Norbert PAGANELLI
 
            
        
       
           
  
    Né en 1954 à Tunis, Norbert Paganelli passe son enfance à Sartène. Après une licence en droit et un doctorat es science politique, il accomplit toute sa carrière professionnelle dans la fonction publique d’État où il exerce des activités aussi diverses que directeur du contentieux, de la communication, des ressources humaines et du management général. Durant plusieurs années, il dispense des séminaires de formation à destination des enseignants, des commerciaux ou des cadres supérieurs au sein de cabinets conseils. Ses écrits en langue corse commencent à être appréciés en Sardaigne où il obtient en 2009 (et en 2023) le premier prix à Santa Teresa di Gallura avant de recevoir, en 2014, le prix de la création littéraire de la Collectivité Territoriale de Corse et se voir attribuer le prix du livre corse en 2015 ainsi que le prix Don Joseph Morellini (Conseil départemental de Haute Corse) en 2016. Il est le fondateur de l’association Performance, qui organise des lectures poétiques théâtralisées dans les lieux publics et le président de la Maison de la Poésie de la Corse.
Ange Pomonti écrit (in La littérature d'expression corse, éd Albiana, 2018) : « Alliant penchants surréalistes et préoccupations sociohistoriques concrètes, Norbert Paganelli est une voix poétique incontournable du « Disincantu ». Ses premiers recueils de jeunesse, réunis au sein de l'ensemble Invistita/Errance (2007), semblent déjà dénoter une personnalité créative atypique. Certes, les grands thèmes du Riacquistu n’y sont pas absents, ou tout du moins certains d'entre eux. On retrouve ainsi pêle-mêle la déploration de la ruine villageoise et l'appel volontariste à rebâtir (« Calcosa ma micca tuttu »), la valeur symbolique et collective de la langue (« Altu cantu »), l'idée laudative de peuple (« Quissi chì marchjani »)... Mais, en rupture avec la poésie engagée d'alors, on ne peut manquer de constater que le contrepoint anxiogène n’est jamais très loin. Dans « Virità », la terre est synonyme de force et de sens profond, mais c'est bien la question de la perpétuation du lien séculaire qui finit par se poser : « A virità di i nosci loca... Quantu firmaremu / À pudella spiicà » (« La vérité de nos lieux / Combien de nous seront encore là / Pour l'expliquer »). Dans un cadre formel contemporain, des thèmes que l'on croirait issus de l'antique littérature de l'Abandon finissent par refaire surface, tels que l'angoisse face à l'effacement du passé (« Terzu viaghju »), ou l'idée typiquement « disincantata » de monde en cours d'engloutissement, symbolisée dans « Daretu à u balconu » par l’image de la muraille en train de s'affaisser. Mais l'interrogation est surtout chez Paganelli d’ordre métaphysique et ontologique. Hors des sentiers battus du dogmatisme, sa poésie prend alors un tour introspectif et se met à côtoyer l’ineffable. S’efforçant de transcender le local pour embrasser l'humain, elle se mue comme naturellement en humanisme : « I stradi ùn vani micca / Versu d'altri paesi / Ùn ci hè lingua straniera / In tuttu frustera » (« Les routes ne portent pas / Vers d'autres pays / Il n'y a point de langue étrangère / Qui ne soit que d'ailleurs »). Bien que séduit par la démarche identitaire du « Riacquistu », il n'est pas douteux que Paganelli s'en détache par son inscription résolue dans la diversité culturelle mondiale, préfigurant l'inflexion humaniste des années quatre-vingt-dix, mais également la remise en question amère qui atteindra son point culminant au cours des années deux-mille. Autant d’orientations personnelles et libertaires qui ne se démentent pas dans la section « Cosi è altri », où sont regroupées diverses créations plus récentes. Attentif aux événements historiques de son siècle et de son temps, du massacre d'Oradour-sur-Glane au martyre de Salvador Allende, le poète y assume son fatalisme, mais sans aller jusqu'à verser dans le renoncement. « Com'è i deci dita di a mani », symptomatique d'un désenchantement autant happé par la noirceur que désireux de s’en extirper, lui tient finalement lieu d'art poétique… »
(Revue Les Hommes sans Epaules).
À lire : Soleil entropique, Les Paragraphes littéraires, 1973 ; Sept chants pour l’amnistie, L’Ecchymose, 1979 ; A Strada, a vulpi è u banditu/La Route, le renard et le bandit (bilingue), Maison rhodanienne de poésie, 1975 ; A Petra ferta/la Pierre blessée (bilingue), La Maison Rhodanienne de Poésie, 1981 ; A Fiara /La Flamme (bilingue), LADS, 1992 ; Invistita/Errance (bilingue), Publibook, 2007 ; Canta à i Sarri/ Chants aux crêtes (bilingue), A’ Fior di Carta, 2009 ; Mimoria arghjintina/Un sel d’argent (bilingue), A’ Fior di Carta, 2010 ; A notti aspetta/La nuit attend (bilingue), Colonna éditions, 2011 ; Paroles et couleurs, essai sur la non-figuration de Nicolas Cotton, éditions La Bouinotte, 2012 ; Da l’altra parti/De l’autre côté (bilingue), Colonna éditions, 2014 ; U Cantu di i canti/Le Cantique des cantiques (traduction), A’ Fior di Carta, 2014 ; Parolli in biancu è neru/Paroles en noir et blanc (bilingue) avec C. Ferrara et A. Di Meglio, Le Bord de l’Eau éditeur, 2016 ; Sanguinarii/Sanguinaires (bilingue), Musa éditions, 2017 ; Calendariu/Calendrier (bilingue), Musa/A’ Fior di Carta, 2019. Soliloque polyphonique de l'enfermé/ Soliloquiu pulifunicu di u sarratu (bilingue), A’ Fior di Carta, 2021.
Œuvres collectives : Petre senza nome/Pierres anonymes, création de l’Operata culturale, A’ Fior di Carta, 2010. A Cerca/La Quête, création de l’Operata culturale, A’ Fior di Carta, 2012. Tarra d’accolta/Terre d’accueil (35 auteurs contre le racisme et la xénophobie), A’ Fior di Carta, 2015. Parolli in biancu è neru/Paroles en noir et blanc (bilingue) avec C. Ferrara et A. Di Meglio, Le Bord de l’Eau, 2016. Mi ramentu/Je me souviens, A’ Fior di Carta, 2017. Musa d’un Populu (Florilège de la poésie corse contemporaine), Le Bord de L’Eau, 2017. Par tous les chemins (Florilège poétique des langues de France), Le Bord de L’Eau, 2019. Poésie contemporaine des deux rives (Corse-Algérie), Scudo, 2019. Poésie du Louvre (100 poètes contemporains), Seghers, 2024.
Créations scéniques : Escales poétiques : lectures théâtralisées de la poésie contemporaine (40 représentations de 2013 à 2018). Altru Mare/Autra Mar/Autre Mer : Spectacle poético musical en occitan, corse, espagnol et français créé en collaboration avec Gérard Zuchetto et présenté en Corse et en Occitanie dans le cadre du festival : les troubadours chantent l’art roman, 2018-2019. Par tutti i chjassi : Concert scénique avec la participation de Muriel Batbie-Castell (chanteuse soprano et musicienne).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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| Dossier : J.- V. FOIX & le surréalisme catalan n° 60 | ||
