Les Hommes sans Épaules
Dossier : Léo MALET & Yves MARTIN, la rue, Paris, la poésie et le Merveilleux,
Numéro épuisé
Numéro 20
158 pages
Deuxième semestre 2005
Sommaire du numéro
Editorial : "Pas un espace sans combat", par Christophe DAUPHIN
Les Porteurs de feu : Poèmes de Alain MORIN, Jean-Vincent VERDONNET
Ainsi furent les Wah : Poèmes de François MONTMANEIX, Paul FARELLIER, Jacqueline LALANDE, Jean-Michel BONGIRAUD, Yannick GIROUARD, Colette GIBELIN
Hommage : "In Memoriam Claude de BURINE (1931-2005)", par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Claude de BURINE
Dossier : Léo Malet & Yves MARTIN, la rue, Paris, la poésie et le merveilleux, par Karel HADEK, Christophe DAUPHIN, Poèmes de Léo MALET, Yves MARTIN
Une voix, une œuvre : Jean-Paul HAMEURY, par Paul FARELLIER, Poèmes de Jean-Paul HAMEURY
La Mémoire, la poésie : "Robert RIUS, à l'encre de lune", par Rose-Hélène ICHÉ, Poèmes de Robert RIUS, Marc PATIN, Laurence ICHÉ
Dossier (l'édition de poésie en France) : Les éditions Rafael de Surtis, par Paul SANDA, Poèmes de Jacques KOBER, François LAUR, Margo OHAYON, Georges BONNET, Thierry MARICOURT, Pierre GROUIX, Pierre SOLETTI, Michel BOURÇON, Michel LAC, Olivier DOMERG, Jehan VAN LANGHENHOVEN, Jimmy GLADIATOR, Alain-Pierre PILLET, Paul SANDA
Avec la moelle des arbres : Notes de lecture de Jean CHATARD, Jacques TAURAND, Karel HADEK, Paul FARELLIER, Georges SÉDIR, Jean BRETON, César BIRÈNE
Illustrations de Daniel PIERRE dit HUBERT
Présentation
"On n'a sans doute pas assez marqué que l'oeuvre "policière" considérable de Malet, d'une part à renouvelé de fond en comble le genre, d'autre part n'a cessé de se nourrir d'un feu de poésie qui est sans doute le plus sûre vérité de notre ami. Ce feu, qu'il laissa librement brûler au grand jour dans de bien trop rares poèmes, ne cesse de ronfler et de fumer secrètement au fond du labyrinthe où Malet Burma nous entraîne."
Jean ROUSSELOT (in Les HSE n°20, 2005).
JOUR DES MORTS NUIT DES VIVANTES
Peuple de mon sommeil
tu vas comme chez toi
sur les boulevards de mes rêves.
Je suis cœur de la tête aux pieds
de la tête aux pieds cœur et sexe
et le luxe que j’ai chanté
vient me rejoindre et installe
le divan piétiné et les tissus précieux épars
voici sur le piano cannibalesque
ma fleur de Salvador et ma fleur de Boulogne
mon beau bouquet d’amour
vos prénoms toujours sur mes lèvres
comme une bave de santé.
Vos yeux jetés au loin naufragés du désir
vos cheveux caressants
chaud abri de mes mains fébriles et inquiètes
mes cicatrices ma passion
le ravin de la vie
ta robe rouge et noire
je suis cœur de la tête aux pieds
de la tête aux pieds cœur et sexe
ma fleur de Bologne
ma fleur de Salvador
mes belles visiteuses.
Vous avez la fin rapide
des condamnés à mort
lorsque entre mirador et hôpital
le petit jour agite ses mains sales
de moribond en sueur.
Alors la pluie tue le sable
à coup d’aiguilles
méchamment.
Cœur de nuage tu vas
dans les limites de la cage thoracique
d’un barbelé à l’autre
balloté
titubant
je vais
à la recherche de mes fantômes
spectres aux chaînes d’or et aux linceuls de soie
mon cœur flotte
comme le drapeau noir
au grand mât du bateau blessé.
Puis à l’ouest
le jour cachant sa plaie sanglante
se traîne pour mourir
c’est l’heure
où dans la tâche noires de la nuit
s’allument les phares resplendissants de vos présences
cependant qu’a Paris
la tête claire de l’aimée
roule sur l’oreiller
parmi l’écume de ses cheveux blonds.
Léo MALET
(in Les Hommes sans Epaules n°20, 2005).
"Yves Martin est un poète, et comme l'on prouve le mouvement en marchant, il dit mieux en quelques lignes ce que peut être la poésie que tous les plumitifs de notre époque abrutie d'intellectualité. Tout se passe avec lui, grâce à lui, comme si nous retrouvions nos yeux d'enfant : toute chose nous est nouvelle, toute réalité est merveille. Poésie, naissance perpétuelle."
Guy CHAMBELLAND
Vous ne me volerez pas mon plaisir.
Vous pouvez m'interdire vos femmes, croiser vos filles.
M'abandonner comme une portée de chats.
Me faire payer des prix exorbitants vos zincs.
Vos douches ne me vendangeront pas.
Vous me masquerez l'écolière, l'odeur de myrrhe des pupitres.
Vous cacherez ses cahiers de peur que je les érige.
Vous voulez des murs nets.
Vous ne m'empêcherez pas de prendre de biais, la nuit,
De jouer avec vos chambres, de vouloir nerveux vos livres.
J'ouvre les fenêtres d'une maison que j'ai voulue déserte,
Dingue de chèvrefeuille, légère, vénéneuse comme un ange.
Yves MARTIN
(in Les Hommes sans Epaules n°20, 2005).
J'ai toujours trouvé
Que vivre était plutôt humiliant.
Comme un gosse, je sème des trésors
Que je m'ingénie à ne pas retrouver.
J'ai bousculé tant de rues.
Les passantes sont toujours à court de maléfices.
Je m'assois au bord du trottoir,
Rêve à des passeurs roses comme des petites filles.
Je cherche le coeur.
Je veux caresser la transcendance.
Sur tous les écrans, je surgis
Velours gigantesque. Drôle d'air.
Pas étonnant que les femmes songent
A un cadeau empoisonné.
Dans un demi-sommeil,
J'écris, je ronronne des poèmes
Qui vite perdent le fil
Ou que j'écrase parce que l'aube
Vient une fois de plus de tirer
Sans sommation sur le pianiste.
Yves MARTIN
(in Les Hommes sans Epaules n°20, 2005).
Revue de presse
2005 - À propos du numéro 20 « Parlant de thèmes ou de dossiers, je me dois de mettre le pied sur l’accélérateur pour celui que les Hommes sans Épaules n°20 consacrent à un écrivain presque ignoré au profit de son héros et de plus uniquement considéré comme un auteur de polars, alors qu’il s’agit d’un poète à part entière, Léo Malet, dont nous parlent abondamment Karel Hadek, Christophe Dauphin et Yves Martin. Qui n’oublient pas, eux le compagnon des surréalistes, et surtout de la dissidente « Main à plume ». C’est bien vrai qu’il fut l’introducteur en France du polar américain, et plus encore le véritable « inventeur » du roman noir, direct, brutal, mais plus encore, et c’est là qu’il se distingue des « modèles », intelligent ! Mais je viens de prendre connaissance de quelques poèmes et je reste ébloui par le talent d’un de ces surréalistes que Breton ne put exclure : trop important pour cela. Et pour le mouvement surréaliste. Et quelle liberté de ton et de vocabulaire ! Je ne me fais pas à l’idée que ce grand vivant ait disparu en 1996… Il faudra que je reparle d’une autre disparue, poète elle aussi, et quelle poète : Claude de Burine… et dont deux personnes à peine, son compagnon et Christophe Dauphin, ont suivi le cercueil. Le lot des poètes ! » Paul Van Melle (Inédit Nouveau, n° 201, avril 2006).
« On ne pourra pas tout dire de cet important numéro 20 des HSE. Il faut lire l’éditorial de Christophe Dauphin : Pas un espace sans combat, pas un atome sans cri !, vers repris d’Alain Morin. Claude de Burine (1931-2005) est évoquée dans une succincte note qui nous donne cet inédit : « Tout commence quand on ne parle plus ». Dans la série des « Porteurs de feu », Christophe Dauphin évoque la vie d’Alain Morin et Paul Farellier celle de Jean-Vincent Verdonnet. « Ainsi furent les Wah : poètes », est une chronique qui brosse un rapide portrait de quelques poètes : François Montmaneix, Paul Farellier (Il n’est plus de terre / des ciels tombent en ciels), Jacqueline Lalande (Te remettre au monde / fumer la terre avec mes larmes), Jean-Michel Bongiraud, Yannick Girouard (Qui gravera dans l’écorce des cris / la mémoire d’exilés de nulle part / réfugiés des frontières ?) et Colette Gibelin. La revue nous propose ensuite un dossier sur Léo Malet et Yves Martin, deux poètes méconnus… La surprise vient de la rencontre de ces deux poètes si différents, mais pourtant si semblables, dans un entretien de 1975, dans lequel Léo Malet tente d’expliquer que sa poésie est passée dans ses romans policiers… Paul Farellier nous emmène ensuite à connaître Jean-Paul Hameury : « une ambition chez ce poète : nous emmener aux confins (..), outre la parfaite maîtrise du tragique dans son expression poétique, de dissoudre ainsi des frontières qu’on jurerait immuables : celles de la vie et de la mort ». Et de citer : Or c’est d’être sans patrie – qu’on peut enfin habiter la terre. Enfin, dans la rubrique « La Mémoire, la poésie », Rose-Hélène Iché nous propose Robert Rius (1914-1944) à l’encre de lune, assassiné par les nazis… Changeant de registre, la revue interroge Paul Sanda sur les éditions Rafael de Surtis. »
Bernard Fournier (Aujourd’hui poème n°71, mai 2006).
« Les Hommes sans Épaules n°20. La revue dirigée de main de maître par notre collaborateur Christophe Dauphin (auteur par ailleurs d’un intéressant et accessible Verlaine aux éd. de Saint-Mont), sur la voie ouverte par Guy Chambelland sur son Pont de l’Epée. Chaque numéro est riche de quelque 150 pages. Les poètes ont la parole et l’on parle des poètes : Jean-Vincent Verdonnet et Alain Morin, Yves Martin (avec un surprenant entretien avec Léo Malet, Quand la poésie mène au polar) et Jean-Paul Hameury. Les éditions Rafael de Surtis, drivées par Paul Sanda, agitateur surréaliste, sont à l’honneur. Les notes de lecture creusent jusqu’à la moelle du poème. »
Jacques Fournier (Ici è là n°5, septembre 2006).
« La revue les HSE n°20, au sommaire copieux, présente un dossier conséquent sur les éditions Rafael de Surtis, comprenant un entretien avec Paul Sanda et la présentation de treize auteurs du catalogue. Paul Farellier livre une approche de Jean-Paul Hameury dont on peut lire également un choix de textes. Un autre dossier concerne l’œuvre de Léo Malet, sa vision de la rue et du merveilleux et d’Yves Martin. A lire également des poèmes de Jean-Vincent Verdonnet, François Montmaneix, Jean-Michel Bongiraud et Colette Gibelin. Christophe Dauphin rend un hommage mérité à Claude de Burine, une grande voix de la poésie contemporaine décédée en 2005. »
Marie-Josée Christien (Spered Gouez n°13, décembre 2006)