|
Tri par numéro de revue
|
Tri par date
|
Page : <1 2 3 4 5 6 7 8 >
|
|
|
Lectures :
Tout ce cinquantième numéro est orienté vers la liberté et la résistance comme si, en cette période, il fallait rappeler que la poésie est toujours une résistance à toutes les formes d’oppression, jamais une collaboration.
Les premières pages rendent hommage à Maria Andueza, personnalité foret et discrète de la scène poétique, compagne de Jean Breton, basque espagnole de la Retirada, retraite des réfugiés espagnols de la guerre civile 1936-1939.
Christophe Dauphin livre un éditorial plein d’une saine colère dite coronavirienne à propos de la mort de Guy Chaty : Qui a tué le poète Guy Chaty ? lance-t-il, cette « femme tousseuse » ? La sous-estimation des risques ? Le mépris des « expériences étrangères » ? Le court-termisme cynique politicien ? Leur incompétence ? L’Etat néolibéral et son inhumanité ? L’hôpital à la carcasse désossée par l’Etat néolibéral ? L’absence de tests, de moyens, de masques ? Marc Bloch nous dit d’outre-tombe (in L’Etrange Défaite, Société des Editions Franc-Tireur, 1946) : « Nous venons de subir une incroyable défaite. A qui la faute ?… A tout le monde en somme, sauf à eux (nos généraux). Quoi que l’on pense des causes profondes du désastre, la cause directe – qui demandera elle-même à être expliquée – fut l’incapacité du commandement. » Et plus loin : « l’épidémie a mis à nu et fait ressortir toutes les impostures de la doctrine libérale ».
Christophe Dauphin propose textes et notices de poètes à l’hôpital. Nous retrouvons Arthur Rimbaud, Antonio Tabucchi, Richard Rognet, Paul Verlaine, Madeleine Riffaud, Henri Michaux, Jean Rousselot, Stanislas Rodanski.
Le dossier est consacré à René Depestre « ou l’odyssée de l’Homme-Rage de vivre ». René Depestre, poète haïtien errant et homme d’exception dont la route serpentine le conduisit auprès de Che Guevara, Fidel Castro, Mao-Tsé-Toung comme aux côtés des poètes et penseurs Blaise Cendrars, Tristan Tzara, Jean-Paul Sartre, Pablo Neruda, André Breton, Léopold Sédar Senghor et tant d’autres.
L’un des aspects les plus intéressants soulevés par Christophe Dauphin à propos de son nomadisme est sa capacité à exiler l’exil : « Je ne suis pourtant pas un homme de l’exil, explique René Depestre ; je ne connais pas l’effondrement existentiel, la perte tragique de soi des exilés de à vie. J’ai pu partout sur mon chemin prendre des racines. Je me suis ajouté les pays de mon nomadisme. Et je ne suis pas désespéré, et j’ai fait de la mondialisation comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir ! Comme aurait dit Sartre, j’ai fait de ses antagonismes de l’exil des contradictions fécondes. »
« René Depestre ne s’est jamais considéré en exil, reprend Christophe Dauphin, il n’en a jamais souffert, car, nous dit-il : « J’ai emporté avec moi Jacmel, mon enfance. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être un exilé ; je n’ai jamais souffert de l’exil parce que depuis la plus haute Antiquité, il y a une sorte de dolorisme attaché à la notion de l’exil, à la notion de nostalgie, à la notion de saudade au Brésil, en portugais. Moi, je n’ai jamais connu cette sorte de malaise existentiel dû à l’exil, parce que j’emporte avec moi partout où je vais Haïti, mon chez-soi haïtien ; mon chez soi insulaire m’a toujours accompagné, mon natif natal fait partie de mon nomadisme, si je peux dire. »
C’est sur ce socle que René Depestre a développé une poésie puissante et joyeuse pendant « soixante années de création poétique, précise Christophe Dauphin, dont chaque mot a été lavé par la vie, dont le poète est le vaudou-l’arc-en-ciel, avançant à grands pas de diamant ; véritable journal de bord intérieur sur le qui-vive du monde, autobiographie criblée de combats, de rivières et de rêves en crue ; taillée dans la saison des îles du sang poétique, le long d’un itinéraire exceptionnel, qui unit le mythe aux nervures du vécu, des premiers poèmes en colère, au chant dionysiaque et vigoureux des passions caribéennes, avec l’étoile de tous les hommes. »
« Poème ouvert à tous les vents »
Tu as mis une paire d’ailes à ton art
Car tout poète sait quand c’est l’heure
De jeter ses dernières cages à la mer
Et de lever des voiles qui font route vers son identité.
A l’homme à qui on a tout pris : son nom,
Sa patrie, la fable de son enfance,
Le bois de ses souvenirs, sa rage de vivre.
A cet homme à qui on a enlevé ses jambes
Pour qu’il reste à jamais coincé dans ses cris.
A cet homme brisé, fourvoyé dans sa peau.
Je lègue ma fureur et mon bruit, je remets
Une colline que tous les vents traversent
Pour qu’il soit toujours en train de se battre
Et qu’il n’arrête jamais de frapper les papes
Qui vole à la vie ses perles et son orient.
A cet homme que l’horreur infinie du monde
N’a pas encore vaincu, à cet homme dompteur
Des métaux de son sang, géomètre des courbes
Lyriques de la femme, et qui répète que
La vie humaine est la fumée d’un incendie
Dont le nom n’apparaît dans aucun idiome.
A cet homme né sur un ordre du rossignol
Et à qui le feu confie ses bêtes de proie
Je réveille son droit de réinventer l’homme.
Je luis dis : « Suis-moi. Je suis le vieux soleil
Qui émerge de la douleur pour mieux sauter
Dans la vie du siècle et pour combattre
Sa routine et ses malheurs. Viens avec moi,
Homme qui ressemble à l’aventure des flammes
Et des illusions qui protestent dans mes yeux ! »
René DEPESTRE
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 2 août 2020).
*
« Les poètes d’Europe ont cessé de chanter – Ils ont fait de l’écriture un tremplin – D’où ils lancent des papillons de cirque – Sans aucun secret dessiné sur leurs ailes. » René Depestre, c’est le grand invité du n°50 des Hommes sans Epaules. Christophe dauphin lui consacre une étude, « poète haïtien, poète français, universel, nomade enraciné, homme banyan, métissé, solaire et souriant ». Faut dire qu’il en a rencontré du monde, Depestre : on le voit en photo auprès de Mao-Tse-Toung, de Neruda, de Césaire, de Guevara…
L’autre grand invité, c’est le Suisse Pierre-Alain Tâche : « J’ai glissé dans mon sac une offrande – un caillou rond qu’il me faudra jeter – plus loin, pour témoigner de mon passage – (Et c’est bien plus que des pierres en tas – peut-être une grappe offerte au seigneur – à sa vendange ultime, au jour qu’il a fixé… »
Dans ce numéro itou, un gros dossier (inspiré par le covid ?) sur les poètes à l’hôpital : Rimbaud, Verlaine, Artaud, Yves martin, Michel Merlen, Madeleine Riffaud, Henri Michaux, etc. avec des textes des susnommés ou celui d’Alain Morin : « En ce lieu – les hommes brouillent l’air – ou se rassemblent – On est seul – à manger l’espace – qui a le goût de panade – Le temps est un cadavre – que l’on n’enterre pas ».
Remarquable aussi la série d poèmes du camerounais Kouam Tawa : « On cherche – le buffle – sans trouver le buffle - On trouve - le buffle – sans saisir le buffle – On danse - la danse – des mangeurs de poussière ».
Christian Viguié : « Je ne sais pas qui je suis – mais il y a ton nom que je murmure – comme s’il a avait un autre air à respirer… »
Philippe Monneveux, Jean-Pierre Otte et Béatrice Pailler : « Je suis ongle – tu es papillon – Tes paupières – Je les vole – Tes lèvres – Je les vole – Tu es papillon – Je suis bec – Couteau sur ton abdomen… »
Plein d’autres choses comme l’annonce de la mort de la poète grecque Kiki Dimoula : « Ta démission est acceptée – Dommage – Tu avais tant à perdre encore ici.
Et de nombreuses critiques. »
Christian DEGOUTTE (in revue Verso, 2020).
|
Lectures :
Tout ce cinquantième numéro est orienté vers la liberté et la résistance comme si, en cette période, il fallait rappeler que la poésie est toujours une résistance à toutes les formes d’oppression, jamais une collaboration.
Les premières pages rendent hommage à Maria Andueza, personnalité foret et discrète de la scène poétique, compagne de Jean Breton, basque espagnole de la Retirada, retraite des réfugiés espagnols de la guerre civile 1936-1939.
Christophe Dauphin livre un éditorial plein d’une saine colère dite coronavirienne à propos de la mort de Guy Chaty : Qui a tué le poète Guy Chaty ? lance-t-il, cette « femme tousseuse » ? La sous-estimation des risques ? Le mépris des « expériences étrangères » ? Le court-termisme cynique politicien ? Leur incompétence ? L’Etat néolibéral et son inhumanité ? L’hôpital à la carcasse désossée par l’Etat néolibéral ? L’absence de tests, de moyens, de masques ? Marc Bloch nous dit d’outre-tombe (in L’Etrange Défaite, Société des Editions Franc-Tireur, 1946) : « Nous venons de subir une incroyable défaite. A qui la faute ?… A tout le monde en somme, sauf à eux (nos généraux). Quoi que l’on pense des causes profondes du désastre, la cause directe – qui demandera elle-même à être expliquée – fut l’incapacité du commandement. » Et plus loin : « l’épidémie a mis à nu et fait ressortir toutes les impostures de la doctrine libérale ».
Christophe Dauphin propose textes et notices de poètes à l’hôpital. Nous retrouvons Arthur Rimbaud, Antonio Tabucchi, Richard Rognet, Paul Verlaine, Madeleine Riffaud, Henri Michaux, Jean Rousselot, Stanislas Rodanski.
Le dossier est consacré à René Depestre « ou l’odyssée de l’Homme-Rage de vivre ». René Depestre, poète haïtien errant et homme d’exception dont la route serpentine le conduisit auprès de Che Guevara, Fidel Castro, Mao-Tsé-Toung comme aux côtés des poètes et penseurs Blaise Cendrars, Tristan Tzara, Jean-Paul Sartre, Pablo Neruda, André Breton, Léopold Sédar Senghor et tant d’autres.
L’un des aspects les plus intéressants soulevés par Christophe Dauphin à propos de son nomadisme est sa capacité à exiler l’exil : « Je ne suis pourtant pas un homme de l’exil, explique René Depestre ; je ne connais pas l’effondrement existentiel, la perte tragique de soi des exilés de à vie. J’ai pu partout sur mon chemin prendre des racines. Je me suis ajouté les pays de mon nomadisme. Et je ne suis pas désespéré, et j’ai fait de la mondialisation comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir ! Comme aurait dit Sartre, j’ai fait de ses antagonismes de l’exil des contradictions fécondes. »
« René Depestre ne s’est jamais considéré en exil, reprend Christophe Dauphin, il n’en a jamais souffert, car, nous dit-il : « J’ai emporté avec moi Jacmel, mon enfance. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être un exilé ; je n’ai jamais souffert de l’exil parce que depuis la plus haute Antiquité, il y a une sorte de dolorisme attaché à la notion de l’exil, à la notion de nostalgie, à la notion de saudade au Brésil, en portugais. Moi, je n’ai jamais connu cette sorte de malaise existentiel dû à l’exil, parce que j’emporte avec moi partout où je vais Haïti, mon chez-soi haïtien ; mon chez soi insulaire m’a toujours accompagné, mon natif natal fait partie de mon nomadisme, si je peux dire. »
C’est sur ce socle que René Depestre a développé une poésie puissante et joyeuse pendant « soixante années de création poétique, précise Christophe Dauphin, dont chaque mot a été lavé par la vie, dont le poète est le vaudou-l’arc-en-ciel, avançant à grands pas de diamant ; véritable journal de bord intérieur sur le qui-vive du monde, autobiographie criblée de combats, de rivières et de rêves en crue ; taillée dans la saison des îles du sang poétique, le long d’un itinéraire exceptionnel, qui unit le mythe aux nervures du vécu, des premiers poèmes en colère, au chant dionysiaque et vigoureux des passions caribéennes, avec l’étoile de tous les hommes. »
« Poème ouvert à tous les vents »
Tu as mis une paire d’ailes à ton art
Car tout poète sait quand c’est l’heure
De jeter ses dernières cages à la mer
Et de lever des voiles qui font route vers son identité.
A l’homme à qui on a tout pris : son nom,
Sa patrie, la fable de son enfance,
Le bois de ses souvenirs, sa rage de vivre.
A cet homme à qui on a enlevé ses jambes
Pour qu’il reste à jamais coincé dans ses cris.
A cet homme brisé, fourvoyé dans sa peau.
Je lègue ma fureur et mon bruit, je remets
Une colline que tous les vents traversent
Pour qu’il soit toujours en train de se battre
Et qu’il n’arrête jamais de frapper les papes
Qui vole à la vie ses perles et son orient.
A cet homme que l’horreur infinie du monde
N’a pas encore vaincu, à cet homme dompteur
Des métaux de son sang, géomètre des courbes
Lyriques de la femme, et qui répète que
La vie humaine est la fumée d’un incendie
Dont le nom n’apparaît dans aucun idiome.
A cet homme né sur un ordre du rossignol
Et à qui le feu confie ses bêtes de proie
Je réveille son droit de réinventer l’homme.
Je luis dis : « Suis-moi. Je suis le vieux soleil
Qui émerge de la douleur pour mieux sauter
Dans la vie du siècle et pour combattre
Sa routine et ses malheurs. Viens avec moi,
Homme qui ressemble à l’aventure des flammes
Et des illusions qui protestent dans mes yeux ! »
René DEPESTRE
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 2 août 2020).
*
« Les poètes d’Europe ont cessé de chanter – Ils ont fait de l’écriture un tremplin – D’où ils lancent des papillons de cirque – Sans aucun secret dessiné sur leurs ailes. » René Depestre, c’est le grand invité du n°50 des Hommes sans Epaules. Christophe dauphin lui consacre une étude, « poète haïtien, poète français, universel, nomade enraciné, homme banyan, métissé, solaire et souriant ». Faut dire qu’il en a rencontré du monde, Depestre : on le voit en photo auprès de Mao-Tse-Toung, de Neruda, de Césaire, de Guevara…
L’autre grand invité, c’est le Suisse Pierre-Alain Tâche : « J’ai glissé dans mon sac une offrande – un caillou rond qu’il me faudra jeter – plus loin, pour témoigner de mon passage – (Et c’est bien plus que des pierres en tas – peut-être une grappe offerte au seigneur – à sa vendange ultime, au jour qu’il a fixé… »
Dans ce numéro itou, un gros dossier (inspiré par le covid ?) sur les poètes à l’hôpital : Rimbaud, Verlaine, Artaud, Yves martin, Michel Merlen, Madeleine Riffaud, Henri Michaux, etc. avec des textes des susnommés ou celui d’Alain Morin : « En ce lieu – les hommes brouillent l’air – ou se rassemblent – On est seul – à manger l’espace – qui a le goût de panade – Le temps est un cadavre – que l’on n’enterre pas ».
Remarquable aussi la série d poèmes du camerounais Kouam Tawa : « On cherche – le buffle – sans trouver le buffle - On trouve - le buffle – sans saisir le buffle – On danse - la danse – des mangeurs de poussière ».
Christian Viguié : « Je ne sais pas qui je suis – mais il y a ton nom que je murmure – comme s’il a avait un autre air à respirer… »
Philippe Monneveux, Jean-Pierre Otte et Béatrice Pailler : « Je suis ongle – tu es papillon – Tes paupières – Je les vole – Tes lèvres – Je les vole – Tu es papillon – Je suis bec – Couteau sur ton abdomen… »
Plein d’autres choses comme l’annonce de la mort de la poète grecque Kiki Dimoula : « Ta démission est acceptée – Dommage – Tu avais tant à perdre encore ici.
Et de nombreuses critiques. »
Christian DEGOUTTE (in revue Verso, 2020).
|
|
|
|
Lectures
" Quand on feuillette chaque nouveau numéro des Hommes sans Epaules, on ne sait jamais par quoi inaugurer la lecture tant le sommaire est riche et consistant, la crainte étant de retenir certains dossiers et d’en négliger d’autres. Tant pis, courons le risque en retenant d’abord l’hommage à Jacques Lacarrière. Plus de 10 ans après sa disparition, ses écrits sont d’une brûlante actualité. Le souffle que l’on ressent à la lecture de Lacarrière est celui des plus grands poètes c’est-à-dire ceux qui n’ont besoin de personne pour se hisser aux sommets.
En complément, on lira l’important dossier central consacré aux poètes grecs contemporains. Coordonné par Christophe Dauphin, cet impressionnant dossier donne à lire les textes de 10 poètes parmi lesquels le merveilleux Yannis Ritsos, le minutieux Constantin Cavafy ainsi que les deux Prix Nobel que furent Georges Séféris et Odysséus Elytis.
L’Arménie est aussi présente dans ce numéro avec une étonnante suite poétique de Paul Farellier et, du même auteur, une évocation d’Armen Lubin, le poète emblématique de l’Arménie, réfugié en France et décédé en 1974.
Mais la richesse de cette livraison ne s’arrête pas là puisqu’on trouve encore des poèmes de Gisèle Prassinos, des présentations de poètes ainsi que des notes de lectures sur plus de 50 pages. Bref, comme toujours avec cette revue, on tient la preuve vivante qu’il est possible d’associer harmonieusement la qualité des contributions et la quantité d’écrits. "
Georges CATHALO (cf. "Lectures flash" in revue-texture.fr, janvier 2016).
*
" Où es-tu Grèce ? je ne sais de toi que ce mot épelé au lointain des lèvres, ce mot de sable et de sillage tout craquelé d'aurore", Jacques Lacarrière. Le quarantième numéro des Hommes sans Epaules, cette revue semestrielle, consacre ses trois cents pages à deux expressions modernes de peuples se rejoignant dans la tragédie humaine et la poésie: le grec et l'arménien. La poésie grecque en particulier, par ses voix du XXe siècle, puisant dans le fond puissant de ses racines. Lumières à travers les tragédies de multiples occupations et résistances, guerres et massacres, voix éprises de liberté, cette liberté que la Grèce antique a apportée au monde, Jacques Laccarière nous y initie, de sa réflexion mais aussi sa voix intime et poétique: "Pour nous, c'était le droit de parler à la nuit, de revendiquer ces portiques où le couchant solarisait chaque émergence de pierre."
La poésie de Claude Michel Cluny rejoint cette voie splendide et antique : "L'orage a lavé les Dieux - de ses seaux tristes - Un insecte s'écrase - odeur d'une sueur - celle de ton passage."
Parmi les textes français présentés dans la revue, on peut souligner celui d'Hervé Sixte-Bourbon, "Le fils de Pasolini", rejoignant l'humanité antique: "Et - Plus loin - Face aux statues - Devant la chute de l'orgueil face au soleil - J'ai senti la racine de tes ongles".
Au coeur du dossier, Jacques Lacarrière reprend la main et introduit : Cavafy, Sikélianos, Séféris, Embirikos, Ritsos, Elytis, Valaoritis, Alexandrou, Christodoulou, Patrikios; voix modernes, magistrales d'une Grèce universelle et résistante. Plusieurs témoignent de ce qui était, il y a un siècle encore, l'héritage d'un peuplement millénaire sur les rives asiatiques de la mer Egée, ou même de la Méditerranée, et dans l'incendie de Smyrne, dernière ville grecque d'Asie, se rejoint la détresse des Grecs et celle des Arméniens massacrés et exilés (lire l'émouvant "Ecrit à l'Ange de Smyrne" que Paul Farellier consacre à cette effroyable tragédie). comme Constantin Cavafy, né à Alexandrie, on regarde alors avec eux vers la patrie intime, celle d'Ulysse: "Ithaque t'a accordé le beau voyage. - Sans elle, tu ne serais jamais parti. - Elle n'a rien d'autre à te donner. - Et si pauvre qu'elle te paraisse, - Ithaque ne t'aura pas trompé. - Sage et riche de tant d'acquis - Tu auras compris ce que signifient les Ithaques." On aimerait citer toutes ces voix, unies par un combat souvent désespéré, éclairé par la soleil comme la poésie de Yannis Ritsos: "Dans ce pays, le soleil nous aide à soulever le poids - De pierre que nous avons toujours sur nos épaules", ou d'Angelos Sikélianos: "En couvrant de vos danses les aires de l'abîme, - A vous, combattants qui défiâtes la mort, - Je dis que près de Vous - Les ténèbres d'En bas sont comme l'ombre - D'un arbre immense sous lequel - Côte-à-côte allongés - Nous avons parlé de la Grèce - Jusqu'à l'heure où vos yeux se fermèrent à ce monde - Ce monde qui croulait sous la lumière - Que vos âmes ont fait moindre".
Des auteurs français qui suivent, on peut retenir le poème de Christophe Dauphin, "Les oracles de l'ouzo", marchant sur le chemin tracé, reprenant actualité et poème de Cavafy avec humour et tristesse mêlés : "Le délire peut alors lancer son cri - les nuques se renversent comme des montagnes - avance Dionysos mes vertèbres mes vocables -... les barbares sont venus aujourd'hui - quelque chose tremble meurt en moi en nous - Quelles lois pouvaient faire les Sénateurs? - Les barbares s'en sont chargés une fois venus - ... Ils ont vendu le Pirée à la criée - Entre deux Metaxas et trois schnaps - avec la banque des Cyclades - Faux-monnayeurs ils ont joué les yeux d'Homère - et le paquebot des Argonautes aux osselets".
Pour conclure un si riche et profond numéro, laissons comme lui la parole à Jacques Lacarrière : " C’est cela qui persiste pour moi dans le mot Grèce : ce premier regard, cette première fissure découverte et maîtrisée (cette porte entrebâillée dans la psyché par où Oedipe aperçoit dans la chambre nuptiale le cadavre pendu de sa mère), cette première lumière insoutenable mais regardée en face, et parfois aveuglante au sens propre du terme."
Olivier MASSE (in revue Diérèse n°67, avril 2016).
*
"Les Cahiers Littéraires Les Hommes sans Epaules consacrent leur numéro 40 à "Jacques Lacarrière et les poètes grecs". Christophe Dauphin y signe une préface engagée où les difficultés du présent invitent tout autant à la sympathie qu’à l’empathie, le poète étant en ces occasions leur meilleur interprète. César Birène signe, pour sa part, un portrait de l’auteur de L’Eté grec et de celui qui écrivait pour « dériver de l’homme ancien ». L’errance et l’écriture se rejoignent en un chemin peuplé d’ailleurs, éternel retour à Ithaque. Un choix de poésies de Jacques Lacarrière tirées d’A l’orée du pays fertile permet d’entendre à nouveau cette voix qui ne s’est jamais tue. Ce riche dossier propose également de retrouver celui qui fit tant pour les poètes grecs contemporains en les traduisant, en diffusant leurs écrits engagés à une époque difficile de l’exil et de la répression pour un grand nombre d’entre eux. Cavafy, Sikélianos, Séféris, Elytis et bien d’autres encore ont prêté leur voix à l’un de leur plus grand interprète dans notre langue, et que nous entendons dans cette belle et riche livraison.
Philippe-Emmanuel KRAUTTER (in lexnews.fr, janvier 2016).
*
"Dirigés par Christophe Dauphin, ces « cahiers littéraires » paraissent deux fois par an. Le présent numéro offre quatre-vingts pages de poètes grecs, parmi lesquels Cavafy, Séferis, Ritsos, Élytis, avec leurs meilleurs poèmes. Il offre vingt pages de Jacques Lacarrière. On aime relire : « S’alléger de ce qui est trop lourd en soi, s’affranchir de l’excès d’attraction, accéder aux délices, aux délires d’une pure évanescence. » Il offre encore trente pages de et pour Claude Michel Cluny, quinze belles pages de Paul Farellier, dernier grand prix de poésie de la SGDL pour L’Entretien devant la nuit, sur ses ancêtres arméniens, dix pages d’Armen Lubin. En bref, une somme.
La structure est sans défaut, à l’image de la régularité de cette revue papier. Passé l’éditorial, en effet, qui inscrit la générosité foncière de son directeur dans la réalité du monde tel qu’il cahote, on trouve un salut à des disparus, salut toujours éclairé par un choix opéré dans leur œuvre propre. Ce choix est nourri pour une éventuelle découverte (tout le monde est jeune, un jour, avide à tout connaître). Ensuite vient le dossier, ici des poètes grecs, tous et chacun successivement présentés par Lacarrière, un régal. D’autres poètes contemporains de toutes les générations sont ensuite présentés. Frédéric Tison, né en 1972, écrit par exemple : « La flamme dévorait. Je dus la souffler. La nuit vint remercier ma bouche : lorsque son chant entra en moi, ma voix trembla. — Je suis encore ta naissance, me dit l’ombre. » Une telle concision ne tient-elle pas de l’accomplissement ? Le numéro, pour aller vite, s’achève par une cinquantaine de pages de notes de lecture. On pourrait là peut-être émettre une réserve, mais que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre !
Un hommage de Jean Pérol à Cluny, décédé le 11 janvier, trouve place dans ce beau numéro. C’est coruscant. Ouvrir au diariste des dix volumes parus de L’Invention du temps (La Différence) la porte de la postérité est d’une grande justesse, même si la beauté chez Cluny vient de loin. Ainsi, ces lignes des années 1960 me semblent universelles : « Attendre aura été le chant de ma vie. J’ai attendu, enfant, que la vie m’appartienne. Ensuite, j’ai su que nous ne possédions rien. Que rien ni personne ne préservera jamais le peu d’illusion que nous sommes de l’effacement. Ce que nous voyons, ce que nous comprenons, nos mains le mêlent à nos désirs pour l’offrir à d’autres. »
Généreuse, donc, avec un grand empan tant sur le plan éditorial, générationnel que géographique, éclectique sans jamais perdre de vue la qualité poétique, de belle facture de surcroît, la revue Les Hommes sans épaules mérite plus que de l’attention, une franche adhésion. Il est plus que temps de suivre ce qui se fait de mieux, en revue de poésie, aujourd’hui."
Pierre PERRIN (in nonfiction.fr, le quotidien des livres et des idées, 28 décembre 2015).
*
"Il arrive à l’auditeur de radio de s’impatienter en écoutant l’énumération des offices de la moindre personnalité : « ainsi donc, vous êtes diplomate, voyageur, claveciniste à ses heures, parapentiste, cuisinier, philosophe, écrivain & j’en passe… »
Mais, concernant Jacques Lacarrière, les dresseurs de liste peineraient à faire le tour de ses multiples talents ; « je suis pléthorique » aimait-il à dire. Comme l’illustre encore cet excellent dossier que Les hommes sans épaules consacrent, dix ans après sa mort, au poète « porteur de feu ».
Sujet en outre bienvenu pour redonner de la Grèce une autre image que celle de mendiant de l’Europe qui prévaut ces temps-ci. Dans l’introduction, citant Lacarrière, Christophe Dauphin rappelle que l’histoire de celle-ci n’a été « qu’une suite de combats pour sa libération, on y retrouve très souvent le poète au milieu même des combattants ».
S’ensuit une biographie économe et directe écrite par César Birène, que complète un florilège extrait du beau recueil paru en 2011 chez Seghers :
La dormeuse
D’après une gravure de Picasso
Tu cueilleras tout aussi bien des fleurs dans le soleil. Tes bras respireraient jusqu’au zénith le feuillage que les forêts soumettent à l’espace. Ne cherche pas à conquérir la pluie que supposent les toits, à chevaucher les fleuves sur des arbres géants. Reflète-toi entre deux ciels et tu connaîtras l’amitié que les astres te portent.
… entre deux ciels, cet usage fluide et tragique à la fois du présent, du futur et du conditionnel.
Mais l’originalité du dossier tient à cette somme (posthume) de Lacarrière sur ses contemporains grecs : un très beau cadeau. Bien sûr, on croise des figures connues comme Ritsos, Seferis et Cavafy, qu’il est toujours intéressant de (re)lire sous la plume du traducteur amical qu’était Lacarrière.
Je m’étendrai d’avantage sur les noms moins connus.
Par un usage tout aussi intéressant du conditionnel, Anghélos Sikélianos, mort en 1954, se tient à cheval sur le profane et le sacré, sur la terre et au sommet où les noms des dieux sont gravés :
Ou j’aurais pu soudain Devançant le corbeau des Ténèbres Haletant sur mes pas pour s’emparer de moi, Rassembler toutes les forces vives Et m’élancer au-delà des cercles étroits de l’univers Pour chercher dans la nuit Mon dur destin de créateur.
Mais aujourd’hui, je Vous le dis, Je veux rester à Vos côtés, Ne plus Vous perdre un instant Car j’ai fait de mon cœur une aire Pour que Vous y dansiez.
Telle parole, en ces temps de transhumanisme et d’hybris généralisé, ne peut que consoler le sage !
Voix plus intérieure saisissant des instants, des sensations et des lumières en équilibre précaire, que celle d’Andéas Embirikos, un des premiers freudiens grecs, ami de Yourcenar :
Accroissement Parfois il nous arrive de porter à nos lèvres La main d’une lumière aurorale Immobiles et bouche scellée Dans le silence du paysage Avant que la ville bruissante de fontaines Ne s’éveille aux cris brutaux jetés dans le soleil Par les éboueurs matinaux.
Nos souffrances ne furent pas inutiles Les voici soulevant leurs voiles et révélant Leurs bras livides et tuméfiés, Les voici s’éployant vers le cœur de la ville Relevant un à un les doigts des endormis Comme des mages orientaux et gagnant Le cortège odoriférant des caïques Traçant, tressant au cœur des rues Des espaces aussi souverains que les yeux D’une femme éperdue de rêve.
Les notices de Jacques Lacarrière font bien entendu partie du charme de cette publication, elles sont personnelles, tirées des rencontres et des amitiés que ce dernier a cultivées. Un passage consacré à Odysséas Elytis, « le buveur de soleil », en témoignera pour les autres : « Au cours d’un entretien que j’eus avec lui après sa parution, Elytis me confia qu’il avait écrit ce poème pour compenser l’injustice et la non-récompense dont le monde contemporain faisait preuve à l’égard des souffrances de son pays. Le titre, emprunté à un hymne byzantin très célèbre, peut se traduire par Digne ou Loué soit — sous-entendu : ce monde. C’est un hymne à toutes les Grèce, l’ancienne, la byzantine, celle des guerres de l’Indépendance et celle d’aujourd’hui — qui, elle, sortait à peine de l’Occupation et de la guerre civile — ainsi qu’à ses traditions, ses paysages et surtout sa langue ».
J’ai peine à ne pas faire entendre les autres voix : celle d’Aris Alexandrou, le désabusé et de Dimitri Christodoulou tout en « résistance et vigilance ». Terminons ce frustrant tour d’horizon par l’humour de Nanos Valaoritis :
Ainsi donc nous sommes assiégés Et nous le sommes par qui Par toi et par moi, par machin-chose Nous sommes sans cesse assiégés Par les frontières, les douanes, les contrôles de passeports, Interpol, la police militaire, les tanks, le bagout, la bétise, (…)
Drôle ? Après tout, pas tant que cela.
Il serait dommage de ne pas signaler, dans ce riche numéro, le dossier que Paul Farrelier consacre au regretté Claude-Michel Cluny. Jean Pérol rend hommage à leur amitié « libre, souple, vive, affectueuse ». Un remarquable florilège montre que le fondateur de la collection « Orphée » fut d’abord un poète :
… Ce matin, est-ce pour susciter quelque regain de courage ? j’ai retourné des travaux anciens, de ceux que je ne me suis pas résigné à vendre. Ce fut pénible. Ce qu’on a laissé au cours des années dormir, face au mur, et que l’on rend au jour, surgit comme d’une tombe. Le leurre des enthousiasmes s’écaille, la vie peinte à fresque sur un mur mangé par le salpêtre. Au vrai, on se déprend tôt de soi."
Eric PISTOULEY (cf. "Revue des revues" in www.recoursaupoeme.fr, novembre 2015).
*
« Ce très beau numéro est consacré à Jacques Lacarrière et à la poésie hellénique. Dans son éditorial, Christophe Dauphin nous rappelle que la Grèce et l’Arménie sont des terres de souffrance et de résistance dans lesquelles la poésie est irriguée par le sang perdu.
Jacques Lacarrière, qui nous a quittés en 2005, « aventurier de l’esprit et l’un des meilleurs connaisseurs du monde antique et de la Méditerranée », rebelle précieux qui s’est toujours efforcé de transmettre ce qui est, témoigne, dans une œuvre multiple, du rayonnement permanent de la Grèce. Les poèmes choisis pour cet hommage sont d’une grande densité, souvent charnus pour mieux souligner l’esprit qui demeure.
Cinabre
Soleil emprisonné dans les macles du soir,
blessure d’où suinte le mercure,
tu dis l’ultime cri du sang avant qu’il ne se fige
la grande paix des cicatrices et la convalescence de la terre
Nous retrouverons avec grand plaisir dans le dossier l’un des grands auteurs grecs du XXème siècle, grand ami de Nikos Kazantzakis, Anghélos Sikélianos, dont on se rappellera le merveilleux Dithyrambe de la Rose. La poésie grecque des dernières décennies du siècle passé fut particulièrement riche comme en témoigne Jacques Lacarrière : « Je crois qu’il est bon de préciser ici que la Grèce, à l’inverse de la France, n’a jamais connu d’écoles, de mouvements, de chapelles ni de cercles poétiques. Les poètes grecs n’ont jamais manifesté, à quelque génération qu’ils appartiennent, un besoin de communauté littéraire. Très vite, ces poètes nouveaux – ou du moins dont les œuvres opérèrent une évolution sans marquer pour autant de rupture avec les poètes antérieurs – vont faire poésie à part, si je puis dire. Je ne vais pas ici me mettre à dresser l’inventaire de leurs noms ni de leurs oeuvres car à partir de ces années 70, la poésie se caractérise par un foisonnement d’œuvres et de publications, une véritable explosion de revues, une multiplicité de personnalités, d’individualités pour qui la poésie se trouve désormais affranchie de toute sujétion à l’histoire. Je dis bien : à l’histoire mais sans pour autant braver ou brader aussi la mémoire… »
Le choix de poèmes rassemblés dans Les HSE démontre que les Hellènes n’ont pas quitté la Grèce depuis des siècles comme certains l’ont avancé imprudemment en Grèce même. L’essentiel est toujours de revenir en Ithaque comme l’affirme Constantin Cavafy :
Et surtout n’oublies pas Ithaque.
Y parvenir est ton unique but.
Mais ne presse pas ton voyage,
Prolonge-le le plus longtemps possible
Et n’atteins l’île qu’une fois vieux.
Riche de tous les gains de ton voyage,
Tu n’auras plus besoin qu’Ithaque t’enrichisse.
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, novembre 2015).
*
« Christophe Dauphin dans son éditorial des HSE n°40 : « s’agissant de la Grèce ou de l’Arménie, qui commémore le centenaire du génocide, l’histoire de ces deux pays n’est qu’une longue lutte douloureuse contre les envahisseurs » (et Pâques 1916 à Dublin – NDLR). En exergue, « les porteurs de feu » : Jacques Lacarrière (et les poètes grecs) et Claude Michel Cluny. Donc, d’abord un portrait de Lacarrière par César Birène qui cite le poète : « Il n’est de manque véritable que le vide d’un monde privé de poésie » suivi de seize pages de textes. Dont : « Elle [la poésie] est toujours de ce monde puisqu’elle demeure vivante parce que vivace, vivace parce que rebelle ». Plus loin, un très important et passionnant dossier sur Lacarrière et dix poètes grecs contemporains, avec, en plus, un portrait du « peintre du surréel grec », Nikos Engonopoulos.
Le portrait de Claude Michel Cluny est signé Paul Farellier : « L’œuvre poétique de Claude Michel Cluny frappe tout d’abord par son intense beauté, beauté du sens poétique et de l’image, bien sûr, mais en même temps beauté française de la langue ». Suivent dix-neuf pages de textes et des inédits du poète Jean Pérol. Un détour chez « les Wah » avec six poètes : K. Dimoula, F. Y. Caroutch, D. Abel, H. Sixte-Bourbon, F. Tison, Ch. Guinard.
Paul Farellier, avec Ecrit à l’ange de Smyrne nous entraîne dans les « Inédits des HSE » avant de nous présenter l’œuvre de Chahnour Kerestedjian Armen Lubin (surtout des textes).
Avec la rubrique Dans les cheveux d’Aoûn, nous sommes entraînés dans l’univers de quatre créateurs, poètes et peintres : Alain Breton, Gwen Garnier-Deguy, Hélène Durdilly et J.-Gabriel Jonin. Les textes de quatre poètes précèdent une vingtaine de pages consacrées à des notes de lecture.
En somme, comme d’habitude, une revue dense et passionnante. »
Alain LACOUCHIE (in revue Friches n°121, juillet 2016).
|
|
|
|
Lectures :
« François Montmaneix déclare haut et fort : « Ce ne sont donc pas le retour consternant des guerres de religion, la déferlante technologique obsessionnelle, l’abrutissement, par le football, la banalisation du verbe par le développement des réseaux prétendument sociaux, la vulgarité médiatique, la sacralisation des gadgets, la mondialisation de l’uniformisation et le déclin de la conscience du monde qu’ils engendrent, qui viendront à bout de la vérité et de la force de la parole qu’incarne la Poésie » (p 5).
De même, dans son article, Le poète ermite de Tromba, Jacques Crickillon (p 25) note à propos de Pierre della Faille que l’amour de Belle est aux antipodes de la conception barthienne des Fragments d’un discours amoureux et assimilable aux représentations de l’amour vu sur les sculptures des parois des temples de Maliparum et de Borobudur. Il note aussi : « La différence, c’est que, la rencontre ouvre chez della Faille, une destinée commune, un chemin (avec Belle à deux, en étant non unique mais double dans l’unique. Dès lors, si la femme aimée apparaît sublimée dans l’œuvre jusqu’à en faire une figure mythologique, elle est aussi présence jour à jour et alimente ainsi perpétuellement la création… » (p 24). Si j’aime François Montmaneix pour ses poèmes en général et pour son écriture, j’aime Pierre della Faille pour l’amour fou qui donne une tonalité particulière à sa vie et à son écriture poétique…
Si François Montmaneix signe l’éditorial de cette livraison des Hommes sans épaules, les deux précédents (FM & PdF) font partie du premier article de la revue, Les porteurs de feu, par leurs poèmes. La revue est divisée en ses parties habituelles : Ainsi furent les Wah (avec Imasango, Adeline Baldacchino - dont j’ai lu jadis La ferme des énarques (et dont j’ai rendu compte dans Recours au poème) -, Natasha Kanapé-Fontaine, Emmanuelle Le Cam, Hamid Tibouchi, Franck Balandier et André Loubradou… De même avec le dossier Poètes à Tahiti avec Christophe Dauphin (introduction) : Teuira Henry, Henri Hiro, Flora Devatine, Loïc Herry et Alain Simon… Les inédits des HSE sont consacrés aux poèmes de Sonia Zin Al Abidine. Vers les terres libres sont réservées à une étude de Paul Farellier intitulée La poésie de Frédéric Tison suivie de Minuscules (un ensemble de proses poétiques) du même Frédéric Tison… Suit alors une étude d’Eve Moréno ; consacrée à la chanson, la poésie, elle présente le chanteur Allain Leprest. Suivent enfin des poèmes inédits d’Elodie Turki, de Paul Farellier, de Jacqueline Lalande, d’Alain Breton, de Christophe Dauphin et d’André Prodhomme… Viennent en final des notes de lecture de Christophe Dauphin, de Claude Luezior, d’Eric Pistouley, de Bernard Fournier, de Jean Chatard, de Thomas Demoulin, de François Folsheid, de Frédéric Tison et de Paul Farellier… Viennent ensuite les usuelles informations…
Jamais une revue n’a autant ressemblé à ce que doit être une revue de poésie. Et il y a des poèmes pour tous les goûts.
Lucien WASSELIN (in www.recoursaupoeme.fr , 6/09/2019)
*
"L'un des principaux dosseirs est consacré au poète François Montmaneix, décédé en 2018 à l'âge de 80 ans, présenté avec brio sous ses nombreuses facettes par Christophe Dauphin et par des pooèmes "beaux et graves comme autant d'éblouissements" choisis dans "une oeuvre forte, c'est-à-dire personnelle, où l'éclair survit à l'orage". L'édito est composé d'un article inédit du poète et de fragments d'un entretien publié par La Tribune en 2015, où "passagers du temps mais aussi "messagers", pour "faire entendre une voix qui est plus que la nôtre : celle de l'émotion qui est sentiments du monde."
L'autre gros dossier, consacré aux "Poètes à Tahiti", replacés par Christophe Dauphin dans leur contexte géographique, historique et culturel : Teuira Henry (1847-1915), Henri Hiro (1944-1990) et Flora Devatine (1942), mais aussi Loïc Herry (décédé en 1995) qui y vécut une parenthèse intense et Alain Simon qui y séjourna pendant quinze ans.
Paul Farellier présenté Frédéric Tison, dont on peut lire des textes inédits, composés de notes et d'aphorismes, extraits de ses carnets.
Eve Moreno évoque Allain Leprest, le "plus connu des inconnus de la chanson française".
Marie-Josée CHRISTIEN (in revue Spered Gouez n°25, 2019).
*
"Le polynésien sait nourrir, mais ne sait pas gagner de l'argent": Thierry Tekuataoa, cité par Christophe Dauphin dans le dossier qu'il a coordonné (avec un historique de la colonisation des îles du Pacifique) et qui s'intitule justement Poètes à tahiti, car si ces îles produisent des poètes, elles en attirent aussi de la métropole.
Donc, dans le n°47 de Les Hommes sans Epaules, ont peut lire des natifs de Polynésié: Teuira Henry (1847-1915), "Chant sacré de la pirogue de Rû : Derrière était Te-ao-tea-roa, devant était le vaste océan - Rû était à l'arrière, Hina était à l'avant - Et Rû chanta ainsi : Je te tire, je te tire vers la terre - Te-apori, ô Te-apori..."; Henri Hiro, militant indépendentiste et culturel des années 70: "Je grimpe au sommet du Temps - s'ouvrent alors les autres bouches - du vent - Est, Ouest - Sud, Nord - l'esprit vacant et les oreilles libres - je reçois ce message - Manger le temps - Il faut manger le temps..."; Flora Aurima-Devatine (née en 1947) : "Sur la place qu'évente - la fraiche rosée des vallées - c'est l'heure du pariparifenua - espace de ressourcement - chant-poème - au ras de l'île..."
On peut lire des poètes de passage aux îles, Loïc Herry : "Polynésie paradis tu parles - vol violence c'est la chanson - de Papeete paradis frelaté"; ou Alain Simon : "Océan parfait au goût de câpres - Comme le vrai fafaru - Encore faut-il déchiffrer - La souffrance au ras des vagues..."
Dans ce même n°47 de Les Hommes sans Epaules, il y a "le parfum de calcaires mouillé des collines d'Hammamet après les premières pluies d'automne, terre brûlante dont on devine un crépitement semblable à la braise qu'on arrose", de Sonia Zin El Abidine (quinze pages de poèmes inédits), née en Tunisie (ça se sent), vivant à Paris (ça se devine) : "Ma terre chrysalide - Le temps créateur d'exil - Loin de ternir ton éclat - t'a faite paradis..." Comme un écho à Tahiti, on dirait, non ?
Dans ce numéro très exotique, Imasango (elle est de Nouvelle Calédonie) : "Tu manges encore de l'igname et le taro - Tu caresses la peau des bois - Tu traverses l'allée vibrant de cordylines - Tu sais l'araucaria - La conque et le cri des oiseaux - Tu es - de cette île - Multiple aux confluences".
Sinon, il y a des célébrités de naguère présentées et anthologisées : François Montmaneix, "Une fois que les bruits inutiles - ont fini de leurrer la parole - quand le silence baigne le lac - l'eau dans le soir d'été a ce visage - d'ombre qui vient de naître..." et Pierre Della Faille : "Soyez heureux, ô syndiqués cyclopes ! Je vous laisse la langue. Crie. Criez. Vos souterrains n'ont pas d'écho - et j'engraisse vos dieux qui me servent à table ".
Il y a Adeline Baldacchino, Emmanuelle Le Cam, Natacha Kanapé Fontaine (Québec), Hamid Tibouchi (Algérie), Allain Leprest, et d'autres et les pages de lectures-critiques; il y a, il y a... Songez au truc : comment rendre compte de 320 pages de revue sans tout mettre en miettes ?
320 pages, un semestre d electures variées: un bon plan."
Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°178, 2019).
|
Lectures :
« François Montmaneix déclare haut et fort : « Ce ne sont donc pas le retour consternant des guerres de religion, la déferlante technologique obsessionnelle, l’abrutissement, par le football, la banalisation du verbe par le développement des réseaux prétendument sociaux, la vulgarité médiatique, la sacralisation des gadgets, la mondialisation de l’uniformisation et le déclin de la conscience du monde qu’ils engendrent, qui viendront à bout de la vérité et de la force de la parole qu’incarne la Poésie » (p 5).
De même, dans son article, Le poète ermite de Tromba, Jacques Crickillon (p 25) note à propos de Pierre della Faille que l’amour de Belle est aux antipodes de la conception barthienne des Fragments d’un discours amoureux et assimilable aux représentations de l’amour vu sur les sculptures des parois des temples de Maliparum et de Borobudur. Il note aussi : « La différence, c’est que, la rencontre ouvre chez della Faille, une destinée commune, un chemin (avec Belle à deux, en étant non unique mais double dans l’unique. Dès lors, si la femme aimée apparaît sublimée dans l’œuvre jusqu’à en faire une figure mythologique, elle est aussi présence jour à jour et alimente ainsi perpétuellement la création… » (p 24). Si j’aime François Montmaneix pour ses poèmes en général et pour son écriture, j’aime Pierre della Faille pour l’amour fou qui donne une tonalité particulière à sa vie et à son écriture poétique…
Si François Montmaneix signe l’éditorial de cette livraison des Hommes sans épaules, les deux précédents (FM & PdF) font partie du premier article de la revue, Les porteurs de feu, par leurs poèmes. La revue est divisée en ses parties habituelles : Ainsi furent les Wah (avec Imasango, Adeline Baldacchino - dont j’ai lu jadis La ferme des énarques (et dont j’ai rendu compte dans Recours au poème) -, Natasha Kanapé-Fontaine, Emmanuelle Le Cam, Hamid Tibouchi, Franck Balandier et André Loubradou… De même avec le dossier Poètes à Tahiti avec Christophe Dauphin (introduction) : Teuira Henry, Henri Hiro, Flora Devatine, Loïc Herry et Alain Simon… Les inédits des HSE sont consacrés aux poèmes de Sonia Zin Al Abidine. Vers les terres libres sont réservées à une étude de Paul Farellier intitulée La poésie de Frédéric Tison suivie de Minuscules (un ensemble de proses poétiques) du même Frédéric Tison… Suit alors une étude d’Eve Moréno ; consacrée à la chanson, la poésie, elle présente le chanteur Allain Leprest. Suivent enfin des poèmes inédits d’Elodie Turki, de Paul Farellier, de Jacqueline Lalande, d’Alain Breton, de Christophe Dauphin et d’André Prodhomme… Viennent en final des notes de lecture de Christophe Dauphin, de Claude Luezior, d’Eric Pistouley, de Bernard Fournier, de Jean Chatard, de Thomas Demoulin, de François Folsheid, de Frédéric Tison et de Paul Farellier… Viennent ensuite les usuelles informations…
Jamais une revue n’a autant ressemblé à ce que doit être une revue de poésie. Et il y a des poèmes pour tous les goûts.
Lucien WASSELIN (in www.recoursaupoeme.fr , 6/09/2019)
*
"L'un des principaux dosseirs est consacré au poète François Montmaneix, décédé en 2018 à l'âge de 80 ans, présenté avec brio sous ses nombreuses facettes par Christophe Dauphin et par des pooèmes "beaux et graves comme autant d'éblouissements" choisis dans "une oeuvre forte, c'est-à-dire personnelle, où l'éclair survit à l'orage". L'édito est composé d'un article inédit du poète et de fragments d'un entretien publié par La Tribune en 2015, où "passagers du temps mais aussi "messagers", pour "faire entendre une voix qui est plus que la nôtre : celle de l'émotion qui est sentiments du monde."
L'autre gros dossier, consacré aux "Poètes à Tahiti", replacés par Christophe Dauphin dans leur contexte géographique, historique et culturel : Teuira Henry (1847-1915), Henri Hiro (1944-1990) et Flora Devatine (1942), mais aussi Loïc Herry (décédé en 1995) qui y vécut une parenthèse intense et Alain Simon qui y séjourna pendant quinze ans.
Paul Farellier présenté Frédéric Tison, dont on peut lire des textes inédits, composés de notes et d'aphorismes, extraits de ses carnets.
Eve Moreno évoque Allain Leprest, le "plus connu des inconnus de la chanson française".
Marie-Josée CHRISTIEN (in revue Spered Gouez n°25, 2019).
*
"Le polynésien sait nourrir, mais ne sait pas gagner de l'argent": Thierry Tekuataoa, cité par Christophe Dauphin dans le dossier qu'il a coordonné (avec un historique de la colonisation des îles du Pacifique) et qui s'intitule justement Poètes à tahiti, car si ces îles produisent des poètes, elles en attirent aussi de la métropole.
Donc, dans le n°47 de Les Hommes sans Epaules, ont peut lire des natifs de Polynésié: Teuira Henry (1847-1915), "Chant sacré de la pirogue de Rû : Derrière était Te-ao-tea-roa, devant était le vaste océan - Rû était à l'arrière, Hina était à l'avant - Et Rû chanta ainsi : Je te tire, je te tire vers la terre - Te-apori, ô Te-apori..."; Henri Hiro, militant indépendentiste et culturel des années 70: "Je grimpe au sommet du Temps - s'ouvrent alors les autres bouches - du vent - Est, Ouest - Sud, Nord - l'esprit vacant et les oreilles libres - je reçois ce message - Manger le temps - Il faut manger le temps..."; Flora Aurima-Devatine (née en 1947) : "Sur la place qu'évente - la fraiche rosée des vallées - c'est l'heure du pariparifenua - espace de ressourcement - chant-poème - au ras de l'île..."
On peut lire des poètes de passage aux îles, Loïc Herry : "Polynésie paradis tu parles - vol violence c'est la chanson - de Papeete paradis frelaté"; ou Alain Simon : "Océan parfait au goût de câpres - Comme le vrai fafaru - Encore faut-il déchiffrer - La souffrance au ras des vagues..."
Dans ce même n°47 de Les Hommes sans Epaules, il y a "le parfum de calcaires mouillé des collines d'Hammamet après les premières pluies d'automne, terre brûlante dont on devine un crépitement semblable à la braise qu'on arrose", de Sonia Zin El Abidine (quinze pages de poèmes inédits), née en Tunisie (ça se sent), vivant à Paris (ça se devine) : "Ma terre chrysalide - Le temps créateur d'exil - Loin de ternir ton éclat - t'a faite paradis..." Comme un écho à Tahiti, on dirait, non ?
Dans ce numéro très exotique, Imasango (elle est de Nouvelle Calédonie) : "Tu manges encore de l'igname et le taro - Tu caresses la peau des bois - Tu traverses l'allée vibrant de cordylines - Tu sais l'araucaria - La conque et le cri des oiseaux - Tu es - de cette île - Multiple aux confluences".
Sinon, il y a des célébrités de naguère présentées et anthologisées : François Montmaneix, "Une fois que les bruits inutiles - ont fini de leurrer la parole - quand le silence baigne le lac - l'eau dans le soir d'été a ce visage - d'ombre qui vient de naître..." et Pierre Della Faille : "Soyez heureux, ô syndiqués cyclopes ! Je vous laisse la langue. Crie. Criez. Vos souterrains n'ont pas d'écho - et j'engraisse vos dieux qui me servent à table ".
Il y a Adeline Baldacchino, Emmanuelle Le Cam, Natacha Kanapé Fontaine (Québec), Hamid Tibouchi (Algérie), Allain Leprest, et d'autres et les pages de lectures-critiques; il y a, il y a... Songez au truc : comment rendre compte de 320 pages de revue sans tout mettre en miettes ?
320 pages, un semestre d electures variées: un bon plan."
Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°178, 2019).
|
|
|
|
2008 – À propos du numéro 26
« Ce numéro 26 des HSE s’ouvre sur un manifeste dû à Abdellatif Laâbi : Ici La voix des Arabes libres… Le ton de ce texte militant est donné. Plus loin, quelques poèmes d’A. Laâbi confirment cet engagement qui replace, s’il en était besoin, le poète au cœur du monde vivant et à vif. Suivent, entre autres, des hommages et évocations (Jacquette Reboul, Louis Guillaume, Mahmoud Darwich et Jacques Taurand) ; un dense dossier consacré à Jacques Bertin par le maître des lieux, Christophe Dauphin ; des textes des « Wah », ceux qui furent proches de la revue créée en 1953 ; des textes des collaborateurs actuels, des notes dues à divers regards. Les HSE est une grande revue de littérature comme il en est peu, sachant balancer entre passé, présent et futur. » Jacques Fournier (Ici è là n°10/11, mars 2009).
« Emanant d’un groupe autour d’une librairie, Les Hommes sans Épaules maintient son cap, en bonne part grâce à la passion de Christophe Dauphin. J’ai toujours aimé ces références aux frères Rosny pour titrer les rubriques : les Wah, les Porteurs de feu et bien sûr les Hommes sans épaules. Je reviens à la revue pour son numéro 26, avec le manifeste d’Abdellatif Laâbi : « la voix des arabes libres », et l’étude de Dauphin sur le poète marocain. Je ne connaissais pas Jacquette Reboul qui comme la plupart des autres est de ces fidèles des éditeurs Chambelland, Alain Breton, Le Pont de l’Epée, Le Pont sous l’Eau et la Librairie-Galerie Racine entre autres. Et c’est une découverte, car ses proses poétiques ou récits-poèmes sont pur plaisir. Comme les poèmes de Jean Chatard, Jean Vigna, Paul Mari. Puis le dossier, consacré à Jacques Bertin, qui chante aussi bien qu’il écrit paraît-il. » Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°232, mai 2009).
« Le plus important article de ce numéro 26 des HSE est un excellent « dossier » consacré par Christophe Dauphin à Jacques Bertin, « le poète du chant permanent », qui débuta en 1966, on n’ose pas dire comme « auteur-compositeur-interprète », suivant la formule traditionnelle – mais plutôt comme un poète chantant ses œuvres. La trentaine de poèmes qui illustre cette étude montre bien la qualité littéraire de ses textes, même sans le support de la musique. » Jacques Charpentreau (Le Coin de table n°39, juillet 2009).
« C’est Abdellatif Laâbi qui dans « la voix des arabes libres » donne le ton à la revue de Christophe Dauphin : « Nous nous insurgeons contre cette aphasie programmée dont le dessein, cousu de fil blanc, est le conditionnement des consciences avant leur mise à mort ». Après la présentation de Jacquette Reboul (par Paul Farellier) et Abdellatif Laâbi (par Christophe Dauphin) arrive le dossier sur Jacques Bertin, chanteur et poète –sur plus de 50 pages – qui nous confie : « J’ai 60 ans et j’ai besoin de croire en la vie, l’amour, la révolte, l’harmonie, l’Homme, la société. » Contre le show-business, contre les outils de la massification des comportements, Jacques Bertin symbolise l’homme toujours debout, sans concession. Outre ce dossier important sur Jacques Bertin, Christophe Dauphin s’est intéressé à Jacques Taurand, poète intimiste, héritier de Nerval et auteur de 11 recueils… Si Paul Farellier rappelle l’œuvre de Louis Guillaume, Monique W. Labidoire traite de l’identité sans nom dans l’œuvre de Jacqueline Brégeault-Tariel… Ce numéro très riche des Hommes sans Épaules se dresse contre le consensus mou et remet la dignité de l’homme au cœur du débat. » Gérard Paris (Diérèse n°45, août 2009).
|
|
|
|
Lectures
"Cette nouvelle livraison, essentiellement consacrée à la poésie, est d'une richesse exceptionnelle. Dans son éditorial, Le Passager du Transatlantique, Christophe Dauphin rend un hommage chaleureux à Benjamin Péret dont il souligne le parcours singulier, celui d'un poète qui n'a jamais songé à faire carrière dans la littérature. Il cite, pour souligner son propos, Sarane Alexandrian: "Quand on considère ce que sont devenus dans leur vieillesse tant de matamores qui entrèrent dans les lettres le défi aux lèvres, le regard hautain, on s'incline bien bas devant Péret. Il n'a pas un instant fait de concessions pour s'attirer les honneurs que méritait son génie. Pauvre, vivotant de son métier de correcteur, il a gardé jusqu'au bout la vertu réfractaire de sa jeunesse... Libre comme le rossignol, mélodieux comme lui, menacé comme lui par la cohorte bruyante des ânes, il n'a cessé de faire entendre le chant qui lui était naturel." Le travail de l'association des amis de Benjamin Péret y est salué, une fois n'est pas coutume, depuis l'édition des Oeuvres complètes jusqu'à l'apport nouveau des Cahiers Benjamin Péret.
Benjamin Péret occupe le coeur de ce numéro avec un volumineux dossier de plus de quatre-vingt pages intitulé: La Parole est toujours à Benjmain Péret. Ce dossier, parfaitement documenté et maîtrisé, par Christophe Dauphin, dit l'essentiel. Il est complété d'un article de Jean-Clarence Lambert sur les liens et affinités entre Benjamin Péret, Octavio Paz et le Mexique. Octavio Paz savait ce que fut l'exceptionnelle amitié entre Péret et Breton, une complicité intellectuelle reposant sur "la recherche d'une vie qui concilie poésie et révolution". Le choix des extraits de l'oeuvre de Péret qui a été fait dans Les HSE en est l'illustration.
on trouverea également dans ce numéro plusieurs dossiers sur Annie Le Brun par Karel Hadek et sur Jehan Mayoux avec une présentation de César Birène: "Jehan Mayoux, le poète insoumis", suivi d'un choix de poèmes par Hervé Delabarre. Parmi les "portraits éclairs" figurent également Lionel Ray et Fabrice Maze."
Gérard ROCHE (in Cahiers Benjamin Péret n°5, septembre 2016).
*
" Le dossier de ce beau numéro est consacré à Benjamin Péret. Dans son éditorial, intitulé « Le passager du Transatlantique », Christophe Dauphin explique ce choix :
« Les poètes ont toujours été et sont toujours de ce monde, mais ils sont rares, ceux qui, de la trempe de Benjamin Péret, demeurent toujours et définitivement à l’avant-garde du Feu poétique. Et pourtant, si le Passager du Transatlantique n’a jamais cessé d’être à flot, ce fut trop souvent sur un océan d’ombre, que n’emprunte qu’une minorité, certes, mais active et éclairée. Ce constat a motivé l’écriture du dossier central de ce numéro des HSE. Avec Péret, nous ne sommes jamais dans l’histoire de la littérature, tellement ce poète est actuel – et surtout en ces temps d’assassins et du médiocre dans lesquels nous vivons -, mais dans la vie. Comment alors expliquer l’audience confidentielle de son œuvre ? »
Si la France a, depuis des décennies, du mal avec la poésie en général et les poètes en particulier qui, souvent, obligent à penser dans un monde qui a vu, avec les soi-disant nouveaux philosophes des années 60-70, l’opinion remplacer la pensée et le savoir. Benjamin Péret, un anticonformiste cher à Sarane Alexandrian, n’a jamais fait la moindre concession à la mondanité.
L’œuvre, toujours injustement méconnue de Benjamin Péret, est immense, aux poèmes s’ajoutent des contes, des écrits politiques, des écrits ethnologiques, des écrits critiques sur le cinématographe et les arts plastiques, sur le surréalisme, la littérature, sans compter les entretiens. Une œuvre éditée aujourd’hui en sept volumes sous le titre Œuvres complètes grâce à l’association des amis de Benjamin Péret.
Son œuvre, toujours aussi actuelle, dérange et secoue. Elle réveille. Benjamin Péret qui poussera de manière exemplaire la pratique de l’écriture automatique dans ses retranchements soulève l’hostilité et l’incompréhension dès la fin des années 1920, notamment de la N.R.F., incompréhension qui demeure.
Voici pourtant ce qu’en dit André Rolland de Renéville en 1939 :
« L’écriture automatique apparaît en harmonie avec le tempérament de Péret, au point qu’il semble que notre poète n’eût pas écrit si le surréalisme n’avait pas été découvert. Benjamin Péret ne conserve de notre langage que la construction syntaxique, l’allure et le ton. Les mots lui deviennent des signes. Il leur redonne un sens absolument libre, dégagé des objets qu’il désigne. De nouveaux objets semblent naître de ces moules dont le contenu nous était imposé par l’usage. Et le miracle est que ces réalités nous les comprenons, tandis que nous traverse l’immense éclat de rire d’un être que nulle contrainte ne retient plus de se lancer à travers notre flore et notre faune urbaines, comme s’il s’agissait pour lui de celles d’une contrée primordiale, ouverte à ses instincts. Il suffit de lire au hasard l’un de ses plus beaux poèmes pour y trouver l’exemple d’une conscience qui décide d’accepter sans y introduire de contrôle, la succession des idées qui se présentent à elle par le mécanisme de leur libre association. Péret annihile la distance entre l’homme et l’objet, entre l’espace et le temps, entre le réel et le rêve : Sois la vague et le bourreau la lance et l’orée – et que l’orée soit l’étincelle qui va du cou de l’amante à – celui de l’amant – et que se perde la lance dans la cervelle du temps – et que la vague porte la poutre – et que la poutre soit une hirondelle – blanche et rouge comme mon CŒUR et ma peur. »
Christophe Dauphin note que si Benjamin Péret, ce « surréaliste par excellence », « est presque toujours qualifié d’opposant-né », il convient aussi de parler de lui comme d’ « un homme du oui et de l’adhésion à la liberté, à l’amour sublime, au merveilleux, à l’amitié ». Péret, nous dit-il, a aussi « magistralement établit l’analogie entre la démarche poétique et la pensée mythique ». Christophe Dauphin rappelle que Benjamin Péret est définitivement vivant quand bien des prétendus poètes d’aujourd’hui sont déjà morts. En 1945, il tenait ces propos, à la fois réalistes et visionnaires, dans Le déshonneur des poètes.
« Les ennemis de la poésie ont eu de tout temps l’obsession de la soumettre à leurs fins immédiates, de l’écraser sous leur dieu ou, maintenant, de l’enchaîner au ban de la nouvelle divinité brune ou « rouge » – rouge-brun de sang séché – plus sanglante encore que l’ancienne. Pour eux, la vie et la culture se résument en utile et inutile, étant sous-entendu que l’utile prend la forme d’une pioche maniée à leur bénéfice. Pour eux, la poésie n’est que le luxe du riche, aristocrate ou banquier, et si elle veut se rendre « utile » à la masse, elle doit se résigner au sort des arts « appliqués », « décoratifs », « ménagers », etc. »
Benjamin Péret est plus que jamais précieux dans un monde ou la compromission, la trahison et la falsification sont la norme.
A travers le temps et l’espace
Attendre sous le vent et la neige des astres
la venue d’une fleur indécente sur mon front décoloré
comme un paysage déserté par les oiseaux appelés soupirs du sage
et qui volent dans le sens de l’amour
voilà mon sort
voilà ma vie
Vie que la nature a fait pleine de plumes
et de poisons d’enfants
je suis ton humble serviteur
Je suis ton humble serviteur et je mords les herbes des nuages
que tu me tends sur un coussin qui
comme une cuisse immortelle
conserve sa chaleur première et provoque le désir
que n’apaiseront jamais
ni la flamme issue d’un monstre inconsistant
ni le sang de la déesse
voluptueuse malgré la stérilité d’oiseau des marécages intérieurs"
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress. com, 1er mai 2016).
*
"Je me demande toujours si je dois considére Les Hommes sans Epaules (ici, le numéro 41), comme un livre ou une revue. presque 200 pages pour Benjamin Péret et 30 pour Annie Le Brun, me font hésiter, mais tout de même et comme d'habitude, Christophe Dauphin me fait pencher vers le livre. En particulier pour Péret, si curieusement discret et souvent mal défini, même si son surréalisme est sans doute aucun, un des plus complets et plus authentiques de tous les membres et souvent tellement plus connus des groupes internationaux. Par ses voyages et ses étonnantes originalités, il se démarque fortement des autres tentations explicatives, si nombreuses et si souvent contradictoires sous le même nom de surréalistes, comme de Dada et tant de noms d'avant-gardes, valables ou non, Péret reste un modèle par l'abondance de sa production et sa qualité d'écriture et de pensée (au grand pluriel), mais plus encore de son inventivité. Dauphin ne s'y trompent à aucun moment et le lecteur a intérêt à parcourir avec lui cette oeuvre que je commence à préférer parfois aux autres icones groupées autour de l'éternel André Breton. J'ai découvert Annie Le Brun, que je ne connaissais pas encore, et admire sans réserve tout ce qu'elle rend magique dans ce portrait en apparence si simple. même après cet Homme sans Epaules, j'ai le sentiment de n'avoir pas encore lu Péret."
Paul VAN MELLE (in revue Inédit Nouveau n°279, avril 2016).
*
" Le dossier majeur de la revue de Christophe Dauphin (une centaine de pages sur les plus de 300 de l’ensemble) est consacré à Benjamin Péret (1899-1959). Opposant-né, anticlérical, antimilitariste, adversaire du nationalisme, Péret ne s’est jamais départi de ses opinions profondes tout au long de sa vie. C’est en 1920 qu’il rencontre Breton et les dadaïstes ; il demeurera un fervent adepte de l’écriture automatique et plus largement défendra la liberté sous toutes ses formes. Certains de ses articles assez virulents et prises de position lui vaudront pas mal d’inimitiés durables. Il passera en trois périodes une dizaine d’années soit au Brésil, soit aux Mexique. Où son penchant pour le trotskysme prendra racine ainsi que son intérêt pour les religions africaines. Il sera correcteur pour les Journaux Officiels, rejoindra les anarchistes de la « colonne Durutti » en Espagne, en 36, et sera emprisonné trois semaines à Rennes, en mai 1940. Durant la guerre, il passe par Marseille, avant de rejoindre le Mexique, est fasciné par la civilisation maya. Il travaille vingt ans sur l’Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique. 1945, c’est le scandale du Déshonneur des poètes qui répond à Honneur des poètes (Aragon, Éluard, Seghers, Tardieu, Frénaud, Ponge…). Où Péret fustige cette poésie proche de la propagande, en dénonçant « la récupération du poétique par le politique ». Cette polémique violente va l’isoler. Il aura du mal à éditer Le Gigot, sa vie, son œuvre que Losfeld accepta où il fait montre de ses dons de conteur. Octavio Paz parle en résumé d’une des œuvres les plus originales et sauvages de notre époque. Suit un texte de Jean-Clarence Lambert, un voisin, qui met en perspective Péret, Paz et le Mexique, et je retiens dans son préambule cette comparaison assez juste entre Péret et Breton entre le naturel de l’un et le côté plus emprunté et cérémonieux de l’autre. Une anthologie d’une vingtaine de pages pour clore.
Je voudrais te parler cristal fêlé hurlant comme un chien dans une nuit de draps battants… "
Jacques MORIN ( cf. "Repérage" in dechargelarevue.com, 17 août 2016.)
|
|
|
|
2000 - À propos du numéro 7/8
« Les Hommes sans Épaules n°7/8. Hommage à Guy Chambelland. Un numéro de référence et de collection. » Jacques Simonomis (Le Cri d’os n° 29/30, janvier 2000.
« Cette nouvelle livraison des Hommes sans Épaules, est composée pour l’essentiel d’un hommage à Guy Chambelland, qui nous a quittés voilà bientôt quatre ans. De très nombreux témoignages de poètes et d’amis dont beaucoup furent des auteurs de notre ami Guy, montrent, s’il en était besoin, le rôle important que joua Chambelland dans la vie poétique des quarante dernières années. » Jean Orizet (Poésie 1/Vagabondages n°21, mars 2000).
« Il n’a pas fallu moins d’un numéro double de plus de 160 pages à l’équipe de la revue Les Hommes sans Épaules pour rendre hommage à celui qui fut, avec Le Pont de l’Epée (1957-1983) et Le Pont sous l’eau (1988-1996), le tenant d’une poésie où s’illustreront bon nombre de créateurs d’aujourd’hui : Guy Chambelland. » Jean Chatard (Dixformes-Informes, Bruxelles, juin 2000).
|
|
|