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Dans la revue Les HSE

"Lire Alain Simon est un régal, tant il raffole de choses fines, tant il exprime de sentiments rares en bateleur d’un coeur énorme et marmiton de nos magies, en faisant fusionner, grosso modo, les sortilèges du surréalisme et l’écriture du quotidien. Son prétendu dandysme était une pudeur, dont il s’est pour partie défroqué avec le temps ; sa préciosité une recherche esthétique, une quête du Graal, dont il s’est grandement rapproché depuis quelques livres. Son sens du pittoresque, du nanan enrobé de feinte désinvolture. Mais quelle puissance lyrique chez cet ermite ambivalent ! Et quel sens de l’image ! Qu’il fasse saillie sur la musique : Il s’agirait peut-être d’un domaine d’épouvante avec des basses, des contrebasses en rêve de cordée ; qu’il évoque, grande affaire !, les femmes : « En avril dès qu’on lève la tête une fille affirme : je n’ai pas de temps à perdre/ Viens m’explorer ainsi dans le trèfle à quatre feuilles/ De Chulyma et près de Minoussinsk/ Viens et tais-toi je ne veux pas de la cruauté des mots/ Viens dans mes huit mètres de profondeur dans mon métier d’épouse poignardée dans mes viscères il fait chaud au fond ; ou : Tu seras toujours présente toi ma gouge/ Ma goule devrais-je dire toi ma folle/ Mon exquise débraillée avec du poil aux fesses/ Mais infidèle car pour aimer il faut trahir des dieux/ Et ça tourne mal ; ou encore : Je reconnais la supériorité des femmes face aux éléments fondamentaux/ Si elles chantent sinon adieu. Qu’il évoque la condition humaine : Y a-t-il suffisamment ici de passion pour la vie/ De lièvres apeurés pour fusionner et faire tourbillon / Faire syndicat comme les oies ? Qu’il peigne la Nature, moelle de son inspiration : Toutes les ruses du passeur de ravines ; ou : Genoux de langueur boisée/ Des pentes de Tannu-Ola ; puis : À cause des bergers qui ont tout appris des sources ; ou bien : Castagne à l’aube avec des savoureux/ De roseaux d’argent des cartouchiers/ Je leur ai confié quelques cuillères en argent / Ils m’ont remercié avec un trémolo dans la voix/ Les deltas j’en ai toujours fait mes sorcelleries certains remèdes/bJe n’ai jamais su que parler du Vieux Lac. Qu’il s’en prenne au destin et au progrès : Je n’irai pas jusqu’à la rendre à sa locomotive/ Les mille chevaux des dieux grondeurs, il fait souvent sauter la banque. Grand lunatique, ô combien attachant, anticonformiste enraciné dans l’aventure sur les mers lointaines et les sentiers familiers, Alain Simon marque, tel le fantôme du Bengale de notre enfance, la poésie de ses coups de bague. Même ses bavures restent des performances (C’était trop savant j’aime la maladresse). Un homme ordinaire, certes, dans l’inouï : Vous réciterez comme moi toutes sortes de cris mâles - Et la violence étrange avec des rires fous - Et la capitale misère : muse muselée dans l’obscur utile - Vous me direz je vous hais comme c’est bon sans doute."

Alain BRETON (Les Hommes sans Epaules n°31, 2011).




Critique

Jean BRETON, in Les Hommes sans Épaules, 3ème série, n° 10, 1er trimestre 2001, p. 111 :

"Qui sommes nous, sans cesse « en perte de visage » ? Un labyrinthe que le va et vient onirique éclaire d’une lampe de poche. Il y a chez Paul Farellier une pudeur, un refus aussi de toute surenchère verbale. On est lié à un mot à mot presque janséniste. Le poète se défie de la parole qui « tombe en limaille », il veut l’humilité, la clarté, la sécurité du silence ; il aspire au besoin peu répandu de « loger au point aveugle » des choses. D’où son goût pour la nuit – qui va plutôt à l’essentiel. Nous voici alors à fond dans notre « attente », notre perception accrue. Égalisons les vibrations, les contradictions. Scrupule, modestie, lucidité reine, c’est le tremblé de ce trio qui écrit notre identité, même si elle bouge à peine. […] L’homme est guetté par l’effacement du lieu et de l’être qui l’habite. Mais il sera souvent coopté par le regard des « étoiles » et « le cri de beauté » qu’elles nous lancent. Rôde une certitude que le poète, avare de confidences, ne nous livre que de biais : « une voix » saura un jour nous atteindre. On rejoint ici un mysticisme tout de prudence : J’ai rêvé :/ il restait ce carrefour d’éternités »..."




Lectures critiques :

Enveloppe ouverte, on croit un moment halluciner ! Une nouvelle livraison de la revue Le Cri d’os, pourtant disparue en 2003 ! La couverture est un peu plus étroite et le papier différent, avec ici photo couleur et pelliculage… En fait, elle ressuscite pour un n° spécial consacré entièrement à feu son animateur, le poète Jacques Simonomis, grâce à Christophe Dauphin et aux Hommes sans Épaules éditions.

On est donc aux confins du numéro de revue et de la monographie. La revue a existé dix ans entre 2003 et 2013, s’est arrêtée au n° 40 (moitié trimestrielle, moitié semestrielle). Et Jacques Simonomis s’est éteint, il y a dix ans tout juste.

Cette présentation en trompe l’œil et pour rire ferait presque oublier que Simonomis fut surtout un poète avant d’être, une décennie durant, un revuiste incontournable. L’hommage qui lui est rendu remet les choses en perspective. Christophe Dauphin, dans une première partie fournie, s’attarde chronologiquement sur la vie et l’œuvre du poète, en s’intéressant à chacun de ses recueils. Ainsi qu’à son engagement libertaire et humaniste, qui lui fera consacrer des études à Tristan Corbière et Gaston Couté... Pacifiste aussi puisqu’il connut la guerre d’Algérie pendant vingt-huit mois, comme toute cette génération de poètes qui en fut profondément marquée. Simonomis reste original, puisque sa poésie, et au-delà son écriture, sont difficilement classables. Gravité et légèreté se croisent, réalisme et imagination voisinent, fantastique, fantaisie et humour cohabitent, le tout dans une langue où le lexique n’a pas de limite. Simonomis qui a fait de son nom un palindrome, a trouvé un style, une plume et un ton pour le moins singuliers.

Nous qui ne sommes pas « nés » / gens sans terre sans fortune / petit peuple qu’on range / d’un coup de trompe ou de langue / avec la meute... Il a su faire de son socle prolétarien un tremplin pour un imaginaire débridé, insolite et fantaisiste. On a / volé le tapis volant / reflétri le roseau pensant / coupé la bosse au dromadaire / fait la guerre au propriétaire.  Avec grand appétit de vie et conquête du temps : je ne crois plus à mon déclin j’appartiens à la route / j’ai faim.  Son sens du merveilleux se marie parfaitement à l’érotisme dont le poète est friand : De mes poings sortent des oiseaux. Autour de tes seins, je tatoue des poèmes que tu ne peux pas lire.

Jacques Simonomis est à lire, ou découvrir. « J’écris pour ne pas me rendre », écrit-il. Poète plus complexe qu’il ne paraît, il a su couler sa poésie si personnelle dans l’éventail des formes, de l’aphorisme à l’histoire courte pour chaque fois faire mouche :

Perfectionniste, il raturait ses ratures.

LE CLANDESTIN

Le train s’arrêta. Je sautai sur le ballast et longeai les wagons plombés à la recherche d’un signe. Un ver luisant me prit la main. Nous évitions les aiguillages où le destin bascule car nous voulions toucher le bout des nuits, là où la solitude, la liberté et la mort étendent sur le champ le drap du jour nouveau.

Jacques MORIN ("La revue du mois" in dechargelarevue.com, mai 2015).

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"Dans le travail d’information que mène Ent’revues, repérer les revues naissantes est la moindre des choses. Aviser de la fin d’une revue est moins évident : la revue s’arrête-t-elle, est elle arrêtée, empêchée, agonisante ? Et puis un dernier numéro peut apparaître, épuisant les inédits, fonds de tiroirs, de rédaction. Il ne s’agit pas de cela ici. Le Cri d’os, achevé d’imprimer cet avril 2015, est le « no 41/42 et ultime dernier ». Cette revue fut créée en 1993 et publiée jusqu’en 2003 sous la direction de Jacques Simonomis. Sous ce palindrome spéculaire se cache – à peine – un autodidacte atypique, poète truculent et combatif, « [de] la lignée d’un Corbière, d’un Alfred Jarry ou d’un Paul Vincensini ». D’ailleurs, il écrit :
« JE SUIS SIMONOMIS ho hisse
 mon nom claque sur mes cuisses
 avec mes mains
 rieuses paysannes. »
Il est mort il y a dix ans : Les Hommes sans Épaules éditions lui rendent hommage en publiant cette livraison singulière. Il s’agit de la réédition d’un essai de Christophe Dauphin paru en 2001, revu et augmenté, et complété d’un important choix de textes et poèmes reflétant l’œuvre multiple, foisonnante.

Laissons la parole à celui qui fut aussi un animateur de Soleil des loups (1985-1992) :
« Je ne veux pas mourir dans la peau d’un revuiste, mais dans celle d’un poète indépendant. J’aurais acquis, dans cette aventure, un immense respect pour les responsables de revues, même celles que je n’aime pas ou qui m’ont été hostiles. J’ai fait ce que j’ai pu, comme j’ai pu, avec ce que j’avais. En définitive, Le Cri d’os m’aura apporté plus d’emmerdements que de joie. Mais il est trop tôt pour dresser un bilan. »

À noter, Les Hommes sans Épaules seront présents au 25e Salon de la revue, et présenteront sur leur stand la revue Le Cri d’os."

ENT’REVUES, le journal des revues culturelles (in entrevues.org, mai 2015).

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" Un remarquable et inattendu hommage au maître d’œuvre de la revue Le Cri d’os qui parut de 1993 à 2003, soit la même époque que Gros Textes. Ce numéro met également l’accent sur le poète Simonomis. L’ensemble est une passionnante page d’histoire littéraire de la marge et nous donne à lire quelques échantillons de la langue riche d’un qui apprit le métier chez Corbière, Couté ou Richepin. "

Yves ARTUFEL (in grostextes.over-blog.com, 11 mai 2015).

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« Jacques Simonomis nous a quittés en 2005, deux ans après avoir publié le dernier numéro de la revue Le Cri d’os, fondée en 1993. Nous devons à Christophe Dauphin ce numéro exceptionnel et inattendu d’une revue emblématique en hommage à son fondateur. Le Cri d’os, annonce-t-il, ce sont « neuf cents notes de lecture, trois cents auteurs différents, quatre-vingts illustrateurs » plus « de nombreux numéros spéciaux consacrés à Max Jacob, L’école la poésie, François Jacqmin, L’Homme et l’œuvre, Jean Cassou, Le surréalisme américain, Norbert Lelubre, Théodore Koenig, Luc Decaunes, L’Erotisme…) ». Une œuvre énorme, tranchante et puissante comme seuls les poètes savent le faire.

Cet ultime numéro est composé de deux parties, un long portrait, presque une biographie avisée, dressé par Christophe Dauphin, compagnon de route de Jacques Simonomis, et un ensemble de textes et poèmes choisis de Jacques Simonomis. Et d’abord ces mots de Christophe Dauphin qui donne un sens aigu au nom de la revue, Le Cri d’os : « Simonomis dévorait la vie avec excès, comme pour conjurer les blessures et les frustrations d’une jeunesse bafouée et mal vécue. Simonomis, c’était le fils du peuple et de la mère-caresse, de la mère-douleur et du père volage qui dépensait sans compter l’argent du ménage. Une enfance mutilée jusque dans les rides de la mère. Simonomis, c’était le jeune homme au regard d’abîme, au dossard illisible, qui dut gagner son pain d’adolescent. C’était l’autodidacte total, parfait et rageur, l’homme de la culture intégrale, y compris et surtout populaire, les plaies du réel, la marche sur le fil du rasoir. Simonomis – il me l’a dit à plusieurs reprises –, n’avait pas peur de la mort. (…) Simonomis invente son monde et son univers, qui débouchent sur une mythologie personnelle. En cela, dans un monde aussi étriqué que le nôtre, l’aventure du Cri d’os créa-t-elle un espace de liberté et d’ouverture en libérant un précieux oxygène. Derrière la bonhommie de l’ours, comme derrière son rire énorme, il y avait tant de fêlures. Tout était à vif. Simonomis était parfois entêté, emporté et maladroit, susceptible, mais toujours fraternel et entier. »

Et de citer Jean Despert : « il faut l’avoir vu se hérisser lorsqu’on tente de se mettre en travers de sa liberté d’homme et de poète. Car, il y a le poète, le narrateur, le critique, le polémiste, l’homme aux quelque trente ouvrages drus comme lui, chargés d’humour et de dynamite de tendresse pour les uns, d’acide décapant pour les autres, avec cette sensibilité à vif de peau et de cœur qui vous entre dans la poitrine et le cerveau pour y creuser un chemin qui vous mènera parfois plus loin qu’il ne le souhaitait… »

L’homme, talentueux, est attachant et ne laisse pas indifférent, il secoue, il réveille. Les témoignages recueillis pour ce numéro ultime concordent sur un point essentiel, ceux qui le côtoient se sentent davantage vivants.

Jacques Simonomis a commencé à écrire tôt pour n’être publié qu’à trente-cinq ans. Bien sûr, il se heurta à l’indifférence et à la bêtise du milieu littéraire dans lequel il ne connaissait personne. Son premier recueil, Les Sirènes avec nous, paraîtra en 1975, une poésie troubadouresque qui précèdera une trilogie de jeunesse au caractère très vital. Il commence à fréquenter les poètes mais à part Jean Cassou, ces rencontres ne seront pas décisives et se révèleront plutôt décevantes. Avant de fonder Le Cri d’os, il collaborera à de nombreuses revues et en animera certaines comme Soleil des loups de 1985 à 1991.

Son œuvre est marquée par la gravité, notamment quand il traite de la guerre : il a vécu la guerre d’Algérie. Jacques Simonomis ne laisse passer aucune des turpitudes humaines même s’il sait aussi faire preuve de légèreté, s’exerçant à la caricature ou au burlesque. L’œuvre est sombre. Mais plane toujours dans ses poèmes la lumière, même pâle, qu’apportent la révolte et l’inconditionnalité. Et l’amour, toujours présent à travers sa compagne et muse, Yvette Demay.

Le flibustier laisse son œuvre comme un hymne à la liberté. Il appelle au combat permanent. Il a cherché des mots pour se battre, il les a trouvés, il nous les a laissés pour que nous poursuivions le combat."

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 7 juin 2015).

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« Après nous, un dossier encore pour Simonomis. Avant tout le dernier numéro 41/42, posthume hélas, du « Cri d’os », hommage imposant et essentiel de Christophe dauphin au grand Jacques, plus que complet, grâce aux documents prêtés par sa chère Yvette et les souvenirs encore si vivants de l’impossible et si humain et authentique anar. »

Paul VAN MELLE (in Inédit Nouveau n°275, juillet 2015, La Hulpe, Belgique).

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"Ce fort volume de 240 pages, donné comme l’ultime dernier de la revue Le Cri d’os [1993-2003], cependant édité par Les Hommes sans Épaules, s’avère un régal. La première moitié du volume est consacrée à une présentation du poète Simonomis, 37 ouvrages parus, un prix obtenu en 1993 auprès de la SGDL, un poète peu connu donc, présentation signée Christophe Dauphin. Et la seconde moitié fournit un copieux choix de poèmes qui retient plus que l’attention.

La présentation, riche d’informations sur la vie poétique des cinquante dernières années, est conduite avec adresse, lucidité, et une confraternité du meilleur aloi. C’est une analyse de l’œuvre et un témoignage à la fois dont les cinq parties se lisent d’une traite. Cela commence par le vif portrait d’un « jeune homme au regard d’abîme, au dossard illisible, qui dut gagner son pain adolescent ». Au travail, en effet, dès l’âge de 17 ans, le poète a acquis sa culture en autodidacte. Il pourra écrire, ne publiant son premier volume qu’à 35 ans, « ma poésie ne sort pas des livres ». Péguy, rapporte Gérard Cléry dans sa préface à ce livre, notait qu’un « mot n’est pas le même selon un écrivain ou un autre : l’un se l’arrache du ventre, l’autre le tire de son pardessus ». Simonomis écrivait à peau nue. C’est sans doute en partie pourquoi « le milieu le reçut à bras fermés » et pourquoi cet ouvrage est si émouvant.

Christophe Dauphin, qui a de même présenté Jean Breton ou la poésie pour vivre en 2003, rappelle sans ambiguïté : « La poésie fait-elle autre chose que fouiller cette plaie qu’est l’homme ? » Le critique a des trouvailles, c’est-à-dire un style : « les images glapissent […] le poète se bonifie livre après livre […] il a l’humour d’attaque ». Il a su prendre le pouls de l’œuvre de Simonomis consignant cette grave facétie : « La vie n’est pas sérieuse, la preuve c’est qu’on en meurt. »

Le critique distingue trois plaques tectoniques dans cette œuvre. La première, dans le temps, s’apparente à la poésie des sans-grade, d’un pessimisme actif. Lui succède une poésie picrocholine que Dauphin préfère d’ailleurs rattacher à la nature des contes. Enfin il y a toute une part proche de Vincensini, si naturelle qu’elle parle aux enfants, et qui, dans de courts poèmes en prose, rejoint parfois Godeau. Ces trois axes s’interpénètrent. Ce sont en fait les frontières qui varient.

Le choix de poèmes, nourri, procurant une belle anthologie sur 120 pages, illustre bien ce que le critique a su lire et donner l’envie de lire. Un des premiers poèmes publiés, "Le Puits", en 1976 fait qu’on ne peut mieux dire : « Mi-larmes, mi-colère / mécontent de ce bas bonheur / je descendais dans le cafard / nu, sans poignard, cigale à folie noire […] Je ne crois plus à mon déclin, j’appartiens à la route / j’ai faim. » À ce cycle faut-il rattacher les poèmes sur la guerre d’Algérie, dans un choix établi par Jean Breton et publié en 1999 sous le titre La Villa des roses ? Le très beau poème qui donne son titre à ce volume devrait en tout cas être étudié au collège. Donner à partager la nature même de l’injustice, la plaie de l’homme, quoi de plus nécessaire ? Simonomis ne conciliait-il pas ce qu’attend la jeunesse : « Donnez-moi les mots pour me battre » en même temps que « la tactique de mon cœur / était de vous aimer ». On lit encore ce cri d’os, comme il disait : « j’ai voulu vivre sans mentir » et, les illusions consumées, « les yeux ne sont pas faits pour se regarder écrire ».

Un fort beau volume, donc, qui confère à ses auteurs, l’un vif et la mémoire de l’autre lui devant de le rester, une pleine et entière reconnaissance. Puissiez-vous, qui passez, la partager à votre tour !"

 Pierre PERRIN (in recoursaupoeme.fr, août 2015).

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"Le Cri d'os a cessé de paraître en mai 2003 avec son n° 39/40… Et voici que Christophe Dauphin publie un hommage à Simononomis, l'animateur de cette revue, décédé en février 2005; un n° 41/42 et ultime dernier qui se présente comme les précédents à peu de choses près, les amateurs reconnaîtront. Cet hommage regroupe une préface de Gérard Cléry, un essai de Christophe Dauphin (intitulé Comme un cri d'os, Jacques Simonomis, paru en 2001 sous un autre titre et ici revu et complété), un choix de textes et de poèmes de Simonomis et une bibliographie de ce dernier. Le livre est complété par de nombreuses illustrations et une liste des poètes et des illustrateurs publiés dans Le Cri d'os de mai 1993 à mai 2003.

J'ai toujours dans ma bibliothèque les livres de Jacques Simonomis, ceux que j'ai achetés comme ceux que j'ai reçus en service de presse de sa part ou de celle de son épouse Yvette après sa disparition… L'un d'entre eux me fit une telle impression, La Villa des roses (publié en 1999 par la Librairie-Galerie Racine) que je le place aux côtés de La Question d'Henri Alleg (ouvrage que celui-ci complétera en 2001 par un entretien co-édité par Le Temps des cerises et Aden)…  J'avoue que j'ai ouvert à nouveau La Villa des roses : l'impression est toujours la même…

L'essai est une bonne introduction à l'œuvre de Simonomis qui pourrait apparaître hétérogène à ses nouveaux lecteurs : de l'humour au conte en passant par la dénonciation et l'indignation ! C'est que, comme le souligne Christophe Dauphin il n'y a chez lui "aucune trace du politiquement correct". On peut lire aussi dans cet essai un intéressant développement sur le poème en prose et une comparaison avec l'utilisation de la prose par Benjamin Péret qui vise à mettre en évidence l'originalité de Jacques Simonomis : "… les petites histoires de Simonomis ne relèvent pas, même si certaines  s'en approchent  fortement, du poème en prose" et "Le conte de Péret relève de l'écriture automatique, du surréel. Le conte de Simonomis, d'une réalité qui dérape, pour gagner les terres de l'imaginaire, du burlesque et de l'humour". Le plus beau et le plus intéressant chapitre de cet essai est sans doute celui consacré à la guerre d'Algérie et à la publication de La Villa des roses. C'est le constat implacable de la démarche d'un appelé du contingent, non politisé et qui n'est pas encore poète : comment Simonomis réagit à ce qu'il voit et à ce qu'il subit. La Villa des roses est un très beau livre, un livre utile comme disait Paul Éluard… Un livre toujours d'actualité : on peut relever dans ce qu'écrit Christophe Dauphin ces mots : "On le sait, nombreux sont ceux qui n'accepteront pas et n'acceptent toujours pas d'avoir dû lâcher leurs privilèges", mots qui renvoient à l'article paru sur le site internet La Faute à Diderot qui rappelle que la nostalgérie (1) est toujours de mise… Façon de dire ici que La Villa des roses est toujours à lire ou à relire.

Christophe Dauphin illustre son essai par un choix de poèmes qui permet de se faire une idée précise du talent de Simonomis : presque tous les recueils sont représentés. Cette anthologie est une épreuve de rattrapage pour tous ceux qui n'auraient pas encore lu le poète… Certes, le "politiquement correct" est absent de cette poésie. Mais ce sont les poèmes de l'époque 1954-1962, écrits pendant la guerre d'Algérie, qui ont ma préférence : peut-être est-ce dû aux bruits de bottes, aux explosions, aux miaulements des shrapnels et autres fantaisies guerrières qui dominent actuellement le monde… Pour ne pas désespérer des hommes."

 Lucien WASSELIN (in recoursaupoeme.fr, août 2015).

 Note 1: Nostalgérie. L'interminable histoire de l'OAS. Christian Langeois a lu le dernier livre d'Alain Ruscio.

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" Une belle photographie de couverture offre au lecteur la bienvenue chez Jacques Simonomis, qui ouvre une porte en guise d’accueil poétique. Une façon aimable de convier à la lecture de ce brillant essai signé Christophe Dauphin ; essai de 150 pages suivi d’une sélection des principaux ouvrages de Simonomis. Tous les textes majeurs sont bien entendu au rendez-vous et l’on peut lire et relire les extraits les plus représentatifs de ce poète utilement secondé par une épouse admirable (le fameux « colibri ») qui fit beaucoup pour sa notoriété et qui poursuit encore aujourd’hui les retombées d’une oeuvre trop tôt interrom-pue. Tout, chez Jacques Simonomis, était prétexte à poème ; tout tournait autour de la poésie, en tout premier lieu la revue Le Cri d’os, qu’il fonda après avoir fait ses « humanités » dans d’autres publications poétiques. Ce coup d’essai fut un coup de maître (40 numéros parus) et sa grande facilité d’élocution fit beaucoup pour la revue, mais également pour l’oeuvre personnelle du poète. Il savait « payer de sa personne » et n’hésitait pas à prendre la parole en public, à faire une conférence ; ce qui lui procurait une certaine audience, qui se répercutait sur le nombre croissant de ses lecteurs. Christophe Dauphin a su, en cet essai, privilégier le côté « grand public » de Simonomis, son désir d’être le plus près possible des gens. Le présent volume (Le Cri d’os n°41/42) consacre plus de 100 pages à une sélection très « pointue » des oeuvres du poète. Les photographies y abondent, en compagnie de différentes personnalités du monde poétique. Détail émouvant : la tombe de Jacques Simonomis au cimetière du Père-Lachaise, à Paris :

AMIS

Amis
aidez-moi de vos voix lointaines
quand mon corps hésite

Caressez-moi de mots que nous aimons ensemble
tous unis
contre la varlope
de la mort qui chante

Le bruit insidieux
de son atelier
ne faiblit jamais
la cheminée
crache des visages

Le mot de vie
c’est un prénom de femme

Mon amour
embrassons-nous toujours
sur la route froide

L’invincible silence
a piégé la nuit

Jean CHATARD (in revue Les Hommes sans Epaules n°40, octobre 2015).

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" Venu d'outre-tombe la revue Le Cri d'os n°41/42 ressuscitée pour un seul numéro par Christophe Dauphin. Ayant bien connu et apprécié Simonomis, je me réjouis de ce retour temporaire et vous invite vivement à aller vous requinquer à la lecture de ce numéro gargantuesque."

Jean-Pierre LESIEUR (in Comme en poésie n°63, septembre 2015).

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"Christophe Dauphin est le maître d'oeuvre de cet ultime numéro de la revue Le Cri d'os, créée et animée de 1993 à 2003 par Jacques Simonomis. L'ouvrage, illustré de nombreuses photos, se compose d'une présentation de l'homme (décédé en 2005) et du poète à l'oeuvre protéiforme par Gérard Cléry; d'un essai bien documenté de Christophe Dauphin qui fait découvrir le critique et le revuiste sans concession, l'aventure de la revue et un ensemble de poèmes choisis, sous le titre : La poésie n'a pas de barreaux."

Marie-Josée CHRISTIEN (in Spered Gouez n°21, ocotobre 2015).

*

"Dans la lignée d’un Tristan Corbière, d’un Alfred Jarry ou d’un Paul Vincensini, la poésie de Jacques Simonomis est teintée de l’humour d’attaque, de la dérision. Elle est taillée d’un seul tenant dans les méandres mystérieux de la vie, avec son ton, son style, ses différents registres."

Electre, Livres Hebdo, 2015.




Critiques

"Un recueil surprenant, dense et varié. Marie-Christine Brière a l'art d'écrire des poèmes cadrés. En une page, on découvre un portrait, souvent de quelqu'un, nommé parfois en titre, ou bien un paysage d'un lieu de même titré. Et l'on embarque pour ces photos comme dans un album, chaque texte guidant une visite aux confins des êtres ou du monde... le mot bonheur qui répandu placerait son bandeau - lisse sur les yeux d'enfants perdus. Amour, amitié, voyage. Empathie avec les gens et la nature. La seconde observation que l'on retient se trouve être dans la forme; les mots passent les vers, enjambant facilement, et enchaînant les phrases, ce qui provoque fluidité et vitesse: l'eau passe à peine sur le dos des pierres. Son écriture si particulière ne se prive pas de raconter, tout en chevauchant l'image si l'occasion se présente. Rien n'est prémédité, la poésie se matérialise au fur et à mesure que l'encre sèche sur le cahier. Un nuage a égaré sa guimbarde. On pense surréalisme bien sûr, dans une version baroque, et pourquoi n'en serais-ce pas ? mais je crois qu'il y a surtout le regard de Marie-Christine Brière à focalisations variées, et qui bouge instantanément, macro, plan large ou panoramique... le lecteur change de plan à chaque vers: Un train dans son roulement d'oreille - révèle une route lointaine, oubliée."

Jacques Morin (in Décharge ,n°160, décembre 2013).

"Le titre du recueil de Marie-Christine Brière sonne comme une invitation à embarquer aux côtés du poète, à nous laisser emporter au gré des lignes noircies de mots. Ainsi le parcours proposé au lecteur est-il jalonné par les titres de parties qui annoncent les étapes du voyage : « Amarrages », « A bord penchés tremblants », « Attaches », « Embarqués », « Humour rameur », « Et sur l’arche, un pépiement de création ». Comment ne pas deviner ici qu’il s’agit d’une liste des étapes progressives qui mènent à l’accomplissement du parcours poétique, ainsi qu’une manière d’énumération du périple auquel est invité le lecteur enserré à l’énoncé dans les pluriels employés par l’auteur ?

Alors qu’est-ce à dire ? Avant même la lecture des textes nous voyons se déployer le champ lexical de la navigation, métaphore de la traversée du réel portée par l’énonciation poétique dans sa puissance à décaler les rouages du signe. Un trajet au-delà des apparences données à voir à travers un quotidien dont le poète s’imprègne et dont elle énonce les détours sans apitoiement mais avec toujours un regard à l’Humanité. Le paysage habituel n’est plus insignifiant, il n’est plus tableau d’habitudes égrainées jour à jour. Grâce aux mises en œuvres paradigmatiques, dans le choix du lexique, et à une syntaxe qui permet les glissements sémantiques, il se dévoile à travers des dispositifs ainsi dévolus à la parole poétique.

En plongée dans les attentes
A la table du café
Les paroles contenues
Disent le dehors des femmes
Talons fins, robes noires

Un planeur descend des yeux
Le repas, heure légale
Assène son cliquetis
Par un trou de porte ouverte
 

Barreau de fer midi coupe
L’ombre en loques des auvents
Vêtus de bleu unanime
Les passants cherchent le soir
 

Dans sa forme, une poésie au vers et à la rime libres de toute contrainte, et des titres qui précèdent chaque texte. Pas de ponctuation ou rarement employée, et une syntaxe qui rythme la structure du vers. Une disposition à la page qui fait sens tant la gestion de l’espace typographique est signifiante : strophes en retrait, groupes de vers détachés, la forme soutient le paradigme dévolu à un lexique servi par des mots appartenant au registre courant, afin d’étayer la totalité des envolées du signe.

Alors il n’est pas étonnant lorsque nous suivons ce parcours poétique de constater que cette prégnance du réel au discours en propose une lecture herméneutique. Les étapes du quotidien énoncées par Marie-Christine Brière ne sont qu’occasions d’ouvrir à une dimension qui en transcende les apparences. Et la parole poétique emporte alors au-delà des contours. Ainsi ce titre oxymore, telle la poésie du recueil qui dit les apparences et leurs revers, Flocons noirs :
 

De là-bas et si haut tout est oie
Mais tout n’est pas cygne
Les nuages tombèrent en suie
Un jour où nous avions gobé l’œuf
Entrées dans une maison à terre
Les mésanges de l’enfance
Ne pouvaient en sortir
Sans curiosité de nous
 

De là-bas en bas des gloires
Portaient bonheur pas de nuage
Sans frange d’argent dit le proverbe
Mais les humains occupés donnent
Miettes à celui-là le crucifié
Etonnés de trouver l’homme-dieu
Dément, torturé même à l’offert
Sur la table d’une brocante
 

A partir d’une lecture sensible du réel, Marie-Christine Brière mène le lecteur au seuil d’un univers poétique qui en dévoile les arcanes grâce à la puissance des images évoquées. Et cette ambition herméneutique des textes de Cœur passager ne se limite pas seulement à une percée métaphorique de la vie ordinaire. Elle se propose aussi d’énoncer une réflexion sur le langage, qui sous-tend certains textes du recueil. Cette écriture spéculaire invite donc le lecteur à s’interroger sur le signe, à l’envisager comme trace inaboutie mais capable dans sa dimension poétique de mener à une vision transcendante du quotidien :
 

L’Oiseau c’est trop
 

………
 

L’accent sur le mot ciel par mégarde
N’a même pas glissé au parapet où l’oiseau
-toujours sans nom-sifflote entre
deux silences. Comment faire sans livre
 

pour nommer, dessiner sur la paroi leurs
mécaniques de plumes vertes ? bleues ?
bleuvertes ? Le noir n’est que du gris
la mouette et son œil bouton
 

deviendra plus tard une bottine
Comment approcher du jeune né qui se
Cogne sur la pierre, l’ouvrier l’imitera
Sur son théâtre de planches
 

….
 

Comment rendre compte de cette perception accrue et sans concession des évidences, telle est la question que pose ici l’auteur. Comment énoncer une réalité si souvent violente, ancrer la poésie au réel mais ne pas l’y perdre.

Lire Cœur passager c’est se laisser embarquer dans l’univers de Marie-Christine Brière. La prégnance du quotidien ne fait en rien de cette poésie une poésie du réel. Bien au contraire, qu’il s’agisse de l’appareil paratextuel ou du choix d’une mise en œuvre syntaxique et paradigmatique qui permet les envolées sémantiques du signe, tout est prétexte à porter une réflexion sur la nature du langage poétique ainsi que sur l’ordinaire de l’existence dont l’auteur propose une lecture sensible. Les épigraphes sont à cet égard éloquentes : pour épigraphe d’œuvre, choisir une citation d’Anne Teyssiéras qui précède immédiatement une phrase de Philippe Jaccottet tirée de L’Ignorant, placée au début du premier chapitre, n’est pas neutre : ici s’énonce la volonté de se placer dans le sillage de ces auteurs et dit l’ambition de faire de la parole poétique un outil qui ouvre à une perception herméneutique du monde, et qui mène à son exégèse. Et Bernard Noël convoqué au chapitre trois sous le titre « Embarqués » soutient ces présences liminaires. La poésie est carte et boussole, outil et objet, nécessaires assemblages des signes qui peuvent rendre compte de ce regard  prégnant, spéculaire, révélateur. Mais n’est-ce pas là, dans les déflagrations du signe, que se trouve l’accomplissement, que s’énonce la liberté ?
 

La Pédagogie
 

Mâchez la poésie
Mâchez le poème
Elèves inouïs
Sortis des bois à peine
Sauvages nez à nez
Avec ceux qui les ont écrits
vous êtes de ce monde
 

Ou alors naviguez
C’est le bon moment
Prenez le large
Dans le débris du bruit aigu
Des carreaux cassés
Dans les fuites des décharges
Dans vos minuscules incendies
Vos nuées oranges
Et jeux de cailloux


Carole Mesrobian (in recoursaupoème.fr, sommaire n°112, septembre 2014).




Dans la revue Les Cahiers du Sens

"Chaque abonné aux HSE, avec ce seizième numéro, a reçu un CD passionnant intitulé « autour de Jean Cocteau ». Le témoignage de Jean Breton, direct et chaleureux, sur Cocteau, un « aîné capital », est sans nul doute utile. Il remet en place la vérité historique sur ce « Feu » qui ne voulait pas être comparé au Jeu. Dans le même esprit, l’ensemble de ce CD (avec Christophe Dauphin, Henri Rode, Jean Breton et Yves Gasc) constitue une sorte d’événement poétique à ne pas manquer…. En ce début de vingt-et-unième siècle, Les Hommes sans Épaules me semble être une grande revue de poésie, ouverte et libre qui mérite un coup de chapeau par son esprit de découverte poétique, le sérieux de sa démarche, l’indépendance des auteurs qui rendent compte des nouveautés poétiques de l’année. Elle me semble de haute tenue et d’utilité publique."

Jean-Luc Maxence (Les Cahiers du Sens n°14, mai 2004).




Critiques

"En février 1953, Jean Breton et Hubert Bouziges lançaient, sous le titre Les Hommes sans Epaules, ce qui allait devenir un mouvement, une collection et une revue, toujours vivante et rayonnante. Rares sont les revues qui, dans le domaine des idées et de la création, savent se renouveler pendant plusieurs décennies. En proposant une anthologie très complète de cette aventure, Appel aux riverains, Les Hommes sans Epaules Anthologie 1953-2013, (Les Hommes sans Epaules éditions, 2013), Christophe Dauphin permet au lecteur d’appréhender l’histoire et les mutations d’un mouvement et d’une revue de poésie qui se caractérisent par la richesse, la diversité et une exigence constante. En cinq cents pages, Christophe Dauphin nous offre une vision globale de cette aventure poétique sans gommer ses particularités, ses aspérités, ce qui la singularise dans le monde complexe de la création. La première partie de l’ouvrage rassemble des manifestes, des textes théoriques qui laissent apparaître une cohérence de pensée et une cohérence éditoriale fortes. La seconde partie rassemble une large sélection de poèmes de deux cents auteurs différents.

L’orientation de la revue est saisissable dans les manifestes et dans certains écrits de Jean Breton : « Seul à jouer au meccano du monde, à l’amour, le poète exaspère ses limites. Nous rêvons que son ambitieuse quête, que sa fouille minutieuse de la langue ne soient pas perverties par une futile autant que dérisoire volonté de prise de pouvoir sociale ! (…) L’important, en tout cas ici, est de signaler, de souligner l’émergence ou la permanence de nombre d’auteurs de qualité, ainsi que « les bonds en avant » de certaines œuvres. Par des textes de présence et de diversité, où l’ironie sera compagne de l’angoisse, où la poésie tentera de « préparer souterrainement un homme meilleur qu’elle ». Que nos auteurs d’avance soient remerciés pour ce don qu’ils ont de nous enchanter si tant est qu’ils ne sont que des hommes et des femmes « sans épaules », c’est-à-dire sans poids dans la société mais aussi fragiles porteurs d’antennes attentives à capter ce qui reste de la parole originelle. Et à promouvoir ce qui peut venir de la parole future. Bonjour, poèmes ! »

« La poésie n’est pas grand-chose dans le panorama des machines et des chiffres. Encore faut-il le cerner, ce pas grand-chose – au meilleur de sa forme ! Nous disons tous la même chose : mais les mots du poème, selon notre écoute comblée, sont toujours neufs. Ils déclenchent une nouvelle genèse, le monde recommence à partir d’eux. La banalité est le matériau de base, mais sculptée par un œil, une main et un cœur originaux. Une définition de la poésie parmi d’autres ? Ce serait un combat entre les sens et l’héritage culturel et linguistique, le tout fouetté par l’émotion. (…) A quoi sert le poème ? A pas grand-chose. Mais pour certains ce pas grand-chose est tout. Le poème neuf ajoute des vitamines à nos élans, c’est la grâce du style. Il resserre nos thèmes en nous. Il nous éclaire sur nos ombres. Il résume sans doute pour l’historien de demain – comme en télégrammes – un état de la sensibilité, de la perception sensorielle, du progrès linguistique, il devient un condensé du contexte historique et social de notre époque en même temps qu’un fragment imprévu, toujours un peu en avance, de l’universel. »

Evoquant Charles Fourier, qui invite à l’accomplissement de nos singularités, mais aussi Stanislas Rodanski et sa révolte sans fin, Christophe Dauphin rappelle que « La révolte a un langage : la poésie. ». Mais, ajoute Christophe Dauphin, le poète n’est pas seulement celui qui lance un cri de colère et d’indignation, il est aussi le guérisseur, au sens antique sans doute du terme, celui qui réconcilie avec soi-même, les autres et les mondes. Il nous parle de redressement, de surgissement, de liberté. Il est une quête poétique qui ne supporte aucune concession à l’arbitraire afin de laisser libre la place pour l’être, y compris en ses contradictions. Ce volume, plongée sans retenue, dans l’univers poétique d’un mouvement créateur, qui veut « préparer les hommes », est aussi, contre l’aphasie, la démission, la distorsion, une invitation à la vie et à l’amour. Maurice Toesca exhorte ainsi un jeune homme : « Passionne-toi, croyant ou non-croyant. Livre-toi tout entier au plaisir d’être. Où que tu sois, il y a un chemin qui va vers ton plaisir. Sache le reconnaître. Et tu verras que la vie est un passage grandiose. »."

Rémi Boyer (in incoherism.wordpress.com, 21 octobre 2013).

 

"Appel aux riverains, Les Hommes sans épaules, anthologie 1953-2013. C’est une longue histoire que nous donne à parcourir ce fort volume : fondée en 1953 par Jean Breton et Hubert Bouziges, Les Hommes sans Epaules peut s’enorgueillir d’une extraordinaire longévité – même si des aléas l’ont pendant un temps suspendue. Longévité marquée par « une grande cohérence éditoriale, mais aussi une vraie richesse, une ouverture et une diversité assez étonnante » souligne Christophe Dauphin qui dirige aujourd’hui la revue. La preuve en 206 poètes : chacun présenté par une notice bio-bibliographique très détaillée et par le choix d’une œuvre. Des textes théoriques, manifestes et critiques (J.Breton, H.Rode, Pierre Chabert, Sarane Alexandrian, Christophe Dauphin) ouvrent le volume, toute revue étant qu’elle le clame ou non l’expression d’une esthétique, d’un combat, d’une affirmation, d’une communauté. Se succèdent ensuite les figures des poètes qui font leur apparition au rythme de l’alphabet. De Max Alhau à Saadi Youssef qu’on juge de la diversité par quelques noms : Jacques Baron, Georges Bataille, Michel Butor, Tristan Cabral, Aimé Césaire, Mahmoud Darwich, André Frédérique, Lorand Gaspar, Ginsberg, Kadaré, H. Miller, Paz, Vesaas. Ces derniers cités pour suggérer que la poésie d’ailleurs a toujours eu une place de choix dans les HSE, pas moins que celle – et ce n’est pas si fréquent – des femmes : Gabrielle Althen, M.C Bancquart, Lise Deharme, Béatrice Douvre, Vera Feyder…Mais toutes ces signatures fameuses ne doivent pas faire oublier que la revue – et l’anthologie y fait justice – a toujours su, et aujourd’hui encore, accueillir de jeunes auteurs ou des œuvres méconnues. Histoire exemplaire d’une revue qui a su « comprimer » dans ses pages et par-là même exprimer les mondes poétiques de son temps, ceux pour lesquels le poète, guetteur et explorateur, s’aventure dans les « arcanes de la vie intérieure »."

La Revue des Revues (entrevues.org, le site des revues culturelles, octobre 2013).

 

"Le soixantenaire de la revue Les Hommes sans Epaules a servi de prétexte à Christophe Dauphin pour composer ce pavé anthologique qui se lit agréablement car le responsable a su mettre tous les atouts de son côté. La première partie du livre, couvrant 88 pages, s’attarde à présenter manifestes et critiques autour de l’aventure de cette singulière revue qui a su perdurer à travers trois séries.  En rassemblant 204 auteurs publiés dans les HSE, Dauphin a choisi de les disposer dans un ordre alphabétique avec, pour chacun d’eux, une notice bio-bibliographique suivie d’un écrit représentatif. L’originalité de cette initiative entraîne pour le lecteur un regain de curiosité qui va le pousser au gré de son humeur à passer d’un poète à l’autre, et là, il va aller de surprise en découverte et de confirmation en révélation.  Si l’on y croise des poètes « classiques » tels qu’André Breton, Jean Cocteau, Aimé Césaire ou Michel Butor, on y croise des auteurs rares comme Alain Borne, Lucien Becker, Jean Malrieu ou Ilarie Voronca. Une part importante est accordée aux poètes étrangers parmi lesquels Octavio Paz, Eugenio Montale ou le Prix Nobel 2011 Tomas Tranströmer, sans compter avec des dizaines de débutants. Menée de main de maître, « au scalpel de l’émotion », cette anthologie est une réussite et le témoignage parfait de ce que peut donner une passion dévorante alliée à une grande connaissance de la poésie vivante."

Georges Cathalo (Lecture flash in revue-texture.fr, 4 novembre 2013).

"La revue Les Hommes sans Epaules fête ses 60 ans d'existence. Noces de diamant célébrant le mariage en 1953 entre la poésie et un outil de rassemblement et de diffusion que les fondateurs nommèrent Les Hommes sans Epaules. Deux jeunes poètes, Jean Breton et Hubert Bouziges, sont à l'initiative de cette revue de fond. Fond par le sens, fond par la durée car il faut du souffle pour ne jamais s'épuiser en 60 ans d'existence. La durée des Hommes sans Epaules est d'ailleurs le signe de la grande vitalité qui anime l'humain désireux de ne pas lâcher la ligne de crête faisant de lui un homme de parole. Cette anthologie, rassemblant dans une première partie les textes et manifestes qui émaillèrent depuis sa création cette superbe revue, est la preuve que le poème habite l'homme, et qu'il est en lui, malgré les désastres sociaux et politiques, une ligne rouge constitutive de la personne humaine.

Christophe Dauphin, l'actuel directeur des Hommes sans Epaules, orchestre cette anthologie, racontant, dans une introduction de conviction, la riche histoire de cette revue. S'ensuivent des textes de Jean Breton, de Sarane Alexandrian, d'Alain Breton, de Pierre Chabert, d'Henry Miller, de Paul Sanda, de Guy Chambelland, de Christophe Dauphin, de Paul Farellier, d'Abdellatif Laâbi, d'Henri Rode et de Maurice Toesca.

Cette anthologie se nomme Appel aux riverains, en filiation avec le premier manifeste signé par la rédaction des Hommes sans Epaules de 1953, dans lequel les initiateurs affirmaient : "N'étant pas des esthètes, n'exigeant  jamais une seule forme du poème, nous savons aussi que la poésie se cache dans l'équivoque, se déploie dans l'éloquence, se dénonce dans le silence. (...) La poésie prépare souterrainement un homme meilleur qu'elle. (...) Notre revue est un lieu de rencontres. Nous ouvrirons les portes, les laissant battantes, nous inviterons nos amis à s'expliquer sur ce qui leur paraît essentiel dans leur comportement d'être humain et de poète. (...) Nous désirons redéfinir notre condition de poète et de vivant."

Voilà qui fait un sérieux point commun entre la démarche des Hommes sans Epaules et celle de Recours au Poème, l'une revendiquant l'émotivisme, l'autre la profondeur, à travers un rassemblement poétique savamment dilapidé par la modernité technologique qui est l'ennemi même du Poème.

60 ans d'Hommes sans Epaules, c'est l'occasion, non pas de publier une anthologie anniversaire, mais d'affirmer la continuité du poème contemporain. Car après la série des textes et manifestes posant le combat du poème sur une soixantaine de pages, s'ouvre l'anthologie de poèmes proprement dite, soient 400 pages constituant une belle et sérieuse anthologie poétique de ces soixante dernières années.

Noces de diamant, disions-nous. C'est ainsi à la résistance du poème que se découpe la vitre sans tain de la Surface, sur laquelle l'image de la superficialité est peinte et rénovée en permanence afin de créer l'illusion que la réalité est toute contenue dans ce décorum.

Illusion. Simulacre. Superficialité. Imposture. C'est cela que le poème déjoue. C'est cette vitre, cette séparation, accentuée par la première modernité mortifère, que le poème traverse.

1953 : c'est l'année du début de l'équilibre de la terreur, les USA annonçant qu'ils détiennent la bombe H. C'est le choix, par Eisenhower, du conservatisme progressiste, qui renoue avec le libéralisme économique total. Ce sont les prémisses du totalitarisme d'affaire. 1953 : c'est la description de l'ADN, c'est le prix Nobel de la Paix attribué à Georges Marshall, c'est la mort de Staline, c'est la première retransmission internationale d'un événement en direct par la télévision, le couronnement d'Elizabeth II.

Dans ce contexte de redéfinition du monde d'après-guerre, avec la peur de l'atome, le choix du libéralisme et l'outil propagandiste de la télévision, naît la revue Les Hommes sans Epaules. C'est dans ce contexte d'essais nucléaires, d'explosions dans le ventre mère de la terre, de manipulation des esprits par le projet de divertissement de la télévision, c'est à dire, étymologiquement parlant, de faire diversion, qu'apparaissent les Hommes sans Epaules, ces "hommes et ces femmes sans poids dans la société mais aussi porteurs d'antennes attentives à capter ce qui reste de la parole originelle" comme l'écrit Alain Breton dans son essai "Ralentir, Poèmes".

Aucun poids dans la société, et n'en revendiquant aucun, "poètes engagés, nos frères dans la passion, pourquoi ignorer que la politique militante du poète, c'est tout simplement le ton généreux de son poème ?" écrit Jean Breton, conscient qu'être poète, c'est refuser la reconnaissance et la stature sociale, mais agir et dans le silence de son action, qui signifie amour, composer des poèmes car la vie l'intime absolument.

Plus loin, Christophe Dauphin déclare : "Le combat intime du poète est le combat de tout être avec les forces de la mort, l'oppression, les murs aveugles et sombres des systèmes sociaux. La poésie est inséparable de l'essence de l'homme dont elle est la plus impalpable, mais la plus profonde substance ; il la porte en lui avec sa solitude et son amour. La poésie préside partout où il va par le seul pouvoir des yeux".

Oui ! Qu'un poète soit "engagé", qu'il écrive des poèmes "dénonciateurs", qu'il arme sa parole pour répondre à l'injustice démultipliée, qu'il soit révolté, la fonction du poète est d'appartenir à la Paix et d'y travailler cordialement. Fraternellement.

Le Poème relève fondamentalement de la Paix et de son désir.

Plus loin, Dauphin précise : "La poésie est un besoin et une faculté, une nécessité de la condition de l'homme - l'une des plus déterminantes de son destin. Elle est une propriété de sentir et un mode de penser".

C'est dire qu'ici, il est davantage question de vision que de démonstration argumentée. Le poète réfléchit le monde et l'existence, il réfléchit sur le monde et l'existence. Et son mode de pensée n'a rien à voir avec les discours et les raisonnements. Il sait discourir. Il sait raisonner. Son mode de pensée transcende cela. Car il sait, le poète, quel fléau les émules du cartésianisme a pu introduire dans l'être, dans l'individu et dans l'ensemble humain avec la rationalisation n'ayant pour seul horizon qu'elle même. C'est d'ailleurs l'une des explications qui permettent de comprendre pourquoi l'intelligence du poète et la puissance du Poème sont aujourd'hui reléguées aux oubliettes et méthodiquement dépréciées. La rationalité ne voit plus que son propre visage pour objectif, fascinée par le jour et la clarté. La vision du poète, comme le langage du peintre, savent danser avec l'ombre et s'appuyer sur le vide pour prendre leur appui et converser avec la présence. Le Discours et la  Méthode ont conquis le monde, contre la vision, complexe mais pas compliquée, subtile mais pas obscure, du poète. Le Discours et la Méthode travaillent à la ruine de l'homme, ils œuvrent à l'appauvrissement écologique de l'humain sur la terre. Mais la vision appartient à tout homme d'esprit. Et la Nature saura reprendre image dans le corps humain. Car son élan n'est pas de disparaître. Suivons Dauphin : "ce qui est, ce n'est pas ce corps obscur, timide et méprisé, que vous heurtez distraitement sur le trottoir - celui-là passera comme le reste - mais ces poèmes, en dehors de la forme du livre, ces cristaux déposés après l'effervescent contact de l'esprit avec la réalité. Autrement dit, le rêve entre en contact avec la réalité, c'est à dire le concret, le sensible, le monde des apparences qui suffit au commun des mortels. De cet effervescent contact résultera la poésie, c'est à dire "le réel absolu" pour Reverdy".

Lisez cette anthologie. Elle branche le cœur sur le vivant. Elle raccorde l'esprit au sang. Elle fait bouillir l'hémoglobine dans les veines. Vous y rencontrerez le meilleur de la poésie contemporaine à travers quelque 200 poètes. Et même s'il ne fut pas possible d'intégrer dans ce vaste travail l'ensemble des poètes publiés dans Les Hommes sans Epaules, ceux qui y sont vous donneront déjà une idée substantielle de ce que peut le poème pour l'homme."

Christophe Morlay (in recoursaupoème.fr, décembre 2013).

"L'anthologie 1953-2013, Appel aux riverains, rassemble des textes théoriques et des manifestes dans sa première partie, des poèmes dans la seconde. Cette émotion appelée poésie, disait Pierre Reverdy; émotivisme, nous dit Christophe Dauphin, qui rappelle que la révolte à un langage: la poésie. Il ajoute ailleurs, le poète n'est pas seulement celui qui lance un cri de colère et d'indignation, il est aussi le guérisseur, au sens antique sans doute du terme, celui qui réconcilie avec soi-même, les autres et les mondes. Il nous parle de redressement, de surgissement, de liberté. Il est une quête poétique qui ne supporte aucune concession à l'arbitraire afin de laisser libre la place pour l'être, y compris en ces contradictions. Jean Breton en citant Michel Serres ne disait pas autre chose: Etymologiquement, émotion veut dire: ce qui fait bouger. ce n'est pas avec des concepts ni des courbes que l'on fait bouger les choses, c'est avec de l'émotion. Dans cette superbe anthologie, plus de 204 poètes mêlent leurs voix afin de proposer une lecture globale des Hommes sans Epaules."

Gérard Cathala (in Arpo n°78, hiver 2014).

"Les Hommes sans Epaules, c'est une aventure hors-pair qui a débuté en 1953, à l'initiative de deux jeunes poètes Jean Breton et Hubert Bouziges... Soixante ans après leur fondation, Les Hommes sans Epaules est une copieuse revue semestrielle de 285 pages, aux sommaires riches et variés. Elle revendique l'héritage de la Poésie pour vivre, mais aussi la filiation du surréalisme et de quelques grandes voix solitaires comme celles de Guy Chambelland et d'Yves Martin et veut en faire la synthèse par le recours à ce que Christophe Dauphin nomme l'émotivisme, et présente non pas comme une nouvelle école esthétique, mais comme la recherche d'un art vivant vécu comme une nécessité....

Les Hommes sans Epaules éditent aussi des ouvrages sous son propre nom ou en tant que collection des éditions Librairie-Galerie Racine. Parmi les auteurs, Yves Mazagre, André Prodhomme, Alain Breton, Paul Farellier, Eric Sénécal, Pierrick de Chermont ou récemment Odile Cohen-Abbas. Parmi les ouvrages publiés à l'enseigne des HSE, je retiens l'impressionnante anthologie personnelle de Christophe Dauphin, L'Ombre que les loups emportent, regroupant son oeuvre poétique de 1985 à 2000, révélant une poésie sensible et fougueuse, authentiquement accordée à l'humain. Christophe Dauphin est également le maître d'oeuvre de la copieuse anthologie Appel aux riverains, choix de 206 auteurs publiés dans la revue de 1953 à 2013, qui prend pour titre celui du premier manifeste du groupe. Rien qu'en parcourant l'ouvrage, on réalise que le projet est bien plus qu'un simple retour sur l'itinéraire d'une revue à la longévité exceptionnelle. On est d'emblée surpris d'y trouver l'essentiel de la péosie contemporaine de ces dernières décennies, dégagée de tout parti-pris esthétique. Christophe Dauphin délaissant la chronologie a opté avec raison pour l'odre alphabétique des auteurs. Apparaît alors un large et saisissant panorama des auteurs qui marqueront durablement la poésie quand notre époque aura oublié les amusuers interchangeables qui nous divertissent gentiment par leurs exercices de langage. La poésie a bel et bien survécu à ses fossoyeurs zélés. Les textes fondateurs et les manifestes, rassemblés en première partie, sont plus que jamais d'actualité. Ils rappellent que la poésie est fondamentalement liée aux sens et à l'émotion et que son éthique exigeante ne peut se résumer à des questions esthétiques.

Sans nul doute, cette anthologie jouera un rôle de référence équivalent à celui en son temps de La nouvelle poésie française de Bernard Delvaille (Seghers, 1974) qui fut une révélation pour ma génération. En outre, Appel aux riverains concerne une période plus étendue mêlant plusieurs générations d'auteurs et fait preuve d'une plus grande diversité. Il s'agit bien d'un ouvrage indispensable à la découverte du mouvement de fond qui traverse la poésie vivante de notre époque."

Marie-Josée Christien (in revue Interventions à Haute Voix n°52, mars 2014).

"Être sans amis, ce n'est pas le cas des 204 poètes regroupés dans Appel aux riverains, l'anthologie 1953-2013 des Hommes sans Epaules, de Christophe Dauphin. La revue Les Hommes sans Epaules a été créée en 1953 par Jean Breton et Hubert Bouziges. En 60 ans d'activité, ça en fait des poètes publiés. Chacun d'eux a droit à une présentation fouillée de Christophe Dauphin (quel boulot ! chapeau !) et à un poème. Les poètes sont rangés par ordre alphabétique, mais si l'on veut on peut lire cette anthologie dans l'ordre chronologique. Une manière de suivre l'évolution esthétique de l'écriture des poèmes ? Les Hommes sans Epaules donnent une nouvelle fois la preuve que la poésie est aussi une oeuvre collective. Que les noms connus (il y en a des dizaines) charrient avec eux les inconnus. Ex: Gaston Couton: "Je te salue avec dédain, autorité, arme de tous les faibles, privilège des misérables... Qui peut te désirer à part le vaniteux... Ta semence n'engendre que semence fétide..." (publié en 1953). L'anthologie est précédée d'une série de textes théoriques. Une somme, mais aussi une malle aux trésors. on se penche dedans, on fouille, on pêche. bravo."

Christian Degoutte (in revue Verso n°156, mars 2014).

"Comment résumer soxiante ans d'une activité intense, d'une recherche sans cesse enrichie par une constellation de poètes qui se sont succédés au sein de cette revue de haut vol qu'est Les Hommes sans Epaules ? L'anthologie Appel aux riverains, sobrement paginée, renferme, pas moins de deux cent quatre poètes. Difficile de restituer une telle richesse et d'en faire l'inventaire. L'histoire commence par l'édition d'une plaquette réunissant deux voix, celles des fondateurs, Jean Breton et Hubert Bouziges, et intitulée: A même la terre. Une aventure commence et ce qui va suivre attestera, au fil des numéros, uen exigence poétique des plus aiguës. Les Hommes sans Epaules naissent donc en 1953 et cette excellente revue donnera lieu à la création d'uen collection de poésie contemporaine, elle-même d'une grande exigence. Cette anthologie Appel aux riverains, s'ouvre sur des textes théoriques (1953-2013) et notamment, par celui remarquable, du poète et essayiste Christophe Dauphin, actuel directeur des HSE, intitulé La Révolte a un langage: La Poésie! Ce texte souligne une insurrection nécessaire à l'instar de Charles Fourier, homme en quête d'harmonie universelle, inventeur de la théorie de "l'attraction passionnée" et dont les réflexions visionnaires du type: A quoi bon l'abondance, si elle n'augmente pas le bonheur de personne ?, sont plus que jamais d'actualité. La deuxième partie s'ouvre et s'achève sur les voix, et pas des moindres, de Jacques Baron, Tristan Cabral, Edouard Glissant, André Breton, José Millas-Martin, Henry Miller, Roberto Juarroz, Alain Jouffroy, Lorand Gaspar, Francis Giauqe, etc.3

Bruno Geneste (in Sémaphore n°2, mai 2014). 

*

"A l'occasion des 60 ans de la revue poétique les "Hommes sans épaules", cette anthologie propose une sélection de poèmes accompagnés d'une présentation de chacun des 206 principaux contributeurs : Sarane Alexandrian, Georges Bataille, Jacques Bertin, Michel Butor, Aimé Césaire..."

Electre, Livres Hebdo, 2013.

*

C’est une forêt. Une forêt avec ses allées cavalières, ses clairières, ses taillis, ses mousses et lichens, ses futaies, ses broussailles, sa faune et sa flore. Sous le beau titre d’Appel aux riverains, Christophe Dauphin a rassemblé manifestes et poèmes publiés dans Les Hommes sans épaules. Fondée à Avignon en 1953, cette revue toujours en activité incarne une fidélité à une certaine conception de la poésie proche de Reverdy et des surréalistes.

La première série, de 1953 à 1956, avait été dirigée par Jean Breton. La publication a ensuite été relancée par le fils de Jean Breton, de 1991 à 1994, puis, avec la force et l’énergie de Christophe Dauphin à partir de 1997. L’anthologie propose de « dresser un inventaire de soixante ans de poésie, au scalpel de l’émotion » (p. 7). Christophe Dauphin revendique la filiation et la cohérence de cette aventure éditoriale singulière.

La première partie du livre offre un choix de critiques et de manifestes où l’on trouvera « l’appel aux riverains » lancé en 1953 – appel vibrant à « réveiller le poète derrière sa poésie ». Un texte d’Henry Miller sur Avignon voisine avec une lettre de Maurice Toesca, un texte de Sarane Alexandrian ou les manifestes émotivistes de Christophe Dauphin. On lira aussi avec intérêt « la voix des Arabes libres », texte écrit par Abdellatif Lâabi lors des révolutions arabes de 2008.

La plus grande place reste, naturellement, aux poèmes. L’anthologie rassemble plus de deux cents poètes publiés dans les pages des Hommes sans épaules. Chaque texte choisi est précédé d’une biographie et d’une bibliographie indicative. Si ces notices bien informées sont utiles, elles auraient sans doute gagné à être plus concises. On cherche trop souvent l’information au milieu de commentaires et de jugements qui, dans bien des cas, n’apportent rien d’essentiel ni de nouveau. On le regrette d’autant plus que l’ouvrage a cette grande qualité d’apporter des renseignements bio-bibliographiques sur des poètes méconnus. C’est en effet la richesse de la revue d’avoir ouvert largement ses portes. On trouvera dans ses pages des poètes célèbres comme André Breton, Mahmoud Darwich, Allen Ginsberg, Roberto Juarroz, Jacques Réda ou Pierre Reverdy – d’autres, connus mais un peu oubliés, comme Lise Deharme, Jean-Pierre Duprey, Jean Malrieu, Joyce Mansour – et des voix qui reviennent comme celles de Stanislas Rodanski, Jean Sénac ou Tarjei Vesaas. Dans cet écosystème, passent aussi des poètes contemporains comme Pierrick de Chermont, Henri Droguet ou Vénus Khoury-Gata. Et puis, cette généreuse et égalitaire anthologie donne toute sa place aux poètes du demi-jour, aux irréguliers inconnus comme Albert Fleury, Jules Mougin ou Jean Rousselot. Ce n’est que justice, et l’anthologie remplit bien sa fonction en rappelant le rôle de ces auteurs « mineurs » qui contribuèrent cependant à l’air du temps poétique du second vingtième siècle français.

Outil nécessaire pour se faire une idée de la richesse de la production poétique des soixante dernières années, L’Appel aux riverains est ainsi une belle invitation au voyage et à l’égarement hors des sentiers balisés

François Bordes (in La Revue des revues n°51, 2014).




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