Michel PASSELERGUE

Michel PASSELERGUE



Poète et essayiste, Michel Passelergue (né en 1942) a enseigné les mathématiques en banlieue parisienne. Il a rejoint le comité de rédaction de la revue Phréatique, fondée en 1977 par Gérard Murail, en 1980, et ce, jusqu’au 95èmeet dernier numéro de la revue qui paraît en 2001.

Au sein de cette revue, qui provoque un dialogue entre poètes, artistes, philosophes et scientifiques, Michel Passelergue s’interroge sur les rapports entretenus par la poésie avec la réalité : « Si nos imaginations nocturnes se nourrissent d’éléments quotidiens bien réels, il en va de même de l’écriture poétique quand elle s’en remet au pouvoir de l’intuition et de la libre pensée analogique. » La quintesse de ses recherches et essais a paru dans Le réel, j’imagine.

Pour Michel Passelergue, il s’agit non pas de nier l’angoisse, mais de l’inverser, en puissance de vie : « Vivons de notre absence… A la succion du silence, opposer féeries entre les mots ». L’œuvre traverse - et, de ce fait, transcende par son mouvement propre, dans la solitude assumée de l’être mortel - la nuit, la vie, « la mort en nous, qui respire ». La perte, aussi tragique soit-elle, est alors le chemin de l’Ailleurs, d’un Ailleurs qui transgresse toute perte, et qui ne peut se perdre : « Sois nos yeux, transparence du passé dans tout ce qui s'éveille. Deviens nos mains, présence évanouie, pour toucher l’envers interdit du temps. »

Fidèle ami, lecteur et collaborateur de la revue Les Hommes sans Épaules, Michel Passelergue a notamment participé au dossier central du numéro 25 (2008), consacré au poète maudit de Tarare Roger-Arnould Rivière, le poète de la cassure. Car pour Passelergue, « la poésie est une aventure de voyelles, un chant fracturé. Tout ce qui tourne et grince dans l’os. » Passelergue célèbre en Rivière, un poète-frère, une poésie qui interroge le corps, qui est viscéralement liée au mystère du vivant, qui suggère les pulsions du désir. Une poésie où l’amour de la femme se double de la fascination pour la « mort apocryphe », visiteuse de nuits suspectes, mangeuse exsangue de cet « univers du bout de la langue » qui pourrait bien être le seul lieu habitable. Écrire, oui, rompre pour secouer les derniers lambeaux de ce qui a « saveur d’âme », rompre avec l’opacité d’une « fuyante réalité » faite d’absence. Pour se risquer enfin à l’envol abortif de l’être ». 

Michel Passerlergue c’est aussi le poète d’Ophélie, absente et présente dans les méandres de sa mémoire, Ophélie qui a illuminé sa vie – Ophélie entre deux eaux, entre rêve et amour fou, qui lui « écrit » : Devant chaque miroir qui s’éloigne, j’effeuille des regards à contre-jour, les dernières nuits sous vide, je flotte au gré du vent, au plus fort de son verbe indicible. Me confie encore ceci : J’ai trop brassé la lumière trouble des eaux, me suis détournée de nos féeries furtives – j’ai si longtemps veillé, à l’écart. Et quelques paroles comme étouffées, cueillies pour mémoire : Combien d’ailes à la flamme du secret, aux cendres de l’oubli ? Ophélie sourit entre les mots : Tu seras l’éclair perdu, passeur d’inductions nocturnes.

Michel Passelergue est décédé samedi 30 août 2025, à l’âge de 83 ans.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).

 

À lire : Érosion (Pierre Jean Oswald, 1970), Nyx (Formes et langages, 1970), Le feu et la parole (Formes et langages, 1973), Vers la flamme (Formes et langages, 1975), L’oreille absolue (Formes et langages, 1978), Impasses (GRP, 1985), Une lettre ouverte au silence (GRP, 1989), La nuit, l’autre (La Bartavelle, 1993), Zodiaque apocryphe et autres écrits harmoniques (GRP, 1997), Allégories perdues (GRP, 1998), Le temps étroit (GRP, 2000), Le réel, j’imagine, Poésie, environs (L’Harmattan, 2005), Lettres à Ophélie (L’Arbre à paroles, 2006), Ombres portées, ombres errantes (Éditions du Petit pavé, 2011), Lontana in sonno (éd. Aspect, 2012), Journal de traverse (Rafael de Surtis, 2013), Corollaires au point du jour (la Porte, 2014), Miroir sans issue (Éditions du Petit pavé, 2015), Lettres d'Elseneur, suivi de Florilège pour Ophélie (Tensing, 2015), Fragments pour l’autre rive (la Porte, 2016), Fragments nocturnes pour une chanson d’aube (Éditions du Petit pavé, 2018), Ophélie d’Elseneur (Aspect, 2019), Un roman pour Ophélie, suivi de Douze monodies au bord de la nuit (Éditions du Petit pavé, 2018).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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