Tri par titre
|
Tri par auteur
|
Tri par date
|
Page : <1 2 ... 5 6 7 8 9 10 11 12 13 >
|
|
|
Critique
La rencontre de Christophe Dauphin avec l’œuvre de Lucien Coutaud (1904-1977), est l’histoire d’un coup de foudre. Christophe Dauphin – qui nous offre la monographie la plus complète du peintre -, a été séduit, envoûté par l’imagerie coutaldienne. Lui seul, comme l’a écrit Jean Binder, pouvait ressentir aujourd’hui encore toute la poésie et la surréalité de l’univers d’un peintre qui fut reconnu et admiré par les plus grands peintres et poètes de son temps (Picasso, Brauner, Labisse, Tanguy, Dominguez, Hérold, Éluard, Lely…) Car l’œuvre de Lucien Coutaud est une mythologie magistrale de la vie sensible ; une mythologie qui découle d’un monde profondément ancré dans la mémoire et l’imaginaire du peintre… Lucien Coutaud, qui évolua en marge du surréalisme (il n’a jamais participé à la vie du groupe, préférant toujours côtoyer les individus), est l’un des peintres les plus singuliers et les plus féconds du XXe siècle ; un peintre qui excelle dans tous les domaines… La peinture de Coutaud, ce novateur exceptionnel au niveau de la conception de l’image, affirme l’être, soleil de pur bleu fracassant le réel.
Rémi BOYER (La Lettre du crocodile, 2009).
"Après l’essai remarqué de Christophe Dauphin intitulé Le peintre de l’Eroticomagie, publié chez le même éditeur, Lucien Coutaud est de nouveau à l’honneur avec l’exposition qui s’est tenue à Gaillac, au Musée des Beaux-Arts des 27 juin au 21 septembre 2014 et le catalogue très riche qui l’accompagne.
Lucien Coutaud (1904 – 1977) est un personnage complexe, « l’un des peintres les plus singuliers et les plus féconds du XXème siècle nous dit Christophe Dauphin dans son étude introductive sur les rapports du peintre, et poète, avec le mouvement d’André Breton. Son œuvre demeure mystérieuse à bien des égards même si des périodes peuvent être déterminées, culminant dans une période dite « métaphysique », pendant laquelle, poursuit Christophe Dauphin, « la création de Coutaud prend toute son ampleur, se diversifie, s’impose par ses recherches et la puissance de sa thématique. Cette période reflète les angoisses du peintre et le traumatisme de la guerre. »
« La peinture de Lucien Coutaud active autant notre conscience que nos émotions. Ses images se présentent à nous chargées de désirs et d’angoisses, réclamant une éclatante matérialisation de l’espace ; elles brisent les cadres usés de la réalité pour faire apparaître le réellement vrai, dont l’expression la plus directe est l’image éroticomagique, qui, en vertu du pouvoir qui lui est conféré d’objectiver l’union de tous les éléments, aussi opposés qu’ils soient, dans des ensembles insolites, inattendus, pousse l’intellect à une audace culminant avec l’absolu discrédit de la raison statique. »
Christophe Dauphin évoque à propos de cette œuvre une association entre pensée magique et pensée pragmatique, une dialectique, non sans tension, entre inconscient et conscient.
La relation entre Lucien Coutaud et le surréalisme ne va pas de soi, elle fut et demeure interrogée. Lucien Coutaud a fréquenté les membres du groupe, sans fréquenter le groupe. Il fait partie de ces artistes, assez nombreux, qui passèrent dans l’orbite du groupe sans se laisser happer, refusant d’appartenir et libres de la reconnaissance. Le surréalisme ne fut pour lui qu’une tentation suggère Jean Binder qui retrace à travers les œuvres la quête initiatrice du peintre-poète.
La puissance d’évocation des œuvres est renversante. Elle met à terre les représentations courantes et désigne les espaces inexplorés, inexplorables pour certains, comme les dimensions de l’esprit dans l’érotisme. S’il traverse une période dite ésotérique dans les années 30, c’est surtout trente ans plus tard qu’il s’intéressera aux cathares et aux templiers, notamment au mythe entretenu autour de Gisors.
L’association par la désassociation, l’union par la déstructuration, la présence absolue des éléments absents, concourent chez Coutaud à une traversée, à un « transparaître » qui conduit à l’essentiel. Un presque rien infiniment signifiant."
incoherism.wordpress.com, novembre 2014.
|
Critique
La rencontre de Christophe Dauphin avec l’œuvre de Lucien Coutaud (1904-1977), est l’histoire d’un coup de foudre. Christophe Dauphin – qui nous offre la monographie la plus complète du peintre -, a été séduit, envoûté par l’imagerie coutaldienne. Lui seul, comme l’a écrit Jean Binder, pouvait ressentir aujourd’hui encore toute la poésie et la surréalité de l’univers d’un peintre qui fut reconnu et admiré par les plus grands peintres et poètes de son temps (Picasso, Brauner, Labisse, Tanguy, Dominguez, Hérold, Éluard, Lely…) Car l’œuvre de Lucien Coutaud est une mythologie magistrale de la vie sensible ; une mythologie qui découle d’un monde profondément ancré dans la mémoire et l’imaginaire du peintre… Lucien Coutaud, qui évolua en marge du surréalisme (il n’a jamais participé à la vie du groupe, préférant toujours côtoyer les individus), est l’un des peintres les plus singuliers et les plus féconds du XXe siècle ; un peintre qui excelle dans tous les domaines… La peinture de Coutaud, ce novateur exceptionnel au niveau de la conception de l’image, affirme l’être, soleil de pur bleu fracassant le réel.
Rémi BOYER (La Lettre du crocodile, 2009).
"Après l’essai remarqué de Christophe Dauphin intitulé Le peintre de l’Eroticomagie, publié chez le même éditeur, Lucien Coutaud est de nouveau à l’honneur avec l’exposition qui s’est tenue à Gaillac, au Musée des Beaux-Arts des 27 juin au 21 septembre 2014 et le catalogue très riche qui l’accompagne.
Lucien Coutaud (1904 – 1977) est un personnage complexe, « l’un des peintres les plus singuliers et les plus féconds du XXème siècle nous dit Christophe Dauphin dans son étude introductive sur les rapports du peintre, et poète, avec le mouvement d’André Breton. Son œuvre demeure mystérieuse à bien des égards même si des périodes peuvent être déterminées, culminant dans une période dite « métaphysique », pendant laquelle, poursuit Christophe Dauphin, « la création de Coutaud prend toute son ampleur, se diversifie, s’impose par ses recherches et la puissance de sa thématique. Cette période reflète les angoisses du peintre et le traumatisme de la guerre. »
« La peinture de Lucien Coutaud active autant notre conscience que nos émotions. Ses images se présentent à nous chargées de désirs et d’angoisses, réclamant une éclatante matérialisation de l’espace ; elles brisent les cadres usés de la réalité pour faire apparaître le réellement vrai, dont l’expression la plus directe est l’image éroticomagique, qui, en vertu du pouvoir qui lui est conféré d’objectiver l’union de tous les éléments, aussi opposés qu’ils soient, dans des ensembles insolites, inattendus, pousse l’intellect à une audace culminant avec l’absolu discrédit de la raison statique. »
Christophe Dauphin évoque à propos de cette œuvre une association entre pensée magique et pensée pragmatique, une dialectique, non sans tension, entre inconscient et conscient.
La relation entre Lucien Coutaud et le surréalisme ne va pas de soi, elle fut et demeure interrogée. Lucien Coutaud a fréquenté les membres du groupe, sans fréquenter le groupe. Il fait partie de ces artistes, assez nombreux, qui passèrent dans l’orbite du groupe sans se laisser happer, refusant d’appartenir et libres de la reconnaissance. Le surréalisme ne fut pour lui qu’une tentation suggère Jean Binder qui retrace à travers les œuvres la quête initiatrice du peintre-poète.
La puissance d’évocation des œuvres est renversante. Elle met à terre les représentations courantes et désigne les espaces inexplorés, inexplorables pour certains, comme les dimensions de l’esprit dans l’érotisme. S’il traverse une période dite ésotérique dans les années 30, c’est surtout trente ans plus tard qu’il s’intéressera aux cathares et aux templiers, notamment au mythe entretenu autour de Gisors.
L’association par la désassociation, l’union par la déstructuration, la présence absolue des éléments absents, concourent chez Coutaud à une traversée, à un « transparaître » qui conduit à l’essentiel. Un presque rien infiniment signifiant."
incoherism.wordpress.com, novembre 2014.
|
|
|
|
Critique
Pour les amoureux décadents des Doors, voici un essai de plus sur le parcours de vie de Jim Morrison. Et pourtant non… Ce qui fait la force exceptionnelle de ce livre de Christophe Dauphin, c’est d’avoir su mettre en lumière l’originalité de l’œuvre poétique de Jim et la complexité du personnage. C’est vrai, et Dauphin l’écrit fort justement, l’œuvre de Morrison « dépasse le cadre des clichés du pantalon moulant de cuir noir ou de la beuverie, pour atteindre et canaliser l’essence même de la vie : la poésie, par-delà le visage d’ange et la réputation sulfureuse ». Morrison et Rimbaud, dans l’éternité, doivent s’entendre.
Jean-Luc Maxence (Les Cahiers du Sens, 2002).
|
Critique
Pour les amoureux décadents des Doors, voici un essai de plus sur le parcours de vie de Jim Morrison. Et pourtant non… Ce qui fait la force exceptionnelle de ce livre de Christophe Dauphin, c’est d’avoir su mettre en lumière l’originalité de l’œuvre poétique de Jim et la complexité du personnage. C’est vrai, et Dauphin l’écrit fort justement, l’œuvre de Morrison « dépasse le cadre des clichés du pantalon moulant de cuir noir ou de la beuverie, pour atteindre et canaliser l’essence même de la vie : la poésie, par-delà le visage d’ange et la réputation sulfureuse ». Morrison et Rimbaud, dans l’éternité, doivent s’entendre.
Jean-Luc Maxence (Les Cahiers du Sens, 2002).
|
|
|
|
Critique
75 HP. C’est par cette audacieuse revue d’avant-garde qu’ Ilarie Voronca, déjà connu pour son premier recueil de poèmes, Restriti (1923), illustré par Victor Brauner, pénétra avec fracas sur la scène avant-gardiste roumaine. Il développa une approche intégrale remarquablement visionnaire et s’affirma ainsi comme un précurseur des précurseurs. En 1933, il s’installa avec Voronca, son épouse et muse, à Paris pour explorer un invisible où le désespoir et la joie sereine semblent inextricablement unis dans les profondeurs de l’esprit.
Christophe Dauphin, poète, critique littéraire, essayiste s’est déjà intéressé à nombre de figures comme James Douglas Morrison, Jean Breton, Verlaine, notre ami regretté Sarane Alexandrian, et plus récemment Jacques Patin et Lucien Coutaud, peintre de l’éroticomagie.
La rencontre, hors temps, entre Ilarie Voronca et Christophe Dauphin semblait inévitable tant le livre du second sur le premier, Ilarie Voronca le poète intégral, publié chez Editinter et Rafael de Surtis, se révèle une alliance brillante. Davantage qu’un livre sur Voronca, Christophe Dauphin a laissé sa pensée jouer dans la pensée de Voronca, son art de la plume élégant et précis se marier avec la poésie tourmentée du roumain pour mieux la souligner, la libérer de représentations et de jugements trop rapides, trop vite satisfaits.
Christophe Dauphin nous révèle un grand poète, un grand aventurier de l’esprit, un être épris de liberté, qui veut inclure en lui la totalité de l’expérience humaine sans rien rejeter quitte à se détruire.
C’est peut-être dans son Petit Manuel du Parfait Bonheur (achevé en 1944) que Voronca livre la clé de son être, de sa sensibilité, de son mystère créatif.
Christophe Dauphin : « Le Petit Manuel que Voronca présente comme un essai de livre sur la félicité, un acte d’adhésion et de foi dans le bonheur de l’avenir, n’est pas une fiction mais une prose éminemment poétique, un texte testamentaire, un manifeste qui pourrait très bien être celui de l’intégralisme. Partout l’air, le feu, la pierre, l’eau coopèrent. Ils ont peut-être l’air de se corroder, de s’attaquer mais au contraire, ils ne cherchent que la modalité de s’emboîter et s’intégrer les uns dans les autres. « Pourquoi les hommes n’en feraient-ils pas autant ? » interroge Voronca, avant d’en appeler à construire une harmonie et un bonheur en commun. « Je doute que le paradis terrestre ait jamais existé. Mais j’ai la conviction profonde qu’il est en train de s’édifier… Faisons donc un avec l’homme, dirent les choses, que l’outil s’intègre à l’homme tout comme la lyre prend racine dans la main du joueur. Le violon et celui qui en joue, font-ils deux choses distinctes ? (…) Ainsi selon Voronca, de chose en chose, la terre et l’univers entier font un avec l’homme qui gagne en immortalité : « Que m’importe donc que je disparaisse, puisque je sais maintenant que la flamme que m’a communiquée ton visage n’aura jamais de fin ? Peut-être aurais-je pu douter de la réalité du monde et de sa faculté de durer. Mais maintenant que j’ai la certitude que lorsque je ne serai plus, tu continueras de planer autour de ma non-existence comme un parfum autour de l’endroit où l’on a arraché une fleur, le monde m’apparaît tout entier réel, comme un arbre hors de son fourreau. Je sais qu’il me suffirait de tourner la tête pour te retrouver et reconstituer l’univers. »
Remarquable intuition du mécanisme de la conscience et du jeu de l’intervalle. Voronca perçoit la félicité de la totalité en même temps qu’il est déchiré par la séparation. La félicité semble l’emporter. Son suicide en 1946 voudrait démentir cette certitude mais il n’est pas certain qu’il en soit ainsi. Dans son infinie « annexion » de ce qui se présente comme de ce qui s’absente, cet acte a-t-il encore une signification désespérante ?
« Dans le vide universel, toute chose crie vers autre chose et cette autre chose reste sourde. Mai sil arrive aussi qu’elle réponde et que par d’invisibles antennes, elle rejoigne la chose qui l’appelle. La joie éclate à cette communion. Peut-être y a-t-il un désir (un désir fou, mais quel est le désir qui n’ait pas une nuance de folie) dans chaque chose aussi infime soit-elle de remplir, en union avec les autres choses, le vide, le néant de l’univers. Car toute chose prend en même temps conscience de sa propre existence et du gouffre sans limites qui l’entoure. »
Cet extrait du Petit Manuel du Parfait Bonheur exprime avec une grande justesse le jeu de la conscience se souvenant avec frémissement de sa nature non-duelle mais confrontée avec la dualité.
Le travail remarquable, hommage rigoureux et d’une grande lucidité, de Christophe Dauphin met en évidence la puissance ontologique et la dimension hautement philosophique de la poésie de Voronca.
La seconde partie de l’ouvrage propose un choix de textes et poèmes d’Ilarie Voronca s’étendant sur une longue période, 1924-1946, soit de sa naissance poétique à sa mort apparente. Mais la poésie persiste et aussi la force de sa pensée affranchie. Comme Voronca l’avait pressenti et annoncé, son parfum demeure.
Rémi Boyer (in La lettre du crocodile, 9 mars 2011).
*
L’essai chez Chistophe Dauphin est un acte de création pur, d’une exigence, d’une rigueur et d’une ligne de conduite quasi extatiques, un acte de prolongement, d’investigation dans l’avenir, une œuvre profonde de débordement et réouverture des données de la mort et de la disparition, un hymne, une ode de sublimes fécondations ! Comprendre, chez lui, c’est créer ; l’aperception est un acte productif qui s’inspire et engendre du vivant. Ici apparait une sensualité, une sexualité de l’intelligence qui génère des effets flamboyants et ininterrompus. Je viens de relire ses deux livres sur le magnifique poète roumain Ilarie Voronca. Le premier est un essai sur sa vie et l‘ensemble de son œuvre, le second une présentation de son journal inédit, et me voici encore bouleversée, de fond en comble retournée comme si j’avais participé un jour, une nuit durant à un culte vaudou (les sacrifices en moins), à une sorte de célébration éruptive de la sensibilité et de l’esprit, une fête de transmission véridique. Comme un danseur pris de transe, je l’ai vu soudain s’élancer, porter plus loin, plus haut, l’aspiration de toute la communauté poétique. Il y a une sorte de sorcellerie, d’envoûtement dans l’essai biographique réussi, quelque chose qui négocie avec l’abîme et le vivant, traite, s’acharne, arrache au royaume des morts, ravive, ressuscite les matériaux défaits, dispersés, et leur confère plus qu’une seconde vie, une seconde éternité !
Création sensorielle, sensitive ? Connexion et surimpression créatives ? Gravures sur lignes ? Jugez-en par ce texte qui explicite les deux concepts fondamentaux d’intégralisme et de Poésie commune propre à Voronca et qui exulte d’une véritable profession de foi (in Ilarie Voronca, le poète intégral) : « Durant sa période française (1933 – 1946), certes, mais surtout universelle, Voronca va faire évoluer l’intégralisme à son stade suprême : La Poésie commune, soit le chant du monde et des hommes par un poète qui n’est pas qu’un chantre individuel, puisque son moi s’épanouit dans toutes les voix. La grande originalité de la poésie de Voronca fut toujours de ne rappeler personne, de ne se référer à aucun grand disparu, ni à aucun nom vivant ; d’être humaine, généreuse et enthousiaste, comme rarement cela fut le cas, avant et après elle. N’allons donc pas croire qu’il existe une rupture radicale entre la période roumaine intégraliste et la période française de La Poésie commune ; car l’intégralisme reste la notion clé de la création comme de la personnalité de Voronca, d’un bout à l’autre. » Cela pourrait suffire comme on reconnait instinctivement, immédiatement, l’aptitude à une humanité plus concertante et plus étincelante et comme on aime au premier regard ! Mais continuons pour les couches récalcitrantes. C’est dans la tombe qu’il est allé le chercher (Voronca), qu’il a affronté les légions de l’oubli, qu’il a patiemment soulevé, distingué, reconstruit pièce après pièce l’architecture somptueuse de son être et de son œuvre. C’est dans la tombe, parce que c’était son chemin, parce que c’était pour lui, aussi, au milieu des étincelles enfouies, scellées, un lieu de reconnaissance et de fraternité. De la même manière que l’on sonde la pierre et le marbre, Christophe Dauphin nous apprend que l’on peut sonder, sculpter les événements de l’histoire, en extraire le rayonnement primordial échappant à toute corruption, brisant le juste milieu entre l’avant et l’après, la connaissance de ce qui a été, le futur et l’inexistence. Car tout est à jamais « l’instant » dans la création poétique. Et c’est pourquoi l’homme, le grand, l’immense Voronca, il le fait traverser l’état de cadavre, de spectre, de fantôme, d’icône, d’idole languide dans la mémoire, pour le rendre à une actualité réelle, festive et volcanique, à l’actualité de sa vraie vie en Poésie. Et maintenant qu’au fil des lignes cela s’est produit, le poète Ilarie Voronca s’est remis à parler de la quête et de l’espérance, du deuil et de l’exil, de la révolution permanente des lettres, de la beauté de ce jour, de la communauté du rêve et s’apprête à partager le repas avec nous. « À quoi bon une parole qui ne lie pas deux hommes », dit Voronca. Du moins ces deux-là les voici liés !
Qu’il fasse la relation d’une vie, d’un pays, d’une situation géographique ou politique, en quelques traits, avec une conviction, une concision que l’on sent joyeuses, impétueuses, il en dresse la structure fondamentale, d’une géométrie légère, efficace, comme un mobile qui tournoie dans le temps et l’espace, où apparaissent sur les arêtes et les médianes, d’une intelligibilité immédiate, des dates, des repères, des causalités profondes, facteurs du passé et vecteurs d’avenir. Esprit de synthèse ? Assurément, mais si l’on intègre à cette synthèse la part la plus hardie, la plus débridée de l’émotionnel. Rien ne se fait chez Chistophe Dauphin sans les palpitations exorbitantes du sang et du cœur. Car c’est bien le vivant, l’érection édifiante, intemporelle du vivant, le corps historique ainsi délivré ! foi (in Ilarie Voronca, le poète intégral) : « Être juif, naître et grandir en Roumanie au début du XXe siècle et prendre part à l’essor de l’art moderne envers et contre toutes les puissances obscures et conformistes, ne sont pas des faits anodins, qui ne pèseraient que le poids d’une plume dans l’itinéraire de Voronca, comme dans ceux de Tzara, Sernet, Fondane, Brauner, Hérold, Celan ou Luca. On ne peut pas les comprendre, ou alors partiellement ; on ne peut saisir l’essence de leur être et la quintessence de leur création, si l’on ignore ce premier pan fondateur de leur existence, qui loin d’être anecdotique, justifie et explique tout : ce que sont, feront et deviendront chacun de ces artistes, unis fraternellement par la langue, les épreuves, le sang de la révolte et l’encre du rêve. »
En relisant ces deux ouvrages, en vous incitant vivement à le faire, c’est une adhésion fondamentale, une croyance toute palpitante en la lecture, en sa fonction de souffle, d’inspiratrice, que j’ai senti bouillonner en moi. Ce que Christophe Dauphin porte et soutient durant toutes ces pages et verse en substance dans le cœur des lecteurs, c’est cette intention puissante d’amitié et de solidarité supérieures, une intention à vif, opérante et sans cesse aux aguets ! Car c’est bien comme l’ami, le plus élevé, le plus accompli, dans sa bonté essentielle, qu’il nous apparaît, le frère, l’ami investi comme lui d’une vocation sacrée ainsi que l’avait définie les plus grands poètes. Une intention qui est de fait la matière même de son action, concentré de tendresse, de volonté et d’entendement. Aucune fausse route dans sa démarche, son but se détermine d’un trait quand le poète Christophe Dauphin restaure l’âme et le corps du poète Ilarie Voronca quand, par la vigueur de sa parole, de ses images, de son intuition, il ravive le génie de sa joie, de sa foi et de ses oscillations, quand il le fait sortir du cachot du silence et de l’effacement. Écoutons sans que cela prenne fin en nous, car telle est aussi notre mission, les pulsations confondues de leur sang (in Journal inédit) : « La joie est pour l’homme, disais-tu, avant d’ouvrir le gaz et d’oublier de le refermer. Mais, de la joie, que te restait-il ? Moins qu’une fumée de cigarette à la fin de l’incendie du sommeil. Moins que ta vie dans laquelle ton pas est un mot oublié. Tout se dissout, tout part. Je ne sais plus rien. La joie est pour l’homme un cri qui blesse comme une balle perdue ; une balle qui fait toujours mouche… Mais si c’est toi ce brasier rouge, cette flamme, parmi les pierres et les débris du soleil, alors, je veux être l’oiseau aveuglé dont les ailes s’enflamment sous tes paupières vides de cimetière. Alors, je veux être et jeter bas le masque de la douleur, car rien n’obscurcira la beauté de ce monde, qui laisse tomber sa tête sur l’épaule de la fatigue. »
Odile COHEN-ABBAS (in revue Les Hommes sans Epaules n°50, 2020).
|
Critique
De tous les écrivains venus de Roumanie qui, au cours du XXe siècle, ont enrichi la littérature de langue française, Ilarie Voronca est l’un des plus importants et des plus méconnus. Tristan Tzara, Benjamin Fondane, Eugène Ionesco, Cioran et quelques autres font l’objet de nombreuses études ; pour les compléter, la parution de l’ouvrage de Christophe Dauphin est salutaire.
« Poète intégral », Voronca l’est à des titres divers. Théoricien de l’« intégralisme », il fut l’un des rédacteurs de la revue Integral, ainsi que d’autres revues de de cette avant-garde qui caractérisa la vie intellectuelle roumaine de l’entre-deux-guerres. En outre, toute son œuvre, en vers et en prose, relève d’une volonté d’unification « intégrale » des éléments naturels et humains. La biographie d’Eduard Marcus, alias Ilarie Voronca (1903-1946), très précisément rapportée, s’insère ici dans un environnement lui aussi parfaitement détaillé. Les années roumaines, l’installation en France, l’exil et ses difficultés, les brouilles littéraires momentanées, les amitiés, les amours, les rencontres (avec la plupart de ceux qui forment le monde artistique), les ruptures, la période de l’occupation et de la résistance, la quête désespérée du bonheur, jusqu’au suicide au domicile parisien – tout cela est solidement inscrit dans le contexte historique, social, politique, culturel, roumain, français, européen dont la destinée individuelle est indissociable.
Cette biographie est aussi un portrait moral (« Combattre les prisons, la haine, l’angoisse et l’oppression ») et surtout poétique, dans cet espace franco-roumain qu’Ilarie Voronca incarne totalement : symbolisme, avant-garde, intégralisme, lyrisme personnel… il est le poète du « mouvement », de l’« inquiétude », de l’« insatisfaction », de ces états qui ne laissent jamais en repos et d’où émane une incessante évolution.
Voilà un livre indispensable à la connaissance d’un poète majeur, qui plus est écrit par quelqu’un pour qui l’écriture est une matière vivante, puisque Christophe Dauphin, outre ses essais, a publié nombre de recueils poétiques. Son étude, qui s’appuie beaucoup sur les textes, forme un ensemble très documenté (citations, anthologie significative, riche iconographie…) : Ilarie Voronca, le poète intégral est un ouvrage nourri d’authenticité.
Jean-Pierre Longre (in Cahiers Rhône Roumanie, septembre 2011).
|
Critique
75 HP. C’est par cette audacieuse revue d’avant-garde qu’ Ilarie Voronca, déjà connu pour son premier recueil de poèmes, Restriti (1923), illustré par Victor Brauner, pénétra avec fracas sur la scène avant-gardiste roumaine. Il développa une approche intégrale remarquablement visionnaire et s’affirma ainsi comme un précurseur des précurseurs. En 1933, il s’installa avec Voronca, son épouse et muse, à Paris pour explorer un invisible où le désespoir et la joie sereine semblent inextricablement unis dans les profondeurs de l’esprit.
Christophe Dauphin, poète, critique littéraire, essayiste s’est déjà intéressé à nombre de figures comme James Douglas Morrison, Jean Breton, Verlaine, notre ami regretté Sarane Alexandrian, et plus récemment Jacques Patin et Lucien Coutaud, peintre de l’éroticomagie.
La rencontre, hors temps, entre Ilarie Voronca et Christophe Dauphin semblait inévitable tant le livre du second sur le premier, Ilarie Voronca le poète intégral, publié chez Editinter et Rafael de Surtis, se révèle une alliance brillante. Davantage qu’un livre sur Voronca, Christophe Dauphin a laissé sa pensée jouer dans la pensée de Voronca, son art de la plume élégant et précis se marier avec la poésie tourmentée du roumain pour mieux la souligner, la libérer de représentations et de jugements trop rapides, trop vite satisfaits.
Christophe Dauphin nous révèle un grand poète, un grand aventurier de l’esprit, un être épris de liberté, qui veut inclure en lui la totalité de l’expérience humaine sans rien rejeter quitte à se détruire.
C’est peut-être dans son Petit Manuel du Parfait Bonheur (achevé en 1944) que Voronca livre la clé de son être, de sa sensibilité, de son mystère créatif.
Christophe Dauphin : « Le Petit Manuel que Voronca présente comme un essai de livre sur la félicité, un acte d’adhésion et de foi dans le bonheur de l’avenir, n’est pas une fiction mais une prose éminemment poétique, un texte testamentaire, un manifeste qui pourrait très bien être celui de l’intégralisme. Partout l’air, le feu, la pierre, l’eau coopèrent. Ils ont peut-être l’air de se corroder, de s’attaquer mais au contraire, ils ne cherchent que la modalité de s’emboîter et s’intégrer les uns dans les autres. « Pourquoi les hommes n’en feraient-ils pas autant ? » interroge Voronca, avant d’en appeler à construire une harmonie et un bonheur en commun. « Je doute que le paradis terrestre ait jamais existé. Mais j’ai la conviction profonde qu’il est en train de s’édifier… Faisons donc un avec l’homme, dirent les choses, que l’outil s’intègre à l’homme tout comme la lyre prend racine dans la main du joueur. Le violon et celui qui en joue, font-ils deux choses distinctes ? (…) Ainsi selon Voronca, de chose en chose, la terre et l’univers entier font un avec l’homme qui gagne en immortalité : « Que m’importe donc que je disparaisse, puisque je sais maintenant que la flamme que m’a communiquée ton visage n’aura jamais de fin ? Peut-être aurais-je pu douter de la réalité du monde et de sa faculté de durer. Mais maintenant que j’ai la certitude que lorsque je ne serai plus, tu continueras de planer autour de ma non-existence comme un parfum autour de l’endroit où l’on a arraché une fleur, le monde m’apparaît tout entier réel, comme un arbre hors de son fourreau. Je sais qu’il me suffirait de tourner la tête pour te retrouver et reconstituer l’univers. »
Remarquable intuition du mécanisme de la conscience et du jeu de l’intervalle. Voronca perçoit la félicité de la totalité en même temps qu’il est déchiré par la séparation. La félicité semble l’emporter. Son suicide en 1946 voudrait démentir cette certitude mais il n’est pas certain qu’il en soit ainsi. Dans son infinie « annexion » de ce qui se présente comme de ce qui s’absente, cet acte a-t-il encore une signification désespérante ?
« Dans le vide universel, toute chose crie vers autre chose et cette autre chose reste sourde. Mai sil arrive aussi qu’elle réponde et que par d’invisibles antennes, elle rejoigne la chose qui l’appelle. La joie éclate à cette communion. Peut-être y a-t-il un désir (un désir fou, mais quel est le désir qui n’ait pas une nuance de folie) dans chaque chose aussi infime soit-elle de remplir, en union avec les autres choses, le vide, le néant de l’univers. Car toute chose prend en même temps conscience de sa propre existence et du gouffre sans limites qui l’entoure. »
Cet extrait du Petit Manuel du Parfait Bonheur exprime avec une grande justesse le jeu de la conscience se souvenant avec frémissement de sa nature non-duelle mais confrontée avec la dualité.
Le travail remarquable, hommage rigoureux et d’une grande lucidité, de Christophe Dauphin met en évidence la puissance ontologique et la dimension hautement philosophique de la poésie de Voronca.
La seconde partie de l’ouvrage propose un choix de textes et poèmes d’Ilarie Voronca s’étendant sur une longue période, 1924-1946, soit de sa naissance poétique à sa mort apparente. Mais la poésie persiste et aussi la force de sa pensée affranchie. Comme Voronca l’avait pressenti et annoncé, son parfum demeure.
Rémi Boyer (in La lettre du crocodile, 9 mars 2011).
*
L’essai chez Chistophe Dauphin est un acte de création pur, d’une exigence, d’une rigueur et d’une ligne de conduite quasi extatiques, un acte de prolongement, d’investigation dans l’avenir, une œuvre profonde de débordement et réouverture des données de la mort et de la disparition, un hymne, une ode de sublimes fécondations ! Comprendre, chez lui, c’est créer ; l’aperception est un acte productif qui s’inspire et engendre du vivant. Ici apparait une sensualité, une sexualité de l’intelligence qui génère des effets flamboyants et ininterrompus. Je viens de relire ses deux livres sur le magnifique poète roumain Ilarie Voronca. Le premier est un essai sur sa vie et l‘ensemble de son œuvre, le second une présentation de son journal inédit, et me voici encore bouleversée, de fond en comble retournée comme si j’avais participé un jour, une nuit durant à un culte vaudou (les sacrifices en moins), à une sorte de célébration éruptive de la sensibilité et de l’esprit, une fête de transmission véridique. Comme un danseur pris de transe, je l’ai vu soudain s’élancer, porter plus loin, plus haut, l’aspiration de toute la communauté poétique. Il y a une sorte de sorcellerie, d’envoûtement dans l’essai biographique réussi, quelque chose qui négocie avec l’abîme et le vivant, traite, s’acharne, arrache au royaume des morts, ravive, ressuscite les matériaux défaits, dispersés, et leur confère plus qu’une seconde vie, une seconde éternité !
Création sensorielle, sensitive ? Connexion et surimpression créatives ? Gravures sur lignes ? Jugez-en par ce texte qui explicite les deux concepts fondamentaux d’intégralisme et de Poésie commune propre à Voronca et qui exulte d’une véritable profession de foi (in Ilarie Voronca, le poète intégral) : « Durant sa période française (1933 – 1946), certes, mais surtout universelle, Voronca va faire évoluer l’intégralisme à son stade suprême : La Poésie commune, soit le chant du monde et des hommes par un poète qui n’est pas qu’un chantre individuel, puisque son moi s’épanouit dans toutes les voix. La grande originalité de la poésie de Voronca fut toujours de ne rappeler personne, de ne se référer à aucun grand disparu, ni à aucun nom vivant ; d’être humaine, généreuse et enthousiaste, comme rarement cela fut le cas, avant et après elle. N’allons donc pas croire qu’il existe une rupture radicale entre la période roumaine intégraliste et la période française de La Poésie commune ; car l’intégralisme reste la notion clé de la création comme de la personnalité de Voronca, d’un bout à l’autre. » Cela pourrait suffire comme on reconnait instinctivement, immédiatement, l’aptitude à une humanité plus concertante et plus étincelante et comme on aime au premier regard ! Mais continuons pour les couches récalcitrantes. C’est dans la tombe qu’il est allé le chercher (Voronca), qu’il a affronté les légions de l’oubli, qu’il a patiemment soulevé, distingué, reconstruit pièce après pièce l’architecture somptueuse de son être et de son œuvre. C’est dans la tombe, parce que c’était son chemin, parce que c’était pour lui, aussi, au milieu des étincelles enfouies, scellées, un lieu de reconnaissance et de fraternité. De la même manière que l’on sonde la pierre et le marbre, Christophe Dauphin nous apprend que l’on peut sonder, sculpter les événements de l’histoire, en extraire le rayonnement primordial échappant à toute corruption, brisant le juste milieu entre l’avant et l’après, la connaissance de ce qui a été, le futur et l’inexistence. Car tout est à jamais « l’instant » dans la création poétique. Et c’est pourquoi l’homme, le grand, l’immense Voronca, il le fait traverser l’état de cadavre, de spectre, de fantôme, d’icône, d’idole languide dans la mémoire, pour le rendre à une actualité réelle, festive et volcanique, à l’actualité de sa vraie vie en Poésie. Et maintenant qu’au fil des lignes cela s’est produit, le poète Ilarie Voronca s’est remis à parler de la quête et de l’espérance, du deuil et de l’exil, de la révolution permanente des lettres, de la beauté de ce jour, de la communauté du rêve et s’apprête à partager le repas avec nous. « À quoi bon une parole qui ne lie pas deux hommes », dit Voronca. Du moins ces deux-là les voici liés !
Qu’il fasse la relation d’une vie, d’un pays, d’une situation géographique ou politique, en quelques traits, avec une conviction, une concision que l’on sent joyeuses, impétueuses, il en dresse la structure fondamentale, d’une géométrie légère, efficace, comme un mobile qui tournoie dans le temps et l’espace, où apparaissent sur les arêtes et les médianes, d’une intelligibilité immédiate, des dates, des repères, des causalités profondes, facteurs du passé et vecteurs d’avenir. Esprit de synthèse ? Assurément, mais si l’on intègre à cette synthèse la part la plus hardie, la plus débridée de l’émotionnel. Rien ne se fait chez Chistophe Dauphin sans les palpitations exorbitantes du sang et du cœur. Car c’est bien le vivant, l’érection édifiante, intemporelle du vivant, le corps historique ainsi délivré ! foi (in Ilarie Voronca, le poète intégral) : « Être juif, naître et grandir en Roumanie au début du XXe siècle et prendre part à l’essor de l’art moderne envers et contre toutes les puissances obscures et conformistes, ne sont pas des faits anodins, qui ne pèseraient que le poids d’une plume dans l’itinéraire de Voronca, comme dans ceux de Tzara, Sernet, Fondane, Brauner, Hérold, Celan ou Luca. On ne peut pas les comprendre, ou alors partiellement ; on ne peut saisir l’essence de leur être et la quintessence de leur création, si l’on ignore ce premier pan fondateur de leur existence, qui loin d’être anecdotique, justifie et explique tout : ce que sont, feront et deviendront chacun de ces artistes, unis fraternellement par la langue, les épreuves, le sang de la révolte et l’encre du rêve. »
En relisant ces deux ouvrages, en vous incitant vivement à le faire, c’est une adhésion fondamentale, une croyance toute palpitante en la lecture, en sa fonction de souffle, d’inspiratrice, que j’ai senti bouillonner en moi. Ce que Christophe Dauphin porte et soutient durant toutes ces pages et verse en substance dans le cœur des lecteurs, c’est cette intention puissante d’amitié et de solidarité supérieures, une intention à vif, opérante et sans cesse aux aguets ! Car c’est bien comme l’ami, le plus élevé, le plus accompli, dans sa bonté essentielle, qu’il nous apparaît, le frère, l’ami investi comme lui d’une vocation sacrée ainsi que l’avait définie les plus grands poètes. Une intention qui est de fait la matière même de son action, concentré de tendresse, de volonté et d’entendement. Aucune fausse route dans sa démarche, son but se détermine d’un trait quand le poète Christophe Dauphin restaure l’âme et le corps du poète Ilarie Voronca quand, par la vigueur de sa parole, de ses images, de son intuition, il ravive le génie de sa joie, de sa foi et de ses oscillations, quand il le fait sortir du cachot du silence et de l’effacement. Écoutons sans que cela prenne fin en nous, car telle est aussi notre mission, les pulsations confondues de leur sang (in Journal inédit) : « La joie est pour l’homme, disais-tu, avant d’ouvrir le gaz et d’oublier de le refermer. Mais, de la joie, que te restait-il ? Moins qu’une fumée de cigarette à la fin de l’incendie du sommeil. Moins que ta vie dans laquelle ton pas est un mot oublié. Tout se dissout, tout part. Je ne sais plus rien. La joie est pour l’homme un cri qui blesse comme une balle perdue ; une balle qui fait toujours mouche… Mais si c’est toi ce brasier rouge, cette flamme, parmi les pierres et les débris du soleil, alors, je veux être l’oiseau aveuglé dont les ailes s’enflamment sous tes paupières vides de cimetière. Alors, je veux être et jeter bas le masque de la douleur, car rien n’obscurcira la beauté de ce monde, qui laisse tomber sa tête sur l’épaule de la fatigue. »
Odile COHEN-ABBAS (in revue Les Hommes sans Epaules n°50, 2020).
|
Critique
De tous les écrivains venus de Roumanie qui, au cours du XXe siècle, ont enrichi la littérature de langue française, Ilarie Voronca est l’un des plus importants et des plus méconnus. Tristan Tzara, Benjamin Fondane, Eugène Ionesco, Cioran et quelques autres font l’objet de nombreuses études ; pour les compléter, la parution de l’ouvrage de Christophe Dauphin est salutaire.
« Poète intégral », Voronca l’est à des titres divers. Théoricien de l’« intégralisme », il fut l’un des rédacteurs de la revue Integral, ainsi que d’autres revues de de cette avant-garde qui caractérisa la vie intellectuelle roumaine de l’entre-deux-guerres. En outre, toute son œuvre, en vers et en prose, relève d’une volonté d’unification « intégrale » des éléments naturels et humains. La biographie d’Eduard Marcus, alias Ilarie Voronca (1903-1946), très précisément rapportée, s’insère ici dans un environnement lui aussi parfaitement détaillé. Les années roumaines, l’installation en France, l’exil et ses difficultés, les brouilles littéraires momentanées, les amitiés, les amours, les rencontres (avec la plupart de ceux qui forment le monde artistique), les ruptures, la période de l’occupation et de la résistance, la quête désespérée du bonheur, jusqu’au suicide au domicile parisien – tout cela est solidement inscrit dans le contexte historique, social, politique, culturel, roumain, français, européen dont la destinée individuelle est indissociable.
Cette biographie est aussi un portrait moral (« Combattre les prisons, la haine, l’angoisse et l’oppression ») et surtout poétique, dans cet espace franco-roumain qu’Ilarie Voronca incarne totalement : symbolisme, avant-garde, intégralisme, lyrisme personnel… il est le poète du « mouvement », de l’« inquiétude », de l’« insatisfaction », de ces états qui ne laissent jamais en repos et d’où émane une incessante évolution.
Voilà un livre indispensable à la connaissance d’un poète majeur, qui plus est écrit par quelqu’un pour qui l’écriture est une matière vivante, puisque Christophe Dauphin, outre ses essais, a publié nombre de recueils poétiques. Son étude, qui s’appuie beaucoup sur les textes, forme un ensemble très documenté (citations, anthologie significative, riche iconographie…) : Ilarie Voronca, le poète intégral est un ouvrage nourri d’authenticité.
Jean-Pierre Longre (in Cahiers Rhône Roumanie, septembre 2011).
|
|
|
|
12 décembre 2013
Dans Rimbaud revue
"Auteur de quelques vingt-sept ouvrages de poésie, prose poétiques ou souvenirs publiés depuis un quart de siècle, Jacques Simonomis n’attendait qu’un commentateur pour que son œuvre connaisse vraiment le rayonnement auquel ses qualités humaines la destinaient. C’est maintenant chose faite par la grâce d’un Christophe Dauphin particulièrement bien inspiré, qui analyse, ausculte une par une et dans tous les domaines les qualités et l’évolution d’un langage haut en couleur, chargé de tendresse humaine et d’authentique révolte face au monde que nous connaissons. Simonomis le sensible nous apparaît plus accessible encore, à travers Sa vérité qui n’est pas celle de tous, son rythme de poète qui casse et brise les tabous, son humour, parfois grinçant, qui met au pilori et les hommes et leurs œuvres, sans oublier le fondateur et l’animateur depuis une bonne décennie du fameux Cri d’os, ouvert à toute œuvre de qualité… Complété par de larges extraits de l’œuvre de Simonomis, cet ouvrage est un tout qu’on ne peut négliger lorsqu’on se penche sur l’œuvre du fondateur du Cri d’os."
Jehan Despert (Rimbaud Revue n°27, 2002).
|
|
|
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
Lectures :
Dans cet ouvrage, Christophe Dauphin présente dans un essai la vie et l’œuvre de Patrice Cauda, suivent un choix de poèmes et des inédits où la signature manuscrite du poète clôt l’ensemble non sans émotions pour le lecteur. Car dans le tremblé des lettres, se révèle tout ce que fut le poète de bouleversements et de ténacité. L’année de sa naissance à Arles est peu certaine, 1925, 22 ou 21, le jour de sa mort est inconnu, seule l’année l’est : 1996.
Christophe Dauphin, sans comparer ni unir leurs destins, fait se rapprocher au plus près Van Gogh et Cauda : La chambre de Vincent c’est celle d’un Patrice, à la différence que toute la famille dort dans la même pièce. En 1939, Cauda part à Avignon, ville où le premier groupe des HSE, qui deviendra celui de Patrice Cauda, exigera le cri cosmique, une attitude d’humanité, le sens de l’actuel, le moment de la tragédie où la vérité est sans parure.
Incorporé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, il est transféré en 44 à Tulle. Faisant partie des 120 otages désignés arbitrairement par les nazis comme objets de vengeance contre la résistance corrézienne (99 hommes seront pendus aux balcons de la ville le 9 juin 1944), Cauda échappera de justesse à la mort. Il écrira : Il ne reste qu’une pierre à leur bouche tordue//Chaque geste est un mensonge - sur le rocher de son secret. Auteur d’une douzaine de recueils et au fronton de deux revues (un numéro spécial Le Pont de l’Épée mis en œuvre par Brindeau, et en 1954 à la Une de la revue Terre de Feu de Marc Alyn), Cauda a reçu en 1961 le prix François Villon pour Mesure du cri.
L’essai de Dauphin restitue à l’homme et au poète toute sa vérité. Non seulement l’intériorité de Cauda est révélée, l’émotivisme de son écriture, mais son parcours dans son temps, tel un tracé métonymique, éclaire ici son existence, celles des poètes de sa génération (similitudes troublantes avec Becker, Brock…) et rend familier le fils, le frère, l’ami qu’il fut parmi ses semblables. La résonance de la poésie est universelle écrit Dauphin, aussi seul fut-il, Cauda n’est pas séparé de ses contemporains ni de nous-mêmes et cette phrase fait alors écho dans le lecteur Je n’ai pas connu Cauda et pourtant je ne connais que lui.
Son écriture a ceci de particulier, qu’aussi douloureuse soit-elle, elle est préservée d’un lamento qui serait égotiste ou masochiste par la beauté du verbe. Cauda ne s’est jamais détaché des autres et du vivant : Ce n’est pas la couleur que je porte/qui fera le ciel moins bleu// L’éveil est dans la chair labourée/de tout ce qui s’effrite et des fureurs/naîtra un cœur plus grand//Un mot lancé comme un oiseau/si loin enroulé autour de quelle terre/pour revenir formé d’une histoire nouvelle//et cet autre vers, sublime, j’habite la lumière qui dépasse l’espoir.
Oui, émotiviste est cette écriture et ancrée dans le moindre geste et mot des autres, dans le moindre frémissement du monde. À celui capable d’écrire La mère défigurée et autres poèmes (je parle très loin à de sensibles secrets), capable de s’adonner à la poésie sans le moindre recul ou la moindre balise, il est juste de répondre par la lecture du livre de Dauphin (et celle des œuvres de Cauda), car oui, Patrice Cauda a peut-être écrit pour nous ces vers :
Cet homme si loin de moi
Posé sur l’autre versant de la terre
Je l’entends me parler toujours
Car sa voix est dans la mienne
Marie-Christine MASSET (in revue Phoenix, 2018).
*
Christophe Dauphin publie ce choix de pèmes de Cauda aux éditions des Hommes sans Épaules. Les cinquante-trois pages d’introduction qu’il consacre au poète sont parfaites. Le destin a sauvé un jeune homme modeste d’une exécution programmée par les nazis ; l’œuvre en découle, dans une modestie d’une rareté exemplaire. Patrice Cauda écrit, dans L’Épi et la nuit, réédité par Jean Breton en 1984 : « Ma vie est l’explication d’une mort. »
Christophe Dauphin signale : « Il y a une amitié, nous le savons, mais davantage encore, une filiation, de Cauda avec les poètes de l’inventaire des blessures, la solitude et les gestes de l’amour, que sont Henri Rode, Alain Borne, Paul Éluard (il y a un ton éluardisant, mais fluide et personnel dans la poésie de Cauda) et surtout Lucien Becker. »
Cauda, qui a rédigé l’hommage ci-dessous, écrira encore de son frère en poésie : « Un homme dont le nom n’est sur aucune lèvre / va devenir un simple trait sur l’horizon. / Après avoir été le sommet du couchant, / il s’apprête à redescendre parmi les pierres. » Ce livre, que donne Christophe Dauphin, apparaît aussi nécessaire que le poète d’Arles [1925-1996] enfin remis en librairie. L’hommage et la lettre suivants sont repris du présent volume. —
Pierre PERRIN (in revue Possibles, nouvelle série n° 34, juillet 2018)
*
Christophe Dauphin nous présente longuement la vie et l’œuvre d’un poète méconnu, Patrice Cauda, grand solitaire inaccessible si ce n’est peut-être par ses écrits. Cet ouvrage est le premier témoignage de l’importance de ce poète.
Sa date de naissance est incertaine, 1921, 1922, 1924 ? Même le jour exact de son décès est sujet à caution. Né à Arles, la ville qui a maltraité Van Gogh, explique dans le détail Christophe Dauphin.
’est une poésie de la noirceur, de l’angoisse, de la douleur et de la souffrance (il faut distinguer les deux). Né dans les échos terribles de la première guerre mondiale, Patrice Cauda devra traverser la deuxième et ses atrocités. Cela n’aide pas à s’orienter vers le pôle de joie. Les poètes de cette époque furent marqués par ce contexte devenu texte.
C’est en 1939 que Patrice Cauda fait une rencontre déterminante, celle d’ Henri Rode, romancier en construction déjà en relation avec Paulhan, Mauriac, Green, Malraux et d’autres. Alors que Rode assume son homosexualité, Patrice Cauda reste voilé. C’est Henri Rode qui décèlera la talent poétique de Patrice Cauda et l’encouragera à écrire. Pris dans l’arbitraire nazi, il échappe de peu à la tragédie de Tulle. Comme beaucoup, il sera silencieux sur l’horreur mais celle-ci affleure sous les mots, fleuve rouge-sans sur lequel naviguer tant bien que mal.
Toute sa poésie sera un cri immense contre l’inacceptable mais un cri d’une lucidité implacable qui exige un dénuement total, ni espoirs, ni préjugés, identifications ou croyances. Cet homme, trop familier avec la mort, toutes les morts, est un poète de la désillusion et de la détresse absolue.
Ses deux premiers recueils sont publiés en 1951 et 1952, Pour une terre interdite et L’épi de la nuit, chez Debresse grâce à Henri Rode. Christophe Dauphin note que jamais Patrice Cauda n’aura présenté lui-même ses poèmes à un éditeur. C’est un poète reclus, incertain de lui-même et du monde. Henri Rode parle de lui comme d’un « poète panique ». Malgré un sens aigu de l’amour, Patrice Cauda fut englouti par les sables mouvants de la solitude. Il abandonna la poésie avant de mourir en 1996 laissant une œuvre bouleversante.
La belle et sensible monographie de Christophe Dauphin est suivie d’un choix de poèmes inédits et saisissants.
Patrice Cauda est un poète de la plus sombre des beautés mais, mieux et plus que n’importe quel modèle psychologique, sa poésie explore au plus profond la psyché humaine. Si vous n’achetez qu’un livre de poésie cette année, achetez celui-ci.
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 17 août 2018).
*
"Tout l'été la cigale - Scelle sa mort - Dans une olive. Livre évènement ! Ouvrier à douze ans, Patrice Cauda l'obscur, le méconnu, est un poète éblouissant, génial; l'un de ceux qui resteront. Poète, essayiste, Christophe Dauphin, qui dirige la revue Les Hommes sans Epaules, fait revivre l'auteur de Pour une terre interdite, avec lyrisme, émotion, précision. Nus, racés, puissants, plus ou moins désespérés, suivent cent quarante poèmes à couper, bien souvent, le souffle..."
Michel DUNAND (in revue Coup de Soleil n°103, juin 2018).
*
"Cest un peu un tour de force de la part de Christophe Dauphin d’écrire un essai sur Patrice Cauda (1922, date approximative-1996) poète autodidacte. Il ne l’a pas connu d’une part et d’autre part, l’homme étant avant tout discret et mystérieux, il n’y a guère de témoignages et de documents le concernant. Mise à part, bien entendu, la quinzaine de recueils qu’il a publiée de 1952 à 1967. Avant de s’arrêter d’écrire, définitivement. Ce qui somme toute délimite une période assez courte de sa vie.
L’auteur s’attarde sur sa ville natale, Arles, en digressant sur Van Gogh, avant d’en venir à Avignon où il rencontre celui qui sera un peu son mentor : Henri Rode (Les Hommes sans Épaules, Poésie 1), puis Tulle où il travailla, pendant la guerre, et Christophe Dauphin nous rapporte avec son sens du récit l’épisode où on peut le considérer comme un miraculé puisqu’il ne fut pas exécuté en tant qu’otage, alors que 99 sur 120 le furent...
Le choix de poèmes et les inédits rassemblés (sur la période 1944–1967) montrent un poète assez noir, ce qui montre bien sa modernité encore aujourd’hui. « Où donc est ma place sur la terre / si le ciel s’y refuse / en me poussant vers un lointain / sans rive aux contours définis » Sa poésie se distingue par sa grande sincérité. Il n’hésite pas à écrire : « La nudité est l’objet du poème ». Et ses vers s’étirent souplement dans des strophes élastiques. « Mon Dieu comme c’est long / ces jours soudés avec les nuits / et ce cœur qui ne veut pas moisir ».
Il y a des images récurrentes comme celle du poignard, mais le mot espoir revient souvent cependant. On devine une poésie où l’isolement et la solitude règnent, et une vie de souffrance et d’inquiétude. « Seul dans le vide résonne / Cet appel de bête blessée / Qui erre dans l’obscurité des mondes ». Le poème « La mère défigurée » est une suite très émouvante sur la mort de sa mère. Autre temps fort de cette anthologie : « Le péché radieux » où il ne cache pas sa tendance amoureuse : « …ma lèvre se fait religieuse / devant cette fleur de chair dressée / tu me soulèves vers un autre monde… » Le titre « Le péché radieux », dans une alliance de mots, associe à la fois le bonheur et la honte, et c’est peut-être dans ce rejet ressenti de la société que réside son mal être qui caractérise sa poésie à la fois splendide et douloureuse. Ainsi peut-il écrire dans ce même domaine un peu mystique : « Je soutiens ma vie avec des clous sanglants. »
Jacques MORIN (cf. "Les lectures de Jacmo 2018" in revue-texture.fr, septembre 2018).
*
"Christophe Dauphin surprend toujours par sa capacité à découvrir des auteurs méconnus, souvent au parcours douloureux et au destin tragique, et à sortir leurs œuvres de l’ombre où elles se tiennent. La vie « sans joie » du poète Patrice Cauda, dont la date de naissance même est incertaine (entre 1921 et 1925), témoigne des drames du siècle dernier. Enfant pauvre élevé par sa mère, rescapé d’un terrible massacre commis par les nazis en 1944, il eut l’existence recluse et solitaire, faite de misère et de précarité, d’« un mort qui marche » jusqu’à son décès en 1996. Au terme d’une minutieuse recherche, Christophe Dauphin parvient à retracer le destin brisé de celui qui ne pouvait qu’« écrire contre la mort comme on écrit contre un mur ». Son essai biographique est suivi d’un copieux choix de poèmes de Patrice Cauda dans deux tiers de l’ouvrage."
Marie-Josée Christien (chronique "Nuits d'encre", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
*
"Un essai sur la vie et l'oeuvre de P. Cauda (1925-1996), poète méconnu dont l'oeuvre est inspirée par les atrocités qu'il a vécues pendant la Seconde Guerre mondiale."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
*
"Un choix de poèmes inédits de Patrice Cauda, poète important et emblématique de la revue Les Hommes sans Epaules, écrits entre 1944-1967, opéré par Christophe Dauphin. Né à Arles (sa date de naissance reste un mystère: 1921/1922 ? 1925 ?), Patrice Cauda, poète et homme du peuple, rescapé des massacres de Tulle, s'est forgé en tant qu'autodidacte et sera ouvrier dans un usine à douze ans, garçon de café, préposé au vestiaire dans vingt caravansérails, représentant des éditions Pauvert. Il vivra toujours, aliéné, d'un métier purement alimentaire.
Patrice Cauda appartient à l'une de ces générations de poètes nés pendant et après la Première Guerre mondiale et... dans l'attente de la Seconde: cela façonne un être. Ses premiers poèmes sont écrits après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et notamment une suite de six poèmes, pour lesquels Jean Breton écrit : "Ces poèmes demeurent un monument d'émotion que peu de poètes ont pu en hauteur égaler..."
Les thèmes de sa poésie: la haine de vivre d'un métier qui en le concerne pas, la solitude, la ville, la nature, la banalité, la vilénie des êtres, la mort promise, mais aussi l'amitié, la beauté, le plaisisr qui seul bouscule un moment le malheur. La douleur chemine sous la peau du poète; elle creuse et s'élargit; elle semble ne pas avoir de frontières: Je suis un cri qui marche. La solitude étant sans remède, malgré l'amour, la sensualité, la fraternité, Patrice Cauda s'y enfonça, peu à peu, puis définitivement, en guettant la chute des jours. Il abandonna la poésie et son coeur cessa de frapper: il meurt en france en 1996 dans l'anonymat.
Le cas d ece poète solitaire, de ce mystérieux orphelin, élevé dans la chaleur humaine, mais dans la pauvreté, la misère, prolétaire n'ayant quasiment pas été scolarisé, misérable, dénué de formation et de culture qui était Patrice Cauda, ne pouvait que susciter un vif intérêt chez Christophe Dauphin (né en 1968, à Nonancourt). Ce dernier, poète de l'émotivisme, essayiste, membre de l'Académie Mallarmé, est aujourd'hui directeur de la revue Les Hommes sans Epaules.
Parallèlement à son oeuvre de création, il a écrit de nombreux articles critiques et théoriques. Il est l'auteur de trois anthologies de la poésie contemporaine, de seize livres de poèmes et d'autant d'essais sur la poésie contemporaine et l'art moderne."
Mirela PAPACHLIMINTZOU (in revue Contact+ n°82, Athènes, juin 2018).
*
Patrice Cauda est aussi au nombre des poètes auxquels Christophe Dauphin a consacré un de ces volumes. Cette fois-ci cette anthologie dont il est l’unique maître d’œuvre nous permet de découvrir ou de redécouvrir à nouveau un grand poète : Je suis un cri qui marche, Essais, choix et inédits. Orphelin, ouvrier et rescapé des massacres de la seconde guerre mondiale, cet immense poète autodidacte nous émerveille, nous émeut, nous intimide, tant est puissante sa poésie, d’une gravité incroyable, d’une densité surprenante. Classique au demeurant, mais il en faut du talent pour marcher dans les pas de prédécesseurs qui ont tout exploité des richesses de la langue…croit-on, car Patrice Cauda nous démontre que l’on peut encore avancer en territoire connu.
Mon Dieu comme c’est long ces jours soudés avec les nuits et ce cœur qui ne veut pas mourir
Tant de cris pour l’obscurité toutes ces mains qui se balancent et cette sève infusée aux choses
Corps maladif retenu aux heures tu n’as pas fini de trahir sans un geste comme un fruit trop mûr
Terre muette touchée par les morts qui espire l’inquiétude des pas accrochés semblables au lierre sur la pierre
Ce front plissé ressemble à la vie où chaque instant marque son passage pour qu’un fleuve recommence la mer
Carole MESROBIAN (cf. "Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules" in recoursaupoeme.fr, 4 janvier 2019).
*
"La première série de la revue Les Hommes sans Epaules fut fondée par Jean Breton en 1953, avec des poètes tels qu'Henri Rode ou Serge Brindeau. Elle sera proche de figures telles qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Elle sera proche de poètes tels qu'Alain Borne ou Lucien Becker et durera jusqu'en 1956. Parmi les poètes liés à la revue, Christophe Dauphin, qui en dirige la troisième série, fait revivre le "poète méconnu" Patrice Cauda dans un volume anthologique.
En juin 1944, à l'âge de dix neuf ans, Cauda vécut une exéprience traumatique, en échappant de peu à la pendaison dans la ville de Tulle, où les Allemands avaient commencé à exécuter de la sorte quatre-vingt-dix-neuf hommes. Il sera ouvrier, vivra de petits métiers, et trouvera des amis dans la communauté poétique d'Avignon. Quel poète, quelle poésie peuvent naître de telles prémisses ? Une poésie qui crie en taisant les choses, toujours traversée de filigranes, une poésie bouche et yeux ouverts et fermés à la fois : "Derrière son masque cet homme - cache une plaie - seules ses paupières fermées - montrent le cri qu'il fait... - L'ombre connaît sa douleur - profonde et sans racine - son amour comme uen moisson - rongée par le règne du mal." Ce poème ouvre la section des inédits, dont la datation commence en 1944...
De 1952 à 1964, le poète publie une quinzaine de plaquettes, de cette écriture où l'explicite et la simplicité directe s'allient à la suggestion des images : "De tant de douleurs comment faire une vie - Trop de larmes ont noyé le bonheur - Le jour n'est plus qu'un désert à traverser - Au fond du coeur l'amour n'a plus de cris."
Il faut particulièrement signaler, dans son premier livre, "Pour une terre interdite" (1952), le long poème adressé à la mère du poète ; cette "Mère défigurée" doit compter parmi les poèmes les plus poignants et les plus évidents à la fois, dans l'expression retenue et intense du deuil et de l'amour : "cette femme en robe ancienne est une morsure", dit le fils, qui avoue plus loin : "Un soir elle a dit je suis fatiguée - nous n'écoutions pas le sommeil - elle est morte sans nous déranger - nous nous sommes dispersés dans l'ombre.
Puissent Christophe Dauphin et les éditions Les Hommes sans Epaules poursuivre leur ouevre de redécouverte d'autres poètes méconnus."
Gérald PRUNELLE (in Le Journal des Poètes n°2, Belgique, 2019).
*
Christophe Dauphin nous fait découvrir un poète contemporain, Patrice Cauda (1921-1996), né en Arles, dans une famille pauvre, de père disparu. C'est un Rimbaud sans culture et sans fuite, originaire du pays de Van Gogh, dont Christophe Dauphin souligne la communauté de destin.
Le poète est demeuré inculte jusqu'à l'âge de dix-huit ans environ, âge auquel il fait la rencontre d'Henri Rode et des Hommes sans Epaules.
Puis c'est la tragédie de Tulle, en 1944, où il a vu la mort arriver très près.
L'homme reste obstinément humble et secret; jamais il ne s'offre aux revues ni aux éditeurs; ce sont ses amis Henri Rode, Jean Breton et Serge Brindeau qui le poussent.
Pour Christophe Dauphin, Patrice Cauda est le poète "de l'inventaire des blessures", dans la lignée de Lucien Becker, Paul Eluard, Alain Borne et Henri Rode.
Les trois quart du livre sont une anthologie - livres parus et nombreux inédits - de cette poésie profondément déchirée, dominée par la parole qui manque d'air, où le sens domine : "Je voudrais vomir tout mon ciel".
Le néant gagne et l'homme s'affole : "Autour du granit de chaque jour - les mains battent comme des oiseaux - perdus sur une mer sans rivage".
La poésie; même, parfois en peut rien contre la désillusion : "Les doigts assemblent des lettres - Dont la somme est trahison".
Il y a cependant de l'espoir : "J'habite une lumière qui dépasse l'histoire". Avec parfois cette image christique du poète maudit : "il faudrait une blessure à nos flancs - pour percevoir notre musique intérieure". Nul doute qu'ici Christophe Dauphin nous la fait entendre.
Bernard FOURNIER (in revue Poésie Première, 2019).
*
|
|
|
Arret Application SelArray sur SELECT * from livres_auteur WHERE id_livre= order by id_auteur ASC Erreur Mysql 1064 : You have an error in your SQL syntax; check the manual that corresponds to your MariaDB server version for the right syntax to use near 'order by id_auteur ASC' at line 1 | |