Tor JONSSON

Tor JONSSON



Le néo-norvégien est non seulement, selon Régis Boyer, « d’une rare musicalité » mais se prête « admirablement à la suggestion de sentiments ou de secrets de l’inconscient qui jamais, pour un bon Norvégien, ne parviendront à se dire ». Tor Jonsson a choisi de s’exprimer dans une langue qui traduit la distance intérieure mais qui est aussi peuplée de forces magiques et de complicités avec le petit peuple. C’est une langue de poète pour les poètes, autrement dit, pour les esprits vivants. Si amour et mort s’unissent intimement dans la poésie de Tor Jonsson, c’est parce que la limite n’est pas nette entre rêve et réalité. Loin des rumeurs d’Oslo et d’une certaine pratique élitiste de la littérature et de la poésie, Tor Jonsson (1916-1951), originaire de Lom dans le Gudbrandsdal (la perle des vallées norvégiennes), est en prise directe avec le monde qui l’entoure. Tout comme un autre poète écrivant en néo-norvégien (ou nynorsk), celui-ci du Télémark – Tarjei Vesaas -, un homme est à l’écoute de la nature qui l’entoure et lui parle. Il en traduira les voix. S’il publie dès 1932 des articles dans Arbeider magasinet (Le Magazine des travailleurs), c’est en 1942, que Jonsson publie son premier recueil, Mogning i mørkret (Maturation dans l’obscur), qui donne un la fondamental et indique la direction de l’ombre, de la difficulté, ce qui offrira un cap tonal et pictural à cette voix, un chromatisme quasi obsessionnel : le gris. Les deux recueils suivants comportent des attaques virulentes, socialement claires et ancrées à gauche, contre l’injustice. La poésie est engagée. Elle peut quelque chose à quelque chose : un mot est un miracle. Une sélection des articles de Jonsson a paru dans les deux tomes d’Orties, en 1951 et 1952. Le recueil auquel il travaillait au moment de son suicide, en janvier 1951 (Ei dagbok for mitt hjarte / Un journal pour mon cœur), quelque chose comme son testament poétique, est paru la même année à titre posthume. De 1955 à 1960 ont paru en deux volumes, les œuvres – poèmes et prose – ainsi qu’une pièce de théâtre (Siste stikk / La dernière pièce). Ancrée dans la terre de Norvège, dont les noms reviennent par écho, cette poésie retourne au hameau familier (heimegrenda), où sont les souvenirs les plus forts et que le poète loue. Cette poésie émane d’un être qui vécut une solitude incroyable. A la solitude est l’annonce, l’ombre portée de la mort dont le gris est la couleur élective. A tout prendre, la poésie de Jonsson se situe, se joue quelque part entre ces sonorités, entre grend (hameau) et gråe (le gris). A lire : Pour me consoler de la mort, j’ai le rêve, édition bilingue, traduit du néo-norvégien par Pierre Grouix, (éditions Rafael de Surtis, 2005).

Pierre GROUIX

(Revue Les Hommes sans Epaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : POÈTES NORVÉGIENS CONTEMPORAINS n° 35