Catherine MAFARAUD-LERAY

Catherine MAFARAUD-LERAY



Catherine Mafaraud-Leray (née en 1947) fut « découverte » dans Poésie 1, la revue de Jean Breton. Il s’agit du n°74, « Les Poètes et le Diable », en 1980. Celle qui se nomme Katrine Mafaraud est alors âgée de trente-trois ans. Elle a publié trois recueils : Blaue Johanna (1976), La Forêt Infernale (1978) et surtout, le détonnant : Je suis laide aujourd’hui comme une cathédrale (1978) : Dans cet écho qui part de l’œil vision - Et atteint l’œil digestif du sexe - Dans ce chaos de pensées-foutre - Et de sensations pyramidales - Dans ce blockhaus de peaux d’écailles - Et de phalanges aux doigts - Dans cette demeure troglodytique - Et résolument souterraine - Où le corps est désavoué - Par ses propres visions - Dans ce trou veineux armé de couleurs - Je me dissous irrémédiablement. Son portrait photographique, le seul que je connaisse (grâce à Poésie 1, décidément !), ne nous montre pas, évidemment, le monstre de laideur revendiqué. La photo évoque la gravité et la douleur du personnage : une « florentine » noyée dans le fleuve noir de son regard, autant dire son sang. La présentation qui précède ses poèmes dans la revue, nous dit : « Son corps intouchable (introuvable), au désespoir de se voir si laide, d’être le diable ou le monstre. Mafaraud est un poète à bout de mots, à bout de cendres, Vampire d’une douceur qu’elle ne supporte ni ne calme. Par cette transmutation, saisie, par tous ses nerfs entrechoquée, elle souffre avec sexe-signal, à toute vitesse. En colère d’être. » Si j’écris que, Je suis laide aujourd’hui comme une cathédrale, est détonnant, c’est qu’il fut reçu ainsi, tranchant radicalement par ses cris et sa violence, d’avec la production poétique de l’époque. Catherine Mafaraud-Leray publie, par la suite, dix recueils et plaquettes, dont : Dites-le aux dahlias, aux crapauds et aux chiens (2005) et Un os d’arrogance entre les reins (2010). Les titres sont souvent forts et provocants (citons encore : Nous avons tué plein de pianos, Locus Mafaraldis, Elle qui volait des villes, Une heure dans le passe-aiguille). Mais la provocation n’est pas le but recherché. La poésie sort ainsi, telle la lave du volcan. Il s’agit d’une véritable éruption du langage, un langage cru, des images-chocs, pour dire un quotidien, qui est une histoire de fantômes personnels, dont le poète est l’usufruitière et la malchance. Comme chez Merlen, mais dans un registre et une poétique qui lui sont propres, Mafaraud-Leray, dans une situation de survie, écrit, non sans humour noir ou ironie, l’urgence dans l’urgence, sous la crasse horrible et violente du jour qui monte : celle du corps, de l’amour, de la mort, des duos de mâchoires qui s’affrontent, des ombres qui se mordent, de la jouissance et des sexes qui s’avalent, la déchirure du désir, avec la liberté pour seul vice. Chez Mafaraud-Leray, il n’y a aucun interdit, aucune censure, et certainement pas au niveau du langage, comme chez Thérèse Plantier : une vulve est appelée une vulve, on bande, il y a du foutre, des cris qui hurlent ce qui existe : De ce que - éternellement vous refusez - Pourquoi la peau le sexe –Feraient-ils toujours flamber vos bûchers ? De la révolte, face à un monde déshumanisé : Et dans ce monde sans flammes – Qu’allez-vous torturer ? Un poète rare, tout comme le sont ses publications, en revues pour le principal. Catherine Mafaraud-Leray est l’une des voix les plus personnelles de sa génération. Un cri sans concession. A lire : Blaue Johanna (Millas-Martin, 1976), La Forêt Infernale (Le Crayon Noir, 1978), Je suis laide aujourd’hui comme une cathédrale (Possibles, 1978), Nous avons tué plein de pianos (Polder, 1982), Le Poil (Beth Olam, 1989), À l’arrière de vos villes (Polder, 1989), Locus Mafaraldis (Travers, 1990), Femmes fatales sur papier rouge (éditions Exhibitions, 1997), Elle qui volait des villes (Décharge, 2001), Ombres de dos en plein soleil (A.-L. Benoît, 2002), Une heure dans le passe-aiguille (A.-L. Benoît, 2003), Dites-le aux dahlias, aux crapauds et aux chiens (Le Dé bleu, 2005), Un os d’arrogance entre les reins (Gros Texte, 2010), La Mort, c’est nous…, avec Michel Merlen, préface de Christophe Dauphin, (Gros Texte, 2012).

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34