Tri par titre
|
Tri par auteur
|
Tri par date
|
Page : <1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 >
|
|
|
Lectures critiques :
Ce volume rassemble l’essentiel des poèmes d’André-Louis Aliamet publiés au cours de sa vie de poète dans une demi-douzaine de recueils.
Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est d’abord l’idée. Chacun de ces poèmes véhicule une idée-force mise en beauté. Les textes d’André-Louis Aliamet se méditent dans le silence auquel souvent ils conduisent naturellement.
« Je me tiens à égale distance de l’égarement et de la clairvoyance. Serait-ce une langue, ces coups de boutoirs des syllabes ? L’écriture, sans date ni repère, ces mots sentis brusquement, s’étonnent de nous trouver si lents, si tardivement émus. Sous l’aile d’orages inaudibles, ton règne, crève-cœur public, devient désordre. Immédiatement au-dessous persiste la criée secrète du poème. »
L’intérêt d’un recueil qui reprend plus de vingt ans de production est la rencontre avec un chemin qui fait œuvre ou non. Syllabes de nuit est une œuvre et non un assemblage, elle enseigne et éveille sans insistance particulière, avec grâce.
« Proche de Dieu sans t’inquiéter des prêtres, tu demeures, passé toute crise, celle qui persiste à rire, sans que je sache, une fois quittée, si tes joies sont toutes fausses, comme ton sobre amour n’est qu’un masque – pour lors à danser sur l’eau, toi qui dessines, du bout d’une perche, les pourtours d’une averse – lors pour filtrer des pluies, tu t’apprêtes à danser, sans que je sache, dans l’air spongieux, si tes rires sont des voltiges. »
On devine à la lecture des poèmes une alliance secrète entre le poète et la langue. Il a percé le secret des sons et des rythmes de cette grammaire qui crée les mondes. Inutile de chercher les arcanes dans quelque grimoire caché alors que le poète révèle.
« sois ma femme de Saturne et je serai
ta peau , crottée comme un ange,
sois mon institutrice, car Dieu
nous veut pour flairer ses pièges,
avec mon masque de cendres et tes deux
seins aveugles, recrus d’espace,
Ô Sœur de midi ! »
Une œuvre, véritablement, à ne pas manquer.
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 8 avril 2022).
|
Lectures critiques :
Ce volume rassemble l’essentiel des poèmes d’André-Louis Aliamet publiés au cours de sa vie de poète dans une demi-douzaine de recueils.
Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est d’abord l’idée. Chacun de ces poèmes véhicule une idée-force mise en beauté. Les textes d’André-Louis Aliamet se méditent dans le silence auquel souvent ils conduisent naturellement.
« Je me tiens à égale distance de l’égarement et de la clairvoyance. Serait-ce une langue, ces coups de boutoirs des syllabes ? L’écriture, sans date ni repère, ces mots sentis brusquement, s’étonnent de nous trouver si lents, si tardivement émus. Sous l’aile d’orages inaudibles, ton règne, crève-cœur public, devient désordre. Immédiatement au-dessous persiste la criée secrète du poème. »
L’intérêt d’un recueil qui reprend plus de vingt ans de production est la rencontre avec un chemin qui fait œuvre ou non. Syllabes de nuit est une œuvre et non un assemblage, elle enseigne et éveille sans insistance particulière, avec grâce.
« Proche de Dieu sans t’inquiéter des prêtres, tu demeures, passé toute crise, celle qui persiste à rire, sans que je sache, une fois quittée, si tes joies sont toutes fausses, comme ton sobre amour n’est qu’un masque – pour lors à danser sur l’eau, toi qui dessines, du bout d’une perche, les pourtours d’une averse – lors pour filtrer des pluies, tu t’apprêtes à danser, sans que je sache, dans l’air spongieux, si tes rires sont des voltiges. »
On devine à la lecture des poèmes une alliance secrète entre le poète et la langue. Il a percé le secret des sons et des rythmes de cette grammaire qui crée les mondes. Inutile de chercher les arcanes dans quelque grimoire caché alors que le poète révèle.
« sois ma femme de Saturne et je serai
ta peau , crottée comme un ange,
sois mon institutrice, car Dieu
nous veut pour flairer ses pièges,
avec mon masque de cendres et tes deux
seins aveugles, recrus d’espace,
Ô Sœur de midi ! »
Une œuvre, véritablement, à ne pas manquer.
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 8 avril 2022).
|
Lectures critiques :
Ce volume rassemble l’essentiel des poèmes d’André-Louis Aliamet publiés au cours de sa vie de poète dans une demi-douzaine de recueils.
Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est d’abord l’idée. Chacun de ces poèmes véhicule une idée-force mise en beauté. Les textes d’André-Louis Aliamet se méditent dans le silence auquel souvent ils conduisent naturellement.
« Je me tiens à égale distance de l’égarement et de la clairvoyance. Serait-ce une langue, ces coups de boutoirs des syllabes ? L’écriture, sans date ni repère, ces mots sentis brusquement, s’étonnent de nous trouver si lents, si tardivement émus. Sous l’aile d’orages inaudibles, ton règne, crève-cœur public, devient désordre. Immédiatement au-dessous persiste la criée secrète du poème. »
L’intérêt d’un recueil qui reprend plus de vingt ans de production est la rencontre avec un chemin qui fait œuvre ou non. Syllabes de nuit est une œuvre et non un assemblage, elle enseigne et éveille sans insistance particulière, avec grâce.
« Proche de Dieu sans t’inquiéter des prêtres, tu demeures, passé toute crise, celle qui persiste à rire, sans que je sache, une fois quittée, si tes joies sont toutes fausses, comme ton sobre amour n’est qu’un masque – pour lors à danser sur l’eau, toi qui dessines, du bout d’une perche, les pourtours d’une averse – lors pour filtrer des pluies, tu t’apprêtes à danser, sans que je sache, dans l’air spongieux, si tes rires sont des voltiges. »
On devine à la lecture des poèmes une alliance secrète entre le poète et la langue. Il a percé le secret des sons et des rythmes de cette grammaire qui crée les mondes. Inutile de chercher les arcanes dans quelque grimoire caché alors que le poète révèle.
« sois ma femme de Saturne et je serai
ta peau , crottée comme un ange,
sois mon institutrice, car Dieu
nous veut pour flairer ses pièges,
avec mon masque de cendres et tes deux
seins aveugles, recrus d’espace,
Ô Sœur de midi ! »
Une œuvre, véritablement, à ne pas manquer.
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 8 avril 2022).
|
Lectures critiques :
Ce volume rassemble l’essentiel des poèmes d’André-Louis Aliamet publiés au cours de sa vie de poète dans une demi-douzaine de recueils.
Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est d’abord l’idée. Chacun de ces poèmes véhicule une idée-force mise en beauté. Les textes d’André-Louis Aliamet se méditent dans le silence auquel souvent ils conduisent naturellement.
« Je me tiens à égale distance de l’égarement et de la clairvoyance. Serait-ce une langue, ces coups de boutoirs des syllabes ? L’écriture, sans date ni repère, ces mots sentis brusquement, s’étonnent de nous trouver si lents, si tardivement émus. Sous l’aile d’orages inaudibles, ton règne, crève-cœur public, devient désordre. Immédiatement au-dessous persiste la criée secrète du poème. »
L’intérêt d’un recueil qui reprend plus de vingt ans de production est la rencontre avec un chemin qui fait œuvre ou non. Syllabes de nuit est une œuvre et non un assemblage, elle enseigne et éveille sans insistance particulière, avec grâce.
« Proche de Dieu sans t’inquiéter des prêtres, tu demeures, passé toute crise, celle qui persiste à rire, sans que je sache, une fois quittée, si tes joies sont toutes fausses, comme ton sobre amour n’est qu’un masque – pour lors à danser sur l’eau, toi qui dessines, du bout d’une perche, les pourtours d’une averse – lors pour filtrer des pluies, tu t’apprêtes à danser, sans que je sache, dans l’air spongieux, si tes rires sont des voltiges. »
On devine à la lecture des poèmes une alliance secrète entre le poète et la langue. Il a percé le secret des sons et des rythmes de cette grammaire qui crée les mondes. Inutile de chercher les arcanes dans quelque grimoire caché alors que le poète révèle.
« sois ma femme de Saturne et je serai
ta peau , crottée comme un ange,
sois mon institutrice, car Dieu
nous veut pour flairer ses pièges,
avec mon masque de cendres et tes deux
seins aveugles, recrus d’espace,
Ô Sœur de midi ! »
Une œuvre, véritablement, à ne pas manquer.
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 8 avril 2022).
|
|
|
|
Critique
Jean BRETON, in Les Hommes sans Épaules, 3ème série, n° 10, 1er trimestre 2001, p. 111 :
"Qui sommes nous, sans cesse « en perte de visage » ? Un labyrinthe que le va et vient onirique éclaire d’une lampe de poche. Il y a chez Paul Farellier une pudeur, un refus aussi de toute surenchère verbale. On est lié à un mot à mot presque janséniste. Le poète se défie de la parole qui « tombe en limaille », il veut l’humilité, la clarté, la sécurité du silence ; il aspire au besoin peu répandu de « loger au point aveugle » des choses. D’où son goût pour la nuit – qui va plutôt à l’essentiel. Nous voici alors à fond dans notre « attente », notre perception accrue. Égalisons les vibrations, les contradictions. Scrupule, modestie, lucidité reine, c’est le tremblé de ce trio qui écrit notre identité, même si elle bouge à peine. […] L’homme est guetté par l’effacement du lieu et de l’être qui l’habite. Mais il sera souvent coopté par le regard des « étoiles » et « le cri de beauté » qu’elles nous lancent. Rôde une certitude que le poète, avare de confidences, ne nous livre que de biais : « une voix » saura un jour nous atteindre. On rejoint ici un mysticisme tout de prudence : J’ai rêvé :/ il restait ce carrefour d’éternités »..."
|
|
|
|
Bloc-notes
Historien d’art et de la littérature érotique, essayiste et romancier, auteur d’une trentaine d’ouvrages, Sarane Alexandrian (1927-2009) s’est situé tantôt au cœur et tantôt en marge du mouvement surréaliste. A la demande d’André Breton, il dirigea après-guerre la revue Néon, et on lui doit l’Art surréaliste et Le Surréalisme et le rêve. Il fut critique d’art à la revue L'œil et au journal Arts, et critique littéraire à l’Express.
Sarane Alexandrian s’est intéressé à la magie sexuelle, chez Crowley par exemple (en témoigne son essai sur La Magie sexuelle, La Musardine, 2000), mais aussi à la philosophie occulte, chez Agrippa par exemple, et, en dépit de certaines approximations, son Histoire de la philosophie occulte (Seghers, 1983) est des plus utiles. Après L’Impossible est un jeu (Edinter/Rafael de Surtis, 2011), voici son deuxième ouvrage posthume : Les leçons de la haute magie (Rafael de Surtis, 2012), qui rassemble des textes sur la vie, la mort et les croyances sous le regard de l’occultisme, par un surréaliste en quête de la réalité de l’homme, de l’invisible et du monde.Certains écrits sont inédits, d’autres ont été publiés, respectivement en 2008 et 2011, dans la revue d’avant-garde Supérieur Inconnu, qu’il a dirigée depuis 1995.
Alexandrian s’interroge et nous interroge ainsi sur l’âme et l’esprit, le monde occulte, le grand principe du Tout, la phénoménologie des superstitions populaires, l’ontologie de la mort. Que l’on partage ou que l’on ne partage pas toujours (ce qui est mon cas), les réponses qu’il apporte à la lumière de son expérience personnelle, ses textes témoignent de la pensée d’un intellectuel à la croisée du surréalisme et de l’occultisme, en quête du salut par le rêve et l’amour.
Enfin, une petite étude sur « Joséphin Péladan et le rêve de l’érotisme mystique » éclaire d’une jour nouveau l’œuvre de l’auteur des vingt-et-un romains de La Décadence latine, dans un domaine où d’aucuns, sans doute, ne seraient pas allés le chercher, mais où Sarane Alexandrian a su mettre en évidence certains traits caractéristiques d'une forme d'érotisme sacré chez le sâr de la Rose-Croix catholique.
Serge Caillet
("Bloc-notes d'un historien de l'occultisme" in sergecaillet.blogspot.fr)
|
Sur Incoherism
"Deuxième livre posthume de Sarane Alexandrian, Les Leçons de Haute Magie viennent éclairer un aspect singulier de la personnalité riche et surprenante du second penseur du Surréalisme après André Breton. La pensée et l’œuvre de Sarane Alexandrian explorent toutes les dimensions de la psyché, à travers l’art et la littérature bien sûr, notamment d’avant-garde, mais également à travers l’érotologie, l’hermétisme et la philosophie occulte. Le choix d’une alternative nomade aux impasses de tous les conformismes ne pouvait que conduire Sarane Alexandrian à l’étude de pensées et praxis autres, constantes cependant de l’expérience humaine. Les Leçons de Haute Magie font partie d’un ensemble, intitulées Idées pour un Art de Vivre dont elles forment le quatrième volet. Le premier volume, La Science de l’être traite des étapes de l’acheminement de l’être. Le deuxième, Le Spectre du langage, interroge la littérature, l’imaginaire et la poésie. Le troisième, Une et un font Tout aborde la question de la nature féminine, et des fantasmagories des rapports amoureux, question qui trouve son prolongement dans ce quatrième volume. Le cinquième, Court traité de métapolitique, s’intéresse aux travaux de Charles Fourier qui lui était cher, et pose les bases d’une politique transcendante. Le sixième, L’Art et le désir, est consacré à une esthétique ontologique et à une synthèse des arts. Comme le remarque Christophe Dauphin dans son introduction, cette œuvre se trouve à la croisée de multiples influences, André Breton, Charles Fourier, Aleister Crowley, Cornélius Agrippa notamment mais elle est aussi porteuse d’une profonde originalité. « Vérités nécessaires » ou « mensonges provoquant la rêverie », l’œuvre de Sarane Alexandrian veut éveiller au réel. Il distingue non sans pertinence, ésotérisme, hermétisme et occultisme, même si ces distinctions sont parfois difficiles à établir, afin de poser les jalons d’un enseignement qui vise une structure absolue, un principe dégagé des surimpositions culturelles et personnelles. Les Leçons traitent de l’âme et de l’esprit, du monde occulte, de la métaphysique, de la phénoménologie des superstitions populaires, d’une ontologie de la mort, du Rêve de l’Erotisme Mystique de Joséphin Péladan et, enfin, du Livre des Rêves de Luc Dietrich. Les Leçons, apparemment disparates, constituent bien un ensemble cohérent, non destiné à rassurer le lecteur, mais plutôt à le constituer comme un libre aventurier de l’esprit. On ne suivra pas Sarane Alexandrian sur son peu de considération pour Gurdjieff, son contre-sens, il est vrai courant, sur la quatrième voie, ou au contraire sa surestimation de Papus, certes excellent vulgarisateur et organisateur mais sans doute pas comme il l’avance « meilleur théoricien de l’occultisme qu’Eliphas Lévi ». On appréciera son analyse subtile de ce qui est en jeu dans la nécessité que connaît l’homme d’explorer, parfois avec maladresse, l’invisible, l’inconnu, l’indicible, le néant et la totalité. Le sens de la queste et son intransigeance ont pour corollaire une peur originelle qui pousse l’être humain à s’extraire des conditionnements, à s’affranchir des limites, à traverser, parfois sans ménagement, ce qui se présente, parfois au prix d’une vérité, parfois au prix d’un mensonge salutaire. Son analyse de la sexualité transcendante de Péladan est très juste, même si Sarane Alexandrian n’arrive pas à discerner clairement entre magie sexuelle, sexualité magique et alchimie interne. Il montre comment Péladan, à travers différents livres, présente les voies de couples et les différentes étapes de celles-ci. Celui qui a « glorifié l’érotisme sacré » ne pouvait que trouver en Sarane Alexandrian un lecteur non seulement attentif et passionné mais capable de le comprendre. L’érotologie de Sarane Alexandrian, le « sceptique intégral » ou le « gnostique moderne » que l’on lit aujourd’hui, n’est pas éloignée de celle de Péladan, « premier représentant de la mystique érotique dans la littérature moderne » qu’on ne lit plus, malheureusement. Les Leçons de Haute Magie introduisent à de nombreuses dimensions cachées de l’être. Elles témoignent également de la liberté de cet « homme remarquable », au sens le plus gurdjieffien qui soit, qui, en des temps hostiles, a osé traiter avec la distance nécessaire de sujets trop souvent tabous. "
Rémi Boyer (in incoherim.owni.fr, octobre 2012).
|
|
|
|
Lectures critiques :
Il est parfois impossible de commenter un texte par crainte de le profaner. C’est le cas pour ce long et superbe poème, enlacement de deux êtres et de deux textes au-delà de la mort et au plus profond de la psyché.
Le titre de l’ouvrage essentiel de Leonardo Coimbra, La joie, la douleur et la grâce, titre qui fait procès, évoque parfaitement ce que nous rencontrons dans le chant et le cri d’Anne Peslier.
Un extrait est préférable à tout autre commentaire :
« Cette nuit-là je querelle mon corps
effacé devenu blanc et ton désir en plain visage
étonne ma peine d’être belle
comment pourrais-je te dire
que le désir abruti d’absence
fige le corps dans du marbre
C’est bien ton visage là et ton nom
tu me suis jusqu’à mes instants
je suis installée sur une pierre
telle une sentinelle ne voyant aucun ciel
l’intérieur sous la peau suffit à me diriger
mais l’heure est une épée et
notre chair saigne dans l’écorce de Mars
et ta forêt n’y peut rien tant d’heures
à dérouler ta face dans l’abrutissement de
la nuit
pour tenter d’effacer épuise nos sortilèges
comme un glacier dérive sans jamais
trépasser
Quand j’ai repris le fil de ma naissance j’ai rêvé
que tu m’avais diablement envoûtée
et que mon portrait avait échoué dans la vie pour cette seule raison
deviner ton corps alors
Je me brise parfois pour voir ton
visage jaillir d’une flaque au ciel
partout je suis née et morte sur les
murs où je passe en fille rageuse
nettoyée par plusieurs orages
inerte comme si la vie avait écrasé
ma peau, mais dans quelle mer
plonger pour être sûre de gagner
le naufrage
C’est bien après six mois d’agonie
que tu pleures ta dernière heure
il reste une année avant que l’eau se mêle à ton sang
comme la mer-océan se mêle
ton cœur parlait deux fois
et je n’écoutais que l’âme
pensant qu’un être-mort se noue facilement
à son amante et que cette prison ne s’achève jamais
car chaque parcelle est reconstituée à chaque
endroit du corps qui reste
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, mai 2021).
|
Lectures critiques :
Il est parfois impossible de commenter un texte par crainte de le profaner. C’est le cas pour ce long et superbe poème, enlacement de deux êtres et de deux textes au-delà de la mort et au plus profond de la psyché.
Le titre de l’ouvrage essentiel de Leonardo Coimbra, La joie, la douleur et la grâce, titre qui fait procès, évoque parfaitement ce que nous rencontrons dans le chant et le cri d’Anne Peslier.
Un extrait est préférable à tout autre commentaire :
« Cette nuit-là je querelle mon corps
effacé devenu blanc et ton désir en plain visage
étonne ma peine d’être belle
comment pourrais-je te dire
que le désir abruti d’absence
fige le corps dans du marbre
C’est bien ton visage là et ton nom
tu me suis jusqu’à mes instants
je suis installée sur une pierre
telle une sentinelle ne voyant aucun ciel
l’intérieur sous la peau suffit à me diriger
mais l’heure est une épée et
notre chair saigne dans l’écorce de Mars
et ta forêt n’y peut rien tant d’heures
à dérouler ta face dans l’abrutissement de
la nuit
pour tenter d’effacer épuise nos sortilèges
comme un glacier dérive sans jamais
trépasser
Quand j’ai repris le fil de ma naissance j’ai rêvé
que tu m’avais diablement envoûtée
et que mon portrait avait échoué dans la vie pour cette seule raison
deviner ton corps alors
Je me brise parfois pour voir ton
visage jaillir d’une flaque au ciel
partout je suis née et morte sur les
murs où je passe en fille rageuse
nettoyée par plusieurs orages
inerte comme si la vie avait écrasé
ma peau, mais dans quelle mer
plonger pour être sûre de gagner
le naufrage
C’est bien après six mois d’agonie
que tu pleures ta dernière heure
il reste une année avant que l’eau se mêle à ton sang
comme la mer-océan se mêle
ton cœur parlait deux fois
et je n’écoutais que l’âme
pensant qu’un être-mort se noue facilement
à son amante et que cette prison ne s’achève jamais
car chaque parcelle est reconstituée à chaque
endroit du corps qui reste
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, mai 2021).
|
Lectures critiques :
Il est parfois impossible de commenter un texte par crainte de le profaner. C’est le cas pour ce long et superbe poème, enlacement de deux êtres et de deux textes au-delà de la mort et au plus profond de la psyché.
Le titre de l’ouvrage essentiel de Leonardo Coimbra, La joie, la douleur et la grâce, titre qui fait procès, évoque parfaitement ce que nous rencontrons dans le chant et le cri d’Anne Peslier.
Un extrait est préférable à tout autre commentaire :
« Cette nuit-là je querelle mon corps
effacé devenu blanc et ton désir en plain visage
étonne ma peine d’être belle
comment pourrais-je te dire
que le désir abruti d’absence
fige le corps dans du marbre
C’est bien ton visage là et ton nom
tu me suis jusqu’à mes instants
je suis installée sur une pierre
telle une sentinelle ne voyant aucun ciel
l’intérieur sous la peau suffit à me diriger
mais l’heure est une épée et
notre chair saigne dans l’écorce de Mars
et ta forêt n’y peut rien tant d’heures
à dérouler ta face dans l’abrutissement de
la nuit
pour tenter d’effacer épuise nos sortilèges
comme un glacier dérive sans jamais
trépasser
Quand j’ai repris le fil de ma naissance j’ai rêvé
que tu m’avais diablement envoûtée
et que mon portrait avait échoué dans la vie pour cette seule raison
deviner ton corps alors
Je me brise parfois pour voir ton
visage jaillir d’une flaque au ciel
partout je suis née et morte sur les
murs où je passe en fille rageuse
nettoyée par plusieurs orages
inerte comme si la vie avait écrasé
ma peau, mais dans quelle mer
plonger pour être sûre de gagner
le naufrage
C’est bien après six mois d’agonie
que tu pleures ta dernière heure
il reste une année avant que l’eau se mêle à ton sang
comme la mer-océan se mêle
ton cœur parlait deux fois
et je n’écoutais que l’âme
pensant qu’un être-mort se noue facilement
à son amante et que cette prison ne s’achève jamais
car chaque parcelle est reconstituée à chaque
endroit du corps qui reste
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, mai 2021).
|
Lectures critiques :
Il est parfois impossible de commenter un texte par crainte de le profaner. C’est le cas pour ce long et superbe poème, enlacement de deux êtres et de deux textes au-delà de la mort et au plus profond de la psyché.
Le titre de l’ouvrage essentiel de Leonardo Coimbra, La joie, la douleur et la grâce, titre qui fait procès, évoque parfaitement ce que nous rencontrons dans le chant et le cri d’Anne Peslier.
Un extrait est préférable à tout autre commentaire :
« Cette nuit-là je querelle mon corps
effacé devenu blanc et ton désir en plain visage
étonne ma peine d’être belle
comment pourrais-je te dire
que le désir abruti d’absence
fige le corps dans du marbre
C’est bien ton visage là et ton nom
tu me suis jusqu’à mes instants
je suis installée sur une pierre
telle une sentinelle ne voyant aucun ciel
l’intérieur sous la peau suffit à me diriger
mais l’heure est une épée et
notre chair saigne dans l’écorce de Mars
et ta forêt n’y peut rien tant d’heures
à dérouler ta face dans l’abrutissement de
la nuit
pour tenter d’effacer épuise nos sortilèges
comme un glacier dérive sans jamais
trépasser
Quand j’ai repris le fil de ma naissance j’ai rêvé
que tu m’avais diablement envoûtée
et que mon portrait avait échoué dans la vie pour cette seule raison
deviner ton corps alors
Je me brise parfois pour voir ton
visage jaillir d’une flaque au ciel
partout je suis née et morte sur les
murs où je passe en fille rageuse
nettoyée par plusieurs orages
inerte comme si la vie avait écrasé
ma peau, mais dans quelle mer
plonger pour être sûre de gagner
le naufrage
C’est bien après six mois d’agonie
que tu pleures ta dernière heure
il reste une année avant que l’eau se mêle à ton sang
comme la mer-océan se mêle
ton cœur parlait deux fois
et je n’écoutais que l’âme
pensant qu’un être-mort se noue facilement
à son amante et que cette prison ne s’achève jamais
car chaque parcelle est reconstituée à chaque
endroit du corps qui reste
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, mai 2021).
|
Lectures critiques :
Il est parfois impossible de commenter un texte par crainte de le profaner. C’est le cas pour ce long et superbe poème, enlacement de deux êtres et de deux textes au-delà de la mort et au plus profond de la psyché.
Le titre de l’ouvrage essentiel de Leonardo Coimbra, La joie, la douleur et la grâce, titre qui fait procès, évoque parfaitement ce que nous rencontrons dans le chant et le cri d’Anne Peslier.
Un extrait est préférable à tout autre commentaire :
« Cette nuit-là je querelle mon corps
effacé devenu blanc et ton désir en plain visage
étonne ma peine d’être belle
comment pourrais-je te dire
que le désir abruti d’absence
fige le corps dans du marbre
C’est bien ton visage là et ton nom
tu me suis jusqu’à mes instants
je suis installée sur une pierre
telle une sentinelle ne voyant aucun ciel
l’intérieur sous la peau suffit à me diriger
mais l’heure est une épée et
notre chair saigne dans l’écorce de Mars
et ta forêt n’y peut rien tant d’heures
à dérouler ta face dans l’abrutissement de
la nuit
pour tenter d’effacer épuise nos sortilèges
comme un glacier dérive sans jamais
trépasser
Quand j’ai repris le fil de ma naissance j’ai rêvé
que tu m’avais diablement envoûtée
et que mon portrait avait échoué dans la vie pour cette seule raison
deviner ton corps alors
Je me brise parfois pour voir ton
visage jaillir d’une flaque au ciel
partout je suis née et morte sur les
murs où je passe en fille rageuse
nettoyée par plusieurs orages
inerte comme si la vie avait écrasé
ma peau, mais dans quelle mer
plonger pour être sûre de gagner
le naufrage
C’est bien après six mois d’agonie
que tu pleures ta dernière heure
il reste une année avant que l’eau se mêle à ton sang
comme la mer-océan se mêle
ton cœur parlait deux fois
et je n’écoutais que l’âme
pensant qu’un être-mort se noue facilement
à son amante et que cette prison ne s’achève jamais
car chaque parcelle est reconstituée à chaque
endroit du corps qui reste
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, mai 2021).
|
|
|
|
Lectures critiques
« Après Les Ailes basses (2010), Les Effigies (2013) et Le Dieu des portes (2016), la Librairie-Galerie Racine nous donne à lire, dans la collection Les Hommes sans Epaules, un nouveau livre de Frédéric Tison ou, plus précisément, « deux livres en miroir » comme les présente leur auteur : Aphélie, suivi de Noctifer. Ainsi se développe, s’élargit, se magnifie une œuvre dont peut s’observer l’admirable continuité à chaque étape de son évolution.
Au seuil de ce nouvel ouvrage, l’auteur - ce que font rarement les poètes - s’explique, dans un liminaire d’une grande lucidité, sur la part intentionnelle de son livre et sur le sens profond de l’engagement poétique dont ces textes témoignent : laisser parler le lointain qu’il regarde en lui-même, explorer donc son « lointain intérieur » à l’instar d’un Michaux, mais d’une tout autre manière ; quand il regarde ici, c’est dans son propre regard. Et voilà ce que nous croyons être sa « découverte » capitale : son regard dans l’intime « n’est peut-être qu’un immense Regard partagé, éparpillé ». Le poète est allé suffisamment loin - en aphélie justement, c’est-à-dire à la distance où mûrit son retour vers le monde, « chargé de regards étonnés » - pour comprendre qu’il n’est pas à lui seul sa propre origine, mais la soif d’un plus vaste regard, et qu’à son tour, dans la cohorte du logos, peut-être s’abreuve-t-il aux reflets d’une éternelle fontaine Castalie.
D’où vient, alors naturellement, la forme dialoguée qui prévaut sur l’ensemble des deux livres. (« Je t’écris dans les larmes du monde – elles aussi semblent avoir à te dire. […] Comment m’as-tu retrouvé ? As-tu donc su toi aussi te pencher ? Nous sommes deux dans ce miroir. ») Il y a ce « Je » et ce « Tu » qui font route ensemble, s’interpellent, se confondent, se perdent et se retrouvent dans un anonymat qui n’a rien d’un innommé. Le poète, comme son poème, se voit originairement double, comme sont les demi-dieux. Le « Tu » auquel il s’adresse est autant lui-même qu’une tout autre « réalité » qu’on peut deviner : le mot, le poème, le nom, la chose, le monde, le livre, l’Ami (avec un grand A) qui, derechef, se démultiplie en nombre de manifestations, de tendresse humaine en parrainage d’esprit, d’« eau vive et nue » en puissance tutélaire, de périssable en absolu (« Si l’oiseau seul chante la nouvelle du ciel »).
Du « Je » au « Tu », si irrémédiablement éloignés soient-ils, le poème tisse un lien persévérant. Il parle à l’Autre, et c’est dans « une autre nuit » que le poète peut se dire « une ombre qui parle à la vie ». Ce lien, assurément, est celui du Désir. S’il est commun de le trouver à la base de l’œuvre d’art, on reconnaîtra sa singulière primauté dans la poésie de Frédéric Tison, et tout spécialement dans ce dernier ouvrage (détail qui fait sens, ce n’est pas pour rien que l’auteur signe ses livres de cette anagramme de son nom : « désir ton récif »). Le désir est ici responsable d’un Éros qui, se dérobant à toute sublimation, s’affirme en poème : « L’amour ! Non pas lui mais son corps, sa courtine et son port/ Mais le ventre brûlant de son large, mais/ Ses demeures et ses âges, ses heures, ses épaves… ». Dans un monde qui, en totalité se regarde en désir, le « corps », placé au centre, accède à la dignité de « corps vainqueur ».
Mais participe également d’Éros cette autre puissance dont s’irrigue le poème chez Tison : la mémoire, elle aussi omniprésente. Ainsi arrive-t-il que, dans la confrontation permanente qu’elle entretient avec les figures de notre passé et la familiarité qu’elle s’autorise avec les mythes ancestraux, ce soit parfois la mémoire d’un Maître que l’on entende ici, dans la dérive des « anciens vents », à la recherche sans espoir d’un éromène perdu : « – ‟Hylas, Hylas” hèlera-t-elle… » ; cela, même si le grand flot de mémoire de notre poète englobera bien au-delà, « ouvrira les œuvres vives et les œuvres mortes [...] élèvera cénotaphes et tombeaux sur les terres aveugles [...] conviera les saints et les anges qui devisent sur des terrasses d’or – les poètes qui chantent sous l’arbre de comètes mûres » ; à tel point que, fasciné de son pouvoir d’évocation, au sens propre de rappel des disparus, le poète se demande : « As-tu été le voyageur/ Ou le mort qui se souvient ? » Car, comme l’annonçait son liminaire, « Chacun de nous interroge sa nuit : mais cette nuit est-elle notre origine ou notre histoire ? »
Sur l’étoile du soir gravitent ainsi des questions de feu, car « Noctifer se lève dans l’heure où nous sommes les plus seuls ». On voit que le poète, qui s’est mis lui-même, entier, dans la dualité de son livre, accentue encore, dans sa deuxième partie, l’effet de miroir de ses doubles visages. Noctifer peut en effet se lire comme un vis-à-vis de chair et d’âme, affrontement d’une chair de lumière et d’une âme d’ombre, avatar d’une lutte avec l’ange ; la puissance inspirante, penchée sur l’inspiré, lui souffle : « C’est moi toute l’étendue de ton parc et ce corps/ Que tu croyais défendu… » ; et l’inspiré de ratifier cette identification à lui-même qui le comble autant qu’elle le trouble : « Tu es tout entier dans la nuit qui te respire – Et dans mes mains glacées, un peu de cette lumière que tu as façonnée. » ; d’autant que l’étoile illumine aussi l’hymen terrestre : « Éclaire – puisses-tu même éclaircir – nos corps, nos deux visages dont les yeux te ressemblent ! » Le poète sait pourtant qu’il ne trouvera là aucune proximité existentielle, aucune aide pour déchiffrer le grand Livre : « Te lire ! Oh véritablement te lire, […] il me faudrait le plus haut, le plus lointain regard […] veiller un siècle en ta présence et me taire, immobile. »
Une limite serait-elle ainsi atteinte pour ce dialogue entre le poète et son Autre désiré, pour ce dialogue avec lui-même et en lui-même ? Un vide ne menace-t-il pas de se creuser comme il est dit qu’il résulte parfois des unions mystiques ? La surdité subite est-elle possible « si tu sais qu’alors personne ne t’entend, et qu’un dieu même est distrait ? » L’engagement poétique touche-til au péril des hauts-fonds quand « Les embruns viennent vers moi répandre l’amour dont je n’ai fait que parler » ? Non. La parole, une fois encore, se fait rassurante : « Il y a sur la mer un silence que tu traverses en oiseau qui s’est effrayé…/ L’horizon s’allège : c’est le monde entier qui danse et veut accompagner tes sillages d’argent doré. »
Congé pourtant sera donné, ultime adieu tranchant cette aventure, ce rêve de l’esprit, le poète renvoyé à « l’esquisse de [s]es bois », sommé d’ajouter « aux sèves les trois gouttes de [s]on sang ». D’une nouvelle aube, entrouverte comme « tombeau d’une autre lumière », le dialogue interrompu prolongera ses « traces humiliées », ce qu’il en reste : « nos voix qui augmentent,/ Nos voix qui se souviennent et révèlent/ Une somme d’oiseaux plus clairs. »
Nous avons souvent souligné l’excellence du français, à la fois fluide et somptueux, que sait orfévrer Frédéric Tison. De ce nouvel ouvrage, le lecteur appréciera encore la texture alliant à la vivacité de l’expression moderne les trésors de l’ancienne langue. De fait, il y aurait encore tant à dire de ce très beau livre, comme de ceux qui l’ont précédé, alors que le commentaire s’éprouve ici bien démuni en regard de l’œuvre qui l’occupe. Puisse-t-il au moins mener ces poèmes entre de nombreuses mains et qu’une vaste écoute leur soit offerte."
Paul FARELLIER (in revue Les Hommes sans Epaules n°45, 2018).
*
« Vous vous souviendrez sans doute du puissant Dieu des portes, prix Aliénor 2016. Frédéric Tison nous conduit de nouveau aux limites de l’être, là où tout se joue, là où tout demeure, dans une queste impossible et dont l’impossibilité même permet son actualisation.
Les deux livres rassemblés ici se font miroirs.
« L’aphélie, précise-t-il est le nom donné à ce point de l’orbite d’un corps céleste le plus éloigné du Soleil – J’offre aujourd’hui ce nom à tout lointain, et d’abord à celui qui est en chacun de nous, à l’ombre du monde que nous hantons. »
« Noctifer (qui a nom aussi Vesper), complète-t-il est l’étoile du soir – C’est le porteur de nuit ; il se distingue de Lucifer, l’étoile du matin, le porteur de lumière – l’un des anciens noms de Jésus, mais aussi l’un de ceux dont on affubla l’ange déchu. Noctifer se lève dans l’heure où nous sommes les plus seuls ; il nous parle parfois, si nous prêtons l’oreille. »
C’est donc un enseignement de la nuit que délivre Frédéric Tison. Avec lui, nous apprenons que la nuit offre bien davantage à voir et percevoir que le jour. L’incertitude favorise les visions, les plongées et les contre-plongées, les biais perceptuels inédits ou audacieux. Le risque est majeur et de chaque instant mais le jeu en vaut la chandelle. Des éclairs laissent apparaître des paysages somptueux et révèlent des avoirs oubliés.
Frédéric Tison extrait de la nuit des essences, tantôt sombres, tantôt lumineuses. Extraction lente, alchimique ou extraction fulgurante, magique. Les mots les habillent afin de les rendre visibles, elles se font histoires. Les sens se contractent pour mieux exploser dans la conscience du lecteur. Parfois cris, souvent chants, ces altérations poétiques de la continuité de l’apparence sont autant de portes à pousser, de songes en lesquels s’enfouir, ou s’enfuir. »
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 4 avril 2018).
*
Deux livres en miroir composent cet opus du poète Frédéric Tison, auteur d’une dizaine de livres de contes et de poésie, qui collabore régulièrement avec des peintres, graveurs et photographes pour des livres d’artiste. Le premier, Aphélie, focalise son regard sur ce lointain que l’on nomme parfois l’Autre (l’autre que soi-même, ou l’autre enfoui en soi parfois posté dessous notre doublure), « celui qui est en chacun denous, à l’ombre du monde que nous hantons ». L’« aphélie » désigne en astronomie le point de l’orbite d’un corps céleste le plus éloigné du Soleil. Du sens astronomique au sens métaphysique et humain le lien est étanche, centré sur la question du regard et de ses points de vue. Le second livre, Noctifer, continue de s’approcher de l’un des versants-mille-feuille insolites de notre présence humaine (à la fois singulière et universelle : partie intégrante d’une humanité), cette fois du côté de celui désigne « l’étoile du soir » (qui a nom aussi Vesper), « le porteur de nuit ». Donnant « la parole à ce lointain qui est en (lui) », le poète « interroge sa nuit », précise-t-il dans ses « notes liminaires » – en pointant l’acmé de nos errances vrillées à la condition humaine : « cette nuit », demande Frédéric Tison, « est-elle notre origine ou notre histoire ? ».
Les deux à la fois, sans doute, l’originel jaillissant sans cesse sur ce qui nous advient, l’avancée de notre regard pagayant dans les oscillations du cours vif et souterrain, ardent dans sa résurgence, légendaire en ses lignes écrites sur le fleuve de nos traversées dont nous demeurons les « voyageur(s) d’eau vive ».
Simultanément classique et moderne, à mi-chemin entre l’univers des contes et notre réalité intérieure, l’écriture poétique de Frédéric Tison poursuit sa trajectoire dans l’univers poétique, interrogeant chacun de nous dans l’universalité et la singularité de la condition humaine ainsi que l’annonce l’exergue philosophique empruntant une citation des Pythiquesde Pindare, le célèbre poète lyrique grec : « Êtres éphémères ! Qu’est chacun de nous, que n’est-il pas ? / L’homme est le rêve d’une ombre ». D’entrée l’on comprend qu’il sera question essentiellement dans ce recueil d’une « manière de regarder » (les êtres, les choses ; le dehors, le dedans) comme il est une « manière de montrer » (cf. le second exergue citant Louis XIV qui occupa rappelons-le le centre d’un royaume en tant que Roi-Soleil). Conjuguer lyrisme poétique et exploration cosmique dans l’optique des points de vue qui se jouent dans le partage des eaux, entre notre être social et notre intimité, ne lèverait-il pas un voile sur l’histoire et l’origine de notre condition humaine ?
Construit comme un Livre d’heures médiéval rythmé par les heures canoniales de la journée (des Matines de la Première Heure aux Vêpres de la Septième Heure), la facture d’Aphélie nous ramène à la division du temps où la journée comportait sept heures (à la différence des heures du monde romain dont elles sont issues et qui se basent sur une division en douze heures de la journée). Dès Matines, le poète évoque « le Prince d’une autre nuit » (Prince des contes oubliés), nous sommes dans l’entre-deux de l’ici et de l’« ailleurs », dans l’observation des yeux du Prince « que laisse voir son masque constellé»,alors que le jour autre part s’éveille déposé par ses mains. La forêt est domaine de l’étrangeté fabuleuse à l’orée d’une réalité autreet du rêve, partagés dans une lumière analogue. En orbite autour du texte astral (texte-soleil comme il y eut un Roi-Soleil) nous gravitons dans notre sphère de lecture et dérivons, avançons au gré de nos projections créatives liant le cosmos au « monde regard troublé ». L’univers semble emboîter en son Infini, entrecroiser, et faire se rencontrer via l’univers particulier du poète « dans une abondanced’étoiles » une pluralité de mondes-chants insulaires plongés au sein d’une galaxie constellée de nuits répandues en « lyres éparpillées »…
À qui s’adresse le poète ? À « l’homme étrange » différent de « ces hommes, autour de (lui), (qui) passent, comme ils passent…(qui) comme (lui) étendent le désordre dans le monde », qui est chacun(e) de nous aussi, dans une « autre nuit »,dans une forêt singulière où nos repères perdent de leurs contours pour nous retrouver autre, avec un visage différent. Cette passerelle invisible entre les dimensions du réel (la rue, des « murs pourris d’heures et de spores », « la ville grasse et grise », « cybernétique », etc.) et l’ailleurs franchi dans un mouvement de corps céleste, est à l’instar de l’aphélie « une ombre qui parle à la vie ». Peut-être celle-là même qui, « petite nuit scellée/ Au sein d’une autre nuit », traverse notre regard. L’évanescence du contour des choses ajoute au flottement d’une réalité que les miroirs interrogent. Comme en apnée le regard plonge, creuse sous l’eau, s’échoue, recouvert par les herbes maritimes et les miroitements lisses, brisées, éclatés. Absence et présence figurent aussi les modes de représentation du « masque constellé » posé sur notre visage, sur d’autres visages, et dès les chants de l’aube (« (…) à l’heure/ Où l’oiseau divulgue l’aube »). Cendres, ailes et poussières rassemblent leur corps pour écouter et conter le monde en ses bribes d’univers.
« Aphélie »comme une « ombre éblouie » – ode de lumière – résonne en ses ruissellements « d’ombres et de nuits ». La forêt des signes que lève « le prince d’une autre nuit »ou « le roi manquant »(roi « Dormant » tissant « des ronces au fond de l’eau »), se dresse dans la clameur des choses et l’ébruitement du jour, dans les clairières mystérieuses de nos échappées buissonnières, dans « l’arbre et l’appel de son ciel » tout au vertige des cimes et à la circulation de sève, d’air, d’astres et de racines parcourus par l’effroi des abîmes et du silence qui s’écoute
(« Au-dessus de l’arbre extrême éternité –
Toi qui te rappelles étoiles et astres,
Sais-tu où se passe ton histoire ? »).
La mémoire conte et se raconte des histoires tissées dans le « feu noir » des astres en regard de la terre où nous habitons, dont nous hantons les passages, même manqués. Étoiles-guides (celles de nos errances prises au revers de leur scintillement pour se tourner aussi, non plus vers un dieu, un ciel dompté mais aussi « vers l’ignoré »), « l’effroi », « les promesses », le « noir étonnant », comme le ciel en creux au fond de nous où le jour s’entrebâille aux épines de roses, saignent en brisant la fenêtre de nos miroirs ; ouvrent des abîmes « où les mains s’étreignent et se brûlent » dans l’écriture des larmes du monde, « jeune lumière de tes nuits » ; se signent à la clarté aux mille clefs des songes.
Aphélie (qui sonne comme Ophélie, du moins, dont la musicalité résonne en nous) nous transporte du seuil des contes du réel au seuil de réalité des songes, et vice versa, dans la lucidité des fenêtres « lampes de neige » où la « teinte bleue de l’aile et de l’étoile » traversent l’obscurité pour éclairer par intermittences le mystère du monde, quitte à tendre dans les voiles du vide les pages du « livre de toute perte et de tes sèves ». Les oiseaux, phares de nos nuits, survolent, traversent, portent et soulèvent nos pas dans le monde, eux qui « parlent », qui « savent », qui « passent (nos) mystères » (« Tous les oiseaux chantent ta nuit et ton jour »).
Nous sommes en aphélie à la lisière d’un entre-deux-mondes de l’extrême, où la patience serait d’ange (déchu ?) pour approcher le visage multiple de l’Univers et ce Livre où patiente une étoile. Les mains, généreuses dans cette odyssée poético-galactique, recueillent les traces imprimées dans l’espace et le cœur par les Heures, rassemblant les perles d’un collier perdu par le passant, égaré dans « les buées » d’une « ville cybernétique » – collier perdu par « le voyageur », quelque part, dans la nuit.
« Brèche sur l’écorce », le poète redresse l’arbre de vie en veillant les phares qui l’enracineront à nouveau afin qu’il s’élance plus fort vers les cimes de cathédrales-vaisseaux de chair, éternelles parce que davantage vivantes. « Je suis quelque clef pour un millier de serrures », écrit le poète en voyage comme Ulysse. Ses avancées ouvrent des portes qui battent dans la force des éléments, du vent, leur puissance mettant en orbite ce corps céleste vivant ses vertiges : notre corps, en ses absences, trous noirs, soleils boussoles intérieures et magnétiques, au décryptage du monde et de l’Autre enfoui au fond de nous.
Noctifer s’ouvre sur un extrait du Poème LXII du Chant nuptial où le poète romain Catulle célèbre « Noctifer, l’étoile du soir » (autrement dit Vesper) élevant « ses feux au-dessus de l’Œta » (« ses flambeaux sur l’Olympe » pour Vesper), astre de divinité guidant l’« Hyménée » chanté. Porteur de nuit, Noctifer est le gardien éclaireur des feux ensevelis de nos pas. Il nous révèle, à nous-mêmes se métamorphosant dans les poussées de sève et circulation du sang où les cendres couvent des feuilles ardentes, et nous pousse à devenir ce que nous serons peut-être un jour (une nuit), vraiment.
« C’est moi toute l’étendue de ton parc et ce corps
Que tu croyais défendu – ces feuilles ardentes
Rassemblées dans les cendres où je reviens.
Un arbre change dans l’arbre,
L’automne sur mes mains a forgé cet oiseau
Rouge et neuf hautement pour un ciel »
Les quarante chants de Noctifer nous hèlent dans notre traversée du Vivre où « perdre est notre long chemin »,sur une mer tempétueuse comme celle qu’affronta Ulysse dont l’odyssée nous écrit que « tout est navire et recommencement ».
Frédéric Tison nous emporte dans une vaste odyssée poétique dans laquelle nous embarquons éclairés par l’« aphélie », autrement dit le lointain, à l’œuvre dans notre traversée existentielle, ainsi que par cette étoile du soir, « Noctifer » dont la lumière retentit en nos abîmes/bâtisses de profondeurs sidérales. L’écriture du poète hisse ses mots jusqu’au pont de nos navires, d’où le ciel et la terre s’entrevoient via le regard des profondes vigies voyageuses, légendaires, oniriques, de l’existence.
Murielle Compère-Demarcy (in lacauselitteraire.fr, octobre 2018).
*
Aphélie suivi de Noctifer de Frédéric Tison joue des pronoms personnels "je" et "toi" avec un lyrisme exaltant les thèmes nobles, les césures, une langue maîtrisée quoique largement traditionnelle (dans l'usage des mythes et de simages). Les muses peuplent ces vers pleins de songes et de métaphores clinquantes. L'emphase n'est pas très loin cependant ni la solennité qui va d'amble :
ESPERE MES NAVIRES, attends
Durant des siècles ces mers et ces îles;
Tu me dis verve d'ombre,
Je te dis paroles de frondaisons...
Ce poète néoclassique devrait trouver son public. Sa poésie semble un peu éthérée, hors des préoccupations d'aujourd'hui.
Philippe LEUCKX (in Le Journal des poètes n°3, 2019, Belgique).
|
|
|
|
Critique
Jeanne MAILLET, in revue L’Estracelle, n° 4 – 2006 :
" On ne saurait imaginer l’auteur de Tes rives finir que vivant dans la nuance, le froissement d’un temps de vivre entre « arbres d’espérance », « alerte de plaisir » et obsession, presque, d’un vide existentiel. D’où ce mouvement de balancier qu’expriment les textes de ce recueil : un pas en avant, on « ose » dire ce qu’on cherche, puis un temps de recul, par crainte d’entendre ce qu’on ne souhaitait pas. Et justement ceci : que les ruines rognent toujours la vie, que les rêves s’effritent ; bref que nous sommes condamnés à être « flagellés d’instants ». Plongée des regards sur les paysages, soupir « lentement soulevé comme un sein de falaise » (la belle, la puissante image !), et l’aube sans reproche, nette, claire, promise où l’imagination se perd, nous sommes entraînés malgré nous par les images comme un troupeau affolé (mais attentif) vers quelque catastrophe imminente. On frémit, on tremble un peu avec le poète de ce manque de certitude, de cette fuite des autres, lui qui souhaiterait tant trouver « pensé de distance » les mots définitifs qui seraient délivrance. Le texte qui clôt l’ouvrage est, nous semble-t-il, explicite et livre même discrètement, la clef de l’énigme : et si « mémoire et souffle » (ce qui nous constitue donc) n’étaient que « longs recommencements » ? Dans les difficiles définitions du temps, ce serait comme une révélation géographique et métaphysique ! Des millénaires de souvenirs ployés comme les strates d’une montagne et l’écho, en infinie résonance ! De quoi égarer le raisonnement et alimenter la « foi ». "
|
|
|