André MIGUEL

André MIGUEL



ONOO & L’OISEAU VESPASIEN : DE LA FEMME ET DE L’HOMME POÉTIQUE

HOMMAGE À CÉCILE ET ANDRÉ MIGUEL

 

A Ittre, en Belgique, le Musée Marthe Donas consacre une exposition, du 23 novembre 2019 au 19 janvier 2020, à Cécile Miguel.  Les éditions du Taillis Pré publient, sous la plume du poète, éditeur et grand ami du couple Miguel, Yves Namur, un catalogue richement illustré de reproductions, photos, manuscrits et lettres qui rend justice à cette créatrice aujourd’hui trop occultée : « Cécile Miguel, une vie oubliée ». Ainsi, le souhait qu’avait exprimé, avant René Char, le 27 novembre 1958, André Pieyre de Mandiargues, se réalise enfin : « J’ai été émerveillé par deux toiles (la plus grande surtout), dans le bureau de La NRF, et que ce n’est qu’ensuite que la signature, Miguel, me fit penser à Cécile. Ces peintures sont extrêmement belles. Il n’est pas du tout question de quelque chose qui sera, mais de quelque chose qui est, déjà, avec une sûreté, une certitude et une autorité sur lesquelles il n’y a pas à discuter. J’ai un désir extrême de voir bientôt une exposition qui rende justice à Cécile. J’ai parlé, je parle et je parlerai de ces tableaux à tous les gens que je rencontre. Il faut absolument la mettre (Cécile) au rang qu’elle mérite. »

Mais cette exposition est aussi l’occasion de revenir sur deux parcours, qui n’en forment très souvent qu’un, en fait : Onoo & l’Oiseau vespasien : de la femme et de l’homme poétique ; hommage à nos ami(e)s, Cécile et André Miguel !

« Vivre, agir, écrire sans père, sans vérité fixée, sans l’obsession de la vérité et de la perfection… Sachons combien nous n’existons qu’aux points de recoupements, d’intersections ; combien nous dépendons de ces espaces immenses et si méconnus qu’on nomme rêve et inconscient… La poésie : une pratique qui s’efforce d’échapper à la fixation légale des discours… Elle est refus de la prétention, de l’exclusion, de l’illusion et de tout ce sui systématise pour dix et mille ans », André Miguel.

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Poètes fraternels et prolifiques, Cécile et André Miguel furent liés à Jean Breton (qui fut aussi son éditeur), à Christophe Dauphin, aux trois séries et trois équipes des Hommes sans Épaules. André participa également aux aventures des revues Poésie 1 et I, de mars 1951 à octobre 1954, animée par les trois « André M. » (André Malartre, André Marissel et André Miguel) et Jacques Brigaudet (alias Pierre Montreuil), la revue publia près de deux cents poètes, célèbres ou inconnus, parmi lesquels figurent René Char, Léopold Sédar Senghor, Edmond Humeau, Michel Manoll, André Verdet, Gaston Puel, Jean Breton, Claude Roy, Jean Rousselot, Frédérick Tristan… Certains numéros furent accompagnés d’œuvres graphiques de Pablo Picasso, Jacques Ranc, Roger Toulouse, Boris Ardouin ou Roger Bissière. C’est au sein de la revue Les Hommes sans Épaules n°29 (2009) que Jean Chatard rendit un hommage appuyé et mérité au poète, après sa disparition, « André Miguel au-delà des marges ».

« L’homme poétique érotique apparaîtra comme un être plus complet que le modèle mâle, dominé par les impulsions aveugles de l’instinct de mort, tel qu’il se figure dans la théorie freudienne orthodoxe. Nous sentons plus que jamais la nécessité d’une conscience androgyne qui ouvrirait chaque sexe et réaliserait un meilleur équilibre entre l’instinct de vie et l’instinct de mort en accordant à Éros un immense rôle universel d’invention créatrice », à écrit André Miguel à la fin de son essai « L’Homme poétique ». C’est cette conscience androgyne (Onoo) qui anime une part de la poésie d’André Miguel, ajoute le grand poète suisse Jacques Chessex (in La Nrf, 1968). Ses poèmes naissent d’un regard qui scrute intensément l’accident… un regard qui refuse de s’habituer et de subir, un œil qui ne cesse de nettoyer, de décaper, pour surprendre l’image pure et violente.

« Ils éprouvent que rien n’a été dit – que le jour débouche sur – un chaos musical… La suspension solaire crible les paupières – de pierres blanches. » Il y a que, comme l’écrit Daniel Leuwers, préfaçant l’anthologie des poèmes d’André, « Voix multiples : « Ce qui domine ici, c’est la légèreté, voire l’allégement. André Miguel n’accumule pas, il se dédouble, se multiplie, échappe toujours au carcan qui aspire à nous emprisonner. Son œuvre est faite d’œuvres qui se complètent et s’excluent à la fois. Ce qui les meut, c’est une aimantation secrète, le goût du paradoxe, des juxtapositions risquées. » André le dit lui-même : « Ne pas fixer tel système, ne pas être fidèle à tel registre, ne pas s’enfermer dans une gangue de ressemblance et d’homogénéité, mais au contraire « refus ouvert » de la création où les erreurs, les hasards, les déboitements même les plus légers suscitent la différence et le changement. »

Il y a chez André une expérimentation créatrice qui croit à la multiplicité du moi, une poétique non-linéaire qui fait appel aux notions de volume, de contrepoint et qui ne peuvent que penser l’œuvre d’art comme une nébuleuse en expansion, à l’intérieur de laquelle s’opposent, se fondent, permutent et s’absorbent les éléments. De là découlent cette si grande diversité dans l’écriture et dans l’œuvre plastique. Il y a loin entre deux livres phares que sont « Onoo » à « L’oiseau vespasien », le livre-lévitation (qui décolle de la langue, pour Jacques Sojcher), l’odyssée du mot-valise. André, comme Cécile, a besoin de la différence, de la rupture. André précise toutefois : « Notre « dispersion » cependant a une unité multiple où se rejoignent thèmes, images, mouvements, fantasmes en cet « œil immense » centrifuge qui pour nous est le non-aboutissement du livre, de l’œuvre, son impossible. »

Lorsque l’on aborde une œuvre (qui fut saluée par Blaise Cendrars, Albert Camus, René Char ou Pablo Picasso entre autres) de l’envergure de celle d’André Miguel, on se doit de faire preuve d’humilité tant ce créateur qui traversa le XXème siècle avec une suprême élégance, demeure, aujourd’hui encore, l’un des tout premiers poètes de la francophonie. Évoquer ses talents multiples, ses nombreux ouvrages, c’est en quelque sorte lui rendre hommage et saluer le poète et le critique qu’il fut sa vie, également lié d’amitié avec Pablo Picasso (« Pablo au regard si vibrant, son naturel, sa simplicité, sa pétillante intelligence, son humour, son extrême gentillesse à notre égard. Nos visites et nos rencontres à la ville la Galloise à Vallauris, au temps où François était sa compagne, ont été pour nous extrêmement précieuses, vivifiantes. Nous y avons appris que la fidélité à une « identité », qu’une recherche d’adéquation à un modèle personnel, figé dans le mythe de l’homogène, sont une trahison envers le devenir, le désir, la vie. Pour Pablo, la création devait être rupture et métamorphose »), Jacques Prévert, André Verdet, François Gilot, René Char, Paul Éluard, Marcel Arland, Claude Roy, Tristan Tzara, Gaston Puel, Frédérick Tristan, Jacques Simonomis ou Frédéric-Jacques Temple.

L’écriture d’André Miguel, si dépouillée, si riche, nous enseigne à multiplier nos horizons, nos chemins perceptuels par mise en mots du corps entier. Mais semble-t-il, le lieu pluriel de ces rencontres n’avait fait l’objet d’aussi subtils approfondissements. La poésie d’André Miguel nous dit exactement notre ouverture à l’univers… Immersion du langage dans l’ordre extérieur, ses poèmes sont également intrusion en nous du dehors. Et c’est pourquoi ils nous forcent, dans l’esprit de la littérature « absolument moderne » à choisir nos enjeux, à décider de nos lectures. D’un mot, à exercer nos privilèges de liberté.

Avec l’élan du cœur et une intelligence rare de la chose poétique, André Miguel, né le 30 décembre 1920 à Ransart (Belgique), fut un artiste dans la meilleure acception qui soit. Tout comme respirer : dessiner, écrire ou peindre s’avéra pour lui le luxe des journées, le pain du quotidien. Si la réflexion, la philosophie, voire la linguistique, furent au rendez-vous de ses préoccupations, si son théâtre ne représente pas moins de dix pièces, diffusées pour la plupart par France Culture et la RTBF, de 1963 à 1977, on doit à André Miguel, poète et théoricien, quelques contes, nouvelles et essais.

Il fut en outre l’un de ceux qui mirent en lumière l’œuvre du grand Achille Chavée (« Comme Baudelaire dont il est proche à maints égards, Chavée met souvent en opposition l'absolu et l'éphémère, le sacré et le dérisoire, le monde horrible du quotidien et la lumière irradiante d'un avenir rêvé, l'étroitesse bourgeoise et la générosité révolutionnaire »). André Miguel écrit : « Je ne pense pas que Chavée pourrait faire sienne la conception de l’irresponsabilité du poète. Il n’a pas été tenté, non plus, par la ferveur ésotérique de Breton. Adepte de la spontanéité d’écriture, et se fiant dans une certaine mesure à l’automatisme, Chavée n’a pourtant jamais, dans la pratique, accordé la primauté à l’inconscient. Réactions complémentaires, mouvements dialectiques, décrochages de l’humour, fidélité à l’émotion non moins qu’au mythe personnel, la pensée de Chavée est originale, bien que proche parfois de celle de Breton… La cohérence organique de son poème dépend, en quelque sorte, des réactions contradictoires de son émotion et de son inconscient, de son expérience et de l’humour qui introduit la distance. »

Après Achille Chavée, André Miguel, va s’interroger sur ce qui sera peut-être son plus grand essai, l’exposé de sa poétique même : sur « L’homme poétique » (1974) : « La poésie rend au langage la présence et l’unité du corps, tout en le morcelant à nouveau pour lui faire éprouver sa mort, son néant, son silence ; elle introduit le rien (la rupture) là où les blancs doublent les mots de silence et d’une question sans réponse. » Puis sur « Le multiple de l’un » (1991), en qualité d’essayiste : « Toutes les réflexions faites de puis Nietzsche, à propos du sujet, considéré non plus comme une essence mais comme un effet de perspective, une illusion, du texte, non plus comme ayant un sens linéaire, mais comme une multiplicité qui annule le respect envers une propriété ou une origine, de la logique, non plus comme une structure première qui fonde l’éternité des concepts, mais comme une pratique ouverte de l’indéfini procès d’interprétation et de transformation, toutes ces pensées nouvelles puisent cependant leur force, ne l’oublions pas, de leur rapport d’opposition au mythe de l’Un. »

« La Déclaration des Droits de l’Homme pourrait comporter une particulière déclaration des Droits des Poètes à la liberté de ne pas adhérer aux mythes de la globalité et de la vérité. Y serait inscrite la liberté créatrice et poétique de déconstruire les valeurs, les mythes, le centre, le sens, la présence et le système logocentrique. Non plus avec une mentalité agressive et « rédemptionniste », mais dans la circulation ouverte vers l’impossible, vers ce qui ne referme jamais le cercle d’une unité absolue, d’une globalité synthétique, ce qui pousse si « naturellement », si « authentiquement » à l’atroce ! », André Miguel.

Jacques Crickillon écrit : « Il est impossible de définir la poésie d'André Miguel en termes littéraires. Parce que ce qui s'inscrit dépasse l'écriture. Parce que très consciemment, et de toute la force de l'instinct, le poète a voulu fonder par la parole un nouveau règne (davantage un règne neuf, vierge, pur); renouant avec l'antique, le premier rôle du charmeur et rejetant pourtant les prestiges vains de la musicalité, tout ce qui nous a été légué de séduisant (donc de limitatif); entre l'origine et le futur, plongeant à ces deux sources d'énergie, "dragon" toujours "blanc", pris entre l'histoire et ce qui l'annule, entre la nature et la construction, entre l'intemporel et le mouvement, il pose le poème sur l'orbite à la fois mystérieuse et familière de l'amour. Œuvre difficile, qu'il serait illusoire de vouloir expliquer au sens étroit du terme, car elle ne s'explique pas elle-même, elle est un perpétuel appel à l'étonnement, un désir fou de découverte. Qui veut voir ne se cache pas les yeux ; le poème de Miguel ne se mord pas la queue, il s'ouvre de toutes parts vers ce qu'il cherche, un nouveau monde. »

Cécile et André - le couple-Onoo, le couple-poétique (le « nous » résonne chez eux comme une dialectique du couple, expérience androgyne), le couple-en-fusion par excellence -, étaient des êtres simples, chaleureux, attentifs et fraternels. J’ajoute d’une grande gentillesse. Avec Cécile (née le 19 mars 1921), épousée en 1945, André Miguel forma un couple exemplaire d’artistes qui, dans le Midi de la France (où le couple a vécu de 1947 à 1964, avant de s'installer à Ligny, province de Namur), côtoya ce que les années cinquante comptaient de créateur.

André Miguel a témoigné de sa fusion à Cécile : « Notre mémoire commune est chargée d’images, de découvertes, de rencontres, de menus faits quotidiens de toutes ces années dans le Midi : intensité de sa lumière, de ses couleurs, de ses formes… Même amour du végétal, même admiration pour des écrivains et des peintres… Même sens de la précarité et de la relativité des notions de sujet et de présence, même sentiment que nous ne savons pas ce que nous sommes et que, de toute façon, il vaut mieux s’ouvrir au devenir, expérimenter que de se fonder sur un savoir et un pouvoir… Cécile a toujours participé à l’écriture des textes et mêmes des articles, signés André Miguel. Depuis 1976 :77, cela est devenu une étroite collaboration, une écriture double et une. Elle ne se fait d’après aucun plan, après aucune concertation. Pas de projet. C’est une pratique très spontanée qu’il est sans doute impossible d’expliquer. Toute schématisation en fausserait le mouvement d’imprévisible, d’aléatoire. Ça commence par un bout de texte qui, modifié, transformé, juxtaposé à un autre bout de texte, indique une orientation vers le poème ou le récit ou la pièce de théâtre. Imprévisible jeu de renvoi de deux écritures sans concertation. Façon d’écrire singulière. Elle existe cependant, elle est vivante. Où est la part d’elle, la part de lui ? Nous ne pouvons plus le dire. Les écritures s’influencent, se changent mutuellement. Pas de pensée, de création linéaire, mais enchainements de probabilités. Dissolution des sujets, des préjugés, des petits systèmes trop personnels. Sauts dans le vide. »

Il y a que Cécile non seulement peignait, mais de plus, en artiste accomplie : dessinait, illustrait, écrivait avec force et talent, ce talent que soulignera Prévert dans un poème devenu célèbre. Son inspiration rare la conduisit à exposer en compagnie des plus grands (Miro, Picasso), mais aussi à concevoir une œuvre double avec André Miguel. A propos de Cécile Miguel, Jean Rousselot put écrire (in revue Sud) : « Cécile, prodigieuse rêveuse qui, à une étonnante faculté de mémoriser ses songes (nous oublions généralement la plus grande partie des nôtres), joint l'acuité de son œil de peintre. Que ces rêves éminemment visuels (les sensations tactiles et olfactives y sont rares; en revanche, des paroles mystérieuses ou seulement illogiques y sont souvent prononcées) soient conditionnés, voire déterminés par des obsessions de caractère physiologique ou psychique, mais aussi par de très conscients questionnements et résolutions d'ordre ontologique, métaphysique ou artistique, la texture de ses poèmes le démontre aussi bien que la projection picturale que Cécile Miguel en a su faire par ailleurs... »

Antoinette Jaume ajoute (in revue La Sape n°31) : « Cécile Miguel nous entraîne vers les marges, là où les ombres allongées de l’aube ou bien du soir ouvrent un chemin vers l’autre côté des choses, une connaissance autre, en porte-à-faux, parfois dérangeante et inconfortable. Et l’on pense à des tableaux surréalistes, avec à chaque instant des propositions inattendues, éblouissantes. » Terminons par Jacques Prévert, qui écrit, à propos de Cécile Miguel (in « Soleil de Mars ») : « (..) Secrets intacts – splendeurs publique de l’histoire naturelle – univers de Cécile Miguel … Elle était là – présente – dans la lumière ardente – Le paysage s’est jeté sur elle – et lui a dit – qu’elle était amoureuse de lui. »

Cécile est décédée le 28 février 2001. André, en août 2008.

Cette œuvre « androgyne » Cécile/André ne fut pas une simple amusette et se concrétisa par la publication de neuf recueils de poésie, un roman (« Le ver de l’enfer », 1982) et une dizaine de pièces de théâtre, dont l’une « hep ! hep ! », fut créée au théâtre d’Alençon, le 20 avril 1983 par la Compagnie du « Mal d’Aurore » dans une mise en scène du cher André Malartre.

D’œuvre en œuvre, la poésie d’André Miguel sut s’enrichir d’une expérience où chaque texte ouvrait une porte sur l’imaginaire. Non seulement le langage y fut décortiqué, analysé, répertorié, mais il acquit de plus le pouvoir de propager l’extase. Ce plaisir dans la création, cette jubilation communicative sera le fer de lance d’une poésie multiforme aux innombrables retombées. L’important ne fut pas la répétition chatoyante de trouvailles (pourtant nombreuses) mais la recherche syntaxique d’un univers en constante mutation. Souvent, l’érotisme se confond avec le secret des choses et du jour, le tout contenu dans l’amour-tellement. Les poèmes d’André Miguel sont une projection de lui-même dans le silence, où ses antennes contractent le plus mystérieux de ce qui vit. Comme l’a écrit Jacques Sojcher : André Miguel dresse la création de l’espoir contre la résignation et le mensonge.

Aucun ouvrage de Miguel ne fut conçu sur le même schéma, mais tous demeurent irradiés par leur propre lumière.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).

Œuvres d’André Miguel :

Poésie : Orphée et les Argonautes, Le Capricorne, 1949. Onoo, éditions Iô, 1954. Toisons, Gallimard, 1959. Fables de nuit, Oswald, 1966. Temps pyramidal, Fagne, 1967. Fleuve-Forêt, Fagne, 1968. Boule Androgyne, Saint-Germain-des-Prés, 1972. Prix Antonin Artaud. Corps du jour, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1974. Grand Prix du Mont-St-Michel. Œil immense, De Rache, 1977. L'oiseau vespasien, Francis Tessa éditeur, 1977 ; rééd. Le Cri, 1981. Parler au dédale, Le Temps Parallèle, 1978. L'œil dans la bouche, J.M. Laffont, 1978. Ovales naturels, précédé de Onoo, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1979. Devenu filigrane visage, L'Arbre à Paroles, 1988. L'imposcible, L'Arbre à Paroles, 1989. L'instant infini, Éditions La Bruyère, Coll. Iô, 1990. Mémoires chercheuse, L’Arbre à paroles, 1990. Rythmes de l’impossible, Rougerie, 1991.  Les fraises de l’an zéro, éd. Du Snark, 1992. Chant de l’air et du labyrinthe, L’Arbre à paroles, 1993. A propos si Wittgenstein ?, Rougerie, 1994. Aux cerises ou un nénuphar, L’Arbre à paroles, 1997. Jadis, Rougerie, 1998. De l’autre côté du rien, L’Arbre à paroles, 1999. Voix multiples, Anthologie 1949-1999, Le Taillis Pré, 2000. Adorer Albertine, L’Arbre à paroles, 2008.

Romans, contes : L'équilibre, Gallimard, 1961. Contes du dragon blanc, Frontispice de Christian Dotremont, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1974. Le Tableau rituel, Amiot Lenganey, 1992.

Essais : Achille Chavée, Poètes d'Aujourd'hui, Seghers, 1969. L'homme poétique, Les Cahiers de Poésie de Saint-Germain-des-Prés, 1974. Le Multiple et l’Un, penser, vivre l’ouvert, La Bruyère, 1991.

Théâtre : Œil pour dent, Radio-Montpellier, 1963. Les chats siamois, Radio-Montpellier et, nouvelle mise en ondes, RTBF Namur, 1968. Une journée immobile, France-Culture, 1968. Prix Charles Plisnier. Solitude tambour, France-Culture, 1969. Le lézard casqué, France-Culture, 1969. Araignée géante, Radio Suisse-Romande, 1970 ; nouvelle mise en onde RTBF Namur, 1975. La multiplication, France-Culture, 1972 ; nouvelle mise en ondes, RTBF Namur, 1975. La différence, RTBF Namur, 1975.  L'oiseau vespasien, lectures spectacles par Frédéric Baal, Atelier Sainte-Anne, Bruxelles, 1975 et 1976. La Tour Babnul, RTBF Namur, France-Culture, Radio-Montréal, Radio-Genève, 1977.

À consulter : Pierre Borgue, André Miguel ou l’Oiseau Engouffré, Courrier du Centre International d’Etudes Poétiques, 1974. Jacques Crickillon, André Miguel (éd. Subervie, 1977). Collectif, Cécile et André Miguel, Dossiers du CACEF n°94, 1982. Tristan Sautier, Cécile et André Miguel (L’Arbre à paroles n°75, 1993), André Miguel et Tristan Sautier, Le piège du sacré, Entretiens (L’Arbre à paroles, 1996). Yves Namur, Cécile Miguel, une vie oubliée. Ittre ; Châtelineau : Musée Marthe Donas ; Le Taillis Pré, 2019.

Œuvres de Cécile et André Miguel :

Poésie : Alphabet des astres, Cyclope, 1979. Sonnez et entrez, Le Daily Bul, 1981. Dans l'autre scène, Le Taillis Pré, 1984. Caravelles du sommeil, journal de rêves, L'Arbre à Paroles, 1985. Orée, Rougerie, 1988. Au cheval fou, journal de rêves, L'Arbre à Paroles, 1988.

Roman : Le ver de l’enfer, Le Cri, 1982.

Théâtre : Théâtre, huit pièces, L’Arbre à paroles, 1984. Je ne sais pas ce qui, RTBF 3, 1980. Ça fait comme des paroles, France Culture, 1981. Hep ! Hep !, Théâtre d’Alençon, 1983.

Œuvres de Cécile Miguel : Du côté de l’ombre méditante, rêves, éd. Cap Horn, 1989. Au creux des apparences, poèmes graphiés, Le Taillis Pré, 1989. Au royaume d’ombre, poèmes graphiés La Bruyère, 1990. Faciès-Escargot franchissant les monts du sommeil, rêves, éd. Cap Horn, 1990. La nuit des questions, poèmes graphiés, La Bruyère, 1990. L’Univers s’engouffre, récits, éd. Cap Horn, 1992. Hélices d’instants, poèmes graphiés, Gravos-Press, 1992. Le livre des déambulations, récits, L’Arbre à paroles, 1993. Dans la maison de Hölderlin, L’Arbre à paroles, 1995. Papyrus jardin de mots, L’Arbre à paroles, 1997.

 

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Portrait de Cécile Miguel par Raymond Saublains.

 

CÉCILE MIGUEL, UNE VIE OUBLIÉE

  

À Ittre, le Musée Marthe Donas consacre une exposition, du 23 novembre 2019 au 19 janvier 2020, à une figure de la peinture et de la poésie francophones belges, Cécile Miguel (Gilly, 1921/Auvelais, 2001), épouse de l’écrivain André Miguel (Ransart, 1920/Gembloux, 2008). À cette occasion, le Musée propose sur son site web un dossier pédagogique réalisé par Béatrice Libert à l’intention des enseignants et les éditions du Taillis Pré publient, sous la plume d’Yves Namur et avec un avant-dire de Marcel Daloze, un catalogue très substantiel et richement illustré de reproductions, photos, manuscrits et lettres qui rend justice à cette créatrice aujourd’hui occultée : Cécile Miguel, une vie oubliée brosse le parcours existentiel de l’artiste, fille d’un maître imprimeur de Gilly. 

Avec son mari, Cécile quitte le Hainaut en 1947 pour rejoindre, sur la sollicitation d’un ami, le plasticien André Verdet, le Midi de la France, où le couple, anticipant le mode de vie bohème des beatnick, se liera d’amitié avec Jacques Prévert, qui lui consacre son poème Soleil de mars, René Char, Picasso et son épouse Françoise Gilot, Marcel Arland… En 1950, Cécile Miguel reçoit le Prix Paul Roux de la Jeune Peinture française. Sa première exposition a lieu à Lucerne en 1949 (Galerie d’Art Le National), en compagnie de Miró et Picasso.

En 1951, elle participera à « Peinture Moderne » à Vallauris, avec les amis de Picasso. Elle participe aussi à « Abstraits Wallons » en 1964, à la Triennale de L’Aquila (Italie) en 1968 ou à l’exposition Phantomas au Musée d’Ixelles en 1975. Après un certain nombre de déménagements dans le Midi, dont chacun sera l’occasion d’une évolution dans le travail pictural de Cécile Miguel, le couple reviendra finalement s’installer en 1964 dans un petit village de l’Entre Sambre-et-Meuse, à Ligny : il y recevra la visite de quelques poètes et familiers parmi lesquels Jean-Pierre Verheggen, Christian Hubin, André Doms et Claire-Anne Magnès, Jacques et Ferry Crickillon, Tristan Sautier, Pierre Schroven et Yves Namur lui-même, qui, avant la mort de l’artiste hérita d’un grand nombre de documents d’archive (correspondance, tableaux, dessins, collages) qui ont nourri cette exposition.

Retirée volontairement de toute vie sociale, Cécile Miguel a vu son œuvre sauvegardée par Achille Béchet, qui organisa au Musée des Beaux-Arts de la Ville de Mons une grande rétrospective en 1984 et par Yves Namur qui fait ici œuvre filiale en rappelant l’importance de cette artiste exemplaire et originale. Comme celle de Sophie Podolski, l’œuvre de Cécile Miguel est onirique et plurigénérique.

Elle s’inscrit dans une spécificité de notre production culturelle qui, depuis le cubisme et le surréalisme voit des artistes et écrivains, comme Dotremont et Michaux par exemple, assurer une double expression, à la fois scripturale et picturale de leurs univers intérieurs ou dont l’œuvre s’élabore en résonance entre arts plastiques et poésie. On pourra admirer le dépouillement des premières encres de Chine et la simplicité colorée des gouaches sur papier, ou des premiers tableaux, encore figuratifs, puis des œuvres qui furent celles, chronologiquement, de la période tachiste, très lyriques voire psychédéliques, des tournoyants, des psychoscopies, des personnages filiformes et allongés, des huiles sur bois, aux couleurs vives de L’Age d’or, là je dors, de Monsieur et Madame et autres collages (comme ceux des Villes-vertiges), à base de papiers froissés, de morceaux de carton, de tissus, des rythmes perpétuels où la main de l’artiste revient inlassablement par lignes ondulées à un cercle ou un ovale laissés vide, au Mouvement perpétuel, fait de formes géométriques imbriquées les unes dans les autres, à l’écriture de L’œil dans la bouche, aux dessins et tableaux polyptiques de Contrastes-spirales pour aboutir au dépouillement des Orbes et à ces étranges « papiers blancs, pliés comme de petites enveloppes… sans destinataires », qu’elle appelle des Capteurs de lumière.

Les éditions L’Arbre à Paroles Le Taillis Pré ont publié les recueils poétiques (poèmes, récits oniriques) de Cécile Miguel, qui, pendant une dizaine d’années a aussi pratiqué l’écriture à quatre mains avec André Miguel, dans une expérience de couple androgyne. Ces œuvres, qu’elles soient plastiques ou écrites, ont un caractère hypnotique et vont d’une sérénité zen à l’expression de cauchemars, qu’ils soient tout intérieurs ou au contraire sociopolitiques, notamment durant la période des Monsieur et Madame.

 Il ne s’agit pas pour Miguel de travailler à la manière des surréalistes ni « de faire plus vrai comme les papiers collés cubistes ». Il s’agit au contraire de construire « grâce aux couleurs et aux matières d’imprimés juxtaposés, une vie grouillante où se mélangent la dérision, l’humour… un ensemble ayant son évidence plastique propre, sa rigueur même ».

Si, comme l’écrit Marcel Daloze, la production littéraire de Cécile et André Miguel est accessible au public, le travail pictural de l’artiste, volontairement occulté, demandait cette mise en lumière qui rend justice à une vie oubliée.

Éric BROGNIET

(Revue Les Hommes sans Épaules).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




Numéro spécial LES HOMMES SANS EPAULES 1ère série, 1953-1956 n° 3

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Dossier : ATTILA JÓZSEF et la poésie magyare n° 27