque poète, elle court sa chance, à ses risques et périls ; elle s’offre à la rencontre, au dialogue… Notre revue est un lieu de rencontres. Nous ouvrirons les portes, les laissant battantes, nous inviterons nos amis à s’expliquer sur ce qui leur paraît essentiel dans leur comportement d’être humain et de poète… ».

Ce numéro 55 des HSE est consacré aux poètes de l’Est de la France : Alsace, Lorraine et Vosges. Nous renvoyons le lecteur à la présentation qu’en fait Christophe Dauphin sur le site de la revue, à partir du voyage qu’il a réalisé dans ces régions durant l’été 2021. Il y détaille notamment le contexte alsacien, avec la longue occupation allemande (1871-1918), le tiraillement entre deux langues, le sentiment de dépossession d’une culture proprement alsacienne, ni française, ni allemande, ainsi que l’exprime le dessinateur Tomi Ungerer : « En Alsace, j’ai été élevé entre deux arrogances, allemande et française. Les Français et les Allemands sont pour moi des occupants. Psychologiquement, la France a commis sur mon pays un assassinat culturel difficile à pardonner, car il m’a coûté très cher. À l’école, c’était deux heures de retenue ou une baffe dans la gueule pour un mot d’alsacien… Avec les nazis on n’avait pas le droit de parler le français, et avec les Français on pouvait être puni pour un mot d’allemand ou d’alsacien... ». Contexte difficile pour les poètes que ce bilinguisme de fait, tant la langue dans laquelle est écrite le poème est constitutive de sa musique, qui touche autant à la forme qu’au fond. Les deux Porteurs de feu (poètes jugés majeurs du siècle écoulé, placés à la une de chaque numéro de la revue), sont pour ce numéro l’alsacien Jean Hans Arp, le célèbre peintre et sculpteur cofondateur du mouvement Dada, dont on sait moins qu’il fut aussi un grand poète, et le poète vosgiens Yvan Goll. Les deux hommes maitrisaient aussi bien le français que l’allemand, et ont écrit dans les deux langues. Citons le poème intitulé Tu étais claire et calme de Arp, pictural et lumineux, dans lequel il parle de sa compagne Sophie Taeuber, également peintre et sculptrice : « Tu étais claire et calme. / Près de toi la vie était douce. / Quand les nuages voulaient couvrir le ciel / tu les écartais de ton regard. // Tu regardais avec calme et soin. / Tu regardais soigneusement le monde, / la terre, / les coquilles au bord de la mer, / tes pinceaux, / tes couleurs. // Tu peignais le bouquet de la lumière / qui croissait, / s’élargissait, / s’épanouissait / sans cesse sur ton cœur clair. / Tu peignais la rose de douceur. / Tu peignais la source d’étoile. » De Goll, ce poème sombre, Ta lampe de deuil, extrait du recueil Traumkraut, traduit en français par sa femme Claire Goll (L’herbe du songe), écrit à l’hôpital de Strasbourg tandis qu’il luttait contre la leucémie, qui dit la souffrance de l’exil loin du pays natal (c’est en exil aux États-Unis, où il passe de nombreuses années, de 1939 à 1947, qu’il apprend en 1945 sa leucémie, dont il décèdera cinq ans plus tard) : « Ta lampe de deuil, bien-aimée / Brille vers moi à travers tous les lointains / Comme les yeux rougis des étoiles tourmentées // J'ai bu les timbales de vins fatals / Quand j'étais solitaire / Et exilé de ton vignoble // Pourquoi le soleil bruit-il plus doré / Quand je ferme les yeux / Et pourquoi ton sang bat-il en moi plus violemment // Si toi qui m'es ravie / Tu ne m'appelles plus qu'avec des bras de brume ? ».

Les auteurs recensés dans ce volume, comme dans tous les autres, font l’objet de notices biobibliographique particulièrement riches et soignées. Douze poètes alsaciens sont présents dans ce numéro 55. Outre Arp, on peut lire Maxime Alexandre, poète juif alsacien surréaliste communiste puis chrétien, Nathan Katz, poète dialectal méconnu, à tort, hors de sa région, le météore Jean-Paul de Dadelsen, Claude Vigée, Joseph Paul Schneider, Jean-Claude Walter, Roland Reutenauer, l’enfant terrible Jean-Paul Klée, Jacques Simonomis le poète du Cri d’os, le peintre-poète strasbourgeois Germain Roesz et Gérard Pfister, poète qui a aussi développé un impressionnant catalogue éditorial chez Arfuyen. Parmi les poètes lorrains et vosgiens, outre Yvan Goll, figurent dans ce numéro le symboliste Charles Guérin, notamment autour de sa passion pour l’Alsacienne Jeanne Bucher, appelée à devenir l’une des grandes figures de l’art moderne, Daniel Abel, très marqué par le surréalisme, Serge Basso de March, l’abbé Ernest de Gengenbach, Henri Thomas, proche d’Artaud et de Gide. La rubrique Une voix, une œuvre, proposée par Karel Hadek, est consacrée à Maxime Alexandre, né en 1899 et mort en 1976. C’est par l’intermédiaire d’Aragon, rencontré dans un café de Strasbourg, qu’il rejoint à Paris le groupe surréaliste autour d’André Breton, dont il fréquente les réunions jusqu’en 1932. Il pose dès 1927 la question d’un rapprochement avec le parti communiste, Aragon adhérant précisément la même année au parti, adhésion qui le conduira à une rupture officielle avec Breton et les surréalistes. Traumatisé par la guerre et l’holocauste, qui lui faire prendre conscience de sa judéité, Alexandre se convertit en 1949 au catholicisme sous le parrainage de Paul Claudel, conversion dont il reviendra, « étranger parmi les surréalistes, étranger parmi les communistes (et les athées), étranger parmi ses compatriotes, étranger parmi ses coreligionnaires… », éternel solitaire, tel le mendiant d’un poème extrait du recueil Le juif errant :

J’ai longé les routes sans dormir

J’ai offert mon visage aux nuits

Une branche verte m’a dit de pleurer

Le songe de l’eau m’a fait boire

 

C’est la soif de l’homme

Qui n’a pas de bornes

La soif de l’homme

Dans le sable des routes

 

C’est la faim de l’homme

Qui n’a pas de bornes

Comme l’aile de l’oiseau

Sous le vent des mers

 

J’ai gémi dans le sable rouge

J’ai parlé au sable du désert

Un souffle ardent m’a répondu

Le vent a soulevé le feu du ciel

[…]

C’est à Richard Rognet, poète vosgien resté toute sa vie attaché à sa terre, et Porteur de Feu des Hommes sans Épaules (n°33, 2012), qu’est consacré le dossier central sous la houlette de Paul Farellier, qui écrit notamment, concernant cette poésie : « Il en émane – dans ses registres opposés : d’un côté l’obscur, l’âpre et le voilé, et de l’autre, la douceur du regard, la clarté sensitive – quelque chose comme d’une âme souffrante et illuminée. L’unité de cette œuvre tient moins à la pure qualité formelle, jamais relâchée, de la chose écrite, qu’à la conjonction « astrale » qui s’y révèle d’un élan du vivre sous la fascination de la mort et d’un désir de se surmonter vers l’inaccessible ». Pour Christophe Dauphin, toujours à propos de Rognet : « Le poème se situe ici à la lisière du monde, du temps, du dehors et du dedans, du lointain et du proche, « là où la vie ne – distingue plus ce que tu vois dehors de ce qui – vibre en toi, comme le lieu parfait de ta naissance. » Là, ou le brin d’herbe incarne tout le cosmos, en équilibre sur la foudre, le poème et la tombe : Aujourd’hui, au déclin – de ma vie trop visible, - j’étrangle mon poème : - je veux voir l’intérieur, - les passagers confus – qui me frôlent, se taisent. Le poète ne soulève pas seulement le temps, il le secoue comme une nappe, faisant alors ruisseler, vallées, fleurs, enfance, et émotions toujours (rien n’est gratuit dans sa poésie) entre les herbes drues et les tendres, l’arbre et les pierres entre les doigts du jour ». Citons un extrait des cinq poèmes inédits de Richard Rognet présentés dans le dossier central, qui dit la présence caressante de la nature : « Pourtant, les oiseaux, devant ma porte battante, couvraient de chants subtils et vigoureux les roses défaillantes.  Je croyais en eux, je pensais qu’ils m’éviteraient les menaces massues, les parfums altérés, les traces que laisse derrière elle une nuit de larmes. Je leur accordais, à la pointe de mes paroles, les mêmes vertus que celles que dispense un ciel subrepticement dégagé, je les voyais comme l’étrave d’un vent réconfortant préparant le passage d’une joie franche, à hauteur d’homme – ô les abris rêvés sous d’inimitables voix ! et ces baisers qui traversent l’obscurité comme une eau dévalant les montagnes en grésillant sur les pierres ! / Revenons aux oiseaux, à la place qu’ils ont partagée avec celle des branches où murmure, longtemps après leur envol, la paix d’un matin propice aux interrogations du réveil ou celle, non moins pénétrante, d’un soir qui bouge à peine devant les filets de la nuit ».

César Birène consacre une rubrique intitulée Satan, la poésie, à Ernest de Gengenbach, qui alors qu’il était au séminaire pour devenir prêtre, a connu une expérience amoureuse avec une comédienne. Dénoncé et chassé du séminaire, le jeune homme, très perturbé, a la révélation du surréalisme et rencontre Breton, qui publie de lui une lettre dans La révolution surréaliste d’octobre 1925, lettre où Gengenbach écrit notamment : « J’ai trop subi l’empreinte sacerdotale pour pouvoir être heureux dans le monde… Je tombai dans la neurasthénie aiguë et la dépression mélancolique et devins nihiliste, ayant complètement perdu la foi, mais restant néanmoins attaché à la douce figure du Christ si pure, et si indulgente. J’ai maudit tous ceux qui, prêtres, moines, évêques, ont brisé mon avenir parce que j’étais obsédé par la femme, et qu’un prêtre ne doit pas penser à la femme. Race de misogynes, de sépulcres blanchis, squelettes déambulants !... Ah ! si le Christ revenait ! ». Breton rompra plus tard avec le personnage, qui se déclarera « surréaliste sataniste », et mènera une vie marquée au sceau d’une schizophrénie tous azimuths, « sans cesse écartelé entre vie mondaine et vie mystique, christianisme et surréalisme, religieux et profane, Dieu et Diable, chair et mysticisme, péchés et repentirs, hystérie et duperie, liaisons sulfureuses et saintes femmes », qui le conduira à de fréquents séjours en hôpital psychiatrique sur la fin de sa vie. Des poèmes du recueil Satan à Paris, publié en 1927, sont proposés, dont voici un extrait significatif : « Figures de pénombre / en frou-frou de surplis / tes prêtres fureteurs aux écoutes de buanderie / sont aux aguets derrière la grille / du confessionnal / pour absoudre les cochonneries / de l’homme triste animal / après le coït. / Embusqués dans le tribunal guérite / ils se tortillent comme des chenilles / à l’audition des épopées paroissiales ! ».

Les pages libres des HSE présentent quelques poèmes de René Char, Jean Breton et des membres du comité de rédaction de la revue. Puis vient la rubrique Avec la moelle des arbres consacrée aux notes de lecture, rédigées ici par Odile Cohen-Abbas, André-Louis Aliamet et Christophe Dauphin. Le numéro se clôt avec quelques informations relatives à la vie de la revue et des poètes qui l’animent : un recueil de Odile Cohen-Abbas publié par les HSE (La Face proscrite) ; la disparition du poète et romancier chilien Luis Mizon, qui dit notamment de la poésie : « Ce qui est propre à la poésie, c’est de donner matière à l’invisible, d’incarner l’âme étrangère du langage, de se laisser habiter dans la lecture par l’âme d’autrui » ; un hommage à deux poétesses récemment disparues, l’ardéchoise et militante féministe Alice Colanis, proche de Gisèle Halimi et de Simone de Beauvoir, et Jacquette Reboul, qui disait de ses livres de poésie : « je renais de chaque livre, plus riche de ce voyage intérieur, de ce long fil de mots déroulés du profond de moi-même. La souffrance de l’écriture est oubliée. Ne restent que la plénitude de son accomplissement et, jaillie du silence originel, la parole de cristal » ; la libération du poète palestinien Ashraf Fayad, emprisonné depuis plus de huit ans en Arabie Saoudite ; un compte rendu de la présence des HSE au salon de la revue 2022 ; un texte s’opposant à la démolition de la maison de Paul Éluard dans le Val d’Oise. Un contenu très riche, pour une revue à la vocation encyclopédique à n’en pas douter parmi les plus intéressantes dans le paysage poétique français d’aujourd’hui.

L'abonnement annuel (deux numéros) se fait à l'adresse suivante : Les Hommes sans Épaules éditions, 8, rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen, France. Ce, par chèque d'un montant de 30 € (Soutien 50 €) à l’ordre de Les Hommes sans Épaules éditions, après avoir renseigné le bon de commande, à télécharger et imprimer.

 Éric Chassefière (in francopolis.net, mai, juin 2023)

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Ce numéro de la revue Les Hommes sans Épaules, qui ne compte pas moins de 346 pages, ressemble plus à une monographie qu’à un numéro de revue. la thématique principale tourne autour de Richard Rognet et des poètes de l’Est, de l’Alsace et de la Lorraine.

Christophe Dauphin nous fait découvrir Jean Hans Arp, le sculpteur, mais aussi le peintre-poète qui a recours à l’écriture automatique : « C’est dans le rêve que j’ai appris à écrire et c’est bien plus tard que j’ai appris à lire… - Sous les redents des falaises – et sur l’hermine des plages – Papillonnaient tes gants de corolle – Ton chapeau de nuage – ton ombre d’ailes blanches. »

Autre grande voix de la poésie contemporaine : Claude Vigée, pour lequel la poésie sera celle de l’exil. Ainsi en témoigne cet extrait : « Les choses continuent : mais dans l’œil des maisons – que nous hantent partout des têtes inconnues – Nos lèvres sans écho sont deux ailes sauvages – Qui voudraient s’envoler lointaines dans l’espace. »

Et puis Jacques Simonomis fut aussi l’un de ces poètes de l’Est. C’était un colosse à l’écriture incisive : « Prends la route – engrosse-la – Des terres attendent – Serrées dans te poches – rapetassées d’étoiles filantes – d’éclisses de soleil. »  

Richard Rognet est également à l’honneur dans ce numéro. Sa poésie est empreinte de solitude intérieure. Il s’agit d’une poésie de l’abîme. L’auteur a essayé de dompter ses démons intérieurs : « vivre… - dans la sombre – matière du silence – que dis-je du -silence – vivre de – l’abîme en soi. » le poète a reçu en 2002 le grand prix de poésie de la Société des Gens de Lettres. Six poèmes inédits ont été publiés dans cette livraison. Parmi ceux-ci, voici un extrait : « Pourtant les oiseaux, devant ma porte battante, couvraient de chants subtils et vigoureux les roses défaillantes. Je croyais en eux, je pensais qu’ils m’éviteraient les menaces massues, les parfums altérés, els traces que laisse derrière elle, une nuit de larmes. »

Marie-Laure ANDRE-BOURGUET (in revue Poésie sur Seine, septembre 2023).

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Les numéros de la revue semestrielle Les Hommes sans Épaules pourraient aisément composer une encyclopédie de la poésie contemporaine du monde entier. Quand Christophe Dauphin s’intéresse à la poésie d’un continent, d’un pays, d’une région ou d’une culture particulière, il l’étudie à fond et avec passion, faisant appel à ses meilleurs connaisseurs.

Cette livraison est consacrée aux « Poètes de l’Est », autour de l’Alsace, de la lorraine et des Vosges, « trop méconnus comme la riche culture et al souvent terrible histoire de ces terres ».

Le sommaire est si foisonnant qu’il est impossible de tout mentionner. Des douze poètes dont il a particulièrement étudie le parcours et l’œuvre, outre le discret Richard Rognet à qui Paul Farellier consacre un important dossier, citons le peintre-poète-sculpteur Jean Hans Arp, Yvan Goll ( dont on se souvient aujourd’hui grâce au prix de poésie à son nom), Henri Thomas, bien connu en Bretagne, Jacques Simonomis, le poète animateur de la revue Le Cri d’os, Claude Vigée, à l’œuvre universelle, les toujours parmi nous et actifs Roland Reutenauer, fidèle aux éditions Rougerie, l’insurgé Jean-Paul Klée, le surréaliste Daniel Abel (que j’ai découvert dans les revues IHV et Hôtel Ouistiti), Gérard Pfister, fondateur et responsable des éditions Arfuyen, Germain Roesz, également peintre et créateur des éditions Lieux-Dits.

Marie-Josée CHRISTIEN (in revue Spered Gouez n°29, octobre 2023).

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De numéro en numéro, la revue Les Hommes sans Épaules voyage la France (en alternance avec le monde dans d’autres numéros). Donc, après la Normandie du n°52, voici l’Est (disons pas le Grand-Est, je sais que ça en défrise pas mal) : l’Alsace et les Vosges, la Lorraine, sont dans le numéro 55.

On y retrouve toutes les célébrités « mortes » (que vous avez déjà bien lues) : Jean Hans Arp, Claire Goll, Yvan Goll, Henri Thomas, Claude Vigée, J.-P. de Dadelsen… les célébrités inconnues : Nathan Katz, et les célébrités vivantes : le discret Joseph-Paul Schneider : Je retourne à ma forêt – A mes arbres, à mes mots – A cette plume qui est la serpe – J’élague – Ligne après ligne – Aube après aube – L’arbre du poème… Jean-Claude Walter (ce livre connu (de moi, pardon !) Le sismographe appliqué) : On vous plante un arbre dans le cœur, en avant marche, le temps est venu, le temps de quoi, peu importe, l’essentiel est d’avancer… Roland Reutenauer, le tonitruant Jean-Paul Klée : jusqu’au silence des radios – écrasé de bonheur sous la lampe – je relis l’analyse de vigée – en pensant à toi – à ton sexe – inconnu… Germain Roesz (que l’on connaît mieux comme éditeur, Les Lieux-Dits) : dans la grisaille perlée – grelots de nuits empierrées – les galets charrient – la vase blanchâtre – aux écumes disjointes – Les ombres traversent l’eau – Le fleuve est sombre – dans le débris des bombes – un enfant court – de ruine en ruine – Un cyan – fréon rusé…

En vrai, le grand invité du numéro EST, c’est Richard Rognet (nombreux livres chez Gallimard) : un dossier critique de Paul Farellier. De livre en livre, l’œuvre de Richard Rognet est une longue missive ininterrompue qui traverse le temps. De Rognet on lit aussi six poèmes inédits, D’Un bout à l’autre du monde : Pourtant les oiseaux, devant ma porte battante, couvraient de chants subtils et vigoureux les roses défaillantes. Je croyais en eux… - … Je leur accordais, à la pointe de mes paroles, les mêmes vertus que celles que dispense un ciel subrepticement dégagé… On reconnait sa souplesse quasi classique. Plein d’autres trucs dans ce numéro 55. Pensez, 350 pages !!!

Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°195, décembre 2023).




2007 – À propos du numéro 23/24

    « Dans ce numéro 23/24 des HSE, à noter tout particulièrement le double article « Les Porteurs de feu », avec d’une part « Stanislas Rodanski » par JM Goutier et Sarane Alexandrian et d’autre part, « André Laude » par Paul Farellier. Numéro riche, très nombreux textes de création et contributions. On peut encore citer un ensemble consacré au poète arménien Daniel Varoujan et un article de Monique W. Labidoire, Guillevic : un poète dans sa durée. »
    Florence Trocmé (Poézibao, dimanche 27 janvier 2008).

   « Je suis immédiatement consolé par le double numéro 23/24 des Hommes sans Épaules, mené à la baguette par Christophe Dauphin et qui rend hommage cette fois à Samuel Bréjar, trop tôt disparu… Dauphin, lui, s’est attaché au poète arménien Daniel Varoujan, tandis que Paul Farellier se fait Gilles Lades et que Monique Labidoire termine son Guillevic. En 250 pages, la revue fait le tour d’une actualité littéraire remarquablement riche. »
    Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°220, mars 2008).

    « La revue de poésie, même de parution intermittente, reste l’outil principal de la promotion poétique en France et le numéro 23/24 du périodique Les Hommes sans Épaules, fondé par le regretté Jean Breton et dirigé par Christophe Dauphin le démontre avec éclat. »
    Jean-Luc Maxence (Monde et Vie n°792, mars 2008).

    « Toujours, avec les HSE, ce remarquable et précieux voyage dans la poésie des cinquante dernières années. Notons entre autres, dans ce n°23/24, l’évocation de ces porteurs de feu que furent Stanislas Rodanski et André Laude, ainsi qu’un dossier Jorge Camacho. »
    Yves Artufel (Liqueur 44 n°79, automne 2008).




Lectures

"Cette nouvelle livraison, essentiellement consacrée à la poésie, est d'une richesse exceptionnelle. Dans son éditorial, Le Passager du Transatlantique, Christophe Dauphin rend un hommage chaleureux à Benjamin Péret dont il souligne le parcours singulier, celui d'un poète qui n'a jamais songé à faire carrière dans la littérature. Il cite, pour souligner son propos, Sarane Alexandrian: "Quand on considère ce que sont devenus dans leur vieillesse tant de matamores qui entrèrent dans les lettres le défi aux lèvres, le regard hautain, on s'incline bien bas devant Péret. Il n'a pas un instant fait de concessions pour s'attirer les honneurs que méritait son génie. Pauvre, vivotant de son métier de correcteur, il a gardé jusqu'au bout la vertu réfractaire de sa jeunesse... Libre comme le rossignol, mélodieux comme lui, menacé comme lui par la cohorte bruyante des ânes, il n'a cessé de faire entendre le chant qui lui était naturel." Le travail de l'association des amis de Benjamin Péret y est salué, une fois n'est pas coutume, depuis l'édition des Oeuvres complètes jusqu'à l'apport nouveau des Cahiers Benjamin Péret.

Benjamin Péret occupe le coeur de ce numéro avec un  volumineux dossier de plus de quatre-vingt pages intitulé: La Parole est toujours à Benjmain Péret. Ce dossier, parfaitement documenté et maîtrisé, par Christophe Dauphin, dit l'essentiel. Il est complété d'un article de Jean-Clarence Lambert sur les liens et affinités entre Benjamin Péret, Octavio Paz et le Mexique. Octavio Paz savait ce que fut l'exceptionnelle amitié entre Péret et Breton, une complicité intellectuelle reposant sur "la recherche d'une vie qui concilie poésie et révolution". Le choix des extraits de l'oeuvre de Péret qui a été fait dans Les HSE en est l'illustration.

on trouverea également dans ce numéro plusieurs dossiers sur Annie Le Brun par Karel Hadek et sur Jehan Mayoux avec une présentation de César Birène: "Jehan Mayoux, le poète insoumis", suivi d'un choix de poèmes par Hervé Delabarre. Parmi les "portraits éclairs" figurent également Lionel Ray et Fabrice Maze."

Gérard ROCHE (in Cahiers Benjamin Péret n°5, septembre 2016).

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" Le dossier de ce beau numéro est consacré à Benjamin Péret. Dans son éditorial, intitulé « Le passager du Transatlantique », Christophe Dauphin explique ce choix :

« Les poètes ont toujours été et sont toujours de ce monde, mais ils sont rares, ceux qui, de la trempe de Benjamin Péret, demeurent toujours et définitivement à l’avant-garde du Feu poétique. Et pourtant, si le Passager du Transatlantique n’a jamais cessé d’être à flot, ce fut trop souvent sur un océan d’ombre, que n’emprunte qu’une minorité, certes, mais active et éclairée. Ce constat a motivé l’écriture du dossier central de ce numéro des HSE. Avec Péret, nous ne sommes jamais dans l’histoire de la littérature, tellement ce poète est actuel – et surtout en ces temps d’assassins et du médiocre dans lesquels nous vivons  -, mais dans la vie. Comment alors expliquer l’audience confidentielle de son œuvre ? »

Si la France a, depuis des décennies, du mal avec la poésie en général et les poètes en particulier qui, souvent, obligent à penser dans un monde qui a vu, avec les soi-disant nouveaux philosophes des années 60-70, l’opinion remplacer la pensée et le savoir. Benjamin Péret, un anticonformiste cher à Sarane Alexandrian, n’a jamais fait la moindre concession à la mondanité.

L’œuvre, toujours injustement méconnue de Benjamin Péret, est immense, aux poèmes s’ajoutent des contes, des écrits politiques, des écrits ethnologiques, des écrits critiques sur le cinématographe et les arts plastiques, sur le surréalisme, la littérature, sans compter les entretiens. Une œuvre éditée aujourd’hui en sept volumes sous le titre Œuvres complètes grâce à l’association des amis de Benjamin Péret.

Son œuvre, toujours aussi actuelle, dérange et secoue. Elle réveille. Benjamin Péret qui poussera de manière exemplaire la pratique de l’écriture automatique dans ses retranchements soulève l’hostilité et l’incompréhension dès la fin des années 1920, notamment de la N.R.F., incompréhension qui demeure.

Voici pourtant ce qu’en dit André Rolland de Renéville en 1939 :

« L’écriture automatique apparaît en harmonie avec le tempérament de Péret, au point qu’il semble que notre poète n’eût pas écrit si le surréalisme n’avait pas été découvert. Benjamin Péret ne conserve de notre langage que la construction syntaxique, l’allure et le ton. Les mots lui deviennent des signes. Il leur redonne un sens absolument libre, dégagé des objets qu’il désigne. De nouveaux objets semblent naître de ces moules dont le contenu nous était imposé par l’usage. Et le miracle est que ces réalités nous les comprenons, tandis que nous traverse l’immense éclat de rire d’un être que nulle contrainte ne retient plus de se lancer à travers notre flore et notre faune urbaines, comme s’il s’agissait pour lui de celles d’une contrée primordiale, ouverte à ses instincts. Il suffit de lire au hasard l’un de ses plus beaux poèmes pour y trouver l’exemple d’une conscience qui décide d’accepter sans y introduire de contrôle, la succession des idées qui se présentent à elle par le mécanisme de leur libre association.  Péret annihile la distance entre l’homme et l’objet, entre l’espace et le temps, entre le réel et le rêve : Sois la vague et le bourreau la lance et l’orée – et que l’orée soit l’étincelle qui va du cou de l’amante à – celui de l’amant – et que se perde la lance dans la cervelle du temps – et que la vague porte la poutre – et que la poutre soit une hirondelle – blanche et rouge comme mon CŒUR et ma peur. »

Christophe Dauphin note que si Benjamin Péret, ce « surréaliste par excellence », « est presque toujours qualifié d’opposant-né », il convient aussi de parler de lui comme d’ « un homme du oui et de l’adhésion à la liberté, à l’amour sublime, au merveilleux, à l’amitié ». Péret, nous dit-il, a aussi « magistralement établit l’analogie entre la démarche poétique et la pensée mythique ». Christophe Dauphin rappelle que Benjamin Péret est définitivement vivant quand bien des prétendus poètes d’aujourd’hui sont déjà morts. En 1945, il tenait ces propos, à la fois réalistes et visionnaires, dans Le déshonneur des poètes.

« Les ennemis de la poésie ont eu de tout temps l’obsession de la soumettre à leurs fins immédiates, de l’écraser sous leur dieu ou, maintenant, de l’enchaîner au ban de la nouvelle divinité brune ou « rouge » – rouge-brun de sang séché – plus sanglante encore que l’ancienne. Pour eux, la vie et la culture se résument en utile et inutile, étant sous-entendu que l’utile prend la forme d’une pioche maniée à leur bénéfice. Pour eux, la poésie n’est que le luxe du riche, aristocrate ou banquier, et si elle veut se rendre « utile » à la masse, elle doit se résigner au sort des arts « appliqués », « décoratifs », « ménagers », etc. »

Benjamin Péret est plus que jamais précieux dans un monde ou la compromission, la trahison et la falsification sont la norme.

 

A travers le temps et l’espace

Attendre sous le vent et la neige des astres

la venue d’une fleur indécente sur mon front décoloré

comme un paysage déserté par les oiseaux appelés soupirs du sage

et qui volent dans le sens de l’amour

voilà mon sort

voilà ma vie

Vie que la nature a fait pleine de plumes

et de poisons d’enfants

je suis ton humble serviteur

 

Je suis ton humble serviteur et je mords les herbes des nuages

que tu me tends sur un coussin qui

comme une cuisse immortelle

conserve sa chaleur première et provoque le désir

que n’apaiseront jamais

ni la flamme issue d’un monstre inconsistant

ni le sang de la déesse

voluptueuse malgré la stérilité d’oiseau des marécages intérieurs"


Rémi BOYER (in incoherism.wordpress. com, 1er mai 2016).


*


"Je me demande toujours si je dois considére Les Hommes sans Epaules (ici, le numéro 41), comme un livre ou une revue. presque 200 pages pour Benjamin Péret et 30 pour Annie Le Brun, me font hésiter, mais tout de même et comme d'habitude, Christophe Dauphin me fait pencher vers le livre. En particulier pour Péret, si curieusement discret et souvent mal défini, même si son surréalisme est sans doute aucun, un des plus complets et plus authentiques de tous les membres et souvent tellement plus connus des groupes internationaux. Par ses voyages et ses étonnantes originalités, il se démarque fortement des autres tentations explicatives, si nombreuses et si souvent contradictoires sous le même nom de surréalistes, comme de Dada et tant de noms d'avant-gardes, valables ou non, Péret reste un modèle par l'abondance de sa production et sa qualité d'écriture et de pensée (au grand pluriel), mais plus encore de son inventivité. Dauphin ne s'y trompent à aucun moment et le lecteur a intérêt à parcourir avec lui cette oeuvre que je commence à préférer parfois aux autres icones groupées autour de l'éternel André Breton. J'ai découvert Annie Le Brun, que je ne connaissais pas encore, et admire sans réserve tout ce qu'elle rend magique dans ce portrait en apparence si simple. même après cet Homme sans Epaules, j'ai le sentiment de n'avoir pas encore lu Péret."

Paul VAN MELLE (in revue Inédit Nouveau n°279, avril 2016).

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" Le dossier majeur de la revue de Christophe Dauphin (une centaine de pages sur les plus de 300 de l’ensemble) est consacré à Benjamin Péret (1899-1959). Opposant-né, anticlérical, antimilitariste, adversaire du nationalisme, Péret ne s’est jamais départi de ses opinions profondes tout au long de sa vie. C’est en 1920 qu’il rencontre Breton et les dadaïstes ; il demeurera un fervent adepte de l’écriture automatique et plus largement défendra la liberté sous toutes ses formes. Certains de ses articles assez virulents et prises de position lui vaudront pas mal d’inimitiés durables. Il passera en trois périodes une dizaine d’années soit au Brésil, soit aux Mexique. Où son penchant pour le trotskysme prendra racine ainsi que son intérêt pour les religions africaines. Il sera correcteur pour les Journaux Officiels, rejoindra les anarchistes de la « colonne Durutti » en Espagne, en 36, et sera emprisonné trois semaines à Rennes, en mai 1940. Durant la guerre, il passe par Marseille, avant de rejoindre le Mexique, est fasciné par la civilisation maya. Il travaille vingt ans sur l’Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique. 1945, c’est le scandale du Déshonneur des poètes qui répond à Honneur des poètes (Aragon, Éluard, Seghers, Tardieu, Frénaud, Ponge…). Où Péret fustige cette poésie proche de la propagande, en dénonçant « la récupération du poétique par le politique ». Cette polémique violente va l’isoler. Il aura du mal à éditer Le Gigot, sa vie, son œuvre que Losfeld accepta où il fait montre de ses dons de conteur. Octavio Paz parle en résumé d’une des œuvres les plus originales et sauvages de notre époque. Suit un texte de Jean-Clarence Lambert, un voisin, qui met en perspective Péret, Paz et le Mexique, et je retiens dans son préambule cette comparaison assez juste entre Péret et Breton entre le naturel de l’un et le côté plus emprunté et cérémonieux de l’autre. Une anthologie d’une vingtaine de pages pour clore.

Je voudrais te parler cristal fêlé hurlant comme un chien dans une nuit de draps battants… "


Jacques MORIN ( cf. "Repérage" in dechargelarevue.com, 17 août 2016.)






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