Miguel HERNANDEZ

Tout commence, en Espagne, avec les élections municipales du 12 avril 1931, qui mettent fin à la dictature de Primo de Rivera, soutenue par le roi d’Espagne Alphonse XIII depuis le coup d’État du 13 septembre 1923. Ce dernier part en exil et la Seconde République espagnole est proclamée. L’Espagne des années 1930 est un pays très en retard sur les pays industrialisés et pauvre avec un grand taux d’analphabétisme (entre 30 et 48 % de la population en 1930) et d’importantes divisions sociales et idéologiques.
Les conflits se succèdent pendant cette période et les positions politiques se radicalisent. La guerre d’Espagne n’est pas loin. Aux origines de ce conflit, on peut noter la persistance dans le pays de structures économiques et sociales archaïques. Sur 24.693.000 d’habitants en 1931, 8 millions d’Espagnols sont touchés par la misère. La classe des grands propriétaires terriens possédant des latifundia, souvent nobles, domine un pays resté essentiellement agricole : Deux millions d’agriculteurs sont sans terre alors que 20.000 personnes possèdent la moitié de l’Espagne.
Cette haute société s’appuie sur un clergé catholique très riche et très conservateur. Elle s’appuie également sur une armée dont les très nombreux officiers défendent l’ordre traditionnel. Elle s’intéresse peu au développement industriel, car les secteurs les plus rentables sont entre les mains de capitaux étrangers. Face à cela, les deux tiers des actifs sont des agriculteurs et les trois quarts de ces derniers constituent un prolétariat agricole sous-payé. Le poète berger autodidacte et prodigieux Miguel Hernández en garde la trace.
Miguel Hernández est né le 30 octobre 1910, à Orihuela, dans un petit village situé près de Murcie (province d’Alicante) : Chair de joug il est né – plus humilié que beau – avec le cou tourmenté – par le joug pour le cou. – Il naît comme l’outil – destiné aux coups – d’une terre mécontente – et d’un labour insatisfait. Hernández est le fils de très pauvres paysans (le père est berger et marchand de chèvres). Il possède le don, qui émerveillera plus tard Lorca, de pouvoir imiter tous les chants d’oiseaux ou bruitages de la campagne et de la ferme.
Hernández est initié à la poésie par le boulanger du village, Efrén Fenoll, qui lui présente l’érudit Ramón Sijé qui devient son meilleur ami, son mentor et l’aide à parfaire sa culture. Miguel est enraciné dans la terre et le contexte social de son pays : Je n’appartiens pas à un peuple de bœufs – mais j’appartiens à un peuple qu’encombrent – les repaires des lions, - les défilés des aigles, - et les cordillères à taureaux – l’orgueil aux cornes. – Jamais les bœufs n’ont fait souche – dans les plaines d’Espagne.
Jugé en 1940, Miguel Hernández, poète, paysan, autodidacte, communiste, est condamné à mort par les Franquistes. La vague de protestation qui s’élève sur le plan international fait que sa peine est commuée à trente ans de prison. Prisonnier politique dans des conditions de détention précaires et épouvantables, Miguel Hernández meurt à 31 ans d’une tuberculose au bagne d’Alicante le 28 mars 1942, laissant ces quelques mots gravés sur le mur de sa cellule : « Adieu, mes frères, mes camarades, mes amis : - prenez pour moi congé du soleil et des blés ! »
Poète espagnol appartenant à la génération dite de 1936, Miguel Hernández, chevrier de son état jusqu'à l'âge d'homme, fut d'abord un autodidacte passionné de littérature et surtout de poésie. Ébloui par les formes les plus hermétiques de la poésie espagnole, et notamment par l'œuvre de Góngora, il se forgea un langage personnel à travers imitations et fréquentations, et parvint à la création métaphorique véritable, pure transposition d'une vie quotidienne violemment charnelle, où s'affrontent douleur et joie, amour et solitude, espoir et désespoir. Il combattit, les armes à la main, dans les rangs de l'armée républicaine, et sa poésie est étroitement liée à cet engagement qui le conduisit à l'emprisonnement, puis à la mort. Essentiellement attaché à la terre dont il pétrit littéralement chacune de ses images, Miguel Hernández est un poète venu du peuple qui écrit pour le seul peuple, mais avec la rigueur du grand artiste pour qui le langage est l'objet d'une quête perpétuelle.
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Epaules).
À lire : Hormis tes entrailles, Éditions Unes, 1989. Fils de la lumière et de l'ombre, éd. Sables 1993. La Foudre n'a de cesse, éd. Folle Avoine/Presses Universitaires de Rennes, 2001. Mon sang est un chemin, éd. Xenia 2010.
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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