Henri DROGUET
Henri Droguet est né le 29 octobre 1944, à Cherbourg, où il passe son enfance et son adolescence, dans le port normand. Il poursuit ses études supérieures de Lettres à l'université de Caen, de 1962 à 1970. Installé à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) depuis 1972, il y enseigne les lettres à partir de cette date jusqu'en 2004. Premières publications dans Les Lettres Françaises, en 1968. Enseigne dans le même établissement malouin jusqu’en 2004. Henri Droguet a tôt été encouragé par Louis Aragon, Claude Roy, Jean Follain, André Frénaud, Jacques Réda, Guy Goffette et Jean Grosjean.
« Ce que je peux dire sur l’ensemble de mes textes de poésie c’est qu’il s’agit de poésie charnelle, élémentaire quoique non figurative (j’ai coutume de dire que je ne figure pas, mais que je défigure). Je crois que c’est d’abord fabriquer de la musique de mots, ou du grommelot. Il n’y a nulle tentative déterminée de représentation là-dedans. J’ai mis en épigraphe à mon dernier recueil cette déclaration de Pierre Soulages : « Je ne représente pas, je présente. » Voilà. Il s’agit de mettre en espace, en jeu et en crise des mots où chaque lecteur mettra librement ce qu’il voudra », nous dit Henri Droguet.
La poésie d’Henri Droguet, comme l’écrit Richard Blin (in Le Matricule des Anges, 2022) : « Ça secoue, ça se déploie, ça rape et ça rit, ça se rattrape comme le funambule sur son fil. Faite de chutes et d’élans, elle obéit à la logique de l’instant et aux diktats de la météorologie. C’est vif et intense, dense et subtil avec un sens certain de l’incommensurable. Elle est faite de libres errances dans le grand dehors, celui des éléments premiers de l’espace armoricain, de la réalité primordiale de l’air, du vent, des vagues, du roc, de toutes ces choses de la terre qui sont ici perçues non comme des objets, mais comme des présences… Une poésie où l’identité personnelle se perd, disparaît car il faut se débarrasser de soi pour être sensible à un lieu, à un paysage, au temps qu’il y fait, à la lumière qui l’habite. Pour le saisir, cet endroit, dans son essence, partager un peu de son inexprimé flottant et en sentir les énergies en mouvement. Pour donner voix enfin à l’écart qu’il y a entre la réalité et le réel, entre ce que l’on ressent et le sentiment d’entrer en contact avec une autre vérité, qui nous déborde et nous dépasse. Un écart que Rimbaud traduisait en disant que « nous ne sommes pas au monde ». Pour y parvenir, Henri Droguet a dû élaborer une langue, lui inventer une allure entre le déglinguement et l’effervescence. Une langue à la syntaxe soigneusement disloquée mue par un rythme singulier fait de bonds et de rampements, de repliements et de tâtonnements. Une langue qui mixe tous les registres – argot, patois, mots inventés, mots familiers, mots rares ou spécialisés (flore, ornithologie, météorologie) –, évacue toute ponctuation, use du spasme et de l’intermittence, joue de la dialectique du lié et du délié. D’où un tohu-bohu verbal terriblement tonique, tout en chocs de tonalités, oxymores violents et halos de sauvagerie. Des poèmes dont l’aventureux désordre défigure pour mieux faire apparaître un monde inouï, le chaos discontinu d’un univers sensible où ça danse et ça vibre au-delà des classifications et des mesures. »
Henri Droguet est poète non conforme étonné, taciturne de tous ses yeux il s’émerveille dans une langue parfois inventée, triturée, bousculée : « Je ne figure pas, je défigure et c’est du tohu-bohu élémentaire et verbal que je mets en espace, en musique, en crise, en désordre, que je bricole avec ma caisse à outils rhétoriques et intertextuels… Je ne représente pas… le décor dans les poèmes, ça reste un collage plus ou moins cohérent d'éléments généraux tendant presque à l'abstraction furieuse » .
Karel HADEK
(Revue Les Hommes sans Épaules).
À lire :
Le Bonheur noir, Le Mercure de France, 1972
Chant rapace, Cahier de Poésie n°3, éditions Gallimard, 1980
Le Contre-dit, éditions Gallimard, 1982
Ventôses, éditions Champ-Vallon, 1990
Le Passé décomposé, éditions Gallimard, 1994
Noir sur blanc, éditions Gallimard, 199419
La Main au feu, éditions Gallimard, 2001
Pluies, vents, bords perdus, galerie Ombres et Lumières, 2003
48°39'N- 2°01'W - eu autres lieux, éditions Gallimard, 200320
Avis de passage, Le galet bleu, 2004
Albert & Cie, éditions Apogée, 200521
Avis de passage, éditions Gallimard, 200522
Brouhahas, éditions de la Canopée / galerie Ombres et lumières, 2006
Presto con Fuoco, Mona Kerloff, 2006
Off, éditions Gallimard, 200719
Miroir obscur, Le galet bleu, 2009
Paix chimères anamorphoses, éditions Double Croche, 2009
Cantique de l'algue bleue, galerie Ombres et Lumières, 2010
Boucans éditions Wigwam, 2010
Avis de grand frais, éditions Contre-Allées, 2011
Ceci n'est pas une fable, éditions de la Canopée, 2011
& tout le tremblement, éditions Fario, 2012
Maintenant ou jamais, éditions Belin, 2013
Rondes de nuit, édition Double Croche, 2013
Là-bas/ ci-gît/ suis éditions Approche, 2014
Soit dit en passant, éditions de la Canopée, 2015
Palimpsestes & rigodons, éditions Potentille, 2016
Faisez pas les cons! éditions Fario, 201628,29
Désordre du jour, éditions Gallimard, 2016,
Machinerie, éditions Double Croche, 2017
Bulletin, éditions de la Canopée, 2017
Grand beau, Clef des champs, 2019
Grandeur nature, éditions Rehauts, 2020
Toutes affaires cessantes, éditions Gallimard, 2022
Onze raccourcis à la va-vite (avec reprises obligées) juste avant l'hiver, Atelier de Villemorge, 2021
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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