Paul-Napoléon ROINARD

Paul-Napoléon ROINARD



Paul-Napoléon Roinard, le plus libertaire des poètes normands, est né le 4 février 1856, à Neufchâtel-en-Bray (Seine-Maritime). Il est mort en 1930. Issu d’une vieille famille, Roinard fit ses études au lycée de Rouen, puis s’installa à Paris, où il fut élève à l’École des Beaux-arts et de l’École de Médecine. C’est à cette époque qu’il se met à écrire des poèmes. Brouillé avec sa famille bourgeoise, après un an de service militaire au 11e régiment d’artillerie, il mène pendant sept ans une vie de misère, manquant de tout. Une nuit, on le ramasse mourant d’inanition.

Grâce à sa constitution robuste, il résiste et vit, tant bien que mal, en utilisant ses talents de peintre et en rimant des devises pour des confiseurs. Il travaille aussi à la Société Général, d’où il est congédié en raison de la formidable distraction qui règne dans ses comptes.

En 1836, il publie son premier livre de poèmes, Nos plaies, un recueil de satires sociales, amer et rude. Cette publication l’introduit dans le milieu littéraire. Il fréquente alors Le Chat noir, fait la connaissance de Paul Verlaine, de Stéphane Mallarmé, de Laurent Tailhade et fonde avec quelques amis, La Butte, qui influencera la littérature libertaire de l’époque. Roinard dirige par la suite la Revue septentrionale ; participe, avec Zo d’Axa, à la création, en 1891, du journal L’En dehors, l’organe des anarchistes individualistes. Il prend la direction des Essais d’Art Libre.

C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec le grand écrivain normand, Remy de Gourmont, qui rapportera : « J'ai beaucoup connu Roinard en des temps indéterminés, j’ai régi avec lui une petite revue qui s’appelait les Essais d'Art libre, celle même où fut d’abord publié Lilith, et nos noms s’y étalaient fraternellement. Plus tard, je goûtai et respirai au Théâtre d’art la poésie de son Cantique des Cantiques, et plus tard encore (à moins que cela ne soit plus tôt), nous collaborâmes, avec Saint-Paul Roux, Retté, Rachilde, à un singulier journal, l’Écho de France, qui avait la fantaisie de payer, presque convenablement, notre copie. J’ai donc connu Roinard presque davantage qu’aucun autre de mes contemporains littéraires. Ce n’était pas la période des admirations réciproques et je crois qu’il nous souciait moins de nous étonner les uns des autres que de nous plaire à nous-mêmes et de déplaire à certains. Roinard, d’ailleurs, n’avait encore publié que fort peu de vers, mais il nous paraissait destiné à la réputation qu’il a rencontrée plus tard. S’il n’avait pas été si paresseux, il l’aurait trouvée bien plus tôt. Mais je crois aussi que les circonstances lui furent très défavorables….

Il n’a jamais guère pensé qu’à la gloire, qu’elle vienne : il l’attendait et elle ne le surprendra pas. » Suspecté et recherché par la police lors des vagues d’arrestations d’anarchistes, en 1895, Roinard s’exile de Paris, la veille du fameux procès des Trente et se réfugie à Bruxelles. Il y demeure deux ans, après quoi il revient en France et réunit les poèmes de La Mort du Rêve, son œuvre principale. Roinard fut lié (et admiré) à Mallarmé, Verlaine, Moréas, Rodin, Saint-Pol Roux ou Apollinaire, qui l’appelait (et lui écrivait) en ces termes : « Mon cher ami et maître ».

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

Œuvres : Nos plaies (Soc. Typographique, 1886), La Mort du Rêve (Mercure de France, 1902), Sur l’avenue sans fin (Revue de Paris et de Champagne, 1906), Les Miroirs (éd. de la Phalange, 1909), Choix de poèmes (Eugène Figuière, 1932).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes normands pour une falaise du cri n° 52