Annie SALAGER

Annie SALAGER



Légende photo: Portrait d'Annie Salager par Jacqueline Salmon.

À lire les poèmes d’Annie Salager depuis ses débuts, on se dit, en compa-raison, que peu d’œuvres poétiques auront su donner un aussi vif sentiment de liberté généreuse : « Je n’aime pas que l’on m’impose » ou « je n’ai pas de forme mais des limites changeantes », peut-on lire dans Les Fous de Bassan. Et, de fait, c’est l’ivresse de l’élan qui domine, c’est le désir d’une lumière toujours neuve, c’est l’immersion lustrale dans les profondeurs d’une langue dont l’auteur a d’ailleurs confié qu’elle était à plusieurs niveaux de conscience ou de subconscience : un français adulte, sous-tendu d’enfance occitane, et recoloré çà et là par l’hispanisante.

Il s’ajoute à cela, et presque nécessairement, qu’une sensualité, non de langueur, mais d’énergie fécondante, nourrit la dynamique comme la rythmique et l’intonation du poème, en bref toute sa musicalité. Et aussi, ne l’oublions pas, que la beauté (en fort peu de faveur aujourd’hui) reste cultivée chez ce poète, qui n’hésite pas à s’en réclamer : « Que serait-on sans beauté ? Je revendique ce mot, y compris dans l’art, et trouve une inquiétante tendance fasciste, c’est-à-dire mortelle, à sa méprisante néga-tion. À quoi mènera la « culture » trash ? » (Entretien avec Jean-Yves Masson, in revue Autre Sud, n° 35, décembre 2006).

On s’est plu à souligner, à juste titre, la présence, dans cette poésie, de figures féminines, en particulier dérivées de la mythologie antique. Mais l’auteur récuse fermement toute tentative de rattachement de sa poésie à cette catégorie contestable, émergée dans le précédent demi-siècle, dite « poésie féminine ». Elle admet tout au plus que certains mythes, certains thèmes évoqués puissent « laisser soupçonner que l’auteur est une femme. » Elle rappelle surtout ce que nous ne devrions pas oublier : « que le féminin et le masculin sont mêlés en chacun, en particulier chez les poètes. » (Entretien avec Jean-Yves Masson, ibidem).

D’origine languedocienne, née à Paris en 1938, Annie Salager est devenue lyonnaise d’adoption. Poète, elle a publié une quinzaine de livres de poésie et nombre d’ouvrages à tirage limité. Son premier livre a été honoré par le prix René Blieck en 1963 en Belgique, et elle a obtenu en 1973 le prix Jean Cocteau et le prix Louise Labé en 1999. Son dernier livre Travaux de lumière a obtenu le Prix Mallarmé 2011. Elle a aussi publié trois récits, un roman et diverses traductions de l’espagnol, participé à des anthologies et revues. Elle est membre du jury du prix Roger Kowalski.

Paul Farellier

(Revue Les Hommes sans Epaules)

 

A lire : La Nuit introuvable (Henneuse, 1963), Présent de sable (éd. Chambelland, 1964), Histoire pour le jour (Seghers, 1968), La Femme buisson (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1973), Les Fous de Bassan (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1976), Récit des terres à la mer (Federop, 1978), Figures du temps sur une eau courante (Belfond, 1983),  Marie de Montpellier, récit (Presses du Languedoc, 1991), Chants (Comp'Act, 1988, rééd. 1994), Le Poème de mes fils (éd. En forêt, 1997), Terra Nostra (le cherche midi, 1999), Le Pré des langues, récit (éditions du Laquet, 2001), Les dieux manquent de tout (Aspect, rééd. 2004), Rumeur du monde (L'act Mem, 2007), La muette et la prune d'ente, récit (Urdla, 2008), Bleu de terre, récit (La passe du vent, 2008), Aimez-vous la mer le tango (éd. En Forêt, 2009), Travaux de lumière (La rumeur libre, 2010).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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