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Critique
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Critique
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Critique
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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Critiques
"Un livre tout d’abord à regarder, comme un objet, tant les couleurs ocres de la couverture mettent à l’honneur la délicatesse du dessin qui la compose pour moitié. Le titre, Mains d’ombre, discrètement déposé au-dessus, dans un vert pastel, vient discrètement s’harmoniser avec ces couleurs, et annonce les tonalités aériennes de l’iconographie liminaire. Le recueil s’ouvre en effet sur un dessin de même facture, reproduit en couleur. Dès l’abord Elodia Turki sollicite le regard, et prépare le lecteur à la découverte de ces magnifiques lignes tracées en arabe littéraire qui ornent les pages de son recueil et proposent une traduction de ses textes, assumée par Habib Boulares. Le vis à vis rythme le livre, et les caractères orientaux dessinent des vagues de dentelle en regard de textes courts pour majorité écrits en italique sur les pages de droite. Ainsi cette version bilingue place l’écriture à un double niveau de réception, celui de la lecture proprement dite, et celui d’une réception sémantique de l’image. « De gestes en paroles » Elodia Turki invite le lecteur sur la quatrième de couverture à entrer dans cet univers plurisémantique. Là nous rencontrons une énonciatrice qui évoque sa difficulté à être, et suggère les épreuves traversées avec une pudeur et une discrétion non démenties. Un pronom personnel à peine incarné apparaît parfois, mais c’est dans la pudeur de l’évocation des étapes rencontrées.
« Tremblée défaite et rire comme un manque à rêver
Je-suave tourbillon- fleur lacérée-dessin- jasminée repentie silence pire
C’est ce que je sentais »
Une parole féminine qui suggère les difficultés de l’affirmation de soi-même mais aussi les ombres dessinées par les êtres rencontrés et aimés.
« Autour de ses poignets d’autres mains d’autres gestes elle et toi immenses arlequins sur le pont sans rive
Tu m’avais oubliée ne retenant de moi que l’ombre de mon chant que le son de mes doigts sur tes jours ne retenant de moi que toi sans moi »
Faut-il pour autant affirmer que ce recueil n’évoque qu’une expérience personnelle ? Loin s’en faut, car l’auteure fait partager au lecteur ses interrogations sur la matière de ses textes et sur l’acte d’écrire.
« Sa main-la tienne telle une ombre jalouse dans la fleur innombrable de ma peur
Peut-être eut-il suffit-il que la lenteur des yeux épelle en fin le trouble pour que toujours soit l’improbable partage »
Mains d’ombre n’est donc pas uniquement le lieu d’une parole personnelle, et la volonté d’opérer un syncrétisme artistique soutient cette réflexivité sur le travail de l’écriture. L’iconographie qui entoure les textes ainsi que la graphie magnifique de l’écriture arabe forment écho à la récurrence de l’évocation de la musique. Et il faut comprendre la convocation de ces vecteurs artistiques comme métaphore de ce désir de mener l’humanité à la source de paix d’une communauté enfin unie dans le verbe mais aussi dans le silence, ainsi que l’énonce si magnifiquement l’épigraphe d’œuvre signée Omar Khayyam :
« There was a Door to which i found no Key There was a Veil through which I could not see Some little Talk awhile of Me and Thee there was And then no more of Thee and Me
Omar Khayyam (Quatrains) »
Carole MESROBIAN (cf. "Fil de lectures" in www.recoursaupoem.fr, mars 2016).
*
"Ce livre bilingue, arabe et français, d’une poésie magnifique, est disponible alors que Habib Boulares, essayiste, historien, poète et homme de théâtre tunisien, est décédé. Il a fait davantage que traduire la poésie d’Elodia Turki, il l’a inscrite dans l’écrin de la langue arabe qui est en poésie en soi. « Ici, nous dit Elodia Turki, nous sommes, comme pour toujours, perdus retrouvés dans notre souffle, entourés de murmures, les mains ouvertes sur le vide apparent qui nous enveloppe. Nous hésitons : sommes-nous seuls ? Sommes-nous avec les autres ? Sommes-nous l’autre ? Tous les autres ? Qui parle à qui quand nous parlons ? Et à travers nous, qui parle ? De gestes en paroles, de rêves en éveil, le monde nous entraîne dans sa ronde… Certaines choses que l’on dit… Certaines choses que l’on nous dit, puis… plus rien de ce que l’on s’est dit. » La mer dessinée par ma soif portera mes vaisseaux
Tout sera car je suis fantastique animale Enfant illégitime d’une grotte… et d’une étoile
La beauté, la grâce, la profondeur… le silence. Le lieu de la langue est le reflet du cœur, de l’intime. La poésie se fait queste, un fragile esquif, insubmersible toutefois sur l’océan de la vie. Le monde à travers moi se crée
Si je vis Tu existes Et Tu meurs si je meurs
A l’intérieur de moi un domaine effrayant martèle mes secondes
J’ai recousu l’entaille Enfermé ce moteur et ma peur et dans le lisse et la beauté de mes masques
j’ai chanté !
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 16 août 2015).
*
"De courts poèmes plein de ferveur et d'amour qui se lisent avec tranquillité."
Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°63, septembre 2015).
*
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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"Pour reprendre les mots de Pierrick de Chermont dans son étude « L’appel de la muse chez Elodia Turki », cette dernière « est née dans une prison espagnole à la fin de la guerre d’Espagne, où sa mère antifranquiste militante était enfermée et condamnée à mort. Au bout de dix mois, elles rejoignirent la Tunisie où son père se trouvait déjà ». Ce qui explique peut-être son goût pour la culture arabe et, en partie, la présente publication de « Mains d’ombre » (déjà édité en 2011 à la Librairie-Galerie Racine) où ses poèmes en français dialoguent avec la traduction en arabe due à Habib Boulares.
« Mains d’ombre » est un chant d’amour. Un chant d’amour à la graphie arabe car Elodia Turki écrit dans son avant-propos (qui est un hommage à Habib Boulares) à cette édition : « Je sais que la traduction qu’il a faite des poèmes de mon recueil "Mains d’ombre" est non seulement fidèle, mais, aux dires de ceux qui ont comparé les textes dans les deux langues, il y a tellement de poésie dans sa proposition que l’on oublie très vite qui a écrit et qui a traduit ». Nous voilà loin du vieil adage qui assimile la traduction à une trahison. Ne connaissant pas l’arabe, je n’ai rien à ajouter à ces mots…
Mais chant d’amour également dans les poèmes d’Elodia Turki dont l’écriture rend fidèlement une perception originale de l’amour. Si l’obscurité n’est pas absente de ces textes, le dialogue amoureux que le lecteur devine traduit la vocation ultime de la femme qui est l’amour. Là encore, la culture arabe (et je suis conscient que cette dernière expression manque de précision) qui érige l’amour en règle n’est pas loin : Elodia Turki a publié en 1999 un recueil intitulé « Al Ghazal », ce qui rappelle au lecteur occidental qui est familiarisé aux genres poétiques définis par des règles de construction très strictes que le ghazal (dépositaire de la poésie amoureuse dans la culture arabe) ne renvoie pas aux formes comme dans la poésie occidentale mais au thème abordé. D’où l’extrême liberté de ton d’Elodia Turki.
Mais il faut aussi s’arrêter à l’iconographie de ce recueil. Pour remarquer tout d’abord que l’illustration de couverture (reprise sur la page de titre) est différente, quant au style, du frontispice. Ce qui prouve que la culture arabe n’existe pas, mais qu’il existe des cultures arabes… Cependant ces deux illustrations représentent un couple, amoureux (?) dans un jardin. Dans les deux cas, la femme tient un flacon ou une carafe. Sur la couverture, la femme a dans la main droite une coupe dans laquelle elle semble avoir servi un peu du breuvage de la carafe pour l’offrir à l’homme face à elle. Comment interpréter ces éléments visuels ? Il faut se souvenir que dans la culture arabe, on trouve de nombreux jardins dédiés au plaisir et de nombreuses représentations de ces jardins. On n’est pas loin, dans certains, cas, du jardin d’amour auquel font penser ces illustrations. Si chez les musulmans l’alcool est frappé d’interdit, le vin est considéré comme la récompense suprême au Paradis : « Les Purs seront abreuvés d’un vin rare » (Le Coran, Sourate LXXXIII, 25). Et dans l’histoire, les époques où les poètes (Omar Khayyam en est un bel exemple), chantèrent le vin et l’ivresse ne sont pas rares.
De là à penser que ce recueil s’inscrit dans cette tradition particulière, il n’y a qu’un pas facile à franchir… Elodia Turki ne nomme jamais l’objet ou le sujet de son amour. Et elle se situe comme l’égale de l’homme : « Tu succombais aux mots / je t’offrais l’hésitation du rêve ». Ces mains d’ombre sont des mains faites pour la caresse, pour l’interrogation. Ce que résume admirablement ce vers « Elle vers lui avançait une esquisse ». Pierrick de Chermont dit d’Elodia Turki qu’elle a « une foi sans Dieu ». Ses poèmes ruissellent d’une foi très forte mais quant au Dieu, ne parle-t-elle pas de « croix sans Christ » ? Au-delà de ces affirmations, « Mains d’ombre » est un beau livre à la poésie subtile, en même temps qu’un bel objet… "
Lucien WASSELIN (cf. Chemins de lecture in revue-texture.fr, 2016)
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Critiques
"Un livre tout d’abord à regarder, comme un objet, tant les couleurs ocres de la couverture mettent à l’honneur la délicatesse du dessin qui la compose pour moitié. Le titre, Mains d’ombre, discrètement déposé au-dessus, dans un vert pastel, vient discrètement s’harmoniser avec ces couleurs, et annonce les tonalités aériennes de l’iconographie liminaire. Le recueil s’ouvre en effet sur un dessin de même facture, reproduit en couleur. Dès l’abord Elodia Turki sollicite le regard, et prépare le lecteur à la découverte de ces magnifiques lignes tracées en arabe littéraire qui ornent les pages de son recueil et proposent une traduction de ses textes, assumée par Habib Boulares. Le vis à vis rythme le livre, et les caractères orientaux dessinent des vagues de dentelle en regard de textes courts pour majorité écrits en italique sur les pages de droite. Ainsi cette version bilingue place l’écriture à un double niveau de réception, celui de la lecture proprement dite, et celui d’une réception sémantique de l’image. « De gestes en paroles » Elodia Turki invite le lecteur sur la quatrième de couverture à entrer dans cet univers plurisémantique. Là nous rencontrons une énonciatrice qui évoque sa difficulté à être, et suggère les épreuves traversées avec une pudeur et une discrétion non démenties. Un pronom personnel à peine incarné apparaît parfois, mais c’est dans la pudeur de l’évocation des étapes rencontrées.
« Tremblée défaite et rire comme un manque à rêver
Je-suave tourbillon- fleur lacérée-dessin- jasminée repentie silence pire
C’est ce que je sentais »
Une parole féminine qui suggère les difficultés de l’affirmation de soi-même mais aussi les ombres dessinées par les êtres rencontrés et aimés.
« Autour de ses poignets d’autres mains d’autres gestes elle et toi immenses arlequins sur le pont sans rive
Tu m’avais oubliée ne retenant de moi que l’ombre de mon chant que le son de mes doigts sur tes jours ne retenant de moi que toi sans moi »
Faut-il pour autant affirmer que ce recueil n’évoque qu’une expérience personnelle ? Loin s’en faut, car l’auteure fait partager au lecteur ses interrogations sur la matière de ses textes et sur l’acte d’écrire.
« Sa main-la tienne telle une ombre jalouse dans la fleur innombrable de ma peur
Peut-être eut-il suffit-il que la lenteur des yeux épelle en fin le trouble pour que toujours soit l’improbable partage »
Mains d’ombre n’est donc pas uniquement le lieu d’une parole personnelle, et la volonté d’opérer un syncrétisme artistique soutient cette réflexivité sur le travail de l’écriture. L’iconographie qui entoure les textes ainsi que la graphie magnifique de l’écriture arabe forment écho à la récurrence de l’évocation de la musique. Et il faut comprendre la convocation de ces vecteurs artistiques comme métaphore de ce désir de mener l’humanité à la source de paix d’une communauté enfin unie dans le verbe mais aussi dans le silence, ainsi que l’énonce si magnifiquement l’épigraphe d’œuvre signée Omar Khayyam :
« There was a Door to which i found no Key There was a Veil through which I could not see Some little Talk awhile of Me and Thee there was And then no more of Thee and Me
Omar Khayyam (Quatrains) »
Carole MESROBIAN (cf. "Fil de lectures" in www.recoursaupoem.fr, mars 2016).
*
"Ce livre bilingue, arabe et français, d’une poésie magnifique, est disponible alors que Habib Boulares, essayiste, historien, poète et homme de théâtre tunisien, est décédé. Il a fait davantage que traduire la poésie d’Elodia Turki, il l’a inscrite dans l’écrin de la langue arabe qui est en poésie en soi. « Ici, nous dit Elodia Turki, nous sommes, comme pour toujours, perdus retrouvés dans notre souffle, entourés de murmures, les mains ouvertes sur le vide apparent qui nous enveloppe. Nous hésitons : sommes-nous seuls ? Sommes-nous avec les autres ? Sommes-nous l’autre ? Tous les autres ? Qui parle à qui quand nous parlons ? Et à travers nous, qui parle ? De gestes en paroles, de rêves en éveil, le monde nous entraîne dans sa ronde… Certaines choses que l’on dit… Certaines choses que l’on nous dit, puis… plus rien de ce que l’on s’est dit. » La mer dessinée par ma soif portera mes vaisseaux
Tout sera car je suis fantastique animale Enfant illégitime d’une grotte… et d’une étoile
La beauté, la grâce, la profondeur… le silence. Le lieu de la langue est le reflet du cœur, de l’intime. La poésie se fait queste, un fragile esquif, insubmersible toutefois sur l’océan de la vie. Le monde à travers moi se crée
Si je vis Tu existes Et Tu meurs si je meurs
A l’intérieur de moi un domaine effrayant martèle mes secondes
J’ai recousu l’entaille Enfermé ce moteur et ma peur et dans le lisse et la beauté de mes masques
j’ai chanté !
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 16 août 2015).
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"De courts poèmes plein de ferveur et d'amour qui se lisent avec tranquillité."
Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°63, septembre 2015).
*
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
*
Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
*
"Pour reprendre les mots de Pierrick de Chermont dans son étude « L’appel de la muse chez Elodia Turki », cette dernière « est née dans une prison espagnole à la fin de la guerre d’Espagne, où sa mère antifranquiste militante était enfermée et condamnée à mort. Au bout de dix mois, elles rejoignirent la Tunisie où son père se trouvait déjà ». Ce qui explique peut-être son goût pour la culture arabe et, en partie, la présente publication de « Mains d’ombre » (déjà édité en 2011 à la Librairie-Galerie Racine) où ses poèmes en français dialoguent avec la traduction en arabe due à Habib Boulares.
« Mains d’ombre » est un chant d’amour. Un chant d’amour à la graphie arabe car Elodia Turki écrit dans son avant-propos (qui est un hommage à Habib Boulares) à cette édition : « Je sais que la traduction qu’il a faite des poèmes de mon recueil "Mains d’ombre" est non seulement fidèle, mais, aux dires de ceux qui ont comparé les textes dans les deux langues, il y a tellement de poésie dans sa proposition que l’on oublie très vite qui a écrit et qui a traduit ». Nous voilà loin du vieil adage qui assimile la traduction à une trahison. Ne connaissant pas l’arabe, je n’ai rien à ajouter à ces mots…
Mais chant d’amour également dans les poèmes d’Elodia Turki dont l’écriture rend fidèlement une perception originale de l’amour. Si l’obscurité n’est pas absente de ces textes, le dialogue amoureux que le lecteur devine traduit la vocation ultime de la femme qui est l’amour. Là encore, la culture arabe (et je suis conscient que cette dernière expression manque de précision) qui érige l’amour en règle n’est pas loin : Elodia Turki a publié en 1999 un recueil intitulé « Al Ghazal », ce qui rappelle au lecteur occidental qui est familiarisé aux genres poétiques définis par des règles de construction très strictes que le ghazal (dépositaire de la poésie amoureuse dans la culture arabe) ne renvoie pas aux formes comme dans la poésie occidentale mais au thème abordé. D’où l’extrême liberté de ton d’Elodia Turki.
Mais il faut aussi s’arrêter à l’iconographie de ce recueil. Pour remarquer tout d’abord que l’illustration de couverture (reprise sur la page de titre) est différente, quant au style, du frontispice. Ce qui prouve que la culture arabe n’existe pas, mais qu’il existe des cultures arabes… Cependant ces deux illustrations représentent un couple, amoureux (?) dans un jardin. Dans les deux cas, la femme tient un flacon ou une carafe. Sur la couverture, la femme a dans la main droite une coupe dans laquelle elle semble avoir servi un peu du breuvage de la carafe pour l’offrir à l’homme face à elle. Comment interpréter ces éléments visuels ? Il faut se souvenir que dans la culture arabe, on trouve de nombreux jardins dédiés au plaisir et de nombreuses représentations de ces jardins. On n’est pas loin, dans certains, cas, du jardin d’amour auquel font penser ces illustrations. Si chez les musulmans l’alcool est frappé d’interdit, le vin est considéré comme la récompense suprême au Paradis : « Les Purs seront abreuvés d’un vin rare » (Le Coran, Sourate LXXXIII, 25). Et dans l’histoire, les époques où les poètes (Omar Khayyam en est un bel exemple), chantèrent le vin et l’ivresse ne sont pas rares.
De là à penser que ce recueil s’inscrit dans cette tradition particulière, il n’y a qu’un pas facile à franchir… Elodia Turki ne nomme jamais l’objet ou le sujet de son amour. Et elle se situe comme l’égale de l’homme : « Tu succombais aux mots / je t’offrais l’hésitation du rêve ». Ces mains d’ombre sont des mains faites pour la caresse, pour l’interrogation. Ce que résume admirablement ce vers « Elle vers lui avançait une esquisse ». Pierrick de Chermont dit d’Elodia Turki qu’elle a « une foi sans Dieu ». Ses poèmes ruissellent d’une foi très forte mais quant au Dieu, ne parle-t-elle pas de « croix sans Christ » ? Au-delà de ces affirmations, « Mains d’ombre » est un beau livre à la poésie subtile, en même temps qu’un bel objet… "
Lucien WASSELIN (cf. Chemins de lecture in revue-texture.fr, 2016)
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Critiques
"Un livre tout d’abord à regarder, comme un objet, tant les couleurs ocres de la couverture mettent à l’honneur la délicatesse du dessin qui la compose pour moitié. Le titre, Mains d’ombre, discrètement déposé au-dessus, dans un vert pastel, vient discrètement s’harmoniser avec ces couleurs, et annonce les tonalités aériennes de l’iconographie liminaire. Le recueil s’ouvre en effet sur un dessin de même facture, reproduit en couleur. Dès l’abord Elodia Turki sollicite le regard, et prépare le lecteur à la découverte de ces magnifiques lignes tracées en arabe littéraire qui ornent les pages de son recueil et proposent une traduction de ses textes, assumée par Habib Boulares. Le vis à vis rythme le livre, et les caractères orientaux dessinent des vagues de dentelle en regard de textes courts pour majorité écrits en italique sur les pages de droite. Ainsi cette version bilingue place l’écriture à un double niveau de réception, celui de la lecture proprement dite, et celui d’une réception sémantique de l’image. « De gestes en paroles » Elodia Turki invite le lecteur sur la quatrième de couverture à entrer dans cet univers plurisémantique. Là nous rencontrons une énonciatrice qui évoque sa difficulté à être, et suggère les épreuves traversées avec une pudeur et une discrétion non démenties. Un pronom personnel à peine incarné apparaît parfois, mais c’est dans la pudeur de l’évocation des étapes rencontrées.
« Tremblée défaite et rire comme un manque à rêver
Je-suave tourbillon- fleur lacérée-dessin- jasminée repentie silence pire
C’est ce que je sentais »
Une parole féminine qui suggère les difficultés de l’affirmation de soi-même mais aussi les ombres dessinées par les êtres rencontrés et aimés.
« Autour de ses poignets d’autres mains d’autres gestes elle et toi immenses arlequins sur le pont sans rive
Tu m’avais oubliée ne retenant de moi que l’ombre de mon chant que le son de mes doigts sur tes jours ne retenant de moi que toi sans moi »
Faut-il pour autant affirmer que ce recueil n’évoque qu’une expérience personnelle ? Loin s’en faut, car l’auteure fait partager au lecteur ses interrogations sur la matière de ses textes et sur l’acte d’écrire.
« Sa main-la tienne telle une ombre jalouse dans la fleur innombrable de ma peur
Peut-être eut-il suffit-il que la lenteur des yeux épelle en fin le trouble pour que toujours soit l’improbable partage »
Mains d’ombre n’est donc pas uniquement le lieu d’une parole personnelle, et la volonté d’opérer un syncrétisme artistique soutient cette réflexivité sur le travail de l’écriture. L’iconographie qui entoure les textes ainsi que la graphie magnifique de l’écriture arabe forment écho à la récurrence de l’évocation de la musique. Et il faut comprendre la convocation de ces vecteurs artistiques comme métaphore de ce désir de mener l’humanité à la source de paix d’une communauté enfin unie dans le verbe mais aussi dans le silence, ainsi que l’énonce si magnifiquement l’épigraphe d’œuvre signée Omar Khayyam :
« There was a Door to which i found no Key There was a Veil through which I could not see Some little Talk awhile of Me and Thee there was And then no more of Thee and Me
Omar Khayyam (Quatrains) »
Carole MESROBIAN (cf. "Fil de lectures" in www.recoursaupoem.fr, mars 2016).
*
"Ce livre bilingue, arabe et français, d’une poésie magnifique, est disponible alors que Habib Boulares, essayiste, historien, poète et homme de théâtre tunisien, est décédé. Il a fait davantage que traduire la poésie d’Elodia Turki, il l’a inscrite dans l’écrin de la langue arabe qui est en poésie en soi. « Ici, nous dit Elodia Turki, nous sommes, comme pour toujours, perdus retrouvés dans notre souffle, entourés de murmures, les mains ouvertes sur le vide apparent qui nous enveloppe. Nous hésitons : sommes-nous seuls ? Sommes-nous avec les autres ? Sommes-nous l’autre ? Tous les autres ? Qui parle à qui quand nous parlons ? Et à travers nous, qui parle ? De gestes en paroles, de rêves en éveil, le monde nous entraîne dans sa ronde… Certaines choses que l’on dit… Certaines choses que l’on nous dit, puis… plus rien de ce que l’on s’est dit. » La mer dessinée par ma soif portera mes vaisseaux
Tout sera car je suis fantastique animale Enfant illégitime d’une grotte… et d’une étoile
La beauté, la grâce, la profondeur… le silence. Le lieu de la langue est le reflet du cœur, de l’intime. La poésie se fait queste, un fragile esquif, insubmersible toutefois sur l’océan de la vie. Le monde à travers moi se crée
Si je vis Tu existes Et Tu meurs si je meurs
A l’intérieur de moi un domaine effrayant martèle mes secondes
J’ai recousu l’entaille Enfermé ce moteur et ma peur et dans le lisse et la beauté de mes masques
j’ai chanté !
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 16 août 2015).
*
"De courts poèmes plein de ferveur et d'amour qui se lisent avec tranquillité."
Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°63, septembre 2015).
*
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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"Pour reprendre les mots de Pierrick de Chermont dans son étude « L’appel de la muse chez Elodia Turki », cette dernière « est née dans une prison espagnole à la fin de la guerre d’Espagne, où sa mère antifranquiste militante était enfermée et condamnée à mort. Au bout de dix mois, elles rejoignirent la Tunisie où son père se trouvait déjà ». Ce qui explique peut-être son goût pour la culture arabe et, en partie, la présente publication de « Mains d’ombre » (déjà édité en 2011 à la Librairie-Galerie Racine) où ses poèmes en français dialoguent avec la traduction en arabe due à Habib Boulares.
« Mains d’ombre » est un chant d’amour. Un chant d’amour à la graphie arabe car Elodia Turki écrit dans son avant-propos (qui est un hommage à Habib Boulares) à cette édition : « Je sais que la traduction qu’il a faite des poèmes de mon recueil "Mains d’ombre" est non seulement fidèle, mais, aux dires de ceux qui ont comparé les textes dans les deux langues, il y a tellement de poésie dans sa proposition que l’on oublie très vite qui a écrit et qui a traduit ». Nous voilà loin du vieil adage qui assimile la traduction à une trahison. Ne connaissant pas l’arabe, je n’ai rien à ajouter à ces mots…
Mais chant d’amour également dans les poèmes d’Elodia Turki dont l’écriture rend fidèlement une perception originale de l’amour. Si l’obscurité n’est pas absente de ces textes, le dialogue amoureux que le lecteur devine traduit la vocation ultime de la femme qui est l’amour. Là encore, la culture arabe (et je suis conscient que cette dernière expression manque de précision) qui érige l’amour en règle n’est pas loin : Elodia Turki a publié en 1999 un recueil intitulé « Al Ghazal », ce qui rappelle au lecteur occidental qui est familiarisé aux genres poétiques définis par des règles de construction très strictes que le ghazal (dépositaire de la poésie amoureuse dans la culture arabe) ne renvoie pas aux formes comme dans la poésie occidentale mais au thème abordé. D’où l’extrême liberté de ton d’Elodia Turki.
Mais il faut aussi s’arrêter à l’iconographie de ce recueil. Pour remarquer tout d’abord que l’illustration de couverture (reprise sur la page de titre) est différente, quant au style, du frontispice. Ce qui prouve que la culture arabe n’existe pas, mais qu’il existe des cultures arabes… Cependant ces deux illustrations représentent un couple, amoureux (?) dans un jardin. Dans les deux cas, la femme tient un flacon ou une carafe. Sur la couverture, la femme a dans la main droite une coupe dans laquelle elle semble avoir servi un peu du breuvage de la carafe pour l’offrir à l’homme face à elle. Comment interpréter ces éléments visuels ? Il faut se souvenir que dans la culture arabe, on trouve de nombreux jardins dédiés au plaisir et de nombreuses représentations de ces jardins. On n’est pas loin, dans certains, cas, du jardin d’amour auquel font penser ces illustrations. Si chez les musulmans l’alcool est frappé d’interdit, le vin est considéré comme la récompense suprême au Paradis : « Les Purs seront abreuvés d’un vin rare » (Le Coran, Sourate LXXXIII, 25). Et dans l’histoire, les époques où les poètes (Omar Khayyam en est un bel exemple), chantèrent le vin et l’ivresse ne sont pas rares.
De là à penser que ce recueil s’inscrit dans cette tradition particulière, il n’y a qu’un pas facile à franchir… Elodia Turki ne nomme jamais l’objet ou le sujet de son amour. Et elle se situe comme l’égale de l’homme : « Tu succombais aux mots / je t’offrais l’hésitation du rêve ». Ces mains d’ombre sont des mains faites pour la caresse, pour l’interrogation. Ce que résume admirablement ce vers « Elle vers lui avançait une esquisse ». Pierrick de Chermont dit d’Elodia Turki qu’elle a « une foi sans Dieu ». Ses poèmes ruissellent d’une foi très forte mais quant au Dieu, ne parle-t-elle pas de « croix sans Christ » ? Au-delà de ces affirmations, « Mains d’ombre » est un beau livre à la poésie subtile, en même temps qu’un bel objet… "
Lucien WASSELIN (cf. Chemins de lecture in revue-texture.fr, 2016)
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Critiques
"Un livre tout d’abord à regarder, comme un objet, tant les couleurs ocres de la couverture mettent à l’honneur la délicatesse du dessin qui la compose pour moitié. Le titre, Mains d’ombre, discrètement déposé au-dessus, dans un vert pastel, vient discrètement s’harmoniser avec ces couleurs, et annonce les tonalités aériennes de l’iconographie liminaire. Le recueil s’ouvre en effet sur un dessin de même facture, reproduit en couleur. Dès l’abord Elodia Turki sollicite le regard, et prépare le lecteur à la découverte de ces magnifiques lignes tracées en arabe littéraire qui ornent les pages de son recueil et proposent une traduction de ses textes, assumée par Habib Boulares. Le vis à vis rythme le livre, et les caractères orientaux dessinent des vagues de dentelle en regard de textes courts pour majorité écrits en italique sur les pages de droite. Ainsi cette version bilingue place l’écriture à un double niveau de réception, celui de la lecture proprement dite, et celui d’une réception sémantique de l’image. « De gestes en paroles » Elodia Turki invite le lecteur sur la quatrième de couverture à entrer dans cet univers plurisémantique. Là nous rencontrons une énonciatrice qui évoque sa difficulté à être, et suggère les épreuves traversées avec une pudeur et une discrétion non démenties. Un pronom personnel à peine incarné apparaît parfois, mais c’est dans la pudeur de l’évocation des étapes rencontrées.
« Tremblée défaite et rire comme un manque à rêver
Je-suave tourbillon- fleur lacérée-dessin- jasminée repentie silence pire
C’est ce que je sentais »
Une parole féminine qui suggère les difficultés de l’affirmation de soi-même mais aussi les ombres dessinées par les êtres rencontrés et aimés.
« Autour de ses poignets d’autres mains d’autres gestes elle et toi immenses arlequins sur le pont sans rive
Tu m’avais oubliée ne retenant de moi que l’ombre de mon chant que le son de mes doigts sur tes jours ne retenant de moi que toi sans moi »
Faut-il pour autant affirmer que ce recueil n’évoque qu’une expérience personnelle ? Loin s’en faut, car l’auteure fait partager au lecteur ses interrogations sur la matière de ses textes et sur l’acte d’écrire.
« Sa main-la tienne telle une ombre jalouse dans la fleur innombrable de ma peur
Peut-être eut-il suffit-il que la lenteur des yeux épelle en fin le trouble pour que toujours soit l’improbable partage »
Mains d’ombre n’est donc pas uniquement le lieu d’une parole personnelle, et la volonté d’opérer un syncrétisme artistique soutient cette réflexivité sur le travail de l’écriture. L’iconographie qui entoure les textes ainsi que la graphie magnifique de l’écriture arabe forment écho à la récurrence de l’évocation de la musique. Et il faut comprendre la convocation de ces vecteurs artistiques comme métaphore de ce désir de mener l’humanité à la source de paix d’une communauté enfin unie dans le verbe mais aussi dans le silence, ainsi que l’énonce si magnifiquement l’épigraphe d’œuvre signée Omar Khayyam :
« There was a Door to which i found no Key There was a Veil through which I could not see Some little Talk awhile of Me and Thee there was And then no more of Thee and Me
Omar Khayyam (Quatrains) »
Carole MESROBIAN (cf. "Fil de lectures" in www.recoursaupoem.fr, mars 2016).
*
"Ce livre bilingue, arabe et français, d’une poésie magnifique, est disponible alors que Habib Boulares, essayiste, historien, poète et homme de théâtre tunisien, est décédé. Il a fait davantage que traduire la poésie d’Elodia Turki, il l’a inscrite dans l’écrin de la langue arabe qui est en poésie en soi. « Ici, nous dit Elodia Turki, nous sommes, comme pour toujours, perdus retrouvés dans notre souffle, entourés de murmures, les mains ouvertes sur le vide apparent qui nous enveloppe. Nous hésitons : sommes-nous seuls ? Sommes-nous avec les autres ? Sommes-nous l’autre ? Tous les autres ? Qui parle à qui quand nous parlons ? Et à travers nous, qui parle ? De gestes en paroles, de rêves en éveil, le monde nous entraîne dans sa ronde… Certaines choses que l’on dit… Certaines choses que l’on nous dit, puis… plus rien de ce que l’on s’est dit. » La mer dessinée par ma soif portera mes vaisseaux
Tout sera car je suis fantastique animale Enfant illégitime d’une grotte… et d’une étoile
La beauté, la grâce, la profondeur… le silence. Le lieu de la langue est le reflet du cœur, de l’intime. La poésie se fait queste, un fragile esquif, insubmersible toutefois sur l’océan de la vie. Le monde à travers moi se crée
Si je vis Tu existes Et Tu meurs si je meurs
A l’intérieur de moi un domaine effrayant martèle mes secondes
J’ai recousu l’entaille Enfermé ce moteur et ma peur et dans le lisse et la beauté de mes masques
j’ai chanté !
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 16 août 2015).
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"De courts poèmes plein de ferveur et d'amour qui se lisent avec tranquillité."
Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°63, septembre 2015).
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Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
*
"Pour reprendre les mots de Pierrick de Chermont dans son étude « L’appel de la muse chez Elodia Turki », cette dernière « est née dans une prison espagnole à la fin de la guerre d’Espagne, où sa mère antifranquiste militante était enfermée et condamnée à mort. Au bout de dix mois, elles rejoignirent la Tunisie où son père se trouvait déjà ». Ce qui explique peut-être son goût pour la culture arabe et, en partie, la présente publication de « Mains d’ombre » (déjà édité en 2011 à la Librairie-Galerie Racine) où ses poèmes en français dialoguent avec la traduction en arabe due à Habib Boulares.
« Mains d’ombre » est un chant d’amour. Un chant d’amour à la graphie arabe car Elodia Turki écrit dans son avant-propos (qui est un hommage à Habib Boulares) à cette édition : « Je sais que la traduction qu’il a faite des poèmes de mon recueil "Mains d’ombre" est non seulement fidèle, mais, aux dires de ceux qui ont comparé les textes dans les deux langues, il y a tellement de poésie dans sa proposition que l’on oublie très vite qui a écrit et qui a traduit ». Nous voilà loin du vieil adage qui assimile la traduction à une trahison. Ne connaissant pas l’arabe, je n’ai rien à ajouter à ces mots…
Mais chant d’amour également dans les poèmes d’Elodia Turki dont l’écriture rend fidèlement une perception originale de l’amour. Si l’obscurité n’est pas absente de ces textes, le dialogue amoureux que le lecteur devine traduit la vocation ultime de la femme qui est l’amour. Là encore, la culture arabe (et je suis conscient que cette dernière expression manque de précision) qui érige l’amour en règle n’est pas loin : Elodia Turki a publié en 1999 un recueil intitulé « Al Ghazal », ce qui rappelle au lecteur occidental qui est familiarisé aux genres poétiques définis par des règles de construction très strictes que le ghazal (dépositaire de la poésie amoureuse dans la culture arabe) ne renvoie pas aux formes comme dans la poésie occidentale mais au thème abordé. D’où l’extrême liberté de ton d’Elodia Turki.
Mais il faut aussi s’arrêter à l’iconographie de ce recueil. Pour remarquer tout d’abord que l’illustration de couverture (reprise sur la page de titre) est différente, quant au style, du frontispice. Ce qui prouve que la culture arabe n’existe pas, mais qu’il existe des cultures arabes… Cependant ces deux illustrations représentent un couple, amoureux (?) dans un jardin. Dans les deux cas, la femme tient un flacon ou une carafe. Sur la couverture, la femme a dans la main droite une coupe dans laquelle elle semble avoir servi un peu du breuvage de la carafe pour l’offrir à l’homme face à elle. Comment interpréter ces éléments visuels ? Il faut se souvenir que dans la culture arabe, on trouve de nombreux jardins dédiés au plaisir et de nombreuses représentations de ces jardins. On n’est pas loin, dans certains, cas, du jardin d’amour auquel font penser ces illustrations. Si chez les musulmans l’alcool est frappé d’interdit, le vin est considéré comme la récompense suprême au Paradis : « Les Purs seront abreuvés d’un vin rare » (Le Coran, Sourate LXXXIII, 25). Et dans l’histoire, les époques où les poètes (Omar Khayyam en est un bel exemple), chantèrent le vin et l’ivresse ne sont pas rares.
De là à penser que ce recueil s’inscrit dans cette tradition particulière, il n’y a qu’un pas facile à franchir… Elodia Turki ne nomme jamais l’objet ou le sujet de son amour. Et elle se situe comme l’égale de l’homme : « Tu succombais aux mots / je t’offrais l’hésitation du rêve ». Ces mains d’ombre sont des mains faites pour la caresse, pour l’interrogation. Ce que résume admirablement ce vers « Elle vers lui avançait une esquisse ». Pierrick de Chermont dit d’Elodia Turki qu’elle a « une foi sans Dieu ». Ses poèmes ruissellent d’une foi très forte mais quant au Dieu, ne parle-t-elle pas de « croix sans Christ » ? Au-delà de ces affirmations, « Mains d’ombre » est un beau livre à la poésie subtile, en même temps qu’un bel objet… "
Lucien WASSELIN (cf. Chemins de lecture in revue-texture.fr, 2016)
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Critiques
"Un livre tout d’abord à regarder, comme un objet, tant les couleurs ocres de la couverture mettent à l’honneur la délicatesse du dessin qui la compose pour moitié. Le titre, Mains d’ombre, discrètement déposé au-dessus, dans un vert pastel, vient discrètement s’harmoniser avec ces couleurs, et annonce les tonalités aériennes de l’iconographie liminaire. Le recueil s’ouvre en effet sur un dessin de même facture, reproduit en couleur. Dès l’abord Elodia Turki sollicite le regard, et prépare le lecteur à la découverte de ces magnifiques lignes tracées en arabe littéraire qui ornent les pages de son recueil et proposent une traduction de ses textes, assumée par Habib Boulares. Le vis à vis rythme le livre, et les caractères orientaux dessinent des vagues de dentelle en regard de textes courts pour majorité écrits en italique sur les pages de droite. Ainsi cette version bilingue place l’écriture à un double niveau de réception, celui de la lecture proprement dite, et celui d’une réception sémantique de l’image. « De gestes en paroles » Elodia Turki invite le lecteur sur la quatrième de couverture à entrer dans cet univers plurisémantique. Là nous rencontrons une énonciatrice qui évoque sa difficulté à être, et suggère les épreuves traversées avec une pudeur et une discrétion non démenties. Un pronom personnel à peine incarné apparaît parfois, mais c’est dans la pudeur de l’évocation des étapes rencontrées.
« Tremblée défaite et rire comme un manque à rêver
Je-suave tourbillon- fleur lacérée-dessin- jasminée repentie silence pire
C’est ce que je sentais »
Une parole féminine qui suggère les difficultés de l’affirmation de soi-même mais aussi les ombres dessinées par les êtres rencontrés et aimés.
« Autour de ses poignets d’autres mains d’autres gestes elle et toi immenses arlequins sur le pont sans rive
Tu m’avais oubliée ne retenant de moi que l’ombre de mon chant que le son de mes doigts sur tes jours ne retenant de moi que toi sans moi »
Faut-il pour autant affirmer que ce recueil n’évoque qu’une expérience personnelle ? Loin s’en faut, car l’auteure fait partager au lecteur ses interrogations sur la matière de ses textes et sur l’acte d’écrire.
« Sa main-la tienne telle une ombre jalouse dans la fleur innombrable de ma peur
Peut-être eut-il suffit-il que la lenteur des yeux épelle en fin le trouble pour que toujours soit l’improbable partage »
Mains d’ombre n’est donc pas uniquement le lieu d’une parole personnelle, et la volonté d’opérer un syncrétisme artistique soutient cette réflexivité sur le travail de l’écriture. L’iconographie qui entoure les textes ainsi que la graphie magnifique de l’écriture arabe forment écho à la récurrence de l’évocation de la musique. Et il faut comprendre la convocation de ces vecteurs artistiques comme métaphore de ce désir de mener l’humanité à la source de paix d’une communauté enfin unie dans le verbe mais aussi dans le silence, ainsi que l’énonce si magnifiquement l’épigraphe d’œuvre signée Omar Khayyam :
« There was a Door to which i found no Key There was a Veil through which I could not see Some little Talk awhile of Me and Thee there was And then no more of Thee and Me
Omar Khayyam (Quatrains) »
Carole MESROBIAN (cf. "Fil de lectures" in www.recoursaupoem.fr, mars 2016).
*
"Ce livre bilingue, arabe et français, d’une poésie magnifique, est disponible alors que Habib Boulares, essayiste, historien, poète et homme de théâtre tunisien, est décédé. Il a fait davantage que traduire la poésie d’Elodia Turki, il l’a inscrite dans l’écrin de la langue arabe qui est en poésie en soi. « Ici, nous dit Elodia Turki, nous sommes, comme pour toujours, perdus retrouvés dans notre souffle, entourés de murmures, les mains ouvertes sur le vide apparent qui nous enveloppe. Nous hésitons : sommes-nous seuls ? Sommes-nous avec les autres ? Sommes-nous l’autre ? Tous les autres ? Qui parle à qui quand nous parlons ? Et à travers nous, qui parle ? De gestes en paroles, de rêves en éveil, le monde nous entraîne dans sa ronde… Certaines choses que l’on dit… Certaines choses que l’on nous dit, puis… plus rien de ce que l’on s’est dit. » La mer dessinée par ma soif portera mes vaisseaux
Tout sera car je suis fantastique animale Enfant illégitime d’une grotte… et d’une étoile
La beauté, la grâce, la profondeur… le silence. Le lieu de la langue est le reflet du cœur, de l’intime. La poésie se fait queste, un fragile esquif, insubmersible toutefois sur l’océan de la vie. Le monde à travers moi se crée
Si je vis Tu existes Et Tu meurs si je meurs
A l’intérieur de moi un domaine effrayant martèle mes secondes
J’ai recousu l’entaille Enfermé ce moteur et ma peur et dans le lisse et la beauté de mes masques
j’ai chanté !
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 16 août 2015).
*
"De courts poèmes plein de ferveur et d'amour qui se lisent avec tranquillité."
Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°63, septembre 2015).
*
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
*
Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
*
"Pour reprendre les mots de Pierrick de Chermont dans son étude « L’appel de la muse chez Elodia Turki », cette dernière « est née dans une prison espagnole à la fin de la guerre d’Espagne, où sa mère antifranquiste militante était enfermée et condamnée à mort. Au bout de dix mois, elles rejoignirent la Tunisie où son père se trouvait déjà ». Ce qui explique peut-être son goût pour la culture arabe et, en partie, la présente publication de « Mains d’ombre » (déjà édité en 2011 à la Librairie-Galerie Racine) où ses poèmes en français dialoguent avec la traduction en arabe due à Habib Boulares.
« Mains d’ombre » est un chant d’amour. Un chant d’amour à la graphie arabe car Elodia Turki écrit dans son avant-propos (qui est un hommage à Habib Boulares) à cette édition : « Je sais que la traduction qu’il a faite des poèmes de mon recueil "Mains d’ombre" est non seulement fidèle, mais, aux dires de ceux qui ont comparé les textes dans les deux langues, il y a tellement de poésie dans sa proposition que l’on oublie très vite qui a écrit et qui a traduit ». Nous voilà loin du vieil adage qui assimile la traduction à une trahison. Ne connaissant pas l’arabe, je n’ai rien à ajouter à ces mots…
Mais chant d’amour également dans les poèmes d’Elodia Turki dont l’écriture rend fidèlement une perception originale de l’amour. Si l’obscurité n’est pas absente de ces textes, le dialogue amoureux que le lecteur devine traduit la vocation ultime de la femme qui est l’amour. Là encore, la culture arabe (et je suis conscient que cette dernière expression manque de précision) qui érige l’amour en règle n’est pas loin : Elodia Turki a publié en 1999 un recueil intitulé « Al Ghazal », ce qui rappelle au lecteur occidental qui est familiarisé aux genres poétiques définis par des règles de construction très strictes que le ghazal (dépositaire de la poésie amoureuse dans la culture arabe) ne renvoie pas aux formes comme dans la poésie occidentale mais au thème abordé. D’où l’extrême liberté de ton d’Elodia Turki.
Mais il faut aussi s’arrêter à l’iconographie de ce recueil. Pour remarquer tout d’abord que l’illustration de couverture (reprise sur la page de titre) est différente, quant au style, du frontispice. Ce qui prouve que la culture arabe n’existe pas, mais qu’il existe des cultures arabes… Cependant ces deux illustrations représentent un couple, amoureux (?) dans un jardin. Dans les deux cas, la femme tient un flacon ou une carafe. Sur la couverture, la femme a dans la main droite une coupe dans laquelle elle semble avoir servi un peu du breuvage de la carafe pour l’offrir à l’homme face à elle. Comment interpréter ces éléments visuels ? Il faut se souvenir que dans la culture arabe, on trouve de nombreux jardins dédiés au plaisir et de nombreuses représentations de ces jardins. On n’est pas loin, dans certains, cas, du jardin d’amour auquel font penser ces illustrations. Si chez les musulmans l’alcool est frappé d’interdit, le vin est considéré comme la récompense suprême au Paradis : « Les Purs seront abreuvés d’un vin rare » (Le Coran, Sourate LXXXIII, 25). Et dans l’histoire, les époques où les poètes (Omar Khayyam en est un bel exemple), chantèrent le vin et l’ivresse ne sont pas rares.
De là à penser que ce recueil s’inscrit dans cette tradition particulière, il n’y a qu’un pas facile à franchir… Elodia Turki ne nomme jamais l’objet ou le sujet de son amour. Et elle se situe comme l’égale de l’homme : « Tu succombais aux mots / je t’offrais l’hésitation du rêve ». Ces mains d’ombre sont des mains faites pour la caresse, pour l’interrogation. Ce que résume admirablement ce vers « Elle vers lui avançait une esquisse ». Pierrick de Chermont dit d’Elodia Turki qu’elle a « une foi sans Dieu ». Ses poèmes ruissellent d’une foi très forte mais quant au Dieu, ne parle-t-elle pas de « croix sans Christ » ? Au-delà de ces affirmations, « Mains d’ombre » est un beau livre à la poésie subtile, en même temps qu’un bel objet… "
Lucien WASSELIN (cf. Chemins de lecture in revue-texture.fr, 2016)
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Critiques
"Un livre tout d’abord à regarder, comme un objet, tant les couleurs ocres de la couverture mettent à l’honneur la délicatesse du dessin qui la compose pour moitié. Le titre, Mains d’ombre, discrètement déposé au-dessus, dans un vert pastel, vient discrètement s’harmoniser avec ces couleurs, et annonce les tonalités aériennes de l’iconographie liminaire. Le recueil s’ouvre en effet sur un dessin de même facture, reproduit en couleur. Dès l’abord Elodia Turki sollicite le regard, et prépare le lecteur à la découverte de ces magnifiques lignes tracées en arabe littéraire qui ornent les pages de son recueil et proposent une traduction de ses textes, assumée par Habib Boulares. Le vis à vis rythme le livre, et les caractères orientaux dessinent des vagues de dentelle en regard de textes courts pour majorité écrits en italique sur les pages de droite. Ainsi cette version bilingue place l’écriture à un double niveau de réception, celui de la lecture proprement dite, et celui d’une réception sémantique de l’image. « De gestes en paroles » Elodia Turki invite le lecteur sur la quatrième de couverture à entrer dans cet univers plurisémantique. Là nous rencontrons une énonciatrice qui évoque sa difficulté à être, et suggère les épreuves traversées avec une pudeur et une discrétion non démenties. Un pronom personnel à peine incarné apparaît parfois, mais c’est dans la pudeur de l’évocation des étapes rencontrées.
« Tremblée défaite et rire comme un manque à rêver
Je-suave tourbillon- fleur lacérée-dessin- jasminée repentie silence pire
C’est ce que je sentais »
Une parole féminine qui suggère les difficultés de l’affirmation de soi-même mais aussi les ombres dessinées par les êtres rencontrés et aimés.
« Autour de ses poignets d’autres mains d’autres gestes elle et toi immenses arlequins sur le pont sans rive
Tu m’avais oubliée ne retenant de moi que l’ombre de mon chant que le son de mes doigts sur tes jours ne retenant de moi que toi sans moi »
Faut-il pour autant affirmer que ce recueil n’évoque qu’une expérience personnelle ? Loin s’en faut, car l’auteure fait partager au lecteur ses interrogations sur la matière de ses textes et sur l’acte d’écrire.
« Sa main-la tienne telle une ombre jalouse dans la fleur innombrable de ma peur
Peut-être eut-il suffit-il que la lenteur des yeux épelle en fin le trouble pour que toujours soit l’improbable partage »
Mains d’ombre n’est donc pas uniquement le lieu d’une parole personnelle, et la volonté d’opérer un syncrétisme artistique soutient cette réflexivité sur le travail de l’écriture. L’iconographie qui entoure les textes ainsi que la graphie magnifique de l’écriture arabe forment écho à la récurrence de l’évocation de la musique. Et il faut comprendre la convocation de ces vecteurs artistiques comme métaphore de ce désir de mener l’humanité à la source de paix d’une communauté enfin unie dans le verbe mais aussi dans le silence, ainsi que l’énonce si magnifiquement l’épigraphe d’œuvre signée Omar Khayyam :
« There was a Door to which i found no Key There was a Veil through which I could not see Some little Talk awhile of Me and Thee there was And then no more of Thee and Me
Omar Khayyam (Quatrains) »
Carole MESROBIAN (cf. "Fil de lectures" in www.recoursaupoem.fr, mars 2016).
*
"Ce livre bilingue, arabe et français, d’une poésie magnifique, est disponible alors que Habib Boulares, essayiste, historien, poète et homme de théâtre tunisien, est décédé. Il a fait davantage que traduire la poésie d’Elodia Turki, il l’a inscrite dans l’écrin de la langue arabe qui est en poésie en soi. « Ici, nous dit Elodia Turki, nous sommes, comme pour toujours, perdus retrouvés dans notre souffle, entourés de murmures, les mains ouvertes sur le vide apparent qui nous enveloppe. Nous hésitons : sommes-nous seuls ? Sommes-nous avec les autres ? Sommes-nous l’autre ? Tous les autres ? Qui parle à qui quand nous parlons ? Et à travers nous, qui parle ? De gestes en paroles, de rêves en éveil, le monde nous entraîne dans sa ronde… Certaines choses que l’on dit… Certaines choses que l’on nous dit, puis… plus rien de ce que l’on s’est dit. » La mer dessinée par ma soif portera mes vaisseaux
Tout sera car je suis fantastique animale Enfant illégitime d’une grotte… et d’une étoile
La beauté, la grâce, la profondeur… le silence. Le lieu de la langue est le reflet du cœur, de l’intime. La poésie se fait queste, un fragile esquif, insubmersible toutefois sur l’océan de la vie. Le monde à travers moi se crée
Si je vis Tu existes Et Tu meurs si je meurs
A l’intérieur de moi un domaine effrayant martèle mes secondes
J’ai recousu l’entaille Enfermé ce moteur et ma peur et dans le lisse et la beauté de mes masques
j’ai chanté !
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 16 août 2015).
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"De courts poèmes plein de ferveur et d'amour qui se lisent avec tranquillité."
Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°63, septembre 2015).
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Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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"Pour reprendre les mots de Pierrick de Chermont dans son étude « L’appel de la muse chez Elodia Turki », cette dernière « est née dans une prison espagnole à la fin de la guerre d’Espagne, où sa mère antifranquiste militante était enfermée et condamnée à mort. Au bout de dix mois, elles rejoignirent la Tunisie où son père se trouvait déjà ». Ce qui explique peut-être son goût pour la culture arabe et, en partie, la présente publication de « Mains d’ombre » (déjà édité en 2011 à la Librairie-Galerie Racine) où ses poèmes en français dialoguent avec la traduction en arabe due à Habib Boulares.
« Mains d’ombre » est un chant d’amour. Un chant d’amour à la graphie arabe car Elodia Turki écrit dans son avant-propos (qui est un hommage à Habib Boulares) à cette édition : « Je sais que la traduction qu’il a faite des poèmes de mon recueil "Mains d’ombre" est non seulement fidèle, mais, aux dires de ceux qui ont comparé les textes dans les deux langues, il y a tellement de poésie dans sa proposition que l’on oublie très vite qui a écrit et qui a traduit ». Nous voilà loin du vieil adage qui assimile la traduction à une trahison. Ne connaissant pas l’arabe, je n’ai rien à ajouter à ces mots…
Mais chant d’amour également dans les poèmes d’Elodia Turki dont l’écriture rend fidèlement une perception originale de l’amour. Si l’obscurité n’est pas absente de ces textes, le dialogue amoureux que le lecteur devine traduit la vocation ultime de la femme qui est l’amour. Là encore, la culture arabe (et je suis conscient que cette dernière expression manque de précision) qui érige l’amour en règle n’est pas loin : Elodia Turki a publié en 1999 un recueil intitulé « Al Ghazal », ce qui rappelle au lecteur occidental qui est familiarisé aux genres poétiques définis par des règles de construction très strictes que le ghazal (dépositaire de la poésie amoureuse dans la culture arabe) ne renvoie pas aux formes comme dans la poésie occidentale mais au thème abordé. D’où l’extrême liberté de ton d’Elodia Turki.
Mais il faut aussi s’arrêter à l’iconographie de ce recueil. Pour remarquer tout d’abord que l’illustration de couverture (reprise sur la page de titre) est différente, quant au style, du frontispice. Ce qui prouve que la culture arabe n’existe pas, mais qu’il existe des cultures arabes… Cependant ces deux illustrations représentent un couple, amoureux (?) dans un jardin. Dans les deux cas, la femme tient un flacon ou une carafe. Sur la couverture, la femme a dans la main droite une coupe dans laquelle elle semble avoir servi un peu du breuvage de la carafe pour l’offrir à l’homme face à elle. Comment interpréter ces éléments visuels ? Il faut se souvenir que dans la culture arabe, on trouve de nombreux jardins dédiés au plaisir et de nombreuses représentations de ces jardins. On n’est pas loin, dans certains, cas, du jardin d’amour auquel font penser ces illustrations. Si chez les musulmans l’alcool est frappé d’interdit, le vin est considéré comme la récompense suprême au Paradis : « Les Purs seront abreuvés d’un vin rare » (Le Coran, Sourate LXXXIII, 25). Et dans l’histoire, les époques où les poètes (Omar Khayyam en est un bel exemple), chantèrent le vin et l’ivresse ne sont pas rares.
De là à penser que ce recueil s’inscrit dans cette tradition particulière, il n’y a qu’un pas facile à franchir… Elodia Turki ne nomme jamais l’objet ou le sujet de son amour. Et elle se situe comme l’égale de l’homme : « Tu succombais aux mots / je t’offrais l’hésitation du rêve ». Ces mains d’ombre sont des mains faites pour la caresse, pour l’interrogation. Ce que résume admirablement ce vers « Elle vers lui avançait une esquisse ». Pierrick de Chermont dit d’Elodia Turki qu’elle a « une foi sans Dieu ». Ses poèmes ruissellent d’une foi très forte mais quant au Dieu, ne parle-t-elle pas de « croix sans Christ » ? Au-delà de ces affirmations, « Mains d’ombre » est un beau livre à la poésie subtile, en même temps qu’un bel objet… "
Lucien WASSELIN (cf. Chemins de lecture in revue-texture.fr, 2016)
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Lectures :
" L’écriture n’est ni féminine, ni masculine. Le travail d’écrire, avec la matière du langage, puise à l’universel, par-delà les genres...
On connaît ( ? ) le roman de Georges Pérec, La Disparition. Cet ouvrage est un lipogramme, il ne compte pas une seule fois la lettre e. Élodia Turki offre à la curiosité du lecteur un recueil composé de poèmes lipogrammes : la lettre a en est absente. Que signifie cette non présence voulue délibérément ? Sans doute cette question est-elle malvenue puisque Élodia Turki affirme en quatrième de couverture : « Une centaine de poèmes lipogrammes, comme des gués sur le chemin étrange que je découvre avec eux, avec vous, et qui ne mène nulle part ailleurs que le chemin lui-même qui, comme le dit Antonio Machado, n’existe pas : il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en cheminant »
Tout langage écrit est lipogrammatique puisqu’il n’utilise qu’un nombre fini de lettres et exclut les autres alphabets… Il serait donc vain de chercher à élucider de quoi la lettre a est le symbole. Et sans doute est-il plus utile de voir ce que ces poèmes disent en dehors du jeu gratuit auquel semble s’être livrée Élodia Turki dans sa jeunesse. Car elle continuera d’écrire de tels poèmes. Voilà pour la genèse du recueil.
Notons que le poème est court, la plupart du temps. Élodia Turki donne l’impression de décrire ses relations avec un tu jamais identifié. S’agit-il de la description de l’amour, de la passion ? Notons aussi le goût de l’image : « Et j’invente pour nous une très lente nuit / tissée de peurs et d’innocence / qui nous dépose sur les grèves du temps / ensoleillés de lunes » (p 8). Est-ce le stupéfiant image dont parlait le surréalisme ? Élodia Turki ausculte son corps car elle est sensible à ses changements. Cela ne va pas sans obscurités que soulignent ces mots : « entourés d’ombres longues » (p 11). Elle a le goût des mots rares comme ouroboros sans qu’elle n’éclaircisse le sens de ce terme mais sa forme la plus courante est celle d’un serpent qui se mord la queue, le plus souvent. Ce vers « Et voici le poème d’où surgit le poète ! » n’est-il pas éclairant (p 16) ? Élodia Turki souligne qu’elle ne facilite pas la lecture de ses poèmes : « Je signe enfin de cette encre furtive / quelque chose de moi qui se rebiffe // L’irréversible plonge ses griffes d’ombres / fige notre désir pour toujours différent » (p 21).

Élodia Turki, L’Infini Désir de l’ombre, Librairie-Galerie Racine (Collection Les Homme sans Épaules), 68 pages, 17 euros. (L-G Racine ; 23 Rue Racine. 75006 Paris).
Et puis, il y a cette soif inextinguible d’écrire : « Terrible est le silence » (p 25). Et puis, il y a cette attirance de l’ombre… Etc !
Élodia Turki dit haut et fort sa féminité et la passion amoureuse. Et si ce recueil n’était qu’un éloge de la gratuité du jeu poétique ? Mais je ne peux m’empêcher de penser que la lettre a est l’initiale du mot amour : Élodia Turki n’écrit-elle pas « Première lettre et premier leurre » (p 41)"
Lucien WASSELIN (in recoursaupoeme.fr, juin 2018).
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Le poète, dans son dénuement, se dépouille souvent de la ponctuation, la mise à la ligne faisant office de respiration. Parfois, il sacrifie les majuscules ou, au contraire, les magnifie. Titres et table se dissipent au gré d'enchaînements subtils. Voici qu'Elodia Turki nous propose la complicité d'un texte sans la lettre A (hors son propre nom, les première et quatrième de couverture ainsi que les pages de garde).
Simple jeu ? En fait, la contrainte librement consentie tôt s'évapore. Cette lettre A, pourtant si prégnante dans notre langue, est devenue virtuelle, telle une ombre à la fois présente et immatérielle. Comme un désir intensément palpable mais sans corps et sans trace. Désir immensément présent, envahissant, obsédant tel un amour qui taraude, privé de l'être cher : De toi je suis si près - si loin de nous - / Moi loin d'ici loin de tout en si petite vous, lors que Mes doigts écorchent le crépi des murmures (...) Pour Tituber sur les broderies du temps. Peu à peu, l'on comprend que le maçon a renoncé au ciment : mur de pierres sèches. Que l'ombre de l'être aimé incendie Mes doigts tendre mémoire de son Infini Désir (en majuscules). Que la lettre A, tel un cri primal (dans le sens freudien) s'est faite absence, non comme un jeu ou un exercice de compagnon en mal de cathédrale, mais comme un manque existentiel devenu déchirement : je mendie le cri d'une étoile. Rendons les choses simples : ce recueil, dont la langue est si pudique mais si riche en images, est un long cri d'amour. Il prend de plus en plus de sens à la relecture. C'est peut-être là d'ailleurs, une caractéristique de la poésie : Le vent étourdit les feuilles les lunes les frissons - Tu restes ce mystère - cet inconnu - qui tremble en moi - l'infini désir de l'ombre. Non pas langue véhiculaire mais elle-même objet d'art, objet de mystère où se frottent et s'incendient l'une, l'autre, les pierres sèches, où se confrontent les verbes dans leur structure primitive. Comme des silences tout au fond des entrailles, tout au creux du rêve.
Claude LUEZIOR (in revue Les Hommes sans Epaules n°47, 2019).
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Lectures :
" L’écriture n’est ni féminine, ni masculine. Le travail d’écrire, avec la matière du langage, puise à l’universel, par-delà les genres...
On connaît ( ? ) le roman de Georges Pérec, La Disparition. Cet ouvrage est un lipogramme, il ne compte pas une seule fois la lettre e. Élodia Turki offre à la curiosité du lecteur un recueil composé de poèmes lipogrammes : la lettre a en est absente. Que signifie cette non présence voulue délibérément ? Sans doute cette question est-elle malvenue puisque Élodia Turki affirme en quatrième de couverture : « Une centaine de poèmes lipogrammes, comme des gués sur le chemin étrange que je découvre avec eux, avec vous, et qui ne mène nulle part ailleurs que le chemin lui-même qui, comme le dit Antonio Machado, n’existe pas : il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en cheminant »
Tout langage écrit est lipogrammatique puisqu’il n’utilise qu’un nombre fini de lettres et exclut les autres alphabets… Il serait donc vain de chercher à élucider de quoi la lettre a est le symbole. Et sans doute est-il plus utile de voir ce que ces poèmes disent en dehors du jeu gratuit auquel semble s’être livrée Élodia Turki dans sa jeunesse. Car elle continuera d’écrire de tels poèmes. Voilà pour la genèse du recueil.
Notons que le poème est court, la plupart du temps. Élodia Turki donne l’impression de décrire ses relations avec un tu jamais identifié. S’agit-il de la description de l’amour, de la passion ? Notons aussi le goût de l’image : « Et j’invente pour nous une très lente nuit / tissée de peurs et d’innocence / qui nous dépose sur les grèves du temps / ensoleillés de lunes » (p 8). Est-ce le stupéfiant image dont parlait le surréalisme ? Élodia Turki ausculte son corps car elle est sensible à ses changements. Cela ne va pas sans obscurités que soulignent ces mots : « entourés d’ombres longues » (p 11). Elle a le goût des mots rares comme ouroboros sans qu’elle n’éclaircisse le sens de ce terme mais sa forme la plus courante est celle d’un serpent qui se mord la queue, le plus souvent. Ce vers « Et voici le poème d’où surgit le poète ! » n’est-il pas éclairant (p 16) ? Élodia Turki souligne qu’elle ne facilite pas la lecture de ses poèmes : « Je signe enfin de cette encre furtive / quelque chose de moi qui se rebiffe // L’irréversible plonge ses griffes d’ombres / fige notre désir pour toujours différent » (p 21).

Élodia Turki, L’Infini Désir de l’ombre, Librairie-Galerie Racine (Collection Les Homme sans Épaules), 68 pages, 17 euros. (L-G Racine ; 23 Rue Racine. 75006 Paris).
Et puis, il y a cette soif inextinguible d’écrire : « Terrible est le silence » (p 25). Et puis, il y a cette attirance de l’ombre… Etc !
Élodia Turki dit haut et fort sa féminité et la passion amoureuse. Et si ce recueil n’était qu’un éloge de la gratuité du jeu poétique ? Mais je ne peux m’empêcher de penser que la lettre a est l’initiale du mot amour : Élodia Turki n’écrit-elle pas « Première lettre et premier leurre » (p 41)"
Lucien WASSELIN (in recoursaupoeme.fr, juin 2018).
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Le poète, dans son dénuement, se dépouille souvent de la ponctuation, la mise à la ligne faisant office de respiration. Parfois, il sacrifie les majuscules ou, au contraire, les magnifie. Titres et table se dissipent au gré d'enchaînements subtils. Voici qu'Elodia Turki nous propose la complicité d'un texte sans la lettre A (hors son propre nom, les première et quatrième de couverture ainsi que les pages de garde).
Simple jeu ? En fait, la contrainte librement consentie tôt s'évapore. Cette lettre A, pourtant si prégnante dans notre langue, est devenue virtuelle, telle une ombre à la fois présente et immatérielle. Comme un désir intensément palpable mais sans corps et sans trace. Désir immensément présent, envahissant, obsédant tel un amour qui taraude, privé de l'être cher : De toi je suis si près - si loin de nous - / Moi loin d'ici loin de tout en si petite vous, lors que Mes doigts écorchent le crépi des murmures (...) Pour Tituber sur les broderies du temps. Peu à peu, l'on comprend que le maçon a renoncé au ciment : mur de pierres sèches. Que l'ombre de l'être aimé incendie Mes doigts tendre mémoire de son Infini Désir (en majuscules). Que la lettre A, tel un cri primal (dans le sens freudien) s'est faite absence, non comme un jeu ou un exercice de compagnon en mal de cathédrale, mais comme un manque existentiel devenu déchirement : je mendie le cri d'une étoile. Rendons les choses simples : ce recueil, dont la langue est si pudique mais si riche en images, est un long cri d'amour. Il prend de plus en plus de sens à la relecture. C'est peut-être là d'ailleurs, une caractéristique de la poésie : Le vent étourdit les feuilles les lunes les frissons - Tu restes ce mystère - cet inconnu - qui tremble en moi - l'infini désir de l'ombre. Non pas langue véhiculaire mais elle-même objet d'art, objet de mystère où se frottent et s'incendient l'une, l'autre, les pierres sèches, où se confrontent les verbes dans leur structure primitive. Comme des silences tout au fond des entrailles, tout au creux du rêve.
Claude LUEZIOR (in revue Les Hommes sans Epaules n°47, 2019).
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Lectures :
" L’écriture n’est ni féminine, ni masculine. Le travail d’écrire, avec la matière du langage, puise à l’universel, par-delà les genres...
On connaît ( ? ) le roman de Georges Pérec, La Disparition. Cet ouvrage est un lipogramme, il ne compte pas une seule fois la lettre e. Élodia Turki offre à la curiosité du lecteur un recueil composé de poèmes lipogrammes : la lettre a en est absente. Que signifie cette non présence voulue délibérément ? Sans doute cette question est-elle malvenue puisque Élodia Turki affirme en quatrième de couverture : « Une centaine de poèmes lipogrammes, comme des gués sur le chemin étrange que je découvre avec eux, avec vous, et qui ne mène nulle part ailleurs que le chemin lui-même qui, comme le dit Antonio Machado, n’existe pas : il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en cheminant »
Tout langage écrit est lipogrammatique puisqu’il n’utilise qu’un nombre fini de lettres et exclut les autres alphabets… Il serait donc vain de chercher à élucider de quoi la lettre a est le symbole. Et sans doute est-il plus utile de voir ce que ces poèmes disent en dehors du jeu gratuit auquel semble s’être livrée Élodia Turki dans sa jeunesse. Car elle continuera d’écrire de tels poèmes. Voilà pour la genèse du recueil.
Notons que le poème est court, la plupart du temps. Élodia Turki donne l’impression de décrire ses relations avec un tu jamais identifié. S’agit-il de la description de l’amour, de la passion ? Notons aussi le goût de l’image : « Et j’invente pour nous une très lente nuit / tissée de peurs et d’innocence / qui nous dépose sur les grèves du temps / ensoleillés de lunes » (p 8). Est-ce le stupéfiant image dont parlait le surréalisme ? Élodia Turki ausculte son corps car elle est sensible à ses changements. Cela ne va pas sans obscurités que soulignent ces mots : « entourés d’ombres longues » (p 11). Elle a le goût des mots rares comme ouroboros sans qu’elle n’éclaircisse le sens de ce terme mais sa forme la plus courante est celle d’un serpent qui se mord la queue, le plus souvent. Ce vers « Et voici le poème d’où surgit le poète ! » n’est-il pas éclairant (p 16) ? Élodia Turki souligne qu’elle ne facilite pas la lecture de ses poèmes : « Je signe enfin de cette encre furtive / quelque chose de moi qui se rebiffe // L’irréversible plonge ses griffes d’ombres / fige notre désir pour toujours différent » (p 21).

Élodia Turki, L’Infini Désir de l’ombre, Librairie-Galerie Racine (Collection Les Homme sans Épaules), 68 pages, 17 euros. (L-G Racine ; 23 Rue Racine. 75006 Paris).
Et puis, il y a cette soif inextinguible d’écrire : « Terrible est le silence » (p 25). Et puis, il y a cette attirance de l’ombre… Etc !
Élodia Turki dit haut et fort sa féminité et la passion amoureuse. Et si ce recueil n’était qu’un éloge de la gratuité du jeu poétique ? Mais je ne peux m’empêcher de penser que la lettre a est l’initiale du mot amour : Élodia Turki n’écrit-elle pas « Première lettre et premier leurre » (p 41)"
Lucien WASSELIN (in recoursaupoeme.fr, juin 2018).
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Le poète, dans son dénuement, se dépouille souvent de la ponctuation, la mise à la ligne faisant office de respiration. Parfois, il sacrifie les majuscules ou, au contraire, les magnifie. Titres et table se dissipent au gré d'enchaînements subtils. Voici qu'Elodia Turki nous propose la complicité d'un texte sans la lettre A (hors son propre nom, les première et quatrième de couverture ainsi que les pages de garde).
Simple jeu ? En fait, la contrainte librement consentie tôt s'évapore. Cette lettre A, pourtant si prégnante dans notre langue, est devenue virtuelle, telle une ombre à la fois présente et immatérielle. Comme un désir intensément palpable mais sans corps et sans trace. Désir immensément présent, envahissant, obsédant tel un amour qui taraude, privé de l'être cher : De toi je suis si près - si loin de nous - / Moi loin d'ici loin de tout en si petite vous, lors que Mes doigts écorchent le crépi des murmures (...) Pour Tituber sur les broderies du temps. Peu à peu, l'on comprend que le maçon a renoncé au ciment : mur de pierres sèches. Que l'ombre de l'être aimé incendie Mes doigts tendre mémoire de son Infini Désir (en majuscules). Que la lettre A, tel un cri primal (dans le sens freudien) s'est faite absence, non comme un jeu ou un exercice de compagnon en mal de cathédrale, mais comme un manque existentiel devenu déchirement : je mendie le cri d'une étoile. Rendons les choses simples : ce recueil, dont la langue est si pudique mais si riche en images, est un long cri d'amour. Il prend de plus en plus de sens à la relecture. C'est peut-être là d'ailleurs, une caractéristique de la poésie : Le vent étourdit les feuilles les lunes les frissons - Tu restes ce mystère - cet inconnu - qui tremble en moi - l'infini désir de l'ombre. Non pas langue véhiculaire mais elle-même objet d'art, objet de mystère où se frottent et s'incendient l'une, l'autre, les pierres sèches, où se confrontent les verbes dans leur structure primitive. Comme des silences tout au fond des entrailles, tout au creux du rêve.
Claude LUEZIOR (in revue Les Hommes sans Epaules n°47, 2019).
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Lectures :
" L’écriture n’est ni féminine, ni masculine. Le travail d’écrire, avec la matière du langage, puise à l’universel, par-delà les genres...
On connaît ( ? ) le roman de Georges Pérec, La Disparition. Cet ouvrage est un lipogramme, il ne compte pas une seule fois la lettre e. Élodia Turki offre à la curiosité du lecteur un recueil composé de poèmes lipogrammes : la lettre a en est absente. Que signifie cette non présence voulue délibérément ? Sans doute cette question est-elle malvenue puisque Élodia Turki affirme en quatrième de couverture : « Une centaine de poèmes lipogrammes, comme des gués sur le chemin étrange que je découvre avec eux, avec vous, et qui ne mène nulle part ailleurs que le chemin lui-même qui, comme le dit Antonio Machado, n’existe pas : il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en cheminant »
Tout langage écrit est lipogrammatique puisqu’il n’utilise qu’un nombre fini de lettres et exclut les autres alphabets… Il serait donc vain de chercher à élucider de quoi la lettre a est le symbole. Et sans doute est-il plus utile de voir ce que ces poèmes disent en dehors du jeu gratuit auquel semble s’être livrée Élodia Turki dans sa jeunesse. Car elle continuera d’écrire de tels poèmes. Voilà pour la genèse du recueil.
Notons que le poème est court, la plupart du temps. Élodia Turki donne l’impression de décrire ses relations avec un tu jamais identifié. S’agit-il de la description de l’amour, de la passion ? Notons aussi le goût de l’image : « Et j’invente pour nous une très lente nuit / tissée de peurs et d’innocence / qui nous dépose sur les grèves du temps / ensoleillés de lunes » (p 8). Est-ce le stupéfiant image dont parlait le surréalisme ? Élodia Turki ausculte son corps car elle est sensible à ses changements. Cela ne va pas sans obscurités que soulignent ces mots : « entourés d’ombres longues » (p 11). Elle a le goût des mots rares comme ouroboros sans qu’elle n’éclaircisse le sens de ce terme mais sa forme la plus courante est celle d’un serpent qui se mord la queue, le plus souvent. Ce vers « Et voici le poème d’où surgit le poète ! » n’est-il pas éclairant (p 16) ? Élodia Turki souligne qu’elle ne facilite pas la lecture de ses poèmes : « Je signe enfin de cette encre furtive / quelque chose de moi qui se rebiffe // L’irréversible plonge ses griffes d’ombres / fige notre désir pour toujours différent » (p 21).

Élodia Turki, L’Infini Désir de l’ombre, Librairie-Galerie Racine (Collection Les Homme sans Épaules), 68 pages, 17 euros. (L-G Racine ; 23 Rue Racine. 75006 Paris).
Et puis, il y a cette soif inextinguible d’écrire : « Terrible est le silence » (p 25). Et puis, il y a cette attirance de l’ombre… Etc !
Élodia Turki dit haut et fort sa féminité et la passion amoureuse. Et si ce recueil n’était qu’un éloge de la gratuité du jeu poétique ? Mais je ne peux m’empêcher de penser que la lettre a est l’initiale du mot amour : Élodia Turki n’écrit-elle pas « Première lettre et premier leurre » (p 41)"
Lucien WASSELIN (in recoursaupoeme.fr, juin 2018).
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Le poète, dans son dénuement, se dépouille souvent de la ponctuation, la mise à la ligne faisant office de respiration. Parfois, il sacrifie les majuscules ou, au contraire, les magnifie. Titres et table se dissipent au gré d'enchaînements subtils. Voici qu'Elodia Turki nous propose la complicité d'un texte sans la lettre A (hors son propre nom, les première et quatrième de couverture ainsi que les pages de garde).
Simple jeu ? En fait, la contrainte librement consentie tôt s'évapore. Cette lettre A, pourtant si prégnante dans notre langue, est devenue virtuelle, telle une ombre à la fois présente et immatérielle. Comme un désir intensément palpable mais sans corps et sans trace. Désir immensément présent, envahissant, obsédant tel un amour qui taraude, privé de l'être cher : De toi je suis si près - si loin de nous - / Moi loin d'ici loin de tout en si petite vous, lors que Mes doigts écorchent le crépi des murmures (...) Pour Tituber sur les broderies du temps. Peu à peu, l'on comprend que le maçon a renoncé au ciment : mur de pierres sèches. Que l'ombre de l'être aimé incendie Mes doigts tendre mémoire de son Infini Désir (en majuscules). Que la lettre A, tel un cri primal (dans le sens freudien) s'est faite absence, non comme un jeu ou un exercice de compagnon en mal de cathédrale, mais comme un manque existentiel devenu déchirement : je mendie le cri d'une étoile. Rendons les choses simples : ce recueil, dont la langue est si pudique mais si riche en images, est un long cri d'amour. Il prend de plus en plus de sens à la relecture. C'est peut-être là d'ailleurs, une caractéristique de la poésie : Le vent étourdit les feuilles les lunes les frissons - Tu restes ce mystère - cet inconnu - qui tremble en moi - l'infini désir de l'ombre. Non pas langue véhiculaire mais elle-même objet d'art, objet de mystère où se frottent et s'incendient l'une, l'autre, les pierres sèches, où se confrontent les verbes dans leur structure primitive. Comme des silences tout au fond des entrailles, tout au creux du rêve.
Claude LUEZIOR (in revue Les Hommes sans Epaules n°47, 2019).
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Lectures :
" L’écriture n’est ni féminine, ni masculine. Le travail d’écrire, avec la matière du langage, puise à l’universel, par-delà les genres...
On connaît ( ? ) le roman de Georges Pérec, La Disparition. Cet ouvrage est un lipogramme, il ne compte pas une seule fois la lettre e. Élodia Turki offre à la curiosité du lecteur un recueil composé de poèmes lipogrammes : la lettre a en est absente. Que signifie cette non présence voulue délibérément ? Sans doute cette question est-elle malvenue puisque Élodia Turki affirme en quatrième de couverture : « Une centaine de poèmes lipogrammes, comme des gués sur le chemin étrange que je découvre avec eux, avec vous, et qui ne mène nulle part ailleurs que le chemin lui-même qui, comme le dit Antonio Machado, n’existe pas : il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en cheminant »
Tout langage écrit est lipogrammatique puisqu’il n’utilise qu’un nombre fini de lettres et exclut les autres alphabets… Il serait donc vain de chercher à élucider de quoi la lettre a est le symbole. Et sans doute est-il plus utile de voir ce que ces poèmes disent en dehors du jeu gratuit auquel semble s’être livrée Élodia Turki dans sa jeunesse. Car elle continuera d’écrire de tels poèmes. Voilà pour la genèse du recueil.
Notons que le poème est court, la plupart du temps. Élodia Turki donne l’impression de décrire ses relations avec un tu jamais identifié. S’agit-il de la description de l’amour, de la passion ? Notons aussi le goût de l’image : « Et j’invente pour nous une très lente nuit / tissée de peurs et d’innocence / qui nous dépose sur les grèves du temps / ensoleillés de lunes » (p 8). Est-ce le stupéfiant image dont parlait le surréalisme ? Élodia Turki ausculte son corps car elle est sensible à ses changements. Cela ne va pas sans obscurités que soulignent ces mots : « entourés d’ombres longues » (p 11). Elle a le goût des mots rares comme ouroboros sans qu’elle n’éclaircisse le sens de ce terme mais sa forme la plus courante est celle d’un serpent qui se mord la queue, le plus souvent. Ce vers « Et voici le poème d’où surgit le poète ! » n’est-il pas éclairant (p 16) ? Élodia Turki souligne qu’elle ne facilite pas la lecture de ses poèmes : « Je signe enfin de cette encre furtive / quelque chose de moi qui se rebiffe // L’irréversible plonge ses griffes d’ombres / fige notre désir pour toujours différent » (p 21).

Élodia Turki, L’Infini Désir de l’ombre, Librairie-Galerie Racine (Collection Les Homme sans Épaules), 68 pages, 17 euros. (L-G Racine ; 23 Rue Racine. 75006 Paris).
Et puis, il y a cette soif inextinguible d’écrire : « Terrible est le silence » (p 25). Et puis, il y a cette attirance de l’ombre… Etc !
Élodia Turki dit haut et fort sa féminité et la passion amoureuse. Et si ce recueil n’était qu’un éloge de la gratuité du jeu poétique ? Mais je ne peux m’empêcher de penser que la lettre a est l’initiale du mot amour : Élodia Turki n’écrit-elle pas « Première lettre et premier leurre » (p 41)"
Lucien WASSELIN (in recoursaupoeme.fr, juin 2018).
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Le poète, dans son dénuement, se dépouille souvent de la ponctuation, la mise à la ligne faisant office de respiration. Parfois, il sacrifie les majuscules ou, au contraire, les magnifie. Titres et table se dissipent au gré d'enchaînements subtils. Voici qu'Elodia Turki nous propose la complicité d'un texte sans la lettre A (hors son propre nom, les première et quatrième de couverture ainsi que les pages de garde).
Simple jeu ? En fait, la contrainte librement consentie tôt s'évapore. Cette lettre A, pourtant si prégnante dans notre langue, est devenue virtuelle, telle une ombre à la fois présente et immatérielle. Comme un désir intensément palpable mais sans corps et sans trace. Désir immensément présent, envahissant, obsédant tel un amour qui taraude, privé de l'être cher : De toi je suis si près - si loin de nous - / Moi loin d'ici loin de tout en si petite vous, lors que Mes doigts écorchent le crépi des murmures (...) Pour Tituber sur les broderies du temps. Peu à peu, l'on comprend que le maçon a renoncé au ciment : mur de pierres sèches. Que l'ombre de l'être aimé incendie Mes doigts tendre mémoire de son Infini Désir (en majuscules). Que la lettre A, tel un cri primal (dans le sens freudien) s'est faite absence, non comme un jeu ou un exercice de compagnon en mal de cathédrale, mais comme un manque existentiel devenu déchirement : je mendie le cri d'une étoile. Rendons les choses simples : ce recueil, dont la langue est si pudique mais si riche en images, est un long cri d'amour. Il prend de plus en plus de sens à la relecture. C'est peut-être là d'ailleurs, une caractéristique de la poésie : Le vent étourdit les feuilles les lunes les frissons - Tu restes ce mystère - cet inconnu - qui tremble en moi - l'infini désir de l'ombre. Non pas langue véhiculaire mais elle-même objet d'art, objet de mystère où se frottent et s'incendient l'une, l'autre, les pierres sèches, où se confrontent les verbes dans leur structure primitive. Comme des silences tout au fond des entrailles, tout au creux du rêve.
Claude LUEZIOR (in revue Les Hommes sans Epaules n°47, 2019).
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" L’écriture n’est ni féminine, ni masculine. Le travail d’écrire, avec la matière du langage, puise à l’universel, par-delà les genres...
On connaît ( ? ) le roman de Georges Pérec, La Disparition. Cet ouvrage est un lipogramme, il ne compte pas une seule fois la lettre e. Élodia Turki offre à la curiosité du lecteur un recueil composé de poèmes lipogrammes : la lettre a en est absente. Que signifie cette non présence voulue délibérément ? Sans doute cette question est-elle malvenue puisque Élodia Turki affirme en quatrième de couverture : « Une centaine de poèmes lipogrammes, comme des gués sur le chemin étrange que je découvre avec eux, avec vous, et qui ne mène nulle part ailleurs que le chemin lui-même qui, comme le dit Antonio Machado, n’existe pas : il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en cheminant »
Tout langage écrit est lipogrammatique puisqu’il n’utilise qu’un nombre fini de lettres et exclut les autres alphabets… Il serait donc vain de chercher à élucider de quoi la lettre a est le symbole. Et sans doute est-il plus utile de voir ce que ces poèmes disent en dehors du jeu gratuit auquel semble s’être livrée Élodia Turki dans sa jeunesse. Car elle continuera d’écrire de tels poèmes. Voilà pour la genèse du recueil.
Notons que le poème est court, la plupart du temps. Élodia Turki donne l’impression de décrire ses relations avec un tu jamais identifié. S’agit-il de la description de l’amour, de la passion ? Notons aussi le goût de l’image : « Et j’invente pour nous une très lente nuit / tissée de peurs et d’innocence / qui nous dépose sur les grèves du temps / ensoleillés de lunes » (p 8). Est-ce le stupéfiant image dont parlait le surréalisme ? Élodia Turki ausculte son corps car elle est sensible à ses changements. Cela ne va pas sans obscurités que soulignent ces mots : « entourés d’ombres longues » (p 11). Elle a le goût des mots rares comme ouroboros sans qu’elle n’éclaircisse le sens de ce terme mais sa forme la plus courante est celle d’un serpent qui se mord la queue, le plus souvent. Ce vers « Et voici le poème d’où surgit le poète ! » n’est-il pas éclairant (p 16) ? Élodia Turki souligne qu’elle ne facilite pas la lecture de ses poèmes : « Je signe enfin de cette encre furtive / quelque chose de moi qui se rebiffe // L’irréversible plonge ses griffes d’ombres / fige notre désir pour toujours différent » (p 21).

Élodia Turki, L’Infini Désir de l’ombre, Librairie-Galerie Racine (Collection Les Homme sans Épaules), 68 pages, 17 euros. (L-G Racine ; 23 Rue Racine. 75006 Paris).
Et puis, il y a cette soif inextinguible d’écrire : « Terrible est le silence » (p 25). Et puis, il y a cette attirance de l’ombre… Etc !
Élodia Turki dit haut et fort sa féminité et la passion amoureuse. Et si ce recueil n’était qu’un éloge de la gratuité du jeu poétique ? Mais je ne peux m’empêcher de penser que la lettre a est l’initiale du mot amour : Élodia Turki n’écrit-elle pas « Première lettre et premier leurre » (p 41)"
Lucien WASSELIN (in recoursaupoeme.fr, juin 2018).
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Le poète, dans son dénuement, se dépouille souvent de la ponctuation, la mise à la ligne faisant office de respiration. Parfois, il sacrifie les majuscules ou, au contraire, les magnifie. Titres et table se dissipent au gré d'enchaînements subtils. Voici qu'Elodia Turki nous propose la complicité d'un texte sans la lettre A (hors son propre nom, les première et quatrième de couverture ainsi que les pages de garde).
Simple jeu ? En fait, la contrainte librement consentie tôt s'évapore. Cette lettre A, pourtant si prégnante dans notre langue, est devenue virtuelle, telle une ombre à la fois présente et immatérielle. Comme un désir intensément palpable mais sans corps et sans trace. Désir immensément présent, envahissant, obsédant tel un amour qui taraude, privé de l'être cher : De toi je suis si près - si loin de nous - / Moi loin d'ici loin de tout en si petite vous, lors que Mes doigts écorchent le crépi des murmures (...) Pour Tituber sur les broderies du temps. Peu à peu, l'on comprend que le maçon a renoncé au ciment : mur de pierres sèches. Que l'ombre de l'être aimé incendie Mes doigts tendre mémoire de son Infini Désir (en majuscules). Que la lettre A, tel un cri primal (dans le sens freudien) s'est faite absence, non comme un jeu ou un exercice de compagnon en mal de cathédrale, mais comme un manque existentiel devenu déchirement : je mendie le cri d'une étoile. Rendons les choses simples : ce recueil, dont la langue est si pudique mais si riche en images, est un long cri d'amour. Il prend de plus en plus de sens à la relecture. C'est peut-être là d'ailleurs, une caractéristique de la poésie : Le vent étourdit les feuilles les lunes les frissons - Tu restes ce mystère - cet inconnu - qui tremble en moi - l'infini désir de l'ombre. Non pas langue véhiculaire mais elle-même objet d'art, objet de mystère où se frottent et s'incendient l'une, l'autre, les pierres sèches, où se confrontent les verbes dans leur structure primitive. Comme des silences tout au fond des entrailles, tout au creux du rêve.
Claude LUEZIOR (in revue Les Hommes sans Epaules n°47, 2019).
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