Lemmy KILMISTER

Lemmy KILMISTER



Motörhead devait se produire à Paris, le 15 décembre 2015, dans le cadre de la tournée Bad magic (titre du vingt troisième album studio du groupe, qui a paru en 2015). Le concert fut reporté en raison des attentats du 13 novembre, au 2 février 2016. Ce concert n’aura définitivement pas lieu. Ian Fraser Kilmister dit Lemmy Kilmister (né le 24 décembre 1945 à Stoke-on-Trent, Angleterre) venait d’avoir soixante-dix ans le 24 décembre, lorsqu’il apprit deux jours plus tard, qu’il était atteint d’un cancer, qui l’a emporté le 28 décembre 2015, à Los Angeles. L’annonce de sa mort a créé une onde de choc. Nombreux sont ceux qui voyaient en lui un être indestructible en dépit d’une vie quotidienne cumulant depuis des dizaines d’années une forte consommation de whisky et d’amphétamines, mais « jamais d’héroïne », insistait-il, tout en déconseillant ces pratiques à autrui. Ce musicien et mastodonte velu à la voix éraillée avait côtoyé les légendes du rock, des Beatles aux Sex Pistols en passant par Jimi Hendrix et bien d’autres. Bassiste, chanteur, mais aussi parolier, il évoquait dans ses chansons, la guerre, la révolte contre l’oppression, la religion, le fanatisme, les abus de pouvoir, de sexe, la toxicomanie, la vie on the road et l’amour. Sa voix éraillée voire gutturale, son physique imposant, ses compositions musclées et son attitude authentiquement rock’n’roll en ont fait une figure légendaire. Sur scène, Lemmy chantait avec un micro anormalement élevé. Cette position insolite l’obligeait à chanter la tête tournée vers le haut, ce qui, disait-il, l’empêchait de voir à quel point, aux débuts du groupe, les spectateurs étaient peu nombreux, et comme s’il délivrait un sermon colérique au visage de ce qu’il abhorrait.

Sur Lemmy, les anecdotes ne manquent pas, à commencer par son mode de vie. « Keith Richards a eu les moyens de se faire changer le sang, mais moi j’ai pas son pognon », déclarait encore Lemmy auquel les médecins auraient expliqué, alors qu’il était hospitalisé à Londres au début des années 1990 : « Voyez-vous, si on vous donne du sang pur vous allez mourir... Mais, de grâce, ne donnez pas votre sang ! Il est tellement toxique que vous tueriez quelqu’un ! »

We are Motörhead and we play rock’n’roll, all right ? Immuable, la formule lancée par Lemmy en ouverture des concerts de Motörhead, donnait toujours le ton. Il s’agissait de rock’n’roll avant tout. Nourri de Chuck Berry, de Little Richard et des Beatles, Lemmy emmenait depuis bientôt quarante ans le groupe Motörhead. Il en était le seul membre originel ; la raison d’être. Motörhead était plus, toujours plus que n’importe qui et quoi d’autre. Motörhead, groupe fondé par Lemmy en 1975, était constitué d’un trio avec Mikkey Dee à la batterie, Phil Campbell à la guitare et Lemmy au chant et à la basse. Motörhead arpentait les scènes mondiales avec la brutalité et la conviction d’origine. Lemmy était un combattant qui abordait la scène comme un champ de bataille, l’allure décidée, le regard droit et lointain, les cheveux au vent, la basse Rickenbacker toujours en bandoulière. Lemmy ne changeait pas et imposait une attitude et des valeurs qui en font un objet d’étonnement, de questionnement, mais surtout d’admiration. Lemmy Kilmister savait jouer avec son image d’affreux, exagérée à dessein, lui qui, dans le privé, selon ses proches, se montrait attentif à la politesse et aux bonnes manières. Avec régularité, Motörhead a enregistré de nouveaux albums, précédés ou suivis d’une longue tournée, qui, certaines années, affichent jusqu’à deux cents concerts. Celle de l’année 2016 devait commencer le 23 janvier à Newcastle, en Angleterre.

Motörhead a délivré durant trente-sept ans une énergie et des hymnes à la liberté et à la défiance face à une société réduisant chaque jour l’espace de liberté individuelle. Motörhead influençait depuis trois décennies les principaux courants du metal avec son jeu de batterie à roulements de double grosse ;  la voix de Lemmy, modèle du black, speed, death et thrash metal ; sa façon inimitable d’utiliser sa basse comme une guitare rythmique à quatre cordes, avec des réglages de tonalité mettant en avant un son grave, très présent, le volume d’amplification poussé au maximum. Par l’expérience initiatique de son leader, Motörhead restera le seul groupe dit de hard rock à avoir eu et conservé plus d’accointances avec le rock’n’roll qu’avec l’univers du metal. Le jour où le Bastard a cessé de chanter, une certaine conception du rock’n’roll way of life a disparu.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules)



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : La parole est toujours à Benjamin PÉRET n° 41