Elsie HOUSTON

Elsie HOUSTON



Le 12 avril 1928, année où paraît chez Gallimard, son livre, Le Grand jeu, le poète surréaliste Benjamin Péret épouse Elsie Houston, à la mairie de Paris 7. Les témoins du mariage sont André Breton et le grand compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos. Elsie Houston est née en 1902, à Rio de Janeiro, dans une famille aisée de la bourgeoisie brésilienne (son père, James Frank Houston, est dentiste).

Cantatrice renommée au Brésil, Elsie Houston fréquente l’avant-garde artistique de son pays : l’écrivain Mario de Andrade, la poétesse et romancière Patricia Galvão, le compositeur Heitor Villa-Lobos, les peintres Flavio de Carvalho, Anita Malfatti, Tarsila do Amaral et la figure de proue du mouvement moderniste brésilien : le poète Oswald de Andrade. Elsie Houston a étudié le chant en Allemagne avec Lilli Lehmann puis avec la soprano Ninon Vallin. En tournée, à Paris, elle chante comme soliste dans les concerts de Villa-Lobos.

Marié, le couple Péret part au Brésil. Le but de ce premier voyage, pour Péret, est de découvrir le pays de sa femme, mais aussi da l’arpenter de l’intérieur et d’aller à la rencontre des Indiens, de rédiger des articles et d’écrire un livre sur les légendes et coutumes autochtones. Péret passera dix années de sa vie en Amérique : Brésil, 1929-1931 ; Mexique, 1941-1948 ; Brésil encore : 1955-1956.

Au Brésil, « Nous avions déjà le communisme. Nous avions déjà la langue surréaliste. L’âge d’or », proclame le poète Oswald de Andrade dans son Manifeste anthropophage (1928).

Sur le plan politique, sa rencontre avec son beau-frère, Mario Pedrosa, figure importante du trotskysme au Brésil, est déterminante. Avec Pedrosa, Péret fonde et anime la Ligue Communiste du Brésil (Opposition de gauche). À Rio, il milite aux cotés des trotskystes brésiliens, poursuit son œuvre poétique et se lance dans l’écriture d’une série de treize articles sur l’histoire et les rituels des religions africaines du Brésil, Candomblé et Macumba, qui paraissent dans le journal Diario da Noite, du 25 novembre 1930 au 30 janvier 1931. « Je les ai surtout considérées du point de vue poétique ; ainsi, au contraire de ce qui se passe avec les autres religions plus évoluées, elles débordent de poésie primitives et sauvages qui est presque, pour moi, une révélation », rapporte Péret.

Dans les religions afro-brésiliennes et leur mythologie, ainsi que le remarque Leonor L. de Abreu, Péret découvre ce qui constitue le moteur même de la création poétique : la pensée magique, mythique, qui met à mal les certitudes logiques et les principes de causalités évidents. Le merveilleux à l’état brut y est en prise avec la vie quotidienne, le mythe y est encore fécond et la magie – « le commun dénominateur unissant le sorcier et le poète » - y opère toujours au niveau de l’inconscient.

Péret, l’« agitateur communiste », est expulsé du Brésil sur décret en tant qu’« élément nuisible à la tranquillité publique et à l’ordre social ». Il quitte le pays, le 30 décembre 1931, sans sa famille, qui le rejoindra plus tard. Mais la relation avec Elsie Houston bat sérieusement de l’aile, comme Péret le confie à un ami : « Vous ne serez sans doute pas surprise outre mesure en apprenant que nous allons, Elsie et moi, divorcer. Il n’y avait plus d’entente possible, mais des discussions quotidiennes, souvent, la plupart du temps pour des questions secondaires masquant de toute évidence des raisons plus importantes, révélant à leur tour un désaccord fondamental et surtout la fin de l’amour. Alors, à quoi bon insister ? Dire que c’est gai, c’est autre chose. Au contraire, tout cela se passe sous le signe du sinistre. »

Elsie Houston rentre avec son fils Geyser (né en 1931) au Brésil. Péret reste seul en France. Benjamin Péret se remariera avec la peintre espagnole Remedios Varo, le 10 mai 1946, au Mexique ; soit trois ans après la mort d’Elsie Houston qui, après sa séparation d’avec Péret, avait poursuivi sa carrière avec succès aux Etats-Unis, en interprétant des chants du folklore brésilien, avant de décéder le 22 février 1943, à New York, dans des circonstances qui laissent planer l’hypothèse du suicide.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
DOSSIER : La poésie brésilienne, des modernistes à nos jours n° 49