Jaume PONT

Jaume Pont, né en 1947, à Lleida, à 77 km au nord-ouest de Tarragone, a été professeur aux universités de Barcelone, Poitiers, Naples, Illinois, Mar del Plata et Littoral-Côte d'Opale, et il a été nommé à la chaire de Littérature Espagnole Moderne et Contemporaine de l’Université de Lleida. Il fait partie de la génération de poètes catalans qui se font connaître à partir des années 1970, aux côtés de Miquel de Palol et de Josep Piera. Il a reçu en 2006 le prix le plus prestigieux de la poésie catalane : le Carles Riba, et en 2012 le prix Virgile du Cenacle européen francophone.
La poésie de Jaume Pont a subi l’influence de la poésie française et allemande, avant d’atteindre un haut degré de dépouillement et de puiser à la source arabo-andalouse. En Espagne, écrit Lucie Clair (in Le Matricule des Anges n°79, 2007) la frontière entre la culture d’Al-Andalus, période de l’occupation de la péninsule par les Arabes (711-1492), et la veine poétique chrétienne, essentiellement castillane, garda longtemps une allure de duègne impénétrable malgré les efforts des arabisants, E. Lévi-Provençal en tête, pour souligner la parenté entre les troubadours occitans et ces poètes de l’Espagne médiévale.
Aujourd’hui, la poésie espagnole a renoué avec ses métissages et décidé d’en jouer. Traverser la frontière, explorer l’inconnu, ou danser sur sa peau tendue comme un tambour et en faire jaillir des accords à la fois familiers et inattendus. Peu savent aussi bien s’y ébattre que Jaume Pont, poète catalan, doté d’une rythmique tour à tour feu grégeois et source claire, et qui ne cède en rien à la virtuosité des poètes des Xe, XIe et XIIe siècles. Le point névralgique de cette œuvre, dans sa quête de pureté, est la mise à l’épreuve du langage dans sa capacité créatrice, son pouvoir de nommer le point de fuite où l’amour et la mort se confondent et se dépassent. Poète du haïku et du tanka, il poursuit l’inscription formelle dans les sources invisibles de l’esprit.
François-Michel Durazzo, son traducteur en français, ajoute : Sur ces terres catalanes, qui comptent huit millions de locuteurs, plus de deux mille poètes font chanter la langue depuis le troubadour Bernat de Palol. Parmi eux quelques phares, et sans conteste Jaume Pont. Sa poésie qui plonge dans les racines d’Al-Andalus, nourrie des avant-gardes italienne et française, de Rimbaud à René Char, confiante dans le pouvoir de la parole, est lumineuse, même quand elle creuse dans la nuit. De toute cette œuvre, que je lis et relis depuis trente ans, je ne retrancherais pas un seul vers. Avec le temps elle s’est resserrée sans jamais s’assécher, sans renoncer à un lyrisme maîtrisé. C’est en effet après avoir lu trois poèmes de Límit(s), le premier livre de Jaume Pont, qu’il y a trente ans déjà, je pris mon téléphone pour dire à cet homme qui n’en revenait pas et que je ne connaissais pas : j’apprendrai votre langue, je veux lire tous vos poèmes, je traduirai toute votre œuvre. Il m’ouvrit sa maison, sa porte, m’offrit sa langue et ses poèmes. L’œuvre de Jaume Pont, peu prolixe, jamais pressé d’ajouter un recueil à un autre, ne compte que dix livres, tous traduits en français, dont le dernier est Miroir de nuit profonde.
César BIRENE
(Revue Les Hommes sans Epaules).
Œuvres de Jaume Pont (traduites en français par François-Michel Durazzo) : Raison de hasard, poésie 1974-1989 (Le Noroît/Fédérop, 2010), Vol de cendres (Le Noroît, 2003), Le Livre de la frontière (Al Manar, 2006), Nulle part (L’Étoile des limites/Le Noroît, 2017), Miroir de nuit profonde (L’Étoile des limites, 2022), Prix Mallarmé étranger.
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : J.- V. FOIX & le surréalisme catalan n° 60 |