Syllabes de nuit

Collection Les HSE


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Syllabes de nuit

André-Louis ALIAMET

Poésie

ISBN : 978-2-2430-4739-4
170 pages - 13 x 20,5 cm
15 €


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Les mots d’André-Louis Aliamet s’éteignent et brillent, fines laves verbales, aux marges du sensible ; lave du souffle, lave du rêve, lave du Moi. Les mots tentent de s’élever, de jaillir. Puis retombent en images-pétales. Carnet de bord du voyageur aux prises avec son Moi, la poésie d’Aliamet relate cette montée inquiète du langage, sans cesse dérivée, sans cesse reprise, toujours vibrante, vers l’être au sommet qui lui-même se dit Verbe.

Bien plus qu’une « anthologie », Syllabes de nuit regroupe dans des versions entièrement refondues l’essentiel de sa création poétique de 1998 à 2019.

César BIRÈNE

(Revue Les Hommes sans Épaules).

*

 

Bouches closes sous la neige, avec ce froid qui nous use, la nuit s’infiltre dans nos couches et fige le cristal des baisers. Nos heures s’ajoutent à sa dévoration lente : l’hiver cache sa laine sous le mutisme des flocons. Étirées d’un bord à l’autre de l’horizon, les brumes se défont comme la nuit s’effiloche. Nos miroirs exténués portent cet autre visage de nous-mêmes : ombre que traversent des formes, bateaux, baigneurs, méduses, toute une mer striée d’averses, mêlées au vent telles des piques.

 

*

 

Lente remontée du ciel, avec ces oiseaux qui précipitent le jour...

Comme les marteaux de l’aube continuaient de frapper, les âmes filantes qui tutoyaient son corps le conquirent. Folles, elles brillaient de rayons espiègles ! Pour les faire taire, un simple signe ou la froideur d’un geste. La nuit peureuse, l’ombre qui tapissent

les miroirs ne gênaient plus ces fileuses méditant peut-être leur ultime nœud gordien, dont le métier fixait un carré d’azur coupé ça et là de trouées neigeuses, de minces volutes dont les formes se perdaient. Dans l’engourdissement du gel, il tournait le dos au froid, encore glacé mais rendant trait pour trait. Choisir un fleuve, une encre où brillent quelques piques ! Il est huit heures, entre braise et fournaise.

 

André-Louis ALIAMET

(Poèmes extraits de Syllabes de nuit, Collection Les Hommes sans Épaules, éditions Librairie-Galerie Racine, 2021).


Lectures critiques :

Ce volume rassemble l’essentiel des poèmes d’André-Louis Aliamet publiés au cours de sa vie de poète dans une demi-douzaine de recueils.

Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est d’abord l’idée. Chacun de ces poèmes véhicule une idée-force mise en beauté. Les textes d’André-Louis Aliamet se méditent dans le silence auquel souvent ils conduisent naturellement.

« Je me tiens à égale distance de l’égarement et de la clairvoyance. Serait-ce une langue, ces coups de boutoirs des syllabes ? L’écriture, sans date ni repère, ces mots sentis brusquement, s’étonnent de nous trouver si lents, si tardivement émus. Sous l’aile d’orages inaudibles, ton règne, crève-cœur public, devient désordre. Immédiatement au-dessous persiste la criée secrète du poème. »

L’intérêt d’un recueil qui reprend plus de vingt ans de production est la rencontre avec un chemin qui fait œuvre ou non. Syllabes de nuit est une œuvre et non un assemblage, elle enseigne et éveille sans insistance particulière, avec grâce.

« Proche de Dieu sans t’inquiéter des prêtres, tu demeures, passé toute crise, celle qui persiste à rire, sans que je sache, une fois quittée, si tes joies sont toutes fausses, comme ton sobre amour n’est qu’un masque – pour lors à danser sur l’eau, toi qui dessines, du bout d’une perche, les pourtours d’une averse – lors pour filtrer des pluies, tu t’apprêtes à danser, sans que je sache, dans l’air spongieux, si tes rires sont des voltiges. »

On devine à la lecture des poèmes une alliance secrète entre le poète et la langue. Il a percé le secret des sons et des rythmes de cette grammaire qui crée les mondes. Inutile de chercher les arcanes dans quelque grimoire caché alors que le poète révèle.

 

« sois ma femme de Saturne et je serai

ta peau , crottée comme un ange,

sois mon institutrice, car Dieu

nous veut pour flairer ses pièges,

avec mon masque de cendres et tes deux

seins aveugles, recrus d’espace,

Ô Sœur de midi ! »

 

Une œuvre, véritablement, à ne pas manquer.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 8 avril 2022).