Dimitri CHRISTODOULOU
Je l’ai d’abord rencontré en Grèce en 1966 et revu très souvent par la suite à Paris où il était venu s’installer après le coup d’Etat des colonels en 1967. C’est surtout le poète que j’ai connu, côtoyé et traduit, un poète sans cesse sur le qui-vive et dont les exigences d’homme et de créateur n’ont cessé d’alimenter une poésie de résistance et de vigilance. Oui, un veilleur œuvrant aux frontières de l’injustice et de la répression, un perpétuel guetteur des lâchetés et des reniements quotidiens. Il n’a laissé que peu de poèmes – étant mort prématurément – mais chacun d’eux porte un ton, un souffle bien particuliers, qui font penser à ces poèmes vengeurs des troubadours d’Occitanie qu’on appelait des sirventès et qui s’en prenaient à toutes les félonies, bassesses et brutalités de leur temps.
Dimitri Christodoulou (1924-1991) appartient à ce que l’on pourrait appeler la génération d’après-guerre. Mais en réalité il n’y a pas d’avant ni d’après-guerre. Sur le front de la poésie, la guerre est partout, en Grèce plus qu’ailleurs. Les poèmes traduits et proposés ici appartiennent à cette zone de l’écriture qui est comme la ligne de feu de la pensée. Les mots y montent la garde aux frontières de l’action. Le poète devient veilleur de nuit, veilleur de jour attentif à chaque sillon, à chaque braise. Le gel et la terre calcinée brûlent les lèvres et les phrases. Couve partout l’acier rougi des mots. Poèmes de la mobilisation permanente. Choisis ici pour réveiller et pas seulement pour plaire. Ligne de feu de la pensée. Mobilisation permanente. Christodoulou a tout partagé des combats grecs pour la liberté. Les titres de ses recueils le disent déjà amplement : Gardiens de nuit, Prisons, Foyers de résistance, Poèmes d’exil.
Jacques LACARRIÈRE
(Revue Les Hommes sans Epaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : Jacques LACARRIERE & les poètes grecs contemporains n° 40 |