Taras CHEVTCHENKO

Taras CHEVTCHENKO



Taras Chevtchenko (1814-1861), poète légendaire et figure emblématique de l’histoire nationale, marqua le réveil du pays, sans cesse asservi, au XIXe siècle : La vérité règnera-t-elle – En ce monde, parmi les hommes ? – Il faut que cela soit, sinon – Le soleil arrêtant sa course – Brûlera la terre souillée.

Méconnu en France où à défaut d’être traduit on lui a consacré un tout petit square (abritant un buste du poète), non loin de Saint-Germain-des-Prés, dans le VIe arrondissement de Paris, Chevtchenko est connu de toutes et de tous en Ukraine. Cet imposant aîné mérite d’être découvert en France et redécouvert en Ukraine, débarrassé des oripeaux de la culture officielle. Une chose est sûre, le poète est irrécupérable.

Il y a que Taras Chevtchenko vécut comme serf (son père paysan, l’était aussi), c’est-à-dire comme un esclave, durant les vingt-quatre premières années de sa vie, subissant les coups, les injures, les humiliations et le despotisme de son maître Engelhardt, lequel finit par signer sa lettre d’affranchissement en 1838, contre la somme de 2.500 roubles, payée par Karl Pavlovitch Brioullov (1799-1852), le premier peintre russe de stature internationale et le mentor de Chevtchenko, lequel fut peintre, avant d’être poète (et romancier et auteur dramatique) ; peintre donc, Chevtchenko, comme sa lointaine concitoyenne Oksana Shachko, avec laquelle il possède nombre de points commun.

Taras Chevtchenko vécut pour une Ukraine démocratique et ne cessa d’agir en révolutionnaire conséquent, participant à des organisations et des mouvements de libération. Il connut lui aussi comme Oksana Shachko, mais à une autre époque et dans d’autres conditions, la prison, l’exil, la surveillance policière et l’interdiction de peindre et d’écrire.

Comme la jeune artiste de Khmelnitski, Taras Chevtchenko voulut une Ukraine indépendante. Il appela le peuple à s’unir, à lutter : « Levez-vous ! Fraternisez ! Brisez vos chaînes ! Aiguisez la hache ! » Ces expressions reviennent constamment, car le poète sait que la liberté n’est pas octroyée, qu’elle doit être conquise par le peuple.  Il ne suffit pas de s’en remettre à Dieu, il faut agir. Je ne pense pas qu’Oksana Shachko renierait cela. Tous les deux aiment ce peuple qui porte leur art, sans être pour autant dénués de clairvoyance à son égard, pas sans impatience, non plus. Taras Chevtchenko va parfois, sous le coup de la déception, jusqu’à traiter le peuple « de lâche, d’imbécile vautré dans la mare de l’esclavage ». Oksana Shachko connaît peut-être aussi ces moments d’abattement ?

Les ennemis de Chevtchenko furent les tyrans quels qu’ils soient, les rois et les seigneurs de Pologne, les sultans de Turquie, et surtout le tsar de Russie. L’église fut aussi son ennemie, étant l’alliée des puissants, elle trompa le peuple.

Les ennemis d’Oksana Shachko sont les héritiers de ces despotes-là. Comme Chevtchenko, elle n’épargne certainement pas les gouvernants, la nomenklatura ukrainienne, toujours, le fait n’est pas nouveau, plus attachés à leurs biens, à leurs privilèges, qu’à leurs pays et à leurs concitoyens. Malgré sa courte vie (quarante-sept années), qui fut bien remplie, on ne peut qu’être étonné par l’abondance des œuvres laissées par Taras Chevtchenko : des milliers de vers, deux drames historiques, des romans, sans parler des dessins et des peintures, en sus du temps consacré à l’action et des années de détention et de forteresse.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

A lire : Taras Chevtchenko, par Maxime Rilsky et Alexandre Deïtch, (Collection Poètes d’aujourd’hui, Seghers, 1964), Le peintre (gallimard, 1964), Œuvres choisies, éditions bilingue (Éditions DNIPRO, 1978), Kobzar (Éditions Bleu & Jaune, 2015).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Nikolaï PROROKOV & les poètes russes du Dégel n° 44