Jacques SIMONOMIS

Jacques SIMONOMIS



Au premier abord, Jacques Simonomis se distinguait par un physique saisissant, une bonhomie légendaire. Il portait la barbe et arborait une casquette de capitaine de marine ou un chapeau. Sa voix grave de baryton portait, et renforçait la teneur de ses propos, qui allaient du cocasse à la blessure. De l’ensemble de sa personne se dégageait une apparence, tantôt de nounours, tantôt de grizzli, lorsqu’il sortait ses griffes. Il y avait aussi son regard, deux énormes gouttes de pluie oculaires d’où émergeaient deux billes foncées, tour à tour étonnées, émues ou méfiantes. J’ai rencontré Simonomis en octobre 1996. Nous sommes devenus amis. Il me demanda dés le numéro 18 (avril 1997) d’intégrer le comité de rédaction du Cri d’os, la revue qu’il avait fondée en 1993. J’acceptai, donnant poèmes, notes de lecture, articles et chroniques, jusqu’au dernier numéro en 2003. Simonomis était un bon vivant, et c’est ainsi qu’il concevait la vie, arrosée d’un bourgogne, avec l’écriture comme bouée de sauvetage; l'amour et l'amitié comme balises de survie. Il avait commencé à écrire très tôt, mais à publier très tard, à 30 ans. Il ne connaissait pas le milieu littéraire, et avait reçu de nombreuses portes dans la figure, à ses débuts. C’est dans la douleur qu’il a construit son œuvre. Sa poésie le fouille comme une plaie. Jacques Simonomis est décédé des suites d’un cancer, à Paris, le 15 février 2005, à l’âge de 64 ans. C’était un matin, peu de temps après la publication de Fort de café, son dernier recueil.

Jacques Simon dit Simonomis (palindrome qu'il adoptera en 1975), est né le 28 mai 1940 à Paris. Ses proches ascendants sont originaires de l’Est de la France : l’Alsace et le Haut-Rhin pour le père, la Haute-Marne pour la mère. Assez tôt, le ménage des parents se désagrége. Bien que bon élève, il ne peut poursuivre ses études, après la classe de seconde, car ses parents, selon la tradition familiale, lui imposent un collège technique, qu'il ne tarde pas à quitter pour se lancer dans la vie active. Il intègre l'Administration des Postes, où il effectuera toute sa carrière. Il deviendra Ambulant, soit le tri du courrier en wagon postal itinérant de 1963 à 1986 : « Les lignes du Sud-Ouest, du Nord, de l’Est… J’ai fait trente fois le tour de la terre (1 200 000 km)… Un rude métier pour de rudes hommes… L’entraide, la camaraderie, l’amitié parfois… J’ai travaillé longtemps sur le service Paris-Mulhouse-Bâle qu’avait dirigé le peintre naïf Louis Vivin (1861-1936). J’étais le seul à penser quelques fois à lui, dans la nuit. » En parallèle, il élabore une oeuvre qui se tient en marge de tout mouvement. On distingue trois grands axes au sein de sa création : le réalisme, l’humour et l’imaginaire. L’humour correspond à un art de vivre et de juger la réalité, mais n’est pas une fin en soi. Simonomis est un poète ancré dans son temps. Si, l’imaginaire, comme l’insolite, ajoutent une nouvelle dimension à l’œuvre, à compter des années 90, ils n’en effacent pas pour autant l’humain, le réel, ses frustrations et ses plaies, ce dont témoigne La Villa des roses, son livre le plus connu et le plus commenté, entièrement consacré à la guerre d’Algérie.

Poète, critique, Simonomis sera en outre, un animateur important. Après avoir coanimé la revue Soleil des loups, Simonomis, aidé par Yvette son épouse, fondera et animera sa propre revue: Le Cri d’os (40 numéros de 1993 à 2003), à Paris, durant dix ans. Puis la maladie prit le relais, pour l’emporter le 15 février 2005. Jacques Simonomis a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise. La ville de Guyancourt (département des Yvelines) a donné le nom de Jacques Simonomis à l’une de ses rues, qui jouxte la Maison de la poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines et la médiathèque Jean-Rousselot.

Evidemment, certains ne manqueront pas de déceler un « manque d’unité » au sein de cette œuvre. A ceux-là, Jacques Simonomis a déjà répondu : « Je suis fidèle à l’infidélité. Je suis comme ça, c’est naturel. La diversité des registres ? C’est mon côté « il peut le faire ». L’œuvre de Jacques Simonomis le représente et l’englobe sous toutes ses coutures. Elle est avant tout taillée d’un seul bloc dans les méandres de sa vie, avec son ton, son style, ses différents registres, ses images ou son vocabulaire. Jacques Simonomis a écrit : « N’étant pas de  la race des veaux aphasiques, j’ai crié. » Jacques Simonomis possède un Regard et une Voix, c’est incontournable, et c’est malgré tout l’essentiel.

Œuvres : Les Sirènes avec nous (Paragraphes littéraires, 1975. Réédition La Lucarne ovale, 1998), Matricule à zéro (éditions St-Germain-des-Prés, 1976), La Mansarde Himalaya (éditions St-Germain-des-Prés, 1977), L’Homme qui marche (éditions St-Germain-des-Prés, 1978), Poèmes boxeurs, Guerre d'Algérie 1954-1962, (La Nouvelle Proue, 1988), Dossard illisible (éditions de l'Ecchymose, 1979. Réédition La Lucarne ovale, 1999), Le Triangle sacré, proses poétiques sur Montmartre, Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés (éditions Traces, 1981. Réédition La Lucarne ovale, 2004), Comme un cri d’os : Tristan Corbière (éditions Traces, 1983), Vingt petits poèmes historiques (éditions Traces, 1983), Gaston Couté : de la terre aux pavés, essai, (Les Dossiers d'Aquitaine, 1985. Seconde édition augmentée en 1987), Vous avez dit Bizeau, essai sur le poète-vigneron Eugène Bizeau, alors âgé de 103 ans, (éditions Dossiers d'Aquitaine, 1986), L’étrier d’argile (éditions Barré et Dayez, 1987), Les Chiffres, ces gens-là… (éditions du Soleil Natal, 1988), Neruda (éditions Traces, 1989), L’œil américain (éditions du Soleil Natal, 1991), Mon siècle en deux (éditions L'arbre à paroles, 1993), Récréation de la ponctuation (Revue Multiples n° 49, 1993), Un âne sur le toit (éditions La Bartavelle, 1995), Ça marche ! ou "la pariade politique" (éditions La Lucarne ovale, 1995 et 2002), L’Essayeur,monologues pour Café-théâtre, (éditions de La Lucarne ovale, 1995), Il faut savoir lire, poèmes pour enfants, (éditions La Lucarne ovale - 1996), La parade de cirque ou le bonimenteur (éditions La Lucarne ovale, 1997), Les Couseuses (éditions L'arbre à paroles, 1997), Sa Majesté Auriculaire (éditions La Bartavelle, 1998),  La Villa des roses, Guerre d'Algérie 1954-1962, postface de Christophe Dauphin, (éditions Librairie-Galerie Racine -1999), Valet de pied, poèmes érotiques, (éditions Alain Benoit, 2000), L’Essentiel au détail (L’Abécédaire éditeur, 2001), Illustrations d’Emmanuel Delacroy, La Garden-Party, poèmes érotiques (éditions Clapàs, 2002), Le calfat des étoiles (éditions L'arbre à paroles, 2002), Aphorisques et placers, aphorismes, (éditions La Lucarne ovale, 2003), Un singulier grand ordinaire (Editinter, 2003), Claudication du monde (Le Nouvel Athanor, 2004), Fort de café (Editinter, 2004), Premiers poèmes (1954-1959) (éditions La Lucarne ovale, 2005), Simples comme… (éditions Alba, 2005), La Queue leu leu du fabuleux (Editinter, 2006). La Maison du monde, poème traduits en vingt-et-une langues (Hors commerce, 2009)

A consulter: Jean Rousselot, Jean-Paul Gavard-Perret, Jacques Simonomis (La Lucarne Ovale Editions, 1999. Christophe Dauphin, Jacques Simonomis, L’imaginaire comme une plaie à vif, essai suivi d'un choix de textes, (éditions Librairie-Galerie Racine, 2001), Simonomis, l’hoplite du poème, numéro spécial de la revue L’oreillette n° 34, 2001. Jacques Simonomis, numéro spécial de la revue Missives n°221, 2001.Jacques Simonomis (1940-2005), Les Dossiers d’Aquitaine 2007. Simonomis, la langue en crue, numéro spécial de la revue L’Arbre à paroles n°136, 2007. Claudication du monde, Claude Antonini chante Jacques Simonomis, CD, RDM, 2012. Christophe Dauphin, Comme un cri d'os, Jacques Simonomis (Le Cri d'os n°41/42, Les Hommes sans Epaules éditions, 2015).

 

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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Publié(e) dans le catalogue des Hommes sans épaules



 
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Comme un cri d'os, Jacques Simonomis