Claude de BURINE

Claude de BURINE



Née le 19 septembre 1931, de Jean de Burine et de Graziella Sommariva, dans le château familial de Saint Léger des Vignes (Nièvre), au sein d’une vieille famille de l’aristocratie française : les de Burine de Tournays ; Claude de Burine (1931-2005) connaît une enfance privilégiée. Sa prise de conscience du monde, l’entraîne à se rebeller assez tôt. Aux convenances de son milieu, elle oppose la poésie et l’ouverture de l’être: « La poésie, c’est un état. Une sorte de vagabondage. J’avais trois ans, quand un soir, je suis sortie seule. Pour essayer de ramener le clair de lune dans le seau de champagne de mes parents. La poésie, c’est ça. » Après des études à Sainte-Marie de Decize et à Fénelon à Nevers; Claude de Burine, en rupture de ban, épouse un architecte, en 1949, qui l’entraîne au Maroc, à Casablanca, où elle donne des cours de français. A son retour en France, en 1956, elle divorce, puis épouse le peintre Henri Espinouze, veuf de Youki Desnos, l’amie si chère au cœur de Claude de Burine. C’est le grand amour, qui durera jusqu’à la mort d'Espinouze, en novembre 1982. Durant cette période, Claude de Burine se révèle comme l’un des plus grands poètes de sa génération, et se lie d’amitié avec de nombreuses personnalités du monde des lettres, dont Marcel Arland (sur lequel elle donnera un essai de référence), Alain Bosquet ou Jean Rousselot. Claude de Burine devient la compagne de l’avocat Roland Massot (ami d’enfance d’Espinouze), qui sera, jusqu’à son décès, en septembre 1985, le deuxième médiateur de Claude de Burine. La mort, qui était partie intégrante de la vie et de l'œuvre du poète, la fauche le dimanche 24 juillet 2005, d’une embolie pulmonaire. Je garde en souvenir, d'avoir été seul présent aux côté de Raymond Kadjan, le dernier compagnon de Claude, lors de sa crémation au Mont-Valérien, à Nanterre, le 29 juillet 2005. Claude de Burine repose au cimetière de Saint-Léger-des-Vignes, dans son Nivernais natal, où elle a rejoint Henri Espinouze. Claude de Burine laisse le manuscrit d'un roman autobiographique inédit en deux parties, Et la nuit sera verte et blanche, dont il n'existe qu'un seul exemplaire.

J'ai écrit du vivant de l'auteur, qu'elle était avec Joyce Mansour, Thérèse Plantier et quelques autres, l'une des plus grandes voix féminines de la poésie contemporaine. Je persiste et signe. Claude de Burine, poète, a toujours placé son poème, dès ses débuts, en 1957, au coeur de la vie intérieure qu'elle ne pouvait séparer de la vie extérieure, en ne cessant de s'identifier aux cycles de la nature, à la fois pour expliquer, magnifier nos instincts, notre pulsion vitale, et pour mettre en parallèle les mouvements du sang et ceux de la sève, comme l'a écrit Jean Breton. Parcourant l’œuvre de Claude de Burine, on constate que la thématique du poète est relativement « figée » et s’enracine livre après livre dans l’évocation de l’amour, de la nature comme source d’inspiration et d’émerveillement (les paysages de la Nièvre, en particulier), du quotidien, de l’enfance, du temps et de la mort. Hymne de la poésie vécue, cette écriture fluide, aérienne et vastement humaine, n’en rappelle aucune autre, et demeure reconnaissable entre mille. Si elle ne peut se résoudre à n’être que contemplative (elle s’en défend) ; elle sait capter les moindres frémissements de la nature humaine, et les fondre dans les vibrations de son extrême sensibilité, à l’image de l’envol de la lumière même. Une poésie sans concession et sans trompe-l’œil. Si l'enfance, l'amitié et le désir règnent sur le poème, au relief mi-réel, mi-onirique, avec leurs cortèges d'images qui ont pesé sur notre mémoire, c'est pour faire contrepoids à l'angoisse existentielle, à la mort, et à tout ce qui mutile l'homme. Chez Claude de Burine, l'indignation et la révolte sont toujours de mises. Claude de Burine nous propose ses images comme des bouquets, tantôt comme des grenades

Claude de Burine a publié dans la 2ème et la 3ème série des HSE. Un dossier (textes de Jean Rousselot, Alain Bosquet, Yves Martin, Jocelyn Vostok, entretien et poèmes inédits) lui a été consacré dans Les HSE 3, 2ème série, 1992. Claude de Burine a été présentée (par Jean Breton) et publiée comme « Porteur de Feu », dans Les HSE 5 (3ème série, 1998). 

Intervention de Paul Farellier des Hommes sans Epaules, lors de la remise du Prix Georges Perros à Claude de Burine, en 1998.

A lire : Lettres à l'Enfance (Rougerie, 1957), La Gardienne (Le Soleil dans la Tête, 1960), L'Allumeur de réverbère (Rougerie, 1963), Hanches (éditions Saint-Germain-des-Prés,1969), Le Passeur (éditions Saint-Germain-des-Prés, 1976), Prix Max Jacob 1977, La Servante (éditions Saint-Germain-des-Prés, 1980),  Prix Alfred de Musset de la SGDL, Marcel Arland, essai, (Subervie, 1980), Le Cahier vert, proses, (Subervie, 1980), A Henri de l’été à midi (éditions Saint-Germain-des-Prés, 1987), Le Voyageur (Le Milieu du Jour, 1991), Le Visiteur (La Bartavelle, 1991), Le Passager (La Bartavelle, 1993), Prix Charles Vildrac SGDL, L’Arbre aux oiseaux (La Bartavelle, 1996), Prix Louis Labbé 1996, Le Pilleur d’étoiles (Gallimard, 1997), Prix Georges Perros, Gardiennes des nuages (Caedere, 2002), Les Médiateurs (La Bartavelle, 2002), Les Mots ont gelé, anthologie bilingue français/anglais, (Arc Publications, 2002), Stjerneplyndreren, édition en norvégien du Pilleur d'étoiles, (Solum Forlag, 2002), Cette Auberge des pauvres (Multiples, 2004).

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).

 

LA PASSANTE

(Crématorium du Mont-Valérien, Nanterre, le 29 juillet 2005)

 

                à Claude I.M. et à Raymond Kadjan.

 

Elle n’a pas plus de mains

Elle n’a plus de visage

Ses pas s’effacent dans ceux de la pluie

 

Elle n’a plus de langage

Elle n’a plus de rire

Son nom neige sur une plage que l’heure ne bat plus

 

Elle n’a plus de révolte

Elle n’a plus d’amour

La mort lui a fait les poches

Dans cette auberge des pauvres où l’on reste seul avec les yeux gris

de ceux qui ont le mal de vivre

 

Elle n’a plus rien

Rien si ce n’est le désert aux gants rouges

Que prend le jour de l’adieu

Où l’on mange la terre

Le brouillard bleu de l’étang

 

Rien

Si ce n’est le silence la morsure

Qui crache un mégot de brume

Quelque part du côté de Nevers

 

Rien

Elle n’a plus rien

Pas même la lèpre

 

Se taire pour savoir si l’été est rouge

Décrocher la lumière

Des chiffres s’envolent

Attendre deux heures

A compter les années comme des secondes

 

Après la boue

La mort

La cendre

 

La vie brûle devant moi et mâche le cigare d’un corps.

 

                                       Christophe DAUPHIN

(Poème extrait de Totems aux yeux de rasoir, poèmes 2011-2008, éd.Librairie-Galerie Racine/Les Hommes sans Epaules).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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