Maria D'APPARECIDA

Maria D'APPARECIDA



Illustration : Félix Labisse : Maria D’Apparecida (1965). Huile sur toile. Collection privée.

Grande voix de la musique brésilienne, personnage hors-norme et muse, comme Elsie Houston, mais non d’un poète, mais d’un peintre, également surréaliste, Félix Labisse ; Maria d’Apparecida fut également la première brésilienne mulâtresse à interpréter Carmen à l’Opéra de Paris.

Maria d’Apparecida est née le 17 janvier 1936, à Rio de Janeiro (Brésil), de père inconnu et d’une mère, Dulcelina Marques qui meurt alors que Maria est encore enfant. Elle sera élevée dans la famille qui employait sa mère, celle de l’avocat Germano et Lucília de Azambuja, partageant l’éducation bourgeoise des enfants du couple, étudiant le piano, la danse et le chant. Dès la fin de ses études, elle devient institutrice, puis speakerine à Radio Globo, avant de débuter sa carrière de chanteuse en France, en 1961, à l’Odéon-Théâtre de France, dirigé par Jean-Louis Barrault, qui témoigne : « Maria connait donc tous les secrets et mystères magiques de la musique de son beau pays. Son talent vocal coule de source ! Mais, en elle, il y a plus. En véritable poète elle reste disponible. »

Maria d’Apparecida donne des récitals de chansons brésiliennes : Villa-Lobos, Waldemar Henrique, Ernâni Braga et H. Tavares, avant de chanter Carmen à l’Opéra de Bordeaux (1963), de participer au festival de Berlin, et de chanter Carmen, son triomphe, à l’Opéra de Paris, à partir du 26 septembre 1965. « Justesse de sentiment, expression nostalgique, émouvante ou malicieuse, des textes et des mélodies, grâce à la précision de son articulation, de sa vocalisation et, aussi, d’une gentillesse de ton si personnelle, si convaincante ... oui la cantatrice ici s’évanouit… Elle m’était alors apparue, à son tour, comme une sorte d’oiseau, l’Oiseau du Brésil », témoigne le compositeur Georges Auric.

Son confrère Henri Dutilleux ajoute : « Que de facettes dans son art ! Qu’elle ait été l’interprète de Carmen, de L’heure espagnole ou de Porgy and Bess, qu’elle nous ait livré presque au même moment sa traduction de ces chants très anciens du Brésil, ou encore, tout récemment, qu’elle mette son talent au service de chansons modernes d’Amérique latine ou d’ailleurs, c’est la même intelligence qu’on admire en elle. » Sa brillante carrière lyrique s’interrompt brutalement suite à un accident de voiture en 1974.  

Maria d’Apparecida retrouve la scène après trois ans d’arrêt, pour enregistrer le disque Maria d’Apparecida canta Baden Powell. De 1960 à 1990 elle enregistre une trentaine de disques de musique classique et populaire, obtenant de nombreux prix et devenant l’ambassadrice de la musique brésilienne en France et en Europe. « Maria d’Apparecida, la voix du Brésil dans le monde. Elle appartient à la constellation des astres rarissimes que transforment travail et souffrance en lumière. Nous lui devons, nous Brésiliens, une généreuse divulgation de notre musique dans le monde », écrit Guilherme Figeiredo.

En 1959, elle fait la rencontre du peintre Félix Labisse, qui peint son portrait dès 1960. Muse et amante, Maria d’Apparecida apparaîtra par la suite dans une quinzaine de tableaux, seule ou accompagnée, notamment au sein de la célèbre série, « Les femmes bleues », qui firent la célébrité de Labisse. Le peintre se plaignait de ne pas arriver à peindre sur la toile la couleur de la peau de Maria, qui lui répliqua : « Peignez-moi en bleu, ainsi on verra que je ne suis pas blanche. »

Maria d’Apparecida est décédée le 4 juillet 2017, à Paris, ville qu’elle avait adoptée dès la fin des années 1950.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

A lire : Mazé Torquato-Chotil : Maria D’Apparecida, 190 pages, 20 € (ALC Editions, 2019). Association Maria D’Apparecida (7, rue Antoine Chantin, 75014 Paris). Prix unitaire de 20 € (+5 € frais port).

Site internet des Amis de Maria d’Apparecida : www.mariadapparecida.eu



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
DOSSIER : La poésie brésilienne, des modernistes à nos jours n° 49