Les Hommes sans Épaules


Numéro Spécial GUY CHAMBELLAND POETE DE L'EMOTION

Numéro 21
184 pages
Premier semestre 2006
17.00 €


Sommaire du numéro



Editorial : "Guy Chambelland, poète de l'émotion ! ", par Christophe DAUPHIN

Cinq poèmes pour Guy Chambelland : Poèmes de Jacques KOBER, Claudine BOHI, Christophe DAUPHIN, Jacqueline LALANDE, Alain BRETON

Ainsi furent les Wah, poètes du Pont de l'Epée : Poèmes de Robert GOFFIN, Thérèse PLANTIER, Jean ROUSSELOT, Pierre CHABERT, Alain BORNE, Frédéric Jacques TEMPLE, Albert FLEURY, Patrice CAUDA, Jacques KOBER, Marie-Françoise PRAGER, Roger-Arnould RIVIERE, Paul VINCENSINI, Jean BRETON, Guy PRÉVAN, Jean-Louis DEPIERRIS, Vim KARENINE, Paul FARELLIER, Jocelyne CURTIL, Yves MARTIN, Miron KIROPOL, Javotte MARTIN, Jacquette REBOUL, Roger KOWALSKI, Christian BACHELIN, Denis CLAVEL, Jean-Pierre VÉDRINES, Alain SIMON, Claudine BOHI, Jehan VAN LANGHENHOVEN

Dossier : "1996-2006 GUY CHAMBELLAND, par Christophe DAUPHIN

"Guy Chambelland ou la quête du Graal dans la boue de l'être", par Christophe DAUPHIN

"Comme des Dieux montent le noir du lait", Poèmes choisis 1961- 1996, de Guy CHAMBELLAND

"Guy Chambelland, après l'homme excédé, le poète excessif", par Alain SIMON

"A propos de "Courtoisie de la fatigue", quelques notes dans les marges d'un grand livre, par Paul FARELLIER

Témoignages sur Guy Chambelland : Textes de Pierre CHABERT, Frédéric Jacques TEMPLE, Gérard UNIACK, Paul FARELLIER, Jacques KOBER, Jocelyne CURTIL, Jean-Pierre VÉDRINES, Alain SIMON, Guy PRÉVAN, Jean BRETON, François MONTMANEIX

Le Poète de coeur : Ilarie VORONCA

Avec la moelle des arbres : Notes de lecture de Jean CHATARD, Karel HADEK

Infos/Echos des HSE : par Rose-Hélène ICHÉ

Présentation

GUY CHAMBELLAND OU LA QUÊTE DU GRAAL DANS LA BOUE DE L'ÊTRE

(Extrait)

la+lgr.jpg"...Guy Chambelland est mort brutalement le 13 janvier 1996. On a parlé d’autodestruction et de suicide. Une chose est certaine, c’est que le poète traversait peut-être sa période la plus noire. Il semblait être totalement absorbé, et de façon irréversible, par l’œil du cyclone de ses abîmes. Depuis sa disparition, nombreux sont ceux et celles qui lui trouvent à présent du génie et vont jusqu’à le revendiquer, le plaindre et le louer comme un éditeur incomparable. Chambelland n’a jamais eu autant « d’amis » que depuis qu’il est mort, mais la critique assise ne lui a pas pour autant pardonné ses volées de bois vert. Guy Chambelland poète, n’occupe pas encore la place qui lui revient dans le panorama poétique contemporain... L’importance de son héritage se mesure tant sur le plan de son œuvre personnelle, qu’à travers son travail d’animateur... Sous le titre « Hommage à Guy Chambelland », notre revue à déjà salué (cf. Les Hommes sans Epaules n°7/8, mars 2000) la mémoire et l’œuvre de notre ami. Ce numéro double contenait une réédition de son recueil Limonaire de la belle amour. Il est depuis longtemps épuisé. Ce deuxième numéro spécial des HSE, paraît quant à lui à l’occasion du dixième anniversaire de la disparition du Poète de l’Épée, comme l’a baptisé Paul Farellier. Ce numéro s’imposait. Notre projet n’a pas été guidé par la complaisance, mais par l’unique motivation de faire lire, relire, découvrir et redécouvrir Guy Chambelland, un grand poète, un éditeur des plus avisés, un critique des plus fins, un polémiste redoutable et redouté, dont l’action éclatante est à jamais liée à l’histoire et à l’esprit de notre revue, tant la proximité entre Guy Chambelland et chacun d’entre nous fut grande, Jean Breton au premier chef. Nombreux sont les poètes qui ont souhaité s’associer à notre projet : les Wah en témoignent...  Faut-il rappeler que Guy Chambelland créa et dirigea Le Pont de l’Épée (82 numéros de 1957 à 1983), soit la meilleure revue de découverte poétique de la fin du XXème siècle ? Le Pont sous l’Eau lui succèdera de 1988 à 1996, le temps de 8 numéros. Les titres peu banals de ces deux revues proviennent de l’histoire de Lancelot, l’œuvre de Chrétien de Troyes... Travailleur acharné, Chambelland n’abandonnera jamais sa quête d’authenticité, en faisant fi des modes comme des cultures d’apparat ou des politiques. De Dijon à sa désormais mythique librairie parisienne (aujourd'hui tenue par Elodia Turki et Alain Breton, deux poètes de ses amis, qui y animent les éditions Librairie-Galerie Racine), située au 23, rue Racine, où il s’installera en juin 1980, en passant par le midi de la France, Chambelland ne cessera de promouvoir ses poètes comme d’arpenter ces chemins de traverse qu’il voudra absolument voir converger vers la beauté : « L’histoire c’est une texture d’absurdité et de saloperies. La beauté c’est l’illumination dans cette misère. La beauté vient d’ailleurs, elle ne constitue pas la texture de l’existence, elle a donc un caractère divin, sacré, mythologique. Ce qu’il y a d’extraordinaire dans la beauté, c’est qu’elle suspend la misère. Si je mets le « prélude et fugue en fa majeur » de Bach, la misère est suspendue. J’ai la beauté. » Si la vie de Guy Chambelland fut riche, c’est avant tout de poésie.. . Le métier de poète, selon Chambelland, il y faut « de la tripe, de la patte, du cœur et du ventre », a écrit le poète... "


Christophe DAUPHIN

(Extrait de, Guy Chambelland ou la quête du Graal dans la boue de l'être, in Les Hommes sans Épaules n°21, 2006).

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DISCOURS



Si plus sûrement niché qu'au cœur du fruit le ver
tous rythmes dénoncés
la toujours soudaine nuit de l'ennui gagne l'âme
je jauge le faux pouvoir des mots.
je ne peux plus nommer les choses par leurs noms
ou si je dis leurs noms ce n'est plus leur langage
Rose n'est plus la rose et même Mort me ment
Sans la mer sans ses yeux seul Rien laisse en ma bouche
ses balances pourries plus qu'une épée sans lame.
Vaine l'innocence de l'enfant
éteints les soleils de l'amour
mes mots je suis l'auteur d'une mauvaise pièce
que jouent des masques mal moulés
dans un théâtre vide

Seul alors s'en tire le poète

J'appelle poète
qui d'abord existe
(même sans écrire)
et parie
hors toute considération des causes premières
le rêve et le quotidien

J'appelle poète
qui dialogue avec la beauté
(sexe de l'âme)
sans souci d'en donner une définition jargonnante

J'appelle poète celui qui
répond à l'insolente absence d'un dieu
par l'invention sereine de ses dieux personnels.



                                  Guy CHAMBELLAND

                                  (in Les Hommes sans Épaules n°21, 2006).



Quand le cheval oublié de l'histoire
amble le soir ses yeux désespérés
et que le cœur devient comme le pré
qui perd ses fleurs et trahit ma mémoire

Je hèle l'Ange aux silences cuivrés
miroir posé devant d'autres miroirs
lui qui tilleule au linge des armoires
lorsque nos doigts y sont désemparés

L'accordéon mouline un petit dieu
un sein perdu et renversés des yeux
où la douleur improvise un mensonge

qui ferait croire à l'ange remplaçable
quand sur les vins éparpillant la table
entre les verres la mort putain s'allonge.



Guy CHAMBELLAND

(in Les Hommes sans Épaules n°21, 2006).



Revue de presse

2006 - À propos du numéro 21

    « Un communiqué des HSE  nous informe de la disparition de Jean Breton qui, pour moi, est toujours resté le fondateur de la collection de poésie à 1 franc (français de 1969), que beaucoup ont abandonnée lorsqu’elle est passée à deux francs. Mais en fait il fut surtout un poète discret, auteur avec le regretté Serge Brindeau, en 1964, d’un ouvrage que je rêve de découvrir, mais épuisé depuis longtemps : Poésie pour vivre, le manifeste de l’homme ordinaire, qui paraît-il a fait de lui à l’époque « le chef de file des poètes de l’émotion ». C’est ce que rappelle le comité de rédaction de la revue littéraire qu’il fonda en 1953, Les Hommes sans Épaules (référence au grand maître de l’anticipation Rosny, encore un Belge !), qui continue aujourd’hui ses livraisons semestrielles…. La revue Les Hommes sans Épaules n°21, n’a donc plus Jean Breton, ni Guy Chambelland, disparu en 1996, et à qui un premier hommage avait été consacré en 2000 (n°7/8). Elle récidive aujourd’hui dans un imposant dossier, ce qui permet ma question. Et la réponse est oui. Bien d’autres poètes ont fondé des revues, souvent avec peu de chances de réussite, et même certains n’ont pu sortir qu’une seule ou peu de livraisons, parfois devenues célèbres. Indication de plus que les deux « métiers » peuvent (presque doivent pour d’aucuns) être vécus avec la même passion. Chambelland, lui, a réussi son entreprise avec la revue Le Pont de l’épée, mythique, et ses éditions, devenues classiques par les choix rigoureux du revuiste et poète. Christophe Dauphin introduit le dossier et le salut de nombreux poètes d’aujourd’hui, mais j’ai particulièrement apprécié la petite anthologie de la revue et des éditions reprenant un texte paru souvent il y a bien longtemps et où j’ai le plaisir de retrouver mon voisin Robert Goffin, de La Hulpe, que je n’ai pu rencontrer (1898-1978), que par le canal d’une autre revue mythique (et belge) : Empreintes. Beaucoup de noms connus dans ce choix très partiel, preuve de la rigueur du poète-éditeur. »
    Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°207, La Hulpe, Belgique, novembre 2006).

    « Les HSE n°21. Un habituel riche choix de textes de fond des éditions Chambelland pour une virée dans le passé, dominante années 60, 70, suivi d’un dossier consacré à l’éditeur pour se rappeler qu’il fut également un excellent poète : ... les bras me poussent / jusqu’à l’illusion des autres / qui nourrit le mot poésie. »
    Yves Artufel (Liqueur 44 n°79, hiver 2006).

    « Christophe Dauphin a orchestré ce numéro 21 des HSE, consacré à Guy Chambelland, poète de l’émotion, disparu brutalement le 13 janvier 1996. Dix ans plus tard, François Montmaneix souhaite que soit comblé « une partie du trou noir creusé autour de Guy Chambelland, le directeur de la revue Le Pont de l’Epée et l’un des plus importants éditeurs de poésie de la seconde moitié du XXe siècle. » Pour ce faire, un choix de poèmes de vingt-neuf poètes édités par Chambelland. Qu’on me permette de citer Robert Goffin, Jean Rousselot, Alain Borne, Paul Vincensini, Javotte Martin, Roger Kowalski, déjà décédés et d’attirer l’attention sur le poème inédit « La mission du poète », d’Ilarie Voronca. Suivent plus de quarante pages d’un choix de poèmes de Chambelland, qui porte mémoire et rend justice à son talent de poète, souvent laissé au second plan, derrière le travail du critique et de l’éditeur. Dix témoignages de proches viennent conclure cette évocation. »
    Paul Roland (Rétro-Viseur n°106, mai 2007).

    « Les HSE n°21, où nous retrouvons Jean Chatard… Mais LE dossier, dans ce numéro, est consacré à l’aventure, au rêve au bout du chemin, au Katmandou des poètes qu’il a su longtemps incarner : Guy Chambelland – et Le Pont de l’Epée, bien sûr, des textes de cette figure mythique. Et puis, Les Hommes sans Epaules, les Wah se souviennent, dix ans après sa mort du « poète de l’émotion », selon le mot de Christophe Dauphin qui nous raconte encore le grand homme dans un article qu’il intitule Chambelland ou la quête du Graal dans la boue de l’être. Il y a aussi des témoignages, une dizaine : Chabert, Temple, Uniack, Farellier, Kober, Curtil, Védrines, Simon, Prevan, Breton, Montmaneix… Il y a aussi les « poètes du Pont » : une trentaine de poètes – chacun avec sa notice bio et biblio – et un de leurs poèmes tous publiés à un moment par les Editions Chambelland ou par Le Pont de l’Epée. Impossible de les citer tous ! Mais tous sont présents. Emouvant. »
    Alain Lacouchie (Friches, février 2007).


    « Peut-être est-ce le moment de dire ici que Jean Breton, fondateur des Hommes sans Épaules, en 1953 et de Poésie 1 est décédé le 16 septembre 2006 à son domicile parisien des suites d’une longue maladie. Il aura indiscutablement, marqué ce XXe siècle en poésie tant comme animateur que comme poète. On lui doit Poésie pour vivre, le manifeste de l’homme ordinaire (1964) qu’il co-écrivit avec Serge Brindeau. Il fut un chef de file des poètes de l’émotion et, certainement, un grand poète de l’amour… Ce numéro 21 des Hommes sans Épaules est consacré à Guy Chambelland, vieux complice et ami de Jean Breton, autre grand poète de l’émotion disparu, lui, en 1996. Pour qui a connu et fréquenté Guy Chambelland, ce numéro est précieux à plus d’un titre. « Guy Chambelland et Jean Breton sans souci de théorisation, ont été les premiers à parler d’émotivisme en poésie. Je qualifierai d’émotivisme, écrit Christophe Dauphin dans son éditorial, la poésie qui nous occupe et que nous défendons. Émotiviste, c’est-à-dire vécue et ressentie vitalement. Cette poésie se soucie fort peu (voire méconnaît) des déviations pathologiques qui ont nom esthétique, littérature ou autres, et qu’un monde désensibilisé par l’usage quotidien et machinal de sentiments réduits aux fantômes de leurs propres ombres lui a imposées envers et contre les poètes. » Collaborent à ce numéro de nombreux auteurs ayant vécu dans la galaxie Chambelland, les poètes du Pont de l’Epée, de Robert Goffin à Jehan Van Langhenhoven, en passant par Rousselot, Chabert, Borne, Temple, Vincensini, Breton, Martin, Kowalski, Bachelin, Simon… parmi les 85 que Chambelland s’enorgueillit d’avoir édités. Autrement dit, un travail de mémoire important qu’il faut saluer à sa juste valeur. Christophe Dauphin et la revue Les Hommes sans Épaules nous offrent là une publication d’exception. »
    Jean-Pierre Védrines (Souffles n°217, février 2007).

    « Christophe Dauphin nous parle d’abord, dans ce n°21 des HSE, de Guy Chambelland, poète de l’émotion, qui nous quitta brutalement en janvier 1996. Il n’a jamais eu autant « d’amis » nous dit Dauphin, que depuis qu’il est mort. Il évoque, à cette occasion, sa complicité avec Jean Breton et quelques poètes représentatifs de la revue du Pont de l’Epée, porte-voix de Guy Chambelland…  La rubrique « Ainsi furent les Wah » présente les poètes du Pont. On ne peut les citer tous… Tous ceux-là, plus quelques autres, constituaient en quelque sorte, la prestigieuse « écurie » Chambelland qui n’a toujours pas la place qu’il mérite. Bel hommage de Christophe Dauphin à Chambelland, qui ne pouvait guère rêver meilleur exégète et apologue. Suit un large choix de poèmes extraits des différents recueils de Guy (1961-1996). »
    Jean Orizet (Poésie 1/Vagabondages n°49, mars 2007).
   
    « Important hommage est rendu, dans ce n°21 des HSE, à Guy Chambelland, disparu le 13 janvier 1996. Christophe Dauphin parle de son émotivisme en poésie, mais aussi de son talent de pamphlétaire et de polémiste ; Alain Simon de « l’homme excédé, le poète excessif » ; Paul Farellier note son « authentique pudeur qui sait tromper l’ennemi » à propos du livre Courtoisie de la fatigue ; Pierre Chabert le compare à Balzac !; Frédéric-Jacques Temple rappelle « qu’il a donné le meilleur de lui-même à la poésie en la servant et non pour s’en servir » ; Gérard Uniack dresse son portrait en « sorte de Biribi avec une élégance nonchalante » ; Jean Breton note « ce don des rythmes, des raccourcis et des images comme palpables, ces truculences du parlé, ces préciosités rares ». Christophe Dauphin rappelle aussi que Guy Chambelland a publié Ilarie Voronca dont il donne un inédit… Ce numéro est accompagné de cinquante pages de poèmes en l’honneur de Chambelland, venus des poètes du Pont. »
    Bernard Fournier (Aujourd’hui poème n° 15, avril 2007).

    « Les poèmes les plus percutants de Guy Chambelland, large choix proposé par LES HOMMES SANS ÉPAULES n°21, mêlent la vigueur de l’amant et la douleur de l’homme : J’allais dire – Cette femme dans la rue à la gueule étonnante – ses yeux feutrant le foutre – et son cul balancé comme une horloge à couilles – j’allais tenter de dire – l’instant mâle touché du dieu ». Qui oserait encore écrire comme ça ? Question qui me permet d’enfourcher mon dada car si Chambelland est une nature (un de ses amis dit qu’au physique il ressemblait à Flaubert…), ses poèmes sont aussi la résultante d’un contexte historique : il commence à écrire en pleine poésie nationale (1945), il continue sous les pesanteurs d’un ordre moral qui explosera en 1968… Sinon ses amis à Chambelland témoignent, sans ménagements mais avec tendresse, du caractère vif du bonhomme, de l’énormité de son travail d’éditeur, de revuiste au Pont de l’Épée. Ils n’oublient pas d’indiquer que le petit monde littéraire parisien (bah ! un monde littéraire chasse l’autre) en veut toujours à Chambelland et que dans sa disgrâce il a entraîné avec lui ses auteurs. »
    Christian Degoutte (Verso n°131, décembre 2007).