Franck BALANDIER

Franck BALANDIER



Franck Balandier est né le 11 juillet 1952 à Suresnes. Après des études littéraires, il devient successivement éducateur de prison, formateur dans une école de travail social, vidéaste, chef d’un bureau de presse, responsable de communication. Il a ensuite exercé en tant que directeur pénitentiaire d’insertion et de probation. Il coordonne l’offre culturelle et sportive, la formation professionnelle et le travail pour les personnes détenues en Île-de-France.

Parallèlement, il écrit. L’un de ses premiers poèmes, « Le Désaxé », paraît en 1968 dans la revue Première Chance. Tout en continuant à écrire des poèmes, il publie par la suite des romans et des essais.

Après Les Prisons d’Apollinaire, dont nous avons publié des extraits en avant-première (in Les HSE n°6, 1999), Franck Balandier, qui a lui-même été confronté quotidiennement, en tant qu'éducateur, à l’univers carcéral, aborde à nouveau le thème du « poète et de la prison », dans Des Poètes derrière les barreaux, en s’arrêtant plus particulièrement sur les itinéraires de François Villon, André Chénier, Arthur Rimbaud, Guillaume Apollinaire, Jean Genet et Albertine Sarrazin. Balandier entraîne son lecteur en prison avec chacun des poètes susmentionnés, évoquant méticuleusement, dans chaque cas, le contexte historique, le quotidien du poète, l’impact de la prison sur l’œuvre, et bien sûr, l’univers carcéral.

Finalement, quelle différence entre les geôles du Châtelet et les cellules plus récentes de Fleury-Mérogis ? Simplement que la peine est aujourd’hui verticale. C’est juste la direction qui diffère. « Avec Villon, la peine est profonde. Elle se cache. Elle se mesure souterraine. Avec Villon, il faut descendre pour expier. Se rapprocher des Enfers. À présent, elle se revendique. Elle monte vers les nuages… Fleury-Mérogis, avec ses fenêtres en forme de croix et la répartition trinitaire de ses bâtiments en « tripales », est aussi un cimetière à ciel ouvert… Cachot oubliette, le vocabulaire a traversé les siècles. Avec lui, c’est toute une conception religieuse de l’emprisonnement qui perdure. La prison n’est pas que la privation de la liberté, elle demeure, jusqu’à ce jour, dans sa logique de pénitence et de rachat. De la « question » médiévale aux sœurs de la Petite Roquette, en passant par la cellule « monastique » voûtée d’Apollinaire, il s’agit toujours de la même exigence de silence, du même programme de rédemption par le travail, du même traitement carcéral. D’un même modèle sacré », écrit Balandier, pour conclure son brillant et passionnant essai.

Apollinaire en prison ! Balandier y revient, en publiant Apo, de la manière la plus aboutie qui soit, comme s'il s'agissait d'une concrétisation de ses lectures, écrits et recherches autour du poète d'Alcools, et ce, l'année même du Centenaire de la mort de Guillaume Apollinaire et de la fin de la Grande Guerre, comme de la... réouverture de la prison de la Santé.

Apo est un livre vivant et vibrant. Sur une idée saugrenue de Picasso et du mystérieux Géry, Apollinaire se retrouve, par une nuit diluvienne, complice du vol de la Joconde. En quelques jours, la police remonte jusqu’à lui : menottes, serrures, barreaux, cellule.  Cinq jours comme une éternité. Du Paris de la Grande Guerre à la destruction de la prison de la Santé, le roman dévoile un Apollinaire sensuel ramené à sa condition d’homme et à ses failles. Pour s’en échapper, il ne sait qu’écrire : au café, en cellule, sous les bombes… Avec cette fiction sensuelle, Franck Balandier force le retour à une expérience authentiquement humaine, loin du rapport institutionnalisé à Apollinaire.

Apo à part et sans négliger les autres fictions de l’auteur, s’il en est une qui touche au grand œuvre, c’est assurément son poignant quatrième roman, Le Silence des rails (2014). Alsace, 1942. Parce qu'il est homosexuel, le jeune Étienne est envoyé dans l'unique camp de la mort installé en territoire français. Son pyjama de prisonnier porte le triangle rose, l'insigne de son infamie. Voilà pour la toile de fonds historique, aussi poignante que dramatique. Nous lisons une véritable œuvre de fiction et s’il s’agit d’un roman, donc de prose, la poésie et donc le poète, ne sont jamais loin et cela renforce encore ce langage, plein de révolte, d’amour et de sang, c’est-à-dire de Vie !

Comme souvent chez l’auteur, la « petite histoire » se mêle à la grande, la biographie à la fiction, le poème à la prose. Mais, plus que la prose et du propre aveu de Balandier, c’est bien la poésie qu’il « considère comme étant le stade suprême de l’écriture », ce qui le rapproche encore d’Apollinaire et de bien d’autres. Balandier a toujours écrit et publié de la poésie, mais longtemps seulement dans des revues et notamment dans Les Hommes sans Épaules. C’est en janvier 2019 que parait son premier livre de poèmes, L'Heure tiède. La poésie de Balandier révèle la part intimiste du poète en des vers qui allient l’irrévérence à la tendresse, un quotidien sans trompe l’œil. Le vers concis de Balandier va droit à l’essentiel sans chiqué.

 

Christophe Dauphin

(Revue Les Hommes sans Épaules)

À lire : Les Nuits périphériques, roman (1988, éditions Michel de Maule), L’Homme à la voiture rouge, roman (2000, éditions Fayard), Les Prisons d’Apollinaire, essai (2001, éditions L’Harmattan), Ankylose, roman (2005, éditions Le Serpent à plumes), Des Poètes derrière les barreaux, essai (2012, éditions L’Harmattan, 2012), Le Silence des rails, roman (2014, Flammarion), Le Corps parfait des araignées, roman (Le Poutan, 2017), Gazoline Tango, roman (Le Castor astral, 2017), Apo, roman (Le Castor astral, 2018), Le Paris d'Apollinaire, essai (éd. Alexandrines), L'Heure tiède, poésie, (éd. Librairie-Galerie Racine, 2019).

Photo: Portrait de Franck Balandier par Richard Schroeder, Flammarion.

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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