Griffes

Collection Les HSE


     zoom

Griffes

Poèmes traduits de l’arabe (Palestine) par Abdellatif Laâbi. Préface de Christophe Dauphin
Jumana MUSTAFA

Poésie

ISBN : 9782912093882
Edition bilingue
114 pages - 15 x 21,5 cm
15 €


  • Présentation
  • Presse

Jumana Mustafa est l’un des phares de la poésie palestinienne d’aujourd’hui, de cette nouvelle génération dont le destin national est moins la ligne commune que ne l’est le journal de bord intime du poète et son vécu en prise directe avec le monde et la réalité immédiate.

Le poème « Griffes », qui donne son titre à ce livre, est le manifeste d’une poétesse libre et insoumise. Son regard sait débusquer le réel et le merveilleux dans les faits les plus infimes. Elle possède un ton résolument intimiste et personnel, qui ne doit rien à personne, ainsi qu’un éventail de registres qui vont de la désillusion à l’exaltation amoureuse en passant par la révolte et l’ironie.

Volontiers désinvolte, elle n’est jamais cynique. Au-delà des thématiques incontournables, comme la condition des femmes, la mort, l’exil et le pays perdu, la poésie de Jumana Mustafa est aussi un hymne à l’amour, à la liberté et à la vie :

La vie tant qu’elle est là

Si nous devons porter un toast

faisons-le pour elle

Levons haut nos verres et soyons tonitruants

impudiques !

Griffes est son premier livre à paraître en français.

 

En juin 2025, Jumana Mustafa est l’une des douze poètes palestinien(ne)s invité(e)s d’honneur à Paris, au 42ème Marché de la poésie. C’est à cette occasion que paraît Griffes, son premier livre de poèmes (traduits de l’arabe (Palestine) par Abdellatif Laâbi) en français.

Christophe DAUPHIN

Visages de la poésie palestinienne, par Christophe Dauphin (Marché des Lettres n°26, juin 2025, Journal du Marché de la poésie de Paris).

)AUPHIN 


Lectures :

On retiendra du recueil de cette poète palestino-jordanienne, née au Koweït, sa liberté, son esprit d’ouverture et son effronterie.

Sa manière principale est l’interpellation, elle n’hésite pas à prendre à témoin, sa mère, sa grand-mère, les hommes en général, voire les morts… tous ceux qui l’entourent sans distinction, sans restriction et sans déférence. En les traitant d’égal à égal.

Un domaine où sa sensibilité est particulièrement affûtée est celui où elle traite des sentiments comme le désespoir ou l’ennui avec une tendance philosophique où elle fait des rapprochements entre dureté et patience, peur et clémence ou encore tristesse et héroïsme. Souvent à la limite du paroxysme ou de l’oxymore :

 

Je reconnais à la séparation qu’elle n’arrive

qu’en apportant

son bagage de commencements

 

ou encore plus directement à l’aphorisme : Le pardon est l’accomplissement du désespoir

Lorsqu’elle invoque Dieu, elle revendique son athéisme et n’hésite pas à écrire : Nous sommes tous tes enfants impies

 

En outre, elle ne manque pas d’humour :

Une statue n’en pouvant plus de rester debout

en veut au tremblement de terre

de tant tarder

 

et ne ménage personne, elle en premier lieu :

Je m’évertue

à écrabouiller publiquement ma fierté

 

Elle s’exprime en toute liberté, en répétant :

J’ai envie de toi…

 

Et dans une ode à la vie :

...Levons haut nos verres

et soyons tonitruants

impudiques !

 

Avec un hymne superbe dédié aux femmes :

Les femmes ne prennent pas l’initiative des guerres

Ne portent pas les armes

 

Et plus loin : Elles n’enfantent pas des tueurs

 

Et dans un autre poème un rappel historique :

Nous mettions bas dans les champs

Nous fertilisions la terre avec le sang de l’accouchement

 

Et dans un autre texte remarquable :

Les morts reviennent toujours

Tu ne dois pas lui rappeler que son corps est glacial

Et commence à se décomposer

 

Avec ce conseil :

quand le défunt revient à la maison

ne le serre pas contre toi

 

« Griffes » qui donne le titre à l’œuvre est considéré à juste raison par le préfacier Christophe Dauphin comme le manifeste d’une poète insoumise

Je vends aux passantes des griffes

une griffe pour tuer

une griffe pour violer

une griffe pour blesser

une griffe pour découdre les blessures

une griffe pour se donner des gifles

au-dessus des tombeaux des aimés

 

Jacques MORIN (« Les indispensables de Jacmo » in dechargelarevue.com, 5 août 2025).

 

*

Dans une belle édition bilingue, arabe et français, paraît le recueil "Griffes" de la poète palaestinienne, Jumana Mustafa, traduit par le poète marocain, Abdellatif Laâbi.

Jumana Mustafa est née en 1977 au Koweit, de parents exilés, elle vit aujourd'hui entre la Jordanie et l'Egypte. militante pour les droits de l'Homme, elle est fondatrice du festival Poetry in Theaters.

Jumana écrit une poésie de défi, surprend par son audace. Sa parole est affranchie des lieux courants qu'on attend de la poésie palestinienne pour écrire la voix d'une femme en butte au machisme social, aux retors de visions rétrogrades et sort ses griffes, sans vernis, ni contours.

Ses mots directs, d'apparence simples, crient, sans fioritures de langage, une douleur,, une vie intérieure en révolte, contre tant de maux, tant de contrariétés, tant de malentendus entre femmes et hommes. Poète citoyenne du monde, sa poésie est un chnat d'amour, de liberté et de vie.

Elle écrit : Nous n'avons besoin ni de papillon - ni de flûte - ni de source miroitante - Nous voulons ingurgiter un autre verre - pour vivre une heure de plus.

Tahar BEKRI (in kapitalis.com, Tunisie, 24 juin 2025).

*

Les Hommes sans Épaules publient ce poignant et admirable recueil de poèmes, traduits de l’arabe de Palestine par Abdellatif Laâbi. Cette édition est bilingue, plaçant côte à côte la langue arabe et la langue française, deux langues nées pour la poésie.

Malgré le contexte douloureux dans lequel demeure le peuple palestinien, ce n’est pas une poésie de combat, de résistance, qui serait légitime mais une poésie de réalisation, de liberté, de profondeur, qui éveille par la lucidité et la simple présence à soi-même et au monde, une force intangible de l’esprit.

 

Le premier poème a pour titre « La liberté m’a murmuré que j’étais sa fille préférée ».

 

« Vois-tu, mère ils ont de petites cornes

 et des queues sous leurs pantalons

Ils parlent dans leurs barbes

une langue maudite

et font circuler entre eux des talismans

comme des encensoirs

Cependant, j’ai pu survivre

et sauver ton visage

J’écris avec mes doigts

sur la buée des vitres

dans l’espoir que quelqu’un soufflera

sur la face du poème

et que celui-ci apparaisse

J’avoue que le désespoir a toujours été

le premier arrivant

le premier

à renouer avec la sérénité

le premier

à se lever le matin

et le dernier à se coucher

J’avoue que l’ennui

depuis que je l’ai connu

a toujours tenu à changer de couvre-chef

Je reconnais à l’absurde

d’avoir réparé

toutes les horloges insolites… »

 

Christophe Dauphin la désigne comme une « poétesse libre et insoumise ». Les poèmes sont longs, ils déferlent comme les vagues sur une plage, doucement et régulièrement ou, au contraire, viennent frapper les rochers avec fracas.

 

« Les ogresses m’ont transplanté dans une matrice humaine

et ont fourvoyé mes restes

Elles m’ont revêtue de la peau d’un cadavre de jeune fille et m’ont relâchée

Je flotte dans ma peau

Les hommes me prennent pour une femme

alors que je suis une petite ogresse

Je rugis quand j’ai faim

quand je désire le maître des ogres

et que j’ai envie du sang de gazelle… »

 

Livre de poésie, c’est aussi un livre de sagesse, une sagesse terrible, celle qui jaillit du monde tel qu’il est et non tel que nous le rêvons.

 

« Peut-être ne le sais-tu pas encore

les femmes n’ont pas inauguré toute cette mort

et peut-être ne le sauras-tu jamais

elles n’enfantent pas des tueurs

Les tueurs

s’enfantent eux-mêmes »

 

L’amour côtoie la mort, naturellement, sans ostentation, parce que c’est ainsi. La beauté, si improbable, couvre de son manteau de plénitude les affres de l’incarnation et de l’exil, en soi-même plutôt que géographique. Il y a bien les « griffes », il y a aussi les caresses. Les deux font la danse de la vie.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, juin 2025).

*

Nouvelle voix de la poésie palestinienne d’aujourd’hui, Jumana Mustafa est traduite pour la première fois en français par Abdellatif Laâbi.

« La liberté m’a murmuré que j’étais sa fille préférée ». Ainsi s’intitule le poème sur lequel s’ouvre ce recueil de textes choisis et traduits par Abdellatif Laâbi dans l’œuvre de Jumana Mustafa. Née au Koweït en 1977 et vivant entre la Jordanie et Le Caire, la poétesse est reconnue comme une figure majeure de la littérature palestinienne et a choisi la liberté comme étendard. Ce recueil déploie une palette d’émotions, de la lucidité la plus crue au plaisir, à l’amour, jusqu’à la révolte, pour mettre en mots un rapport au monde marqué par la perte du pays, l’exil, la condition féminine. Cela commence sur le mode de l’inventaire des drames :

 

« Je reconnais à la défaite

de bien choisir son moment

à la solitude sa virginité

au désastre ses nouveautés

à la distraction sa célérité

aux questionnements

leur droit à l’existence »

 

Et cela se poursuit sur le ton de la confiance et de l’espoir : « Comme cette vie est généreuse ! / Elle ne m’a pas rappelé mes erreurs ».

 

« Les femmes ne prennent pas l’initiative des guerres »

 

Dieu, c’est pour l’aider en amour qu’elle l’implore. L’amour, comme l’histoire et la mort, elle les envisage avec une lucidité triste : « La perfection / à suivre… » Les trois sont liés du reste, et la poétesse soupire : « Et je regrette / de ne pas avoir ce qu’il faut / pour recoller les blessures du monde ». Tour à tour intimiste et déclamatoire, Jumana Mustafa fait la réclame de ses « Griffes » pour défier la douleur. Mais la déréliction et le cynisme n’ont pas de place dans ses textes. Elle ne pleure pas les victimes, elle renvoie la culpabilité aux agresseurs :

 

« Les femmes ne prennent pas l’initiative des guerres

ne portent pas les armes

[…] Elles n’enfantent pas des tueurs

Les tueurs

s’enfantent eux-mêmes ».

 

Elle rend un bel hommage à Fayrouz, qui a continué à chanter en ignorant la guerre. Elle compatis à la mélancolie des grands-mères qui ont donné à l’exil leur descendance.

 

Jumana Mustafa défie les morales des fables et leurs ordres établis, invitant au défi, à la joie comme une résistance : « Elle fut ridicule / l’époque qui nous avait inculqué / impassible / ses leçons sur le bien ». Et de nous enjoindre :

 

« La vie, tant qu’elle est là

Si nous devons porter un toast

faisons-le pour elle

Levons haut nos verres

et soyons tonitruants

impudiques ! »

 

Et vous, vous lisez quoi ?

 

Kenza SEFRIOUI (in Enass.ma, Maroc, 4 juillet 2025).

*