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Lectures :

Les Hommes sans Épaules, numéro 58 : Daniel Varoujan. Quand on reçoit un numéro des HSE, plus que pour bien des revues, il faut se précipiter sur l’éditorial de Christophe Dauphin. Il donne le ton et l’esprit aux cahiers qui suivent en dessinant un pays où s’entrelacent le mémoriel, l’histoire, le politique, les coups de gueule et les bourrades chaleureuses. Un peu comme un marin qui après un long périple revient au bar du pays et vous parle de « là-bas ».

Celui du numéro 58 est parmi les plus émouvants que j’ai lus. Il dit s’inspirer d’un manuscrit inédit (j’espère pas trop longtemps) qui nous fait partir de son village natal où prit racine sa relation avec l’Arménie par l’intermédiaire d’un ami, Raphaël Thorossov, mort en 1998, à 101 ans : « Du fond de mon enfance, je te revois Raphaël. Tu déambulais dans le village coiffé de ta légendaire toque noir et vêtu de ton manteau en astrakan […] Tu me parlais, de là-bas… Ce pays que tu avais quitté, non sans avoir emporté dans un bocal de généreux grammes de terre. “Elle partira avec moi” me disais-tu. ».

Des noms surgissent, connus ou méconnus (j’y apprends les racines arméniennes de Paul Farellier, ce qu’ami aveugle je n’avais pas relevées), des rencontres, des titres de recueils, des pages d’histoire arménienne, avec ses crimes, pillages, massacres d’hommes, femmes et enfants jusqu’à ce « génocide de 1915 », et qui fut suivi de deux guerres récentes, puis encore celle de 2020… Et pourtant le pays dont il nous parle brille d’une lumière inégalable, avec ses jardins, son architecture, sa musique car ce pays est d’abord celui apparu par un lien d’amitié : « Que d’histoire de sang et de liens fraternels avec l’Arménie dans le mouchoir de nuages de notre bourg haut-normand ! »

Après cet édito, le cahier Ainsi furent les Wah I ouvre ses pages aux auteurs ayant mentionné l’Arménie durant cette période, dont Quillard, Max Jacob, Hikmet, Mandelstam et Grossman avec son inoubliable carnet de voyage, Que la paix soit avec vous. S’y joignent des poètes arméniens, dont le plus ancien, dont on garde trace s’appelle Grégoire de Narek (940‑1000), avec ce poème « Toi qui prends soin des âmes », Siamanto, Lubin, pour donner des noms que je connais un peu. C’est une nouvelle occasion de signaler la qualité des notices biographiques de la revue qui en fait un incontournable de toute bibliothèque résolue et ambitieuse.

Quelques vers arméniens résonnent encore à mon oreille : « Nous voici, nous arrivons, nous sommes la malédiction / La lance rusée enfoncée dans l’obscurité » (Sévak). « Notre génération a plus d’amis dans l’autre monde que celui-ci » (Kostan Zarian). Je fais connaissance avec ce poème d’Armen Lubin « N’ayant plus de maison ni logis / Plus de chambre où me mettre / Je me suis fabriqué une fenêtre / Sans rien autour. »

Ensuite s’ouvre le dossier sur Daniel Varoujan qui tisse à maille serrée la biographie du poète et la tragédie du génocide durant laquelle le poète avec trois compagnons fut attaché à un arbre et lardé à mort de coups de couteau. En regard de ces pages si douloureuses représentées par l’emblématique poème « Terre rouge », me frappe cette vague de grands poèmes épiques et fraternels qui compte (au moins) Varoujan, Hikmet. Ils nous racontent l’histoire de héros éponymes de leur pays, chantent leur peuple et leurs paysages, visant ainsi, comme l’écrit Dauphin en parlant de Varoujan, à réconcilier « le mythe héroïque et le réel ».

Suit le cahier Ainsi furent les Wah II où je découvre deux poèmes de Manouchian (j’ignorai qu’il était poète) dont ces quatre vers : « J’ai pris la sinueuse allée du village ; / — Mon soleil sur les épaules comme un abricot, / À mes lèvres tremblantes un vieux chant de laboureur -, Je pars livrer mon cœur au cœur des montagnes. » C’est beau comme du Whitman.

D’autres auteurs se succèdent. Les lisant, je ne fais plus la distinction entre les poètes arméniens ou autres, les biographies s’entremêlent, avec, omniprésentes, les pages sombres de l’histoire universelle du XXe siècle, que pourtant traversent de nouveaux poèmes, telles un Nil aux eaux félines traversant les sables du désert. Quelques noms et vers lus et médités : Verdet et son Anthologie des poèmes de Buchenwald, Mélik, Bonnefoy évoquant l’Arménie et nous confiant cette définition de la poésie : « C’est tenter de rendre aux mots la pleine mémoire de ce qu’ils nomment » ; Sévak, Kertész et encore Buchenwald ; puis de grandes et belles pages sur le poète et traducteur Godel ; l’article sur la géopoésie de Chaliand, arpenteur du monde et de ses luttes qui nous dépose un conseil de vie : « Il faut conserver son esprit critique, ne jamais se laisser duper par notre propre propagande, et faire preuve de détermination, toujours… ». Je m’attarde, distrait sur ses vers biographiques : « J’ai fait plus de quinze métiers / au gré des pays et du vent / Je gravis le toit du ciel / avec ma chevelure de nuage / et mon cœur coule par la nuit des villes » ; Mahmoud Darwich apparaît en nous offrant trois poèmes de pleine humanité : « Dépose ici et maintenant la tombe que tu portes / et donne à ta vie une autre chance / de restaurer le récit » ; ou encore Gérard Mordillat, dont j’ignorais le versant poétique de son œuvre ; Akopian, poète engagé pendant quarante ans auprès du Secours populaire ; l’étonnante Krikorian, « l’arménienne de Téhéran » ; le poète Rugamba et, avec lui, le génocide des Tutsi, et ce texte « Kaddish pour l’Afrique » ; puis des poètes plus proches, des amis ou des poètes à rencontrer : Caroutch, Brissiaud, Dauphin lui-même, Tison, le neurochirurgien et poète de Besançon Laurent Thinès, Tavera, Marie Bouchez (« Les toits vaguent sur notre âme / Mais c’est sur nos mémoires que le soleil se couche »), etc.

Et pour finir, avant le généreux cahier de recension, une dernière figure vient nous saluer : Kamel Bencheikh, et avec lui, la « décennie noire » de l’Algérie que surmonte une poésie invaincue (« je n’existe plus que pour la mémoire lapidée qui m’assaille ») Un numéro des HSE à vivre comme une prière universelle de la poésie.

Pierrick DE CHERMONT (cf. Revue des revues, in recoursaupoeme.fr, 6 mars 2025).

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Les Hommes sans Épaules sont des cahiers littéraires semestriels fondés par le poète Jean Breton en 1953. Le nom de la revue provient du roman préhistorique de J.-H. Rosny aîné, Le Félin géant (1918). Cet opus n° 58 présente un dossier sur « Daniel Varoujan et le poème de l’Arménie », préparé par Christophe Dauphin, qui dirige un comité de rédaction de cinq personnes.

C’est par la rencontre avec Raphaël Thorossov, son vieil ami, que Christophe Dauphin, citoyen de la république d’Artsakh (il possède un passeport depuis 1991) est devenu arménophile. Raphaël a été l’ami de Siamanto et Missak Manouchian.

Par le biais de la poésie et ses poètes, l’ouvrage évoque le Génocide des Arméniens, ceux des Grecs pon[1]tiques et des Assyro-Chaldéens. C’est ainsi que l’on peut lire Grégoire de Narek, Nahabed Koutchak, Sayat Nova, Siamanto, Rouben Sévak, Kostan Zarian, Eghiché Tcharents, Armen Lubin, Vahé Godel (traducteur de la plupart des poèmes), Parouïr Sévak et Violette Krikorian.

Une longue biographie précède quelques poèmes de Daniel Varoujan (“J’ai là, sur ma table, dans une coupe, un peu de terre d’Arménie. L’ami qui m’en a fait cadeau croyait m’offrir son cœur – bien loin de se douter qu’il me donnait en même temps celui de ses aïeux”).

Sont évoqués également Gérard Chaliand et Charles Akopian. Quant aux arménophiles, on trouve Pierre Quillard, cheville ouvrière du journal Pro Armenia. « Les Alliés sont en Arménie », est un long poème de Max Jacob, publié en 1916. Nazim Hikmet, Yves Bonnefoy, Ossip Mandelstam, Vassili Grossman, abordent eux aussi la tragédie arménienne.

Au fil des pages, on trouve des illustrations de Léon Tutundjian, Arshile Gorky, David Erevantsi, Ervand Kotchar…

Un livre riche qui foisonne d’informations, fait office parfois de livre d’histoire et fournit, outre les titres d’ouvrages des écrivains, d’autres titres pour ceux qui veulent approfondir leurs connaissances.

Zmrouthe AUBOZIAN (in France Arménie n°528, avril 2025).

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Les Hommes sans Épaules consacrent ce numéro 58 à Daniel Varoujan & le poème de l’Arménie. Au cœur de ce numéro nous trouvons le génocide des Arméniens au siècle dernier, qui n’est toujours pas reconnu par nombre d’Etats, mais aussi d’autres drames, d’autres grandeurs.

Partant de son village natal et d’une expérience personnelle, Christophe Dauphin retrace le parcours de ce peuple Arménien, combattant de la liberté et victime tant de l’indifférence que des dérives autoritaires.

Nous découvrons des poètes exceptionnels, des êtres engagés, des écrits inattendus et révélateurs qui nous parlent non seulement de l’Arménie, de ses épreuves, de ses richesses, mais de la nature humaine dans ses horreurs, ses tristes banalités comme dans ses expressions les plus sublimes. C’est toute la culture et la spiritualité arménienne en ses multiples prolongements qui s’inscrit dans les mots de ces poètes, tous survivants, tous exilés, sauf peut-être d’eux-mêmes. Ce n’est pas seulement une poésie de l’exil ou de la tragédie, ou des tragédies avant la tragédie, nous y découvrons un sens aigu du politique, une sagesse, une métaphysique, un plan pour le futur.

 

Extrait de Terre Rouge :

 

J’ai là, sur ma table, dans une coupe,

un peu de terre d’Arménie.

L’ami qui m’en a fait cadeau croyait

m’offrir son cœur – bien loin de se douter

qu’il me donnait en même temps celui

de ses aïeux.

Je n’en puis détacher mes yeux –

– comme s’ils y prenaient racine…

 

Terre rouge. Je m’interroge :

d’où tient-elle cette rougeur ?

Mais s’abreuvant tout ensemble de vie

et de soleil, épongeant toutes les blessures,

pouvait-elle ne pas rougir ?

Couleur de sang me dis-je,

terre rouge, bien sûr, car elle est arménienne !

peut-être y frémissent encore des vestiges

de brasiers millénaires,

les fulgurances des sabots

qui naguère couvrirent d’ardente poussière

les armées d’Arménie…

Y subsiste peut-être un peu de la semence

qui me donna la vie, un reflet de l’aurore

à laquelle je dois ce regard sombre,

ce cœur qui hante un feu surgi

des sources même de l’Euphrate

ce cœur couvrant l’amour non moins que la révolte…

 

Ce numéro 58 est particulièrement important, il nous entraîne au cœur de l’âme arménienne mais il retrace aussi l’histoire d’un peuple qui nous définit tous.

 

Rémi BOYER (in lettreducrocodile.over-blog.net, 29 octobre 2024).

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On ne peut qu’être admiratif devant la prodigieuse puissance de travail de Christophe Dauphin ainsi que par sa parfaite connaissance des poésies du monde entier. Le focus est ici placé sur l’Arménie grâce à des documents et des écrits poétiques rares et très émouvants. Avec 324 pages de lectures enrichissantes,  les HSE s’affirment encore un peu plus dans le vivier de la poésie actuelle.

Georges CATHALO (in terreaciel.net, janvier 2025).

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« On croit « tout » savoir à propos des horreurs qui ont fait le XXe siècle, mais à chaque fois on en découvre de plus affreuses encore. C’est ce qui nous arrive en lisant le n°58 de Les Hommes sans Épaules consacré à l’Arménie.

Ici, je ne vais vous parler que des poètes qui composent ce numéro (piloté par Christophe Dauphin qui présente chaque auteur en détail), des poètes des premiers âges : Grégoire de Narek (vers l’an mille) : « Toi qui prends soin des âmes / souffrantes, mutilés / à présent je T’implore / me voici gémissant // Veille à ne pas accroître ma souffrance… » Nahabed Koutchak (16èmesiècle), Sayat-Nova (18èmesiècle), aux poètes du 20èmesiècle, dont le plus remarquable à mes yeux est Armen Lubin (1903-1973) : « Ça sent l’aubergine et le piment farci / Ça sent la cuisine orientale et le phono turc / Sur le palier une petite main mendie… / … Dans cet hôtel plein d’Arméniens sortis on ne sait d’où / D’Arméniens sortis… mettons des massacres // Monta d’abord le socialiste baron Kissikian / tourneur chez Citroën… »

Il y a bien sûr Missak Manouchian « Tourmenté comme le forçat, persécuté comme l’esclave – J’ai grandi sous le fouet du mépris et de la privation /A me battre contre la mort, aspirant à la vie / J’ai été attentif à chaque enchantement » et Daniel Varoujan (un fort dossier) : « J’ai sur ma table dans une coupe / un peu de terre d’Arménie… »

D’autres poètes présents dans ce numéro sont des amis du peuple arménien (Max Jacob, Yves Bonnefoy) ou les enfants, nés en Europe de l’Ouest, d’exilés arméniens : Vahé Godel, Gérard Chaliand : « Et nous avons fatigué le désert de nos pas / portés par l’espoir de la mer / La terre, taureau funèbre dont le souffle desséchait nos corps / longue retraite / où nous n’avons rêvé que de retour natal… »

Et encore Francesca Yvonne Caroutch : « Le ciel est plein de mains coupées / et els fossiles du sommeil / oscillent sur des socles d’ombre… / … Tu cries comme une graine folle / oubliée dans un fau d’argile » ; et la relève virulente de la poésie arménienne, Violette Krikorian (née en 1960), « Prière de femme », : Donne-moi aujourd’hui ma beauté quotidienne / délivre mes yeux des travaux / d’aiguille et des lunettes / délivre ma langue de ma bouche / délivre ma bouche de la langue de bois / délivre mes mains, mes jambes, tout mon corps… » Encore plein de trucs dans ce numéro. »

Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°200, mars 2025).




2003 - À propos du numéro 15

     « Nous avons fait l’historique de cette revue dans Multiples n°54, reparlé d’elle dans Multiples n°61, au temps où elle faisait 120 pages et où Alain Castets tentait de regrouper les forces poétiques. Tout allait enfin changer (HSE n°12). Mais la rupture d’avec ce polémiste à tout crin intervient au n°15. Les racontars vont bon train. Aussi les HSE se coupent de ce poète et de son association « Clarté Poésie ». Fin du rêve de puissance. La revue n’en conserve pas moins sa bonne mine, je veux parler de son épaisseur (elle passe de 120 à 160 p.) et de sa qualité. Elle atteint même une sorte de perfection dans l’équilibre, honorant à la fois les grands noms un peu oubliés et les petits jeunes dont s’occupe le vaillant Christophe Dauphin… Les Hommes sans Épaules, une revue de poids. »
    Henri Heurtebise (Multiples n°65, septembre 2004).

    « Les Hommes sans Épaules, c’est plein de bons auteurs. »
    Christian Degoutte (Verso n°118, septembre 2004).

    « Un très beau numéro (n°15) de la nouvelle série avec un dossier « Les Poètes dans la guerre »… Les HSE ont 50 ans. Christophe Dauphin nous dit que les HSE furent au côté de Guy Chambelland pour la création d’une autre revue de grande qualité « Le Pont de l’Epée ». Saluons avec les HSE, la mémoire de Guy Chambelland. A lire avec bonheur, un bonheur qui relève de l’aventure éveillée de la poésie contemporaine. »
    Jean-Pierre Védrines (Souffles n°203/204, 2004).

    « Les Hommes sans Épaules n°15. Un sommaire vraiment époustouflant. »
    Yves Artufel (Gros Textes n° 40, printemps 2004).




2012 – À propos du numéro 34

"Bientôt soixante ans pour les HSE ! Ce n° 34 en attendant, plein comme un œuf avec de nombreuses choses à retenir. Paul Farellier présente Véra Feyder, à la fois comédienne, dramaturge, romancière et poète bien sûr. Son écriture a été profondément marquée par la mort de son père en déportation : « on ne meurt que de son enfance » (in préface au recueil Le fond de l’être est froid) ainsi que ce quasi distique en alexandrins : « Toutes les nuits sont blanches des os de mes charniers, j’ai l’âge des gisants, le climat des poussiers… » Sa poésie est tendue et serrée, avec des vers aigus comme des lames de rasoir, entre élégie et désespoir, entre épopée et révolte « et ne pouvoir pleurer le mourant que je porte ». Christophe Dauphin pour sa part présente le poète suisse Francis Giauque, suicidé en 1965, à l’âge de 31 ans. Sa poésie témoigne d’une lente mise à mort. Sentiment de culpabilité et incommunicabilité se relaient pour l’étrangler petit à petit. Seul le recours à l’écriture apportera un relatif soulagement. Les deux titres publiés de son vivant sont très éloquents : Parler seul et L’Ombre et la nuit. « …nerfs à vif / cœur englué / j’aligne / des mots aveugles / pour étoiler / un ciel / en loques ». Francis Giauque fait partie à part entière de la longue liste des poètes maudits. « que personne ne pleure / moi qui ne sus pas vivre ». Un hommage mérité est rendu à Alain Simon avec un ensemble inédit préfacé par Cathy Garcia. Jehan Van Langhenhoven regroupe différents articles consacrés naguère à Michel Fardoulis-Lagrange (le surréalisme n’est en fait qu’un prolongement du romantisme avec en plus l’usage du paradoxe...). Enfin Eric Sénécal, dans sa chronique : La nappe s’abîme, revient sur « le Palmarès des Trissotins » 2011 et 2012. Et je voudrais à ce propos en profiter pour protester : en effet la revue Décharge avait été honorée du Trissotin de Mercure dans le Palmarès 2011 ; or, dans le récapitulatif des primés du Palmarès 2012, il est question du Trissotin d’Aluminium ! On peut penser qu’il s’agit là d’une erreur de recopie, admettons… (et j’espère qu’il ne s’agit pas d’une rétrogradation dans la hiérarchie des récompenses !). En tout cas, j’aimerais que rectification soit faite dans la prochaine édition ! - Pourquoi pas de carton pâte pendant qu’on y est ! Plein d’autres entrées dans ce numéro riche et copieux comme à l’habitude. Un « Appel aux riverains » sera lancé sous forme d’une anthologie de 500 pages pour les prochains 60 ans de la revue.

Jacques Morin (rubrique "En vrac" in Dechargelarevue.com, octobre 2012).

 

Les Hommes sans Epaules n°34. Nous attirons une fois de plus votre attention sur cette revue de littérature et d’avant-gardes de grande qualité.  

Sommaire de ce superbe numéro : Éditorial de Christophe Dauphin, Demain n’est pas une branche de houx dans une douille d’obus – Les Porteurs de Feu : Vera Feyder, Francis Giauque – Ainsi furent les Wah : Poèmes de Michel Merlen, Catherine Mafaraud-Leray, Marthe Emon-Peyrat, Nicole Hardouin – Dossier : Divers états du lointain, par Paul Farellier avec des textes de André Laude, Yves Bonnefoy, Max Alhau, Saint-John Perse, Friedrich Hölderlin, Pierre-Jean Jouve, André Frénaud, Stanislas Rodanski, Pierre Oster, Jean Mambrino, Henri Michaux, André de Richaud, Jean-Luc Parant, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Marc Patin, Gérard de Nerval, William Shakespeare, Dino Buzzati, Julien Gracq, Rainer Maria Rilke, Pierre Gabriel, Jean-Baptiste Lysland, André du Bouchet, Jean Cayrol, Novalis, Elie Faure, Gustave Flaubert, Alain Fournier, Max de Carvalho, Sarane Alexandrian, Paul Valéry. – Les inédits des HSE : Tristes garçons, la mer & 17 poèmes tahitiens, poèmes de Alain Simon avec des textes de Christophe Dauphin, Cathy Garcia – Une voix, une œuvre : Monique W. Labidoire par Jean-Louis Bernard – Dans les cheveux d’Aoun : proses de Imre Kertèsz, Jehan van Langhenhoven – Michel Fardoulis-Lagrange – Le Poète surprise : Jeanne Las Vergnas – La mémoire, la poésie : Gellu Naum par Petrisor Militaru, poèmes de Gellu Naum – Les pages des Hommes sans Épaules : Poèmes de Elodia Turki, Paul Farellier, Alain Breton, Christophe Dauphin – La nappe s’abîme (chronique) : T’es provoc, coco, t’es provoc ? par Eric Sénécal – nombreuses informations sur les parutions les événements, etc.  

Extrait du texte de Paul Farellier, Divers états du lointain.   « Que le lointain ait pu garder un sens dans l’ubiquité d’aujourd’hui, voilà bien un mystère ! Monde tellement resserré que nous vivons, aspirés par l’uniformisation d’une simultanéité globale où, même sous le compartimentage impitoyable des ghettos et l’émiettement des individus, tout se fait voisin et tout, contemporain. Par le fait d’une « information en temps réel », selon la terminologie en usage, nous baignons dans l’aisance d’une fausse proximité qui nous donne l’illusion d’une humanité partagée là où il n’y a, en réalité, que juxtaposition obscène de la misère et du confort moral : honte à ces magazines sur papier glacé qui affichent actrices et top models en dénudé grand couturier, paradant parmi les vrais humains – eux à peau foncée, et dénudés par dénuement !   Garder le sens du lointain, ce n’est pas perdre le contact des dures réalités ; c’est se resituer dans la trame de toute l’histoire humaine ; c’est apprendre à mieux poser son regard, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de soi-même ; et c’est, à vrai dire, pour l’art, la pensée, la poésie, condition nécessaire de simple survie. »

Rémi Boyer (in incoherism.owni.fr, 23 octobre 2012).

 

"Nous acceptons les textes que nous respectons, ou aimons, et ceux dont nous voulons encourager la démarche. Les Hommes sans Epaules n°34 est de celle-là et l'animateur principal, Christophe Dauphin, ne laisse manifestement rien passer qui ne convienne à l'idée de base. Ce numéro met en évidence deux grands poètes: Véra Feyder, présentée par Paul Farellier, et Francis Giauque, Suisse romand, moins connu, disparu en 1965 et révélé avec émotion (comme il le fait toujours pour celles et ceux qu'il aime), par Dauphin. Le dossier, cette fois, est assuré par Farellier, qui titre sur "Divers états du lointain", ce qui correspond, à le lire, à une notion beaucoup plus ancienne: "la distance". Sans oublier le "promontoire", mais sans aller jusqu'à la supériorité. Aucun vrai poète ne va jusque là, n'est-ce pas ? Des inédits viennent cette fois d'Alain Simon et de Tahiti, mais on peut y ajouter Monique Labidoire, Michel Fardoulis-Lagrange (tant prisé par Anne Mounic) et deux inattendus, Jeanne Las Vergnas et le Roumain Gellu Naum."

Paul Van Melle (in Inédit Nouveau n°260, janvier 2013. La Hulpe, Belgique).

 

"Lire du gros, du costaud ? Voyez le n°34 de la revue Les Hommes sans Epaules. C'est Véra Feyder qui ouvre le numéro: "La poésie reste le seul haut lieu de la gratuité souveraine". Rien d'alangui dans ses écrits, note Paul Farellier qui la présente, même si Véra Feyder ne s'est jamais remise de son enfance, de la mort de son père en camp de concentration: "Il s'endort à mes pieds - et c'est moi - qu'il piétine - Il m'aime à en mourir - et c'est moi - qu'on ranime". Francis Giauque lui, a fini par être vaincu par l'angoisse: il a 31 ans quand il se suicide: "sentir passer chaque heure - comme un supplicié sent passer - le fouet dans sa chair"; des poèmes que l'on lit la gorge serrée. Difficile de rendre compte des nombreux dossiers de ce numéro: "Divers états du lointain", par Paul Farellier; Monique Labidoire, par J.-L. Bernard; Michel Fardoulis-Lagrange, par Jehan Van Langhenhoven; le surréaliste roumain Gellu Naum, par Petrisor Militaru. le coeur de ce numéro semble être les 50 pages d'inédits d'Alain Simon: "Tristes garçons, la mer & 17 poèmes tahitiens": "on ne saurait désormais parler de moudre ce qui du sang fait des chiures - de la poésie quoi - de la barbarie - de l'universel - pas question de remonter la pente - où les mots font écrouelles - et gouvernent la nuit". Quant à Eric Sénécal, dans sa chronique (à ne pas manquer), La nappe s'abîme, il cite Georges Henein: "comblez un écrivain, il se vide aussitôt" et nous entretient (sans nous le donner) du Palmarès de l'Académie des Trissotins. comme quoi, on ne sait pas grand-chose: j'ignorais l'existence de cette académie. C'est quelques méchants. Mais comme "tout le monde" se fout de la poésie, ça fait pschitt ! Sinon, des poèmes, des lectures, etc. Pensez 280 pages! Avec Michel Merlen, Catherine Mafaraud-leray..."

Christian Degoutte (Revue Verso n°152, mars 2013).

 

"Cette revue existe depuis 1953 quand elle fut créée par Jean Breton.Son fils l'a reprise et c'est avec l'aide de Christophe Dauphin que cette troisième série se relance. Et le sommaire a de quoi donner envie de lire.

Christophe Dauphin nous présente ce poète méconnu suicidé à trente ans, Francis Giauque, suisse roman, qui crie très fort: j'appelle vivre - ces deux mains affûtées - aux arêtes tranchantes. Le même Christophe Dauphin nous fait connaître le poète, peintre et romancier Alain Simon, dit Le Salé (1947-2011): Vous êtes laids - ignorez-moi.

Paul Farellier nous rappelle la poésie de Véra Feyder, poète, mais aussi comédienne, dramaturge, romancière: "On entend là une voix impressionnante, à laquelle on chercherait vainement des ressemblances ou des équivalents" : J'ai peu compris les pierres : mal aimé les hommes. Par ailleurs on ne peut pas passer sous silence son imposante étude, avec renvois aux poètes mais aussi à la musique et à la peinture "Divers états du lointain": "Le désir ne vivant que d'être illimité, c'est bien au voisinage de l'inaccessible que l'homme devient ce qu'il est".

Jean-Louis Bernard s'approche de l'oeuvre de Monique W. Labidoire dont il souligne le "réalisme vivant", poète héraclitéenne "à la fois charnelle et si peu lyrique" et qui dit : les mots du poème n'ont pas pouvoir de rédemption.

Jehan Van Langhenhoven nous parle de Michel Fardoulis Lagrange, après quelques propos sur l'exil d'Imre Kertesz, des poèmes de Jeanne Las Vergnas et une présentation de Gellu Naum, poète surréaliste roumain, par Petrisor Militaru.

Puis vient la chronique d'Eric Sénécal, des notes de lecture, et beaucoup de poèmes."

Bernard Fournier (Revue Poésie Première n°56, juin 2013).

 

"Quel curieux titre d’abord, Les Hommes sans Epaules ! Et quand on comprend que ce titre se réfère à un livre de J. H. Rosny Aîné, Le Félin géant, aux temps immémoriaux de l’âge des cavernes et de la fiction populaire, le mystère ou le trouble s’épaississent.

Mais, peu à peu, à force de fréquenter la revue et de relire la quatrième de couverture qui invariablement cite le passage fondateur, la puissance de la suggestion opère : « Zoûhr avait la forme étroite d’un lézard ; ses épaules retombaient si fort que les bras semblaient jaillir directement du torse : c’est ainsi que furent les Wah, les Hommes-sans-Épaules, depuis les origines jusqu’à leur anéantissement par les Nains-Rouges. Il avait une intelligence lente mais plus subtile que celle des Oulhamr. Elle devait périr avec lui et ne renaître, dans d’autres hommes, qu’après des millénaires. » Tiens, se dit-on, les poètes ne sont pas seulement des prophètes ou des phares ou des linguistes patentés ou des universitaires désœuvrés. Une autre filiation est possible, ils sont aussi (d’abord ?) une communauté, et elle traverserait le temps avec ses rites, son intelligence lente et subtile ; une communauté parfois effondrée, parfois renaissante, ayant un rapport propre à l’histoire et une façon bien à elle d’épouser le réel et d’imprégner l’aujourd’hui ; une communauté rassemblée par une espèce d’utopie faite de détachement et d’excès. Tiens, se dira-t-on, voilà un récit qu’on ne m’a jamais proposé, une méditation que l’on ne m’a jamais ouverte. Cette communauté des invisibles serait-elle le propre de la poésie ?

Je ne suis pas un spécialiste de l’histoire littéraire. D’autres que moi auraient plus de crédit pour situer cette revue dans le paysage des soixante dernières années. Puis, il y a l’excellent site de la revue qui donne toutes les indications nécessaires pour suivre le pas-à-pas de l’aventure que furent les trois périodes de ses publications : 1953 – 1956 ; 1991 – 1994 ; 1997 à nos jours. Toutefois, en recherchant dans les origines de la revue, il me semble trouver les deux pôles autour desquels s’articule Les Hommes sans épaules (HSE) : le premier pôle tourne autour de la générosité, l’ouverture non pas seulement à la poésie – ce qui est le minimum attendu d’une revue de poésie – mais aux poètes : « Nous inviterons nos amis à s’expliquer sur ce qui leur paraît essentiel dans leur comportement d’être humain et de poète. » Et aussitôt l’ouverture proposée est reliée – si j’ose cette métaphore théologique – à la présence réelle de l’homme poète. Le deuxième pôle se trouve dans le texte adressé par Henry Miller aux fondateurs lors du début de leur aventure : l’appel à la jeunesse et avec elle au refus de l’embrigadement : « Ne vous adaptez pas, ne pliez pas le genou. » Je n’épiloguerai pas sur le thème rebattu de la jeunesse, mais sur sa condition dictée par Miller : le refus de suivre les appels à l’adaptation, et, ce qu’il induit : suivre son chemin, parfois par la révolte, et le plus souvent et le plus difficilement, en restant indifférent à l’ordre donné.

Une revue serait donc une communauté de poètes... Peut-être convient-il aujourd’hui de s’interroger sur le besoin et la nécessité de renouer avec l’être ensemble en poésie. Peut-être sommes-nous aujourd’hui trop ermites, trop anachorètes dans ce mode ; peut-être devons-nous réapprendre la richesse de la rencontre en poésie, des frottements, des interpénétrations, des jeux d’échos et de répons qu’offre une communauté d’hommes et de femmes. La revue porte bien en ses gènes cette ardente vocation. Pour Les Hommes sans épaules, comme le rappellent ses textes fondateurs, elle en est sa raison d’être. En m’y abonnant il y a plus de quinze ans, je n’en avais que faiblement conscience et c’est bien ainsi. On n’instrumentalise pas une rencontre, on la fait.

Fort de ces années amicales, je voudrais redire mon attachement à cette revue en le résumant en trois points : d’abord, me frappe la grande diversité des poètes qu’elle rassemble. Par elle, j’aime entendre la polyphonie des poètes d’aujourd’hui, entendre une foule en marche, avec ses solitaires, ses figures stellaires ou obscures. On devine des correspondances, on pressent des engagements incompatibles deux à deux, on touche des univers qui se coudoient sans s’éprouver. A ce titre, HSE renvoie une image fidèle d’aujourd’hui, où la poésie est éclatée, fragile mais à l’œuvre, sans doute, servie et protégée par son anonymat actuel, qui préserverait la diversité de sa faune et de sa flore. Il faut s’avancer dans le territoire d’une revue pour en découvrir le champ et la profondeur. Par son ouverture, HSE participe et donne à voir, avec la simplicité d’une revue, la vitalité de la poésie d’aujourd’hui.

Ensuite, HSE c’est une figure pleine d’histoire(s) – 60 ans l’année prochaine ; ce qui se traduit par un attachement et une sensibilité particulière aux poètes qui traversèrent cette période. Elle propose son récit, ses repères, son écoute sur ce temps long, que sans elle, on appréhenderait – peut-être trop il me semble – en la réduisant à quelques figures emblématiques. Peut-être croit-on se rassurer en la résumant ainsi. Peut-être aussi que la mise en récit effraie, tant l’ensemble parait hétéroclite ? Mais la poésie est aussi une histoire comme elle a besoin d’histoires pour s’éprouver. Sur elle, s’accrochent les marques du temps, le souvenir des poètes et des communautés qu’elle abrita, les luttes, les peurs, les quêtes, les illusions, les recherches dont elle fut le réceptacle. A l’écouter par le biais d’une revue, on entend des phrasés, on écoute des mouvements qui se dégagent et dans ce récit qui ne se dit pas, se dévoile peu à peu ce dont notre mémoire se tapisse. Ainsi, par cette mise en perspective des HSE, par l’illustration offerte plus que par l’explication, sa lecture participe à humaniser le regard sur la poésie, et si j’ose, à la montrer comme une histoire d’hommes et de femmes engagés par et dans leur création. Ou pour dire les choses autrement, je trouve dans cette revue, un juste équilibre entre poètes, poèmes et poésie.

Enfin, HSE est aujourd’hui une revue à la fois studieuse et généreuse. L’effort fourni pour écrire une biographie et une bibliographie de chaque poète présenté, de présenter une reproduction sans apprêt de photos, de construire de forts dossiers, utiles et pertinents, ou encore de proposer une large palette de recensions, tout cet effort souligne à la fois un sérieux et un engagement au service de la poésie peu communs ; et plus profondément encore, derrière cette égalité de traitement entre poètes connus et inconnus, une volonté de faire lien, de construire une communauté de poètes, position quelque peu utopique, mais si pleine de générosité, et à vrai dire, si nécessaire aujourd’hui.

Voilà, en quelques mots, l’intérêt très personnel que je porte à HSE, à cette communauté des invisibles. Cela n’entame en rien, bien sûr, le bien-fondé des autres revues de poésie, dont Arpa, La Revue de Belles-Lettres, Nunc bien sûr et aujourd’hui Recours au Poème ! Au contraire, c’est par HSE que je me suis ouvert à d’autres revues. C’est pourquoi aussi, de manière très subjective, il me semble que la place qu’occupe HSE dans le petit monde des revues de poésie reste singulière car elle traduit un besoin et un engagement lucides qui doivent être vivement soutenus."

Pierrick de Chermont (in recoursaupoème.fr, 2013).




Lectures :

Christophe Dauphin a une longue histoire avec Ilarie Voronca, poète roumain né dans une famille juive non pratiquante, mort par suicide en 1946 à l’âge de 42 ans. Ce dernier appartient à « cette catégorie rare et précieuse » dont l’œuvre accompagne toute la vie. Christophe Dauphin, avec l’appui indéfectible de la revue LHSE et de quelques personnalités, œuvre courageusement depuis les années 90 pour faire connaître le poète alors ignoré et oublié dans son pays d’adoption comme dans son pays d’origine.

Rappelons son essai Ilarie Voronca, le poète intégral (Rafael de Surtis, 2011) et son action pour sauver sa tombe en 2010.

Christophe Dauphin lui consacre ici son éditorial et le dossier principal du numéro, lui associant les poètes du Rouergue et du Gévaudan. A l’instar de ses compatriotes et amis, Tristan Tzara et Benjamin Fondane, Voronca, alors reconnu comme « un phare du constructivisme roumain », s’installa à Paris en 1933 mais, en danger du fait de ses origines juives et de ses écrits, il rejoignit Rodez en 1943. Ce fut une période importante de sa vie, car il a fait partie du maquis le plus important de l’Aveyron.

Le numéro publie aussi des poètes du Rouergue de la génération de Voronca, dont Jean Sénac et Claude Sernet, ainsi que Antonin Artaud et Paul Eluard qui y ont été soignés, puis une série de poètes contemporains tels Marie-Claire Bancquart, Bernard Noël, Marcel Chinonis, François Laur, Monique Labidoire, Francis Combes et Bernard Fournier.

Le numéro se clôt sur un appel au soutien à l’écrivain Boulam Sansal, arrêté à Alger en novembre 2024 et « toujours emprisonné dans les geôles d’un régime corrompu ». 

Marie Josée CHRISTIEN (in revue Spered Gouez n°31, 2025).

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Les Hommes sans Épaules consacrent ce numéro 59 à Ilarie Voronca & les poètes du Rouergue et du Gévaudan.

Eduard Marcus, devenu Ilarie Voronca (1903-1946), méritait ce numéro, lui qui reste encore méconnu malgré un talent et une œuvre qui continuent de fasciner. Franco-roumain, il est frappé d’oubli aussi bien en Roumanie qu’en France. Il fut l’un des piliers des avant-gardes roumaines, détruites par les dictatures successives, qui trouvèrent en partie refuge en France. Christophe Dauphin raconte cette histoire complexe, encore douloureuse, et finalement toujours largement incomprise.

Réfugié, juif et antifasciste, Voronca fut sa vie durant sujet à des traques, des exclusions ou des indifférences marquées. Il fut un grand solitaire malgré son épouse, Colomba Spirt, intellectuelle, non-conformiste, égérie des peintres et poètes de Bucarest, et un autre amour, Rovena. Les joies ne font que masquer temporairement une détresse essentielle.

Pendant l’occupation nazie, il trouve refuge à Rodez et en Aveyron où, heureusement, il rencontra de vrais compagnons de route.

Son œuvre, poésie et prose, est vaste et pleine d’intensités à la hauteur de l’errance.

Le dossier très fourni établi par Christophe Dauphin permet d’approcher certains aspects d’un être qui demeure insaisissable et d’une œuvre bouleversante, habitée par la mort.

 

L’attendue


Il y a des pierres ici, des arbres et des herbes

Qui veulent te connaître et attendent tes mains

Il y a le satin de la mer qui attend ton corps

Pour en épouser le rayonnement et les contours.

 

Ton nom qui a fleuri l’univers de la chambre

Les flûtes des saisons qui attendent tes lèvres

Toute la création espère en ta venue

Car sans toi, tout est privé d’éclat.

 

C’est pour toi que les oiseaux chantent

Et la nuit met sa robe de velours pour ton souffle

C’est pour toi que les fleurs assemblent leurs couleurs

Car ton regard est leur plus glorieux parfum.

 

Tu te meus en silence et pareille aux nuages

Ne montrant que ton ombre sur les violons de l’eau

Parmi les choses dont la mémoire dessine

Ta place nettement entre les murs éteints.

 

Insaisissable, si je passe entre tes voiles

N’est-ce pas pour chanter ta tristesse partout

Ce désir violent qui t’amène vivante

Les doigts parés de tous les feux du souvenir.

 

Ce superbe numéro des HSE permettra sans doute à certains de découvrir un poète d’exception, et rendre un peu plus dense le « fantôme ».

 

Rémi BOYER (in lettreducrocodile.over-blog.net, 11 avril 2025).

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2004 - À propos du numéro 16

     « Au fil des numéros, cette revue de poésie s’impose comme l’une des plus sincères de notre début de siècle. Les présentations de Jean Rousselot, puis d’Ilarie Voronca par Christophe Dauphin sont louangeuses avec intelligence, celle d’André Miguel par Jean Breton, plus courte, évoque avec pertinence « l’expression d’une certitude mystique en liberté, loin du sacré ». Nous avons aimé aussi les textes d’Henri Rode et de Roland Nadaus, et le poème surprenant de Jean Cocteau qu’éditèrent Jean Breton et Guy Chambelland, en 1969, lors de la parution de Faire-part, dans Poésie-Club.
Signalons enfin que chaque abonné aux HSE, avec ce seizième numéro, a reçu un CD passionnant intitulé « autour de Jean Cocteau ». Le témoignage de Jean Breton, direct et chaleureux, sur Cocteau, un « aîné capital », est sans nul doute utile. Il remet en place la vérité historique sur ce « Feu » qui ne voulait pas être comparé au Jeu. Dans le même esprit, l’ensemble de ce CD (avec Christophe Dauphin, Henri Rode, Jean Breton et Yves Gasc) constitue une sorte d’événement poétique à ne pas manquer…. En ce début de vingt-et-unième siècle, Les Hommes sans Épaules me semble être une grande revue de poésie, ouverte et libre qui mérite un coup de chapeau par son esprit de découverte poétique, le sérieux de sa démarche, l’indépendance des auteurs qui rendent compte des nouveautés poétiques de l’année. Elle me semble de haute tenue et d’utilité publique. »
    Jean-Luc Maxence (Les Cahiers du Sens n°14, mai 2004).

« Avec le ton très personnel qui lui est donné par son animateur et rédac’chef Christophe Dauphin, le n°16 du semestriel Les Hommes sans Épaules s a choisi comme «porteurs de feu » Jean Rousselot et André Miguel. Un choix qui correspond bien au désir de nouveauté et de révolte à la fois de la revue. »   
    Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°183, La Hulpe, Belgique, août 2004).

    « La revue Les Hommes sans Épaules présente dans son numéro 16, une évocation de Pierre Gabriel par Paul Farellier. Il faudra souvent revenir à l’œuvre profondément et tragiquement humaine de Pierre Gabriel, mort il y a 10 ans. »
    Gérard Bocholier (Arpa n°83, juin 2004).

    « Nous en avons déjà parlé ; cette revue fait maintenant référence pour tout chercheur en poésie. Ce numéro 16 des HSE est à conserver (ou concerter) pour une présentation de Jean Rousselot, accompagnée de poèmes.  Dans le même chapitre, quelques beaux poèmes d’André Miguel. Et puis quelques jeunes contemporains ; on aime ou non ; ce sont d’authentiques poètes dans le sens où nous en parlions au sujet des précédentes revues. Très intéressante critique de Pierre Gabriel par Paul Farellier. Christophe Dauphin, rédacteur en chef de la revue, nous offre un dossier représentatif de l’œuvre d’Ilarie Voronca, dont on connaît l’aventure tragique… Encore un numéro à conserver dans notre bibliothèque et que l’on ne dise pas que la poésie est morte ! »
    Claudine Helft     (Aujourd’hui Poème n° 16, 2004).

    « Dans son manifeste, De l’émotivisme : reprenant ce mot inventé par Guy Chambelland « Si j’avais dû créer un isme j’aurai créé l’émotivisme ! Il n’y a pas de poésie sans émotion », Christophe Dauphin poursuit « l’émotivisme est le développement d’un être qui délivré de ses parasites – c’est-à-dire des épluchures du réel –, s’insurge contre toutes les institutions répressives, tout en travaillant à la refonte des structures de l’esprit humain ». Ça part d’une bonne intention, mais l’émotion sans la raison ça me fait un peu peur, ça fait reportage télé à grosses larmes, et puis c’est l’émotion qui conduit les foules aux pires folies. Sinon, ce numéro 16 (162 pages) des Hommes sans Épaules, c’est plein de bons auteurs… Jean Cocteau, le disque offert avec ce n°16 des HSE, Christophe Dauphin témoigne et présente, Henri Rode et Jean Breton sont interrogés à propos de leurs rencontres avec Cocteau… discours, brio, élégance masquent les inquiétudes. »
    Christian Degoutte (Verso n°118, septembre 2004).

    « Avec ce numéro 16, la revue Les Hommes sans Épaules prend le bel envol que nous espérions et les 162 pages de cette livraison rassemblent ce que la poésie peut nous offrir de meilleur aujourd’hui. Les « Porteurs de Feu » se nomment Jean Rousselot et André Miguel. Le premier vient de nous quitter mais restera dans nos mémoires longtemps encore, et le second a choisi le silence (et un isolement que nous respectons). Jean Rousselot et André Miguel demeurent des modèles pour les poètes de notre génération. Souhaitons qu’il en soit de même pour la future… En cadeau à ses abonnés, la revue Les Hommes sans Épaules offre un CD Autour de Jean Cocteau. Il se passe décidément beaucoup de choses du côté de la rue Racine ! »
    Jean Chatard (Rétro-Viseur n°99, janvier 2005).




2013 – À propos du numéro 35

Les Hommes sans Epaules, volume 35 : grandiose !

La troisième série des Hommes sans Epaules, revue aujourd’hui emmenée par Christophe Dauphin, avec la complicité d’Alain Breton, Elodia Turki, Paul Farellier, César Birène et Karel Hadek, atteint son 35e numéro. Une belle aventure qui donne ici l’un de ses très beaux fruits. Les pages s’ouvrent sur un texte/hommage de forte émotion, texte consacré à Jean Sénac, poète, homme en résistance, éditeur : c’est le 40e anniversaire de la disparition de l’homme. De l’assassinat de Sénac. J’apprends par ailleurs que la biographie que Bernard Mazo devait consacrer à Sénac paraîtra bien à l’automne. C’est une excellente nouvelle. Sénac, l’homme/scandale : « Poète, animateur, militant révolutionnaire, chrétien, homosexuel et français, se proclamant ouvertement plus algérien que n’importe qui, Jean Sénac a dérangé, de son vivant, autant le pouvoir bourgeois et colonial français que l’extrême-droite, les intégristes islamistes ou la bureaucratie algérienne », écrit fort à propos Dauphin, dont l’admiration pour le poète et l’homme n’est pas un secret. Sénac est présent tout au long du numéro, par des poèmes égrainés çà et là, l’un de ces textes, le dernier écrit par le poète, fermant les pages de ce numéro des Hommes sans Epaules.

La partie « Les porteurs de feu » conduit le lecteur sur les traces de la poésie d’Antoinette Jaume et de Lorand Gaspar. Je découvre la première, je suis une fanatique quasi hystérique de l’œuvre du second. L’œuvre de Jaume parle de la vie, de la mort, des mots, de la conscience, du temps… Fondatrice et longtemps animatrice de La Sape, elle est décédée en 2009. Les HSE donnent ici à lire une trentaine de poèmes extraits des différentes parties de son atelier poétique. A découvrir. Quant à Lorand Gaspar… quelle beauté ! On trouve l’essentiel de son œuvre chez Gallimard bien sûr, en particulier dans la collection de poche Poésie mais… quel bonheur de lire / relire ces poèmes, ici donnés dans l’ordre chronologique de leur édition. Une poésie ancrée dans le sacré, soucieuse de Jérusalem ou Quram.  Une poésie qui regarde le grand Tout, sereinement. Seize pages de poèmes, un bonheur et une excellente occasion de faire connaissance avec l’une des œuvres les plus fortes de la poésie contemporaine. Une découverte ou des retrouvailles au cœur d’un ton élevé en intensité…

Les HSE donnent ensuite la parole aux « Wah ». Sont conviés cette fois ci : Marie-Josée Christien, Franck Balandier, Alain Piolot, Jean-Claude Tardif et Gwen Garnier-Duguy. Ce dernier, en un superbe ensemble, use du « tu » pour s’adresser au Christ. Une lecture forte, peu banale.   

Un numéro de revue dont la richesse enthousiasme en offrant aussi un dossier de près de 70 pages consacré aux poésies norvégiennes contemporaines. Ce dossier est une œuvre conjointe de César Birène, Pierre Grouix et Régis Boyer. C’est plus qu’un dossier, un véritable panorama des voix majeures de Norvège. On lira ainsi : Tarjei Vesaas (par ailleurs immense romancier, auteur entre autre de ce livre fondamental qu’est Palais de glace), Inger Hagerup, Olav H ; Hauge, Tor Jonsson, Gunvor Hofmo, Marie Takvam, Stein Mehren, Jan Erik Vold, Paal-Helge Haugen et Knut Odegard. Ici, toutes les voix sont fortes, bien que diverses. Notons que ce dossier est l’un des fruits du travail mené depuis de nombreuses années par Pierre Grouix au sein des éditions Rafael de Surtis, maison d’édition dirigée par le poète Paul Sanda qui a publié anthologies et recueils de poètes norvégiens traduits par Grouix. Impossible de citer tous les poètes mais voilà un monde à explorer. Encore plus vaste, en termes de Nord, puisque plus loin dans la revue, Pierre Grouix donne aussi à lire des textes de Bo Carpelan, poète finlandais d’expression suédoise dont il traduit les œuvres complètes depuis plusieurs années. Le lire vous convaincra de l’immensité de l’œuvre poétique de Carpelan, lequel nous a quittés en février 2011 (environ 1500 pages de poésie).

Les Hommes sans Epaules ne se contentent pas de « si peu », on lira aussi : un bel essai de Paul Farellier sur le recueil récent de Pierrick de Chermont (voir à ce propos : http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/pierrick-de-chermont-portes-de-lanonymat/gwen-garnier-duguy ), des poèmes de notre ami Tomica Basjic, présentés par Karel Hadek, d’autres de Yann Sénécal, des pages libres présentant des textes des animateurs / poètes de la revue, et enfin un ensemble de chroniques et de notes de lectures. Les HSE ont par ailleurs la gentillesse d’évoquer l’existence de Recours au Poème. C’est de bon goût. Une revue à lire. "

Sophie d'Alençon (Recours au poème, mai 2013).

 

" La revue de Christophe Dauphin sort deux fois par an, elle est épaisse et c’est chaque fois une mine d’informations, de découvertes, de rappels et d’approfondissements pour les amoureux de la poésie. Ainsi, je ne compte pas être exhaustif. L’éditorial est consacré à Jean Sénac, assassiné il y a tout juste quarante ans. Un type épatant, l’empêcheur de tourner en rond par excellence. Du côté des Algériens dans la lutte pour leur indépendance, c’est le genre de position qui n’était pas facile à tenir. Homme de conviction qui utilisait la poésie comme une arme, il multipliait les défis. Parallèle est fait avec Pasolini, assassiné tout comme lui… Ensuite après un fort dossier « poètes norvégiens contemporains », (rien que des poètes différents de ceux qu’avait choisis Anne-Marie Soulier dans notre n° 154), je pioche rapido quelques noms de poètes, entre autres : Marie-Josée Christien et Jean-Claude Tardif, un hommage à Hubert Haddad : « La lune est une falaise que la mer ne saurait atteindre. / D’autres la bornent. » Le poète croate Tomica Bajsić par Karel Hadek : « parfois il me semble vivre un temps emprunté… », Yann Sénécal par Eric Sénécal, lequel dans sa troisième chronique « La nappe s’abîme » titille quelques « institutions » comme Le Printemps des poètes, la Maison de la Poésie de Paris, le CNL, Cheyne, une certaine virulence un peu polémique, assez salutaire au demeurant… Enfin, on apprend que Christophe Dauphin devient membre de l’Académie Mallarmé. Une livraison pleine à craquer de 286 pages que je n’ai fait que survoler, Plein d’autres choses à découvrir soi-même. J’aime de cette revue la diversité et le rayonnement. "

Jacques Morin (Rubrique "En vrac" in Déchargelarevue.com, le 8 mars 2013).

 

"La revue Les Hommes sans Epaules que Christophe Dauphin anime dans un grand esprit d'ouverture est à chaque livraison un véritable livre, souvent érudit, toujours surprenant."

Roland Nadaus (in Le Petit Quentin n°283, mars 2013).

 

"Avec Diérèse, Les Hommes sans Épaules est l’une des revues les plus copieuses et les plus régulières du réseau des publications poétiques. A chaque nouvelle livraison, c’est une mine presque inépuisable de dossiers et d’informations, de suites de poèmes et d’approches critiques. Christophe Dauphin qui est à la barre de cette revue depuis déjà de longues années a su donner une ligne orientée parfois vers une poésie surréalisante sans délaisser toutefois d’autres secteurs vivaces de la poésie actuelle. Les poètes contemporains y sont bien représentés avec, par exemple dans ce numéro, Jean-Claude Tardif, Lorand Gaspar ou Marie-Josée Christien. Ensuite, un sérieux dossier bien documenté est consacré à dix poètes norvégiens contemporains présentés par Régis Boyer, l’un des traducteurs. On peut lire aussi dans ce numéro une solide présentation du poète finlandais Bo Carpelan ainsi que d’abondantes et variées notes de lectures. Avec 286 pages à leur disposition, les lecteurs sont assurés de trouver là de quoi apaiser leur soif de lectures poétiques. "

Georges Cathalo ("Lecture flash" in Texture, 25 mai 2013).

 

"C'est vrai que je suis injuste, mais j'assume. ce que j'appelle les grandes revues, ce n'est jamais une belle, en couleurs, à dos carré, avec uniquement des grands noms. Mais des découvertes et des études critiques de qualité en plus de bons textes. C'est le cas des Hommes sans Epaules 35, où une fois encore, si j'y retrouve Marie-Josée Christien, Jean-Claude Tardif, Claude de Burine, Hubert Haddad ou Jean Sénac, je découvre des noms nouveaux pour moi et surtout un dossier sur les poètes norvégiens d'aujourd'hui, avec les chroniques et des hommages à Janine Magnan et l'inouï Jean Giraud Moebius, bédéiste étonnant."

Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°262, La Hulpe, Belgique, mai 2013).


"Ce numéro 35 des HSE s’ouvre sur un hommage nécessaire de Christophe Dauphin à Jean Sénac, assassiné en 1973, que beaucoup, soucieux de ne pas penser, se sont empressés d’oublier. « On enterra son œuvre et ses idées presque aussi vite que son corps. Jean Sénac était un homme parfaitement indésirable, en somme, mais pas seulement pour le pouvoir algérien. Il dérangeait beaucoup plus de monde. Il était, selon le témoignage de l’un de ses amis, un scandale permanent. Son audience auprès de la jeunesse, sa vie, sa vie sexuelle surtout, sa liberté de parole en matière politique ou culturelle, les répercussions à l’étranger de ses jugements sur l’Algérie en faisaient un personnage gênant pour beaucoup de personnes et beaucoup d’intérêts et de calculs à Alger. Il y a donc plusieurs personnes ou groupes à qui le crime pouvait profiter. » Il publia une Anthologie de la nouvelle poésie algérienne, véritable manifeste pour « une Algérie méditerranéenne, solidaire, socialiste, égalitaire, arabe, berbère et pied-noir, de graphies arabe, berbère et française ». D’une lucidité visionnaire, Jean Sénac pressentait la victoire des préjugés sur la générosité et la liberté. Il va manifester une queste double, celle d’une révolution aussi sexuelle et celle d’une sexualité libertaire et révolutionnaire. Le « corps total » est aussi un « esprit total ». « Ce corps élu, précise Christophe Dauphin, est l’un des éléments clés de la poétique  de Sénac, qui identifie le corps au poème. D’une faille à l’autre, le corpoéme, saccage de sincérité, tente de susciter une physionomie et du même coup, engage la personne qui écrit à tout donner, « de l’âme à l’excrément ». Les poèmes d’amour sont maîtrisés, alliant l’élan sexuel à l’abandon total. A sa soif de liberté, de justice et d’amitié, le poète ajoute son besoin insatiable de l’autre : Car la révolution et l’amour ont renouvelé notre chair. Au « corpoème » succédera le « spoerme » : il écrit d’un jet ma joie carnassière la – première syllabe de mon refus. » Enfin, Christophe Dauphin évoque sa proximité de queste et de destin avec Pier Paolo Pasolini : « La poésie les unit, l’amour, la liberté, le feu du langage et du désir les animent. Pasolini et Sénac se rangent tous les deux du côté du peuple… ».    

Dans un sommaire riche et touffu, le dossier, coordonné par César Birène, est consacré aux poètes norvégiens contemporains avec des textes de Régis Boyer, Ole Karlsen, Eva Sauvegrain, Pierre Grouix, Poèmes de Tarjei Vesaas, Inger Hagerup, Olav H. Hauge, Tor Jonsson, Gunvor Hofmo, Marie Takvam, Stein Mehren, Jan Erik Vold, Paal-Helge Haugen, Knut Odegård… Une manière de découvrir cette poésie puissante, riche et d’une grande subtilité à travers des auteurs majeurs peu connus dans les pays francophones. Pierre Grouix nous présente également une grande figure de la poésie finlandaise, Bo Carpelan (1926-2011)."

Rémi Boyer (in incoherism.owni.fr, 26 mars 2013).

 

" Le n° 35 des Hommes sans Epaules est paru en février dernier. Le lecteur se souviendra de l’histoire de cette revue qui en est à sa troisième série : qu’il adhère ou non à l’émotivisme, reste que cette revue s’inscrit dans l’histoire de la poésie française depuis 1953... Mais l’essentiel n’est pas là : il est dans l’hommage rendu par Christophe Dauphin à Jean Sénac qu’on ne lit plus assez aujourd’hui, il est dans le dossier sur les poètes norvégiens, il est dans la présentation (captivante) de Bo Carpelan (poète finlandais suédophone qui est sans doute le poète scandinave le plus connu ici) due à Pierre Grouix son traducteur (qui a aussi participé aux traductions et notices des poètes du dossier norvégien…). Rien que pour ces trois ensembles, il faut lire ce numéro 35. Mais ce n’est pas tout, il y a encore tous les poèmes donnés à lire : des ensembles significatifs de poèmes d’Antoinette Jaume et de Lorand Gaspar, mais aussi d’auteurs plus jeunes comme Marie-Josée Christien, Jean-Claude Tardif, Gwen Garnier-Duguy, Claude de Burine, Hubert Haddad pour ne citer que ceux-là…. Diversité des écritures, diversité des voix, on a là une coupe, au sens géologique, dans la poésie d’expression française qui est tout à fait réjouissante. On a presque l’impression d’une anthologie atypique (il n’y a pas de thème, d’école, d’époque…), impression renforcée par le volume de cette livraison. C’est dire tout l’intérêt de cette revue semestrielle. Cependant, sur les 286 pages de ce n° des Hommes sans Epaules, on compte environ 80 pages de chroniques, hommages, notes de lecture, articles divers… qui viennent compléter cette partie anthologie pour en faire une véritable revue rendant compte, non de la vie la poésie (serait-ce possible, je ne le pense pas), mais d’une certaine conception, d’un certain courant de la poésie… Si Christophe Dauphin incarne parfaitement ce que peut être le surréalisme aujourd’hui (jusqu’à défendre bec et ongles André Breton et Sarane Alexandrian dans une note de lecture où l’argumentation précise se mêle à des jugements sans appel : Noël Arnaud est un triste sire et Jean-Pierre Lassalle évite de peu la bêtise crasse…), sa façon ouverte de diriger la revue fait de celle-ci un outil pour mieux connaître la poésie qui s’écrit maintenant et depuis un demi-siècle, qu’elle soit dans les marges du surréalisme ou non… "

Lucien Wasselin ("Chemins de lecture" in Texture, 29 juillet 2013).

 

"Le finlandais Bo Carpelan figure dans le n°35 de Les Hommes sans Epaules. Présenté par son traducteur, Pierre Grouix. "Richesse pauvre, profonde modestie", en dit-il. "Essayer de parler un autre langage - bâtir des chambres pour les tourmentés - lits, paravents, articulations desséchées." Bon ce n'est pas la Finlande, mais la Norvège (et ses poètes) qui est le gros dossier de ce numéro, à travers les traductions de Pierre Grouix, Eva Sauvegrain, Régis Boyer et Ole Karlsen. Traductions presque toutes au catalogue des éd. Rafael de Surtis, mais impossibles à trouver en livres. Dix poètes du XXe siècle, de Tarjei Vesaas (connu comme romancier, Les Oiseaux, Le palais de Glace) à Knut Odegard (né en 1945). Poésie très attachée à la nature, disent les traducteurs, mais que la lecture montre traversée par les mêmes inquiétudes que la nôtre. Comme exemples, j'ai retenu le poète jardinier, Olav H. Hauge: Feuillage de chêne dans le soleil d'automne - pays bleu, pays montagneux, pays de mer - qui vieillit à côté de moi; Gunvor Hofmo (enfant turbulente, mélancolique et angoissée), et (ma préférence) Marie Takvam: Toi, tu sais parler! - Il me l'a tellement dit posément - Mais je ne sais plus parler - Tous les bruits du monde - m'ont frappée sur la bouche - ont emmêlé mes mots... sacs plastiques pleins de mots... Quand une revue fait plus de 280 pages, forcément, il y a un tas d'autres trucs: un gros cahier de lectures-critiques, Jean Sénac (présenté par Christophe Dauphin) dont les poèmes ponctuent le numéro, Antoinette Jaume, Lorand Gaspar, H. Haddad, J-C. Tardif, G. Garnier-Duguy, M-J Christien, A. Piolot, T. Bajsic, Y. Sénécal... et la chronique d'Eric Sénécal, qui remue tout un tas de buzz du Landerneau poétique dont je ne sais rien. Quand je lis ça, je me sens tout norvégien, je me fais l'éffet d'être un Olav H. Hauge dans un jardin ou une Gunvor Hofmo recluse dans sa chambre pendant plus de vingt ans.

Christian Degoutte (in revue Verso n°154, septembre 2013).

 

« Qui se souvient de Jean Sénac ? », s’interroge Max Leroy… Même si c’est un peu tard, on découvre et redécouvre Jean Sénac. Encore davantage en ce quarantième anniversaire de sa mort, plutôt de son assassinat (un 30 août 1973)… Fait divers parmi tant d’autres ou assassinat à motivation idéologique ? La justice a tranché. Mais on sait qu’aux frontières de l’évidence, la vérité peut  être ailleurs…

Pour ce quarantième anniversaire de la disparition de Sénac sont attendus, notamment : « Jean Sénac, poète et martyr » du regretté Bernard Mazo – décédé juste après avoir mis la dernière main à son ouvrage. C’est un essai qui est préfacé par Hamid-Nacer Khodja, le spécialiste de Jean Sénac dont la thèse d’Etat sur  Jean Sénac doit  paraître bientôt sous forme de  livre. Il faut ajouter une réédition  de « Pour une terre possible » (poèmes et autres inédits, Marsa, 1999) en format poche aux éditions Point. Des articles nombreux et divers  parsèment la Toile ou les revues entre les deux rives de la Méditerranée…

« Ecrivain et poète, pied-noir et indépendantiste, chrétien et révolutionnaire. Caillou dans les souliers de la France et de l’Algérie, Sénac bouscule les deux rives et les eaux troubles de la Méditerranée… », Observe Max Leroy tandis que Christophe Dauphin de la revue Les Hommes sans Epaules, écrit « Jean Sénac a dérangé, de son vivant, autant le pouvoir bourgeois et colonial français, que l’extrême-droite, les intégristes islamistes ou la bureaucratie algérienne ». Et de conclure : « On ne ressort pas indemne de la lecture de Jean Sénac ». En 1970, Jean Sénac s’était lié d’amitié avec Jean Breton et le groupe des Hommes sans épaules, reconstitué autour de la revue Poésie 1, où parut la mythique « Anthologie de la nouvelle poésie algérienne ». Et c’est encore chez  Jean Breton que fut publié le dernier ouvrage de Sénac de son vivant : « Les désordres » (1972).

En effet, de grands désordres étaient intervenus dans sa vie.  Il avait dédié sa vie au combat pour une Algérie nouvelle, rompant les amarres avec sa tribu d’origine, récusant son père spirituel, Albert Camus (qui dans une lettre lui reprochait d’avoir pris le parti des égorgeurs)… Dans une Algérie en pleine effervescence dans ces années 1970  marquée par des réformes-  attendues et exaltées en éclaireur par Sénac- paradoxalement, le poète du « Soleil sous les armes (1957), de « Matinale de mon peuple » (1961)   qui avait accompagné  « l’état-major des analphabètes » vers sa libération nationale et son  émancipation sociale, après avoir connu les honneurs sous Ben Bella (au point où l’on accusa d’être devenu un poète de cour), se retrouvait marginalisé, exclu, voire chassé sans explication de la radio où il donnait la pleine mesure de ce que la poésie pouvait apporter à la cité. Son altérité sexuelle lui valait une moquerie homophobe tenace qui y trouvait prétexte à minorer son œuvre… Reclus, visité seulement par de jeunes poètes, dans sa « cave-vigie » de la rue Elisée. Reclus à Alger, il était   voué aux gémonies par les envieux et les sectaires de tous poils. Avant de finir sous les coups de couteau."

Abdelmadjid Kaouah (La résurrection de Jean Sénac, « Chronique des deux rives » in algérienews.infos, 28 septembre 2013).

 

"Même si nombre de revues (à l’instar d’Europe, mais aussi bien Les Hommes sans Epaules de Christophe Dauphin, entre autres exemples) continuent de dédier leur espace exclusivement au texte, et ce indépendamment de leurs préoccupations, la revue est sans conteste un lieu privilégié pour interpeller, « mimer les arts voisins » selon la formule de Michel Deguy."

Patrice Beray (Médiapart, 16 mars 2013).

"Fort volume de 280 pages qui offre de larges vues sur la poésie. un hommage à Jean Sénac "Le corps poème sous les armes". Des poèmes d'Antoinette Jaume: Où dénuder un peu d'amour dans - ces champs pleins de trous et de morts ? et de Lorand Gaspar: Nous sommes malades d'immense. Beaucoup de poètes qu'on ne peut pas tous citer, mais un dossier sur les poètes norvégiens contemporains, coordonné par César Birène, avec notes et traductions de Pierre Grouix. Un bon dossier de Gérard Paris sur Hubert Haddad: "un esthéte qui a posé au plus haut point le sentiment de la langue, loin des faiseurs et autres petits rois des medias" avec quelques inédits: J'ignore tout des vies qui me conjuguent. Paul Farellier fait "une visite de chantier, construction d'un poète", sur les poèmes de Pierrick de Chermont. Et tant d'autres poètes et tant d'hommages, notamment à Janine Magnan et Jean Giraud Moebius par Christophe Dauphin, le grand ordonnateur de la revue."

Bernard Fournier (in revue Poésie/première n° 157, décembre 2013".

"Ce numéro s’ouvre sur une évocation d’un poète assassiné (il y a eu 40 ans en 2013), Jean Sénac, devenu une sorte d’icône aux côtés de Pasolini ou plus récemment de Tahar Djaout, ou encore un admirateur du même Sénac sur le sol algérien, Youcef Sebti. Et s’ouvre plus précisément sur une citation de ce poète assassiné : «Poésie et résistance apparaissent comme les tranchants d’une même lame où l’homme inlassablement affute sa dignité. Parce que la poésie … est « écrite par tous, clé de contact grâce à laquelle la communauté se met en marche et s’exalte, elle est, dans les fureurs comme dans sa transparence sereine, dans ses arcanes comme dans son impudeur, ouvertement résistante. Tant que l’individu sera atteint dans sa revendication de totale liberté, la poésie veillera aux avant-postes ou brandira ses torches. Au vif de la mêlée, éperdument aux écoutes, le poète va donc vivre du souffle même de son peuple. Il traduira sa respiration, oppressée ou radieuse, l’odeur des résédas comme celle des charniers ». (Je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’il en est aujourd’hui). Un long édito de l’infatigable Christophe Dauphin situe le personnage et lui rend un vibrant hommage. Suivent 280 pages denses où je vais de découvertes en souvenirs, un dossier « poètes norvégiens contemporains », des hommages à d’autres disparus, des notes de lectures… cette revue est toujours une belle entrée en poésie."

Yves Artufel (cf. La semaine de Gros Textes n°5, 3-9 février 2014, in grostextes.over-blog.com).

 




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