SUPERIEUR INCONNU

Collection Les HSE


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SUPERIEUR INCONNU

Numéro Spécial Sarane ALEXANDRIAN
Sarane ALEXANDRIAN

Essai

2011
ISBN : 9782912093219
128 pages - 18 X 25 cm
12 €


  • Présentation
  • Presse
  • Du même auteur

Sarane Alexandrian est certainement l'écrivain français qui a le parcours le plus singulier. Né à Bagdad (où son père était le stomatologiste du roi Fayçal Ier), il participe, durant son adolescence en France, à seize ans, à la Résistance dans le Limousin, et est en même temps initié au dadaïsme par le dadasophe Raoul Hausmann en personne. A vingt ans, à Paris, il devient « le bras droit d'André Breton », selon l'opinion publique, et « le théoricien n°2 du surréalisme ». Son premier manifeste en 1947, lui vaut une lettre d'éloge de Georges Bataille et le fait qualifier par Georges Henein de « chevalier des outrances légitimes ». Romancier, essayiste, historien d'art, philosophe, critique et journaliste, fondateur de la revue d'avant-garde « Supérieur Inconnu », Sarane Alexandrian a publié de nombreux livres, dont certains ont connu un succès international (« Histoire de la philosophie occulte », « Histoire de la littérature érotique »). Cet ultime numéro de « Supérieur Inconnu », édité par Les Hommes sans Épaules éditions, est entièrement consacré à Sarane Alexandrian, décédé en 2009, avec des contributions de : Jean Barral, Myriam Bat-Yosef, Marion Brauner,  Matthieu Baumier, Jean Binder, César Birène, André Breton, Miguel de Carvalho, Malcolm de Chazal, Odile Cohen-Abbas, Christophe Dauphin, Lou Dubois, Gwen Garnier-Duguy, Roselyne Gigot, Karel Hadek, Jean Hélion, Marc Janson, Alain Jouffroy, Marc Kober, Grégoire Lacroix, Jean-Clarence Lambert, Lionel Lathuille, Ljuba, Constantin Makris, Gérald Messadié, Margaret Montagne, Basarab Nicolescu, Madeleine Novarina, Virgile Novarina, Olivier O. Olivier, Fabrice Pascaud, Michel Perdrial,  Miguel Perez Corrales, Pierre Pinoncelli, Françoise Py, Jean-Dominique Rey, Olivier Salon, Paul Sanda, Rafael de Surtis, Virginia Tentindo, Jehan Van Langhenhoven & Nina Zivancevic.

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SARANE ALEXANDRIAN et les Terres fortunées du songe



La France raffole des surréalistes quand ils sont morts ; mais quand ils étaient dans l’éclat de la jeunesse ou dans la force de l’âge, elle a tout fait pour les acculer à la misère. C’est d’ailleurs le lot de tout grand artiste révolté, de tout prophète de l’anticonformisme, de connaître une gloire tardive ; les conformistes lui préfèrent toujours le pantin remodelable après chaque rebut. Sarane Alexandrian n’a pas échappé, malheureusement, à ce principe ; du moins en France, car à l’étranger, au Liban, en Roumanie, en Angleterre, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Portugal, en Turquie, aux Etats-Unis, en Chine (où son Histoire de la littérature érotique a été traduite en 2003), ou à l’Ile Maurice, notre ami jouit d’un prestige qui ne s’est jamais démenti. Alexandrian parlait comme il écrivait. Sa haute érudition n’était pas un mythe. Il incarnait pleinement dans la vie toutes les idées et valeurs qui constituaient sa pensée. L’homme était intraitable vis-à-vis de tout ce qui amoindrit l’homme et mutile la vie. Il avait donné à chacune de ses œuvres pour but d’animer la vie intérieure. Qu’il s’agisse de fictions ou d’essais, chacune d’elles est une aventure humaine, une aventure intellectuelle sans équivalent, dans la mesure ou un écrivain authentique n’est pas un homme qui écrit un livre, mais celui qui se voue à créer, dans le cours essentiel de sa vie, un ensemble de livres pour exprimer l’évolution de sa pensée et la diversité de ses dons. Il a lui-même écrit qu’il y a « les écrivains qui ont du succès et ceux qui ont une influence. » Ce ne sont pas les mêmes. Sarane appartient à la seconde famille. En cela, c’est assurément le non-conformisme qui caractérise le mieux l’œuvre et la vie de Sarane Alexandrian. Qu’est-ce à dire ? Quand on est révolté, on ne se conduit pas en roquet ou en sectaire borné, mais en homme rejetant les formules stéréotypées pour juger de tout d’après ses réflexions libres. En cela, le manifeste d’Alexandrian : Contre une fin de siècle réactionnaire, reste fameux : « Quand j’ai fondé avec plusieurs amis Supérieur Inconnu, en octobre 1995, c’était justement pour réagir contre la dégénérescence de l’esprit moderne, qui ne fait que s’aggraver. Il peut paraître présomptueux d’affirmer qu’une modeste revue d’avant-garde, à tirage limité, va faire date. On aurait tort de méconnaître le pouvoir d’influence d’un groupe d’hommes et de femmes animés par le même idéal émancipateur, car c’est toujours une minorité, plus ou moins combattue ou dédaignée, qui a réussi à modifier les règles du jeu intellectuel : l’Histoire en fournit d’innombrables exemples (...) Notre fin de siècle est l’époque des faux-monnayeurs de l’intelligence. De tous côtés on met en circulation des fausses idées nouvelles, des fausses valeurs morales, des fausses notions de la littérature, de l’art, de l’amour et de l’univers, si bien que sont dédaignées ou passent même inaperçues les créations et les expériences qui se veulent authentiques. La connaissance du monde et de la vie peut être considérée comme un trésor collectif à constituer, fait d’opinions finement raisonnés, d’intuitions justes, de recherches sans parti pris de la vérité, où chacun peut puiser pour établir ses certitudes et fonder ses admirations. On falsifie cette monnaie d’échange entre les individus, qui est fluide et transformiste, quand on la fige en des théories officielles, et quand on dévalue des êtres et des choses parce qu’ils ne sont pas conformes à cette légitimité factice. » (..)

            Pour Alexandrian, dès l’après-guerre, être surréaliste revint à intégrer un collectif ayant pour but la quête de la « beauté convulsive », et dont les membres s’aimaient fraternellement « en se contestant parfois âprement au nom des plus hautes exigences de perfection. » Mais l’importance comme l’influence de Sarane Alexandrian ne reposent pas tant sur son activité au sein du groupe surréaliste que sur sa volonté d’assurer la continuité et le dépassement de ce mouvement. Au sein de son œuvre, Le Surréalisme et le rêve (Gallimard, 1974), Le Socialisme romantique (Le Seuil, 1979), et L’Histoire de la philosophie occulte (Seghers, 1983 ; Payot, 1994), forment une trilogie à la gloire des pouvoirs réels de l’imagination et de l’intuition. Le premier livre montre comment « l’imaginaire absolu peut féconder la poésie écrite et vécue ; le deuxième, comment il est capable d’édifier de grands systèmes sociaux ; le troisième établit une synthèse de la philosophie et de la religion pour trouver le sens de l’inconnu, l’invisible, l’infini. Les œuvres critiques d’Alexandrian ne sont pas des travaux de vulgarisation (l’idée lui répugne), mais des essais de méditations qu’il rend accessibles à un large public, en évitant l’excès des termes spéciaux. Il n’en va pas autrement de son œuvre de création.

           Toutes ses œuvres de fiction, véritables poèmes en prose, sont fondées sur le principe de « la création allégorique », de l’imaginaire pur avec des « effets mythiques », entendu comme « du réel transfiguré par des analogies ». Ses romans « d’aventures mentales », comme ses nouvelles, sont de véritables mythes modernes écrits en auto-hypnose, comme l’auteur nous l’a expliqué lui-même : « Larseneur, l’inspecteur d’épaves de la Méditerranée asséchée - dans l’Œuf du monde (Filipacchi, 1975) -, Samarangad, le Maître de l’An des Terres fortunées du songe, entraînant sa troupe à travers la Gondwanie pour des exploits fabuleux (comme l’escalade d’une montagne invisible), ne sont pas des héros de romans conventionnels, mais des demi-dieux de la modernité, lancés en des actions exprimant symboliquement les possibilités de la condition humaine. Bien que ma méthode de création implique des « hallucinations provoquées », mettant en jeu la spontanéité pure, elle relève d’une esthétique consciente que je me suis définie dans une analyse inédite de quarante pages, l’Image romanesque. J’y détermine comment une scène de roman peut former une longue image en prose, à la fois plastique et dynamique, assimilable à une métaphore développée à outrance ou à une séquence de film mental..."


Christophe DAUPHIN

(Extrait de Sarane Alexandrian et les Terres fortunées du songe, in Supérieur Inconnu n°5, 3ème série, Les Hommes sans Epaules éditions, 2011).


Critiques

"La joie comme la peine se mesurent en centigramme." (Benjamin Péret). Joie ? parce qu'un nouveau numéro de Supérieur Inconnu, le trentième, est paru. Peine ? parce que c'est le dernier et qu'il est consacré à son fondateur Sarane Alexandrian, disparu en 2009 emporté par une leucémie. La couverture est de Madeleine Novarina, épouse de l'écrivain, et vient clore une série commencée en octobre 1995. Le comité de rédaction de la revue a dans son ensemble participé à l'hommage rendu à Alexandrian. Nous trouvons des textes et des entretiens d'anciens compagnons: Alain Jouffroy, des lettres d'André Breton et de Malcolm de Chazal, des illustrations de Victor Brauner, Ljuba, Denis Bellon. Sous la plume de Christophe Dauphin, auteur chez l'Âge d'Homme d'un essai Sarane Alexandrian, le grand défi de l'imaginaire, on peut lire un très intéressant et émouvant portrait de ce dernier. Les documents publiés sont nombreux et la période d'après-guerre est riche en témoignages: exposition surréaliste en 1947 à la galerie Maeght, création de la revue Néon et de Cause... Le sommaire est parsemé de textes inédits de Sarane Alexandrian, écrivain, critique d'art et fondateur d'une des revues les plus fascinantes de ces dernières années: Supérieur Inconnu, qui a paru en trois séries, trente numéros au total de 1995 à 2011. Adieu Grand Cri-chant nous en sommes pas prêts de vous oublier, d'ailleurs: "c'est les jeunes qui se souviennent. Les vieux oublient tout." (Boris Vian).

Michel Jacubowski (in Cahiers Benjamin Péret n°1, septembre 2012)

 

« Supérieur Inconnu.., est le titre qu'André Breton avait choisi, en novembre 1947, pour nommer la publication qu'il envisageait de fonder... » Aujourd'hui, c'est le dernier numéro d'une revue « ouverte à la prose autant qu'à la poésie» et qui a mis « à l'honneur, dans chaque numéro, un écrivain qui est souvent injustement méconnu du public et de la critique »... Dernier numéro consacré à Sarane Alexandrian, mort le 11 septembre 2009. Sarane Alexandrian et Madeleine Novarina, poète et son épouse, « le couple héroïque faisant face à tout » selon Christophe Dauphin. Un dossier complet avec des textes de l'auteur, bien sûr, des analyses de sa création romanesque, des fac-similés des lettres, des photos, des reproductions de tableaux et de dessins, des hommages de ses proches, des souvenirs... Et tout cela donne une image vivante de ce familier des surréalistes. Un exemplaire à conserver !   

Alain Lacouchie,   (revue Friches, n° 109, janvier 2012).    

 

"Sarane Alexandrian nous a quittés le 11 septembre 2009 pour le Grand Réel. Spécialiste des avant-gardes et de la littérature érotique, biographe de Victor Brauner, cet homme exceptionnel, érudit incarnant l’élégance intellectuelle et spirituelle, fut aussi, c’est moins connu, un hermétiste de talent, ce qui apparût clairement à travers la revue Supérieur Inconnu qu’il dirigea brillamment. Deux ans après sa disparition, Supérieur Inconnu, désormais sous la direction de Christophe Dauphin, rassemble ses amis pour un numéro spécial, n°30, consacré à l’homme de l’art et à son œuvre multiple, inattendue, et absolument non-conformiste comme il savait si bien le revendiquer. Christophe Dauphin avertit le lecteur d’une ambiguïté toute française : « La France raffole des surréalistes quand ils sont morts ; mais quand ils étaient dans l’éclat de la jeunesse ou dans la force de l’âge, elle a tout fait pour les acculer à la misère. C’est d’ailleurs le lot de tout grand artiste révolté, de tout prophète de l’anticonformisme, de connaître une gloire tardive ; les conformistes lui préfèrent toujours le pantin remodelable après chaque rebut. Sarane Alexandrian n’a pas échappé, malheureusement, à ce principe ; du moins en France, car à l’étranger, au Liban, en Roumanie, en Angleterre, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Portugal, en Turquie, aux Etats-Unis, en Chine (où son Histoire de la littérature érotique a été traduite en 2003), ou à l’Île Maurice, notre ami jouit d’un prestige qui ne s’est jamais démenti. » Ce numéro spécial débute par une présentation des trois périodes de la revue, les 21 numéros de la première série, 1995-2001, les 4 numéros de la deuxième série, 2005-2006 et la troisième série, 2007-2011 qui propose 5 numéros. D’une grande exigence, Sarane Alexandrian a veillé à la haute tenue de sa revue qui demeure la plus belle publication d’avant-garde des vingt dernières années. Supérieur Inconnu a inscrit le message du surréalisme éternel dans la période si dangereuse et si passionnante du changement de millénaire, message que l’art du XXIème siècle devra s’approprier pour demeurer art. Ce numéro, qui mêle articles, poèmes, illustrations, témoignages, écrits de Sarane, illustre la puissance, la densité et la richesse de ce message non-conformiste, au plus près de la liberté de l’être. Et il y a ce couple, Madeleine Novarina et Sarane Alexandrian, un amour fou qui n’a cessé de nourrir la création de l’un comme de l’autre. Parmi les textes de Sarane Alexandrian rassemblés dans ce numéro, citons : Madeleine Novarina poète – La création romanesque – Autour de « Socrate m’a dit » – Considérations sur le monde occulte – Ontologie de la mort, ces deux derniers inédits. Sarane Alexandrian contribua grandement au renouvellement de l’alliance salutaire entre avant-garde et initiation, par ses écrits bien sûr, plus encore par sa médiation entre des mondes qui s’ignorent encore à tort. Parmi les très nombreux contributeurs à ce numéro qui, davantage qu’un hommage, constitue une démonstration de la permanence de Sarane Alexandrian, citons : Madeleine Novarina, Virgile Novarina, André Breton (Trois lettres à Sarane Alexandrian), Malcom de Chazal (Lettre à Sarane Alexandrian), Jean-Dominique Rey, Odile Cohen-Abbas, Paul Sanda, Marc Kober, Fabrice Pascaud, Jehan Van Langhenhoven, etc. Ce numéro exceptionnel est diffusé par Les Hommes sans Epaules, 8 rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen, France.  

Remi Boyer   (Incohérism.owni.fr, 21 septembre 2011) 

 

    "Un numéro hommage de Supérieur Inconnu à son fondateur, Sarane Alexandrian (1927-2009). Un lien étroit avec les HSE : le directeur de publication en est aussi Christophe Dauphin, et les HSE en gèrent la publication. Les contributeurs sont nombreux, poètes, artistes, amis, qui apportent leur voix pour cet hommage quasi unanime (seule voix dissonante, celle d’Alain Jouffroy) qui tente d’aborder toutes les facettes de cet homme à l’élégance légendaire  qui sut ne pas faire de concession aux modes. On croisera ainsi entre autres Françoise Py, Lou Dubois, Olivier Salon, Virgile Novarina, César Birène, Marc Kober, Odile Cohen-Abbas, mais aussi, évoqués largement, par le document, lettre ou dessin, Madeleine Novarina, sa femme, les peintres Jean Hélion et Victor Brauner (dont une œuvre fait la couverture, comme pour le n°1), le poète mauricien (et toujours trop méconnu) Malcolm de Chazal, etc. Un numéro qui marque aussi la fin d’une aventure de 15 ans, puisque ce dernier numéro est aussi l’ultime d’une série de trente."   

Jacques FOURNIER   (levure littéraire.com, 2011).   

 

"C’est la première fois que je parle de cette revue et ce sera l’ultime puisqu’il s’agit d’un numéro spécial consacré à son fondateur : Sarane Alexandrian, décédé en 2009.  Ce dernier a longtemps été considéré comme le successeur désigné d’André Breton, c’est dire dans quelle mouvance, surréaliste, il s’est positionné toute sa vie. Le titre de la revue d’ailleurs, Supérieur inconnu, a été trouvé par André Breton lui-même en 1947, pour une revue qui n’a pas vu le jour alors. La publication a connu trois séries : la première de 1995 à 2001, avec 21 numéros, et un nombre impressionnant de poètes reconnus aujourd’hui ; la deuxième de 2005 à 2006 (4 n°), avec au comité de lecture des membres plus jeunes comme Marc Kober ou Christophe Dauphin qui rejoignent Alexandrian et les plus anciens, prenant comme axes principaux quatre vertus cardinales que sont le rêve, l’amour, la connaissance et la révolution. Cette série sera interrompue, faute de subvention du CNL, mais suivie par la troisième et finale (2005-2011) avec un comité de rédaction élargi : 5 numéros dont ce dernier. Sarane Alexandrian exerçait une véritable fascination sur tous ceux qui l’ont approché et qui témoignent dans cet ouvrage. Né en 1927 à Bagdad, son père était médecin du roi Fayçal 1er, il vient en France en 1934. Il rencontre le dadasophe Raoul Hausmann, ce qui va être déterminant dans son apprentissage intellectuel, puis André Breton, Victor Brauner et Madeleine Novarina, qui va devenir sa femme et à laquelle sont consacrés deux articles forts de la livraison. Théoricien  n° 2 du surréalisme, il rompt rapidement avec André Breton, dès 1948. Christophe Dauphin montre comment il écrit sous autohypnose, à la Robert Desnos, autour de l’onirisme, la magie sexuelle et la gnose moderne. Une idée intéressante, c’est qu’il a souhaité être un anti-père pour les jeunes qui l’admiraient, afin qu’ils le dépassent à leur tour. Ses conceptions romanesques sont très éclairantes, puisqu’il a voulu certainement être davantage reconnu comme écrivain de romans plutôt que poète. Beaucoup de contributions suivent à la gloire de ce grand personnage, dont le charisme et l’ouverture intellectuelle impressionnaient grandement ses interlocuteurs, à noter la fausse note signée Alain Jouffroy qui donne en contrepoint un éclairage inverse au concert de louanges ; également avant de renvoyer à la revue qui propose une quarantaine de témoignages (dont Jehan Van Langenhoven ou Michel Perdrial entre autres), le Sarane Alexandrian, critique d’art, lequel lui confère pour conclure sa véritable dimension. Un homme hors du commun, sans contestation possible. Un grand écrivain de la fin du surréalisme."  

Jacques MORIN   (Site internet de la revue Décharge, novembre 2011).  

 

Avec ce trentième numéro de Supérieur Inconnu s'achève l'aventure de cette revue fondée par Sarane Alexandrian en octobre 1995, aventure qui dura donc 16 ans et connut trois séries différentes. Ce dernier numéro consiste en un hommage à la figure tutélaire de Sarane Alexandrian, disparu le 11 septembre 2009. Nous y trouvons les signatures des acteurs majeurs ayant fait l'histoire de cette revue qui se revendiquait du non-conformisme intégral.  

C'est à César Birène que revient la tâche d'ouvrir ce numéro mémorial par un texte retraçant clairement les grandes étapes de Supérieur Inconnu. A l'origine imaginée par André Breton, la revue aurait dû voir le jour en 1947 chez Gallimard sur les conseils de Jean Paulhan. Une revue ayant l'ambition d'unir les conservateurs fidèles à l'esprit du Second manifeste, et les novateurs. Le nom même de la revue vient directement de Breton qui voyait dans le "Supérieur Inconnu" l'objectif idéal de la recherche poétique de l'avenir. Elever l'esprit vers les hauteurs et explorer l'inconnu. Un désaccord empêcha ce projet que Sarane Alexandrian, en héritier légitime du Surréalisme – il avait été le secrétaire général du mouvement – reprend et mène à son point d'épanouissement au moment charnière du passage au troisième millénaire. Une revue issue du Surréalisme mais désireuse d'accueillir dans ses pages les voix d'un avenir poétique émancipé du passé, et fervente admiratrice de figures peut-être injustement mal connues telles celles de Claude Tarnaud, Charles Duits, Stanislas Rodanski, Gilbert Lely, Jeanne Bucher par exemple.  César Birène retrace avec fidélité ces quelques quinze années d'engagement littéraire autour de Sarane Alexandrian. Il en synthétise l'esprit, les contenus, évoque les grands acteurs tels Alain Jouffroy et Jean-Dominique Rey, à la fondation de l'aventure avec Sarane. Puis rejoints par la jeune génération des Christophe Dauphin, Marc Kober, Alina Reyes. Je me permets d'ajouter Pablo Duran, Renaud Ego, Jong N'Woo, Malek Abbou, etc. Les transitions des séries 1 à 2 et 2 à 3 sont bien explicitées, ainsi que les raisons qui présidèrent chaque fois au changement de visage par ces nouvelles moutures de la revue. On notera avec étonnement au moins deux grands absents sous la plume de César Birène, deux absents de taille qui contribuèrent pourtant à l'envergure de la revue par le rôle qu'ils y tinrent au sein du comité de rédaction de la première série, en les personnes d'Alain Vuillot et de Matthieu Baumier…

La revue poursuit ensuite son hommage à Sarane avec les textes de Christophe Dauphin, les photos de Sarane et de sa femme Madeleine Novarina, les poèmes de Madeleine Novarina, les photos du bureau de Sarane où nous eûmes tous l'honneur, à un moment, d'être reçu pour une conversation d'une politesse exquise  sous le charme silencieux et magiques des œuvres de Victor Brauner. Des textes inédits de Sarane, comme illustrés par des reproductions de toiles de Ljuba, sont ici publiés, comme La création romanesque issue de ses Idées pour un Art de vivre, Art de vivre qui était la passion de sa vie tant il considérait que cet Art induit tous les plans de l'émancipation de l'humain. Nous y trouvons également trois lettres inédites adressées à Sarane, deux par André Breton, la troisième par Malcolm de Chazal, lettres qui témoignent de l'engagement intellectuel intégral qui était celui d'Alexandrian.  

Suit un entretien d'Alain Jouffroy par Jean-Dominique Rey autour de la figure de Sarane, entretien surprenant au sein d'un hommage tant Jouffroy n'use d'aucune langue de bois pour évoquer le souvenir de son ami Sarane. A juste titre d'ailleurs car Alexandrian, non-conformiste revendiqué, aurait eu en horreur les passages de pommade de circonstance. Jouffroy évoque un Alexandrian supportant mal la contradiction qu'on pouvait lui opposer et nombreux sont, parmi ceux qui le fréquentèrent, à avoir essuyé ses colères et sa susceptibilité... (..) Un homme généreux. Une figure tutélaire à qui l'on devait une manière d'allégeance à partir du moment où il nous avait accueilli dans son clan. Un écrivain ayant sa propre conception de la fidélité, souffrant avec difficulté qu'on lui oppose des vues différentes de ce en quoi il croyait. Mais généreux, je le répète, comme peu en sont capables. Aussi la version de Sarane par Alain Jouffroy a-t-elle lieu d'être tant elle rend fidèlement le caractère haut en couleur qui était le sien. D'ailleurs, s'ensuit la reproduction d'une réponse de Sarane à un message de Jouffroy laissé sur son répondeur téléphonique. Illustration significative des rapports qui furent ceux des surréalistes, faits de franchise, d'orgueil, de rodomontades, d'hystérie surjouée, de joutes oratoires, de ruptures, de réconciliations. Parmi les textes, passionnants, de ce numéro hommage, (nous ne les citerons pas tous), mentionnons celui de Paul Sanda consacré à l'ouvrage majeur d'Alexandrian, Histoire de la philosophie occulte, et aux prolongements de ce livre, d'abord dans le rapport qu'entretint Sanda avec Sarane, ensuite dans la vie de Sanda.

Remercions Christophe Dauphin, maître d'œuvre de cette ultime livraison, pour ses contributions à la réussite de ce beau numéro, tant lorsqu'il se consacre au couple Madeleine Novarina-Sarane Alexandrian que lorsqu'il dresse un portrait biographique de Sarane, situant son importance dans la deuxième génération surréaliste mais aussi dans le monde littéraire et intellectuel, lui dont l'œuvre fut traduite partout dans le monde sans que jamais l'intelligentsia officielle et médiatique ne lui rende le moindre hommage. Hommage encore à l'érudition époustouflante d'un homme hors-norme, qui n'avait cure de savoir pour savoir mais entendait savoir pour vivre plus et transmettre ses connaissances pour aider à vivre plus. Jean Binder, lui, choisit dans les multiples visages d'Alexandrian, l'écrivain d'art. Il rappelle que le premier livre de Sarane fut consacré au peintre Victor Brauner, Brauner l'illuminateur, dont on ne peut ici que conseiller la lecture tant ce livre est, à mes yeux, fondamental. Et poursuit en dressant l'itinéraire des écrits sur l'art de Sarane. Palpitant.   Gérald Messadié quant à lui tire son chapeau à l'impertinence, pour employer un euphémisme, de Sarane, lui qui, en 2000, publia un livre étrange intitulé Soixante sujets de romans au goût du jour et de la nuit, livre dans lequel Sarane propose aux romanciers en mal d'inspiration 60 sujets mirifiques pour surseoir à leur manque de talent et d'imagination. Un livre volontairement passé inaperçu tant le bras d'honneur d'Alexandrian aux plumitifs desséchés en tous genres relève, comme le souligne Messadié, du terrorisme.  

Il y  a aussi le très beau texte de Marc Kober, d'une justesse et d'une mesure admirables, brossant l'image de surface qu'offrit à beaucoup Sarane Alexandrian pour nous montrer un peu le vrai cœur de cet homme : "Pourtant, la vérité de Sarane est ailleurs, écrit Kober : moins dans l'homme de lettres qu'il voulut être que dans une volonté d'élargir le périmètre humain".  

Il y a enfin, et je m'arrêterai là, le beau poème que Matthieu Baumier offre ici à Sarane, intitulé "A l'étoile vive", assorti de cette émouvante dédicace Pour Sarane, par-delà. Ce trentième numéro rend ainsi un hommage mérité à un écrivain méconnu, dont l'œuvre théorique continuera d'irriguer les temps à venir tant elle se situe à la croisée de la Tradition dont notre société se targue de ne vouloir rien savoir, et de l'avenir qui l'aimante par un besoin vital de prendre sa respiration.  

Supérieur Inconnu, ce furent 30 volumes en quinze ans, mais aussi des lectures publiques dont chacun des membres garde en mémoire les éclats et les reliefs. (Conciergerie de Paris, Mairie du XIIème arrondissement de Paris, Bateau-lavoir). A titre personnel, sans Supérieur Inconnu, sans Sarane Alexandrian, je n'aurais sans doute pas rencontré la danseuse Muriel Jaër, petite-fille de la galeriste Jeanne Bucher avec qui, au sortir d'une lecture de poèmes, je devais me lier d'amitié.  

Je n'aurais pas non plus eu la grande chance de rencontrer Matthieu Baumier, dont l'amitié dans le Poème m'est absolument vitale. Pour ceci, Sarane, merci.   

Gwen Garnier-Duguy (in Recoursaupoeme.fr, août 2012).

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"Dernier numéro de la revue consacré à Sarane Alexandrian, écrivain surréaliste. Son oeuvre est une aventure humaine et intellectuelle. Le non-conformisme caractérise le mieux l'oeuvre et la vie de Sarane Alexandrian."

Electre, Livres Hebdo, 2012.