Dans la presse

 

Tri par numéro de revue
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Tri par date
 



Lectures :

Christophe Dauphin a une longue histoire avec Ilarie Voronca, poète roumain né dans une famille juive non pratiquante, mort par suicide en 1946 à l’âge de 42 ans. Ce dernier appartient à « cette catégorie rare et précieuse » dont l’œuvre accompagne toute la vie. Christophe Dauphin, avec l’appui indéfectible de la revue LHSE et de quelques personnalités, œuvre courageusement depuis les années 90 pour faire connaître le poète alors ignoré et oublié dans son pays d’adoption comme dans son pays d’origine.

Rappelons son essai Ilarie Voronca, le poète intégral (Rafael de Surtis, 2011) et son action pour sauver sa tombe en 2010.

Christophe Dauphin lui consacre ici son éditorial et le dossier principal du numéro, lui associant les poètes du Rouergue et du Gévaudan. A l’instar de ses compatriotes et amis, Tristan Tzara et Benjamin Fondane, Voronca, alors reconnu comme « un phare du constructivisme roumain », s’installa à Paris en 1933 mais, en danger du fait de ses origines juives et de ses écrits, il rejoignit Rodez en 1943. Ce fut une période importante de sa vie, car il a fait partie du maquis le plus important de l’Aveyron.

Le numéro publie aussi des poètes du Rouergue de la génération de Voronca, dont Jean Sénac et Claude Sernet, ainsi que Antonin Artaud et Paul Eluard qui y ont été soignés, puis une série de poètes contemporains tels Marie-Claire Bancquart, Bernard Noël, Marcel Chinonis, François Laur, Monique Labidoire, Francis Combes et Bernard Fournier.

Le numéro se clôt sur un appel au soutien à l’écrivain Boulam Sansal, arrêté à Alger en novembre 2024 et « toujours emprisonné dans les geôles d’un régime corrompu ». 

Marie Josée CHRISTIEN (in revue Spered Gouez n°31, 2025).

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Les Hommes sans Épaules consacrent ce numéro 59 à Ilarie Voronca & les poètes du Rouergue et du Gévaudan.

Eduard Marcus, devenu Ilarie Voronca (1903-1946), méritait ce numéro, lui qui reste encore méconnu malgré un talent et une œuvre qui continuent de fasciner. Franco-roumain, il est frappé d’oubli aussi bien en Roumanie qu’en France. Il fut l’un des piliers des avant-gardes roumaines, détruites par les dictatures successives, qui trouvèrent en partie refuge en France. Christophe Dauphin raconte cette histoire complexe, encore douloureuse, et finalement toujours largement incomprise.

Réfugié, juif et antifasciste, Voronca fut sa vie durant sujet à des traques, des exclusions ou des indifférences marquées. Il fut un grand solitaire malgré son épouse, Colomba Spirt, intellectuelle, non-conformiste, égérie des peintres et poètes de Bucarest, et un autre amour, Rovena. Les joies ne font que masquer temporairement une détresse essentielle.

Pendant l’occupation nazie, il trouve refuge à Rodez et en Aveyron où, heureusement, il rencontra de vrais compagnons de route.

Son œuvre, poésie et prose, est vaste et pleine d’intensités à la hauteur de l’errance.

Le dossier très fourni établi par Christophe Dauphin permet d’approcher certains aspects d’un être qui demeure insaisissable et d’une œuvre bouleversante, habitée par la mort.

 

L’attendue


Il y a des pierres ici, des arbres et des herbes

Qui veulent te connaître et attendent tes mains

Il y a le satin de la mer qui attend ton corps

Pour en épouser le rayonnement et les contours.

 

Ton nom qui a fleuri l’univers de la chambre

Les flûtes des saisons qui attendent tes lèvres

Toute la création espère en ta venue

Car sans toi, tout est privé d’éclat.

 

C’est pour toi que les oiseaux chantent

Et la nuit met sa robe de velours pour ton souffle

C’est pour toi que les fleurs assemblent leurs couleurs

Car ton regard est leur plus glorieux parfum.

 

Tu te meus en silence et pareille aux nuages

Ne montrant que ton ombre sur les violons de l’eau

Parmi les choses dont la mémoire dessine

Ta place nettement entre les murs éteints.

 

Insaisissable, si je passe entre tes voiles

N’est-ce pas pour chanter ta tristesse partout

Ce désir violent qui t’amène vivante

Les doigts parés de tous les feux du souvenir.

 

Ce superbe numéro des HSE permettra sans doute à certains de découvrir un poète d’exception, et rendre un peu plus dense le « fantôme ».

 

Rémi BOYER (in lettreducrocodile.over-blog.net, 11 avril 2025).

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Lectures :

" Le numéro 60 des Hommes sans Epaules débute par un éditorial de Fernando Arrabal sur l’exil; l’exil, véritable terre des poètes comme des immortels jusqu’à l’arrivée de l’exil de l’exil :

« En exil, la science et l’art font le lien entre l’esprit et la beauté. Serait-il excessif de dire que précisément l’art et la science n’ont nul besoin « d’assis » mais de saints… plutôt même que de révolutionnaires ou de réformateurs avec leurs plans tirés au cordeau ? L’exilé peut être confiné comme une chauve-souris… pour écrire comme un aigle royal. Avec talent, il utilise tout ce dont il se souvient, et avec génie tout ce qu’il oublie. Grâce à cela, il espère se libérer de la dégradante obligation d’être un artiste de son temps. L’art pour l’exilé c’est la patrie qui l’accompagne. L’amour charnel ne l’émeut que lorsqu’il est peint come désastreux ou maladroit. L’exilé n’est pas suspendu au désir stupide de provoquer. La provocation surgit, imprévisible comme le succès ou l’amour. C’est en exil qu’il est le plus facile de se passer du bonheur. L’histoire, plus que le fait, répercute son écho dans la légende. Mais chaque époque se nourrit d’illusions pour ne pas mettre un linceul au présent. Puissé-je jouir toujours de cette immense aurore et de cette patineuse nommée théâtre et poésie ? »

Ce numéro est principalement consacré aux poètes et peintres catalans, notamment à ceux qui luttèrent contre le franquisme. L’exil, de corps ou d’esprit, est ainsi très présent dans leurs œuvres. Au côté de noms familiers comme Miguel de Unamuno, Federico Garcia Lorca ou Antonio Machado, nous découvrons bien des talents peu connus en France.

Le dossier nous présente Josep Vicenç Foix (1893-1987), prononcez « Foch », qui fut proche du surréalisme mais s’en différencia également. Il laissa une œuvre considérable, très variée, à la fois littéraire et politique, saluée surtout dans ses dernières années de vie. Le dossier, dirigé par Boris Monneau rend compte des divers axes de recherches de ce grand penseur.

 

« Nous désirions la mort en de sombres traverses,

Les bras levés, et nous disions : – Toi, qui es-tu ?

Et lui ? – Puisque nous étions maints, moirés, nous y étions tous.

Voyez : elles aussi, opulemment nues,

Les bras levés, et moirées, au bord

Des abîmes du soir, par des sentiers d’errance,

Cueillant sur l’Arbre Intact le fruit iridescent,

Ou de frêles fils de nuit tissant une maille secrète… »

 

Il est aussi question du catalanisme roussillonnais avec Jordi Père Cerdà, poète-passeur et passeur tout court pendant la deuxième guerre mondiale quand il fait passer Juifs, résistants et clandestins du côté espagnol entre 1942 et 1944.

 

« Je me souviendrai de ce jour

où la Gestapo nous suivait

pistant dans la neige le sang tiède.

 

Je me souviendrai des maisons

qui nous ouvraient leur porte,

brèche dans la nuit glacée.

 

Je me souviendrai de Mas

passant des gens fuyant la France

un jour de tempête.

 

Je me souviendrais de Jean,

Josep, Boris et Maurice

qui mourut là-bas à Neuengamme.

 

L’hiver nous mord l’échine ;

chien fou déchaîné,

hurle le vent comme sirène.

 

A présent, les camarades entreront

s’enlevant la neige à la porte.

Leurs yeux étincelleront… »

 

Mais ce n’est là qu’un aspect de la création catalane que nous pouvons découvrir dans ce volume. Tous les domaines de la vie, les domaines d’intensité sont présents à la fois dans les œuvres et dans les parcours de leurs auteurs.

Rémi BOYER (in lettreducrocodile.over-blog.net, 21 octobre 2025).