Ailleurs jusqu'à l'aube, oeuvre poétique

Collection Les HSE


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Ailleurs jusqu'à l'aube, oeuvre poétique

Préface de Christophe Dauphin
Marie MURSKI

Poésie

ISBN : 9782912093608
272 pages - 13 x 20,5 cm
20 €


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Marie Murski s’est fait connaître sous le nom de plume de Marie-José Hamy. Son premier livre de poèmes, Pour changer de Clarté, paraît en 1977, suivi, trois ans plus tard, par Le Bleu des rois. Ces deux livres, publiés par Jean Breton et Guy Chambelland, sont remarqués. En 1988, paraît son livre, le plus abouti : Si tu rencontres un précipice. Marie-José Hamy compte alors assurément parmi les voix émergentes les plus sûres de la nouvelle poésie française issues du rang des Hommes sans Épaules. Jean Breton écrit : « L’écriture de ce recueil est très vérifiée mais ce travail a sans doute affiné une sensibilité rayonnante. »

En 1989, paraissent, dans un tirage limité, les poèmes de La Baigneuse. En 1991, Alain Breton lance la deuxième série de la revue Les Hommes sans Épaules et invite Marie-José Hamy à rejoindre le comité de rédaction.

Puis, intervient un long et douloureux silence :Marie-José Hamy est sous le joug d’un prédateur pervers narcissique. Amoureuse, elle ne voit pas le piège, ni le chasseur, ni l’affût. A compter de cette période, il n’y a plus d’œuvre.

En 2018, après avoir donné quatre volumes de prose, Marie-José Hamy, qui a repris son véritable nom : Marie Murski, est de retour et renait enfin à la poésie, tout d’abord au sein de la revue Les Hommes sans Épaules n°45 (2018), puis avec Ailleurs jusqu’à l’aube.

Ailleurs jusqu’à l’aube rassemble l’œuvre poétique de Marie Murski, à ce jour, quatre livres de poèmes, qui ont paru sous le nom de Marie-José Hamy : Pour changer de Clarté (1977), Le Bleu des rois (1980), Si tu rencontres un précipice (1988), La Baigneuse (1989) et les poèmes inédits de Le grand imperméable. Nous retrouvons Marie Murski « giboyeuse et piégée » au milieu du malaise des autres, avec sa vérité d’écorchée vive qu’ont ressentie d’emblée Bernard Pivot et les téléspectateurs d’Apostrophes, en mars 1986 : « La poésie m’a sauvé la vie ! », disait-elle alors. « De grandes images originales mettent de l’ordre dans la panique sensuelle d’une attente qui rencontre aussi des moments de paix. Malgré tout, on peut être soutenu par la beauté des plaines et des étoiles », écrivait Jean Breton en 1988. Poète, Marie Murski est également nouvelliste et romancière, auteure notamment de Cris dans un jardin, qui a connu trois rééditions depuis sa parution en 2014, et qui décrit le processus irréversible de la violence, de la terreur, du décervelage, année après année, durant quatorze ans, dont elle a été la victime.

Marie-José Hamy était l’une des meilleures d’entre nous, dans les années 80. Il en va de même aujourd’hui avec Marie Murski, une poète comme on n’en rencontre pas tous les jours ; une poésie qui dit la mort et les mots qui l’entourent, la solitude et ses couteaux d’étoiles, mais c’est encore et toujours le désir qui bat les cartes de la nuit et dégrafe la robe de la vie, quand toutes les mains se retirent des glaïeuls, pour étendre le sommeil et ses rêves vers une autre légende : Creuser malgré tout - laisser une trace - il faut savoir.

Christophe DAUPHIN

*

L’AMOUR

 

L’amour, dit-elle

comme elle tordait son linge,

l’amour ?

mais pardon je n’en puis plus.

 

Piège ouvert qui palpite

gorge blême avec couteau du soir

au parloir

la main si menue sur le manche des sorcières

le simple abricot des nouveau-nés

frémissant sous la jupe.

 

L’aiguille de midi repasse à cinq heures

tous les jours,

épingle l’aile affolée des chemises Petit Bateau,

faufile les babygros à bascule qui s’élèvent

puis éclatent comme des ballons soufflés trop court.

Attention : Hôtel du Nord.

 

Des siècles qu’on te le dit !

Mais as-tu seulement un nom,

petite sœur des grandes batailles

de fers à repasser les immortelles

fœtus après fœtus ?

 

Plus tard,

le sourire épuisé,

accrochée dans les cordes,

quand revient le boxeur de tes nuits,

tu tâches de ricocher.

Marie MURSKI

(Poème extrait de Ailleurs jusqu’à l’aube, Les Hommes sans Epaules éditions, 2019).

 

 

LE FOL AMOUREUX

 

La mort,

cou pelé interminable

des bêtes accrochées

qui n’ont plus qu’un soupirail.

 

Là, je peux m’y voir,

j’arriverai le matin par le train

poursuivrai à pieds jusqu’au fol amoureux,

histoire de.

 

Je fouillerai ses poches une fois pour toutes

il aura beau dire et faire le pendu, le troué d’une balle,

le crieur de plaies béantes,

il aura beau, il aura beau,

l’amiral ganté de mes nuits.

 

Je prendrai toutes ses billes de cargo au long cours,

ses recettes froissées d’âme qui vive,

son grand imperméable plié dans la soute

en attente de gamines éclaireuses

et de moi, moi, interdite de rivage.

 

Il aura beau, il aura beau,

déambuler nu  dans mes coursives, un aileron à la main,

frôler mon ventre avec sa rame de secours,

me faire des appels volants

de phare détaché des flots,

hurler son cap, noyer le gardien,

flécher au sextant pointé

ma pauvre humeur vitrée dans la carte du ciel…

 

Moi, deux écureuils en guise de dents du bonheur,

insane cloche éparpillée dans les aulnes,

je le cherche encore,

partout dans les passages.

 

Il se fait tard, il ne viendra plus,

des siècles qu’on te le dit :

« Tu l’as raté quelque part ! »

 

Mais où ?

Quel marche pied ?

D’aventure, comme à Guignol,

le fol amoureux

est resté inconnu juré craché

malgré les menaces de tête coupée sur le billot

roulant avec cheveux et gorge en bataille

jusqu’au dernier tremplin

où il n’y a personne.

 

Chaque nuit

le temps passe par le soupirail,

avance ses mains nues

vers le cou des bêtes pendues.

  

Marie MURSKI

(Poème extrait de Ailleurs jusqu’à l’aube, Les Hommes sans Epaules éditions, 2019).


Lectures :

Pendant combien de temps peut-on tomber - avec élégance. Cette question, Marie Murski se l'est certainement posée longtemps et plus d'une fois dans sa vie qui ne fut pas simple... et c'est, à vrai dire, un euphémisme ! Fallait-il pour autant ouvrir cet Ailleurs jusqu'à l'aube, en connaissant certains faits et souffrances advenus à l'autrice, en en supposant peut-être d'autres, plus enfuis jusqu'à l'enfance ? Si pour l'exégète d'une oeuvre tout cela semble utile voire nécessaire, le lecteur de poésie doit peut-être faire fi de ces blessures et entrer dans un poème tel qu'il est, sans cadre, sans arrière-fond, sans autre but que celui d'être touché par la grâce d'un texte.

C'est la voie que j'ai suivie en lisant Ailleurs jusqu'à l'aube, un volume important qui reprend quatre recueils publiés dans les années 1980, à l'enseigne de Chambelland ou Saint-Germain-des-Prés, et une suite inédite intitulée Le Grand Imperméable. Dans ces premiers ouvrages, publiés sous le nom de Marie-Josée Hamy, on y découvre, outre l'affrontement avec le réel, l'onirisme un peu rageur écrit Jean Breton qui ajoute qu'elle a su, de façon personnelle, déployer les ailes du surréalisme.

Le surréalisme ? Oui, Marie murski - qui a désormais repris son nom de jeune fille - s'y frotte beaucoup... sans en avoir l'air, tout en convoquant simultanément ce réel auquel elle tient malgré tout ! Les poèmes se composent et se décomposent en de multiples miroirs qui nous renvoient peut-être à l'inconscient de l'autrice et au nôtre également.

Ainsi : Au regard sans fin qui m'observe - à deux doigts du manège - croupe légère et cheval de bois - j'aime à répondre - entre mes cils longuement peignés - qu'il y a encore - dans le creux de mes journées - quelques noix à casser.

Marie Murski doit se lire dans la lenteur, en s'accordant quelques temps pour respirer ou retrouver ses esprits, tant ses poèmes ont ce pouvoir de nous étouffer, de nous mettre en demeure d'affronter l'insupportable. C'est d'ailleurs là l'une des forces de cette poésie : l'affrontement.

Mais une question reste posée par la poète elle-même : Mais comment voir le fond - d'un précipice - que l'on porte à son cou ? - Parfois tu pleures - parfois tu détournes les yeux - à cause de l'écho - et du vide.

Yves NAMUR (inLe Journal des poètes n°3, 2019, Belgique).

*

Marie Murski connût une première vie d’auteur sous le nom de Marie-José Hamy. Elle publie un premier recueil de poèmes en 1977 sous le titre Pour changer de Clarté. Deux autres recueils suivirent qui permirent à Marie-José Hamy d’être reconnue comme une poétesse capable de voyager entre réel et surréel. Elle se dit déjà survivante, ce réel ne l’ayant pas épargné. Au début des années 90, elle publiera quatre nouvelles avant de tomber dans le cycle infernal des violences faites aux femmes. Totalement isolée par un conjoint pervers narcissique, elle disparaît du monde de l’écriture. Elle s’extraira in extremis de quatorze années de violence, grâce à des rencontres salutaires et à l’écriture qui lui donne une nouvelle vie. C’est sous son nom de jeune fille, Marie Murski qu’elle écrit désormais. 

Ce recueil rassemble l’ensemble de son œuvre à ce jour, de son premier recueil de 1977 à ses derniers poèmes écrit l’an passé. Sa poésie puissante, blessée, n’en est pas moins cathartique. C’est un hymne, non à la survie mais bien à la vie.

 

 Extrait de Si tu rencontres un précipice :

 Le matin jupe claire

dans la rondeur des chances

un raccourci pour prendre l’heure

la relève des guetteurs.

 

M’aime-t-on dans les sous-bois

dans les rivières

au creux des bras perdus

dérivant vers le lieu du berceau

accroché à l’étoile morte ?

 

Obstacle

roulis des murs sans joie

le soir passe

un couteau sur la hanche.

 

Qui donc s’envole ainsi

Emporte le bleu et le blanc

Et désole mon désert ?

 

Extrait de La baigneuse :

 

Dans le décolleté des vagues

le bleu poussé au large.

 

Le dernier appel

sans doute.

 

A sauver toujours la même baigneuse

qui ne se lasse ?

 

Et encore Attentat :

 

Une menace est tombée sur tes yeux

une menace et soudain

tu laisses là tes outils de jardin

l’ombre à racines nues

l’écaille des lys à la nuit des rongeurs

l’idée dans le cercle, inconsolable.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 16 février 2019).

*

Après quatre volumes de prose, Marie Murski revient à ses premières amours. Ses quatre recueils de poèmes et des inédits viennent de paraître en un seul volume.

Si Marie Murski a souvent occupé les pages des journaux ces dernières années, c’est pour les romans et nouvelles qu’elle a fait paraître depuis cinq ans. Plusieurs évoquaient – à mots couverts ou explicitement, comme Cris dans un jardin, récemment adapté au théâtre – les années passées sous l’emprise d’un mari violent et pervers narcissique.

Mais avant de signer ses ouvrages de son vrai nom, et avant cela de ne plus toucher à un stylo pendant quatorze ans, Marie Murski s’était fait connaître, sous le nom de plume de Marie-José Hamy, pour son œuvre poétique, qui l’avait menée, notamment, sur le plateau d’Apostrophes, l’émission de Bernard Pivot, en mars 1986.

De 1977 à 1989, l’auteure de Saint-Victor-de-Chrétienville (ancienne sage-femme à Pont-Audemer) avait publié quatre recueils de poèmes : Pour changer de clarté (1977), Le Bleu des rois (1980), Si tu rencontres un précipice (1988) et La Baigneuse (1989). Les voilà tous réunis en un seul volume, Ailleurs jusqu’à l’aube, qui rassemble également les poèmes inédits de Le Grand imperméable, écrits l’été dernier.

Car après quatre volumes de prose, Marie Murski a repris et son vrai patronyme et la plume pour « renaître » à la poésie. « Vive la poésie ! Vive ce bien précieux que j’avais cru perdu lorsque j’étais décervelée, minuscule chose écrasée au fond de mon jardin ! », livre-t-elle.

« Marie-José Hamy était l’une des meilleures d’entre nous, dans les années 80. Il en va de même aujourd’hui avec Marie Murski, une poète comme on n’en rencontre pas tous les jours ; une poésie qui dit la mort et les mots qui l’entourent, la solitude et ses couteaux d’étoiles », salue le poète eurois Christophe Dauphin, de l’Académie Mallarmé, qui signe la préface de l’ouvrage.

Florent LEMAIRE (in L'Éveil Normand, 15 mars 2019).

*

"Ailleurs jusqu'à l'aube" rassemble l'intégralité de l'œuvre poétique de Marie Murski ; du tout début jusqu'aux derniers poèmes écrits l'été dernier.

Les Hommes sans Épaules, artistes-guerriers comme il se doit, lui ont fait un bel ouvrage avec une préface de Christophe Dauphin, de l'Académie Mallarmé.

Bulletin de la Société des poètes normands, 10 février 2019.

*

Une oeuvre poétique …

Une berceuse fleurie sur des mots écorchés …
Un Ailleurs tourmenté, torturé …
un Ailleurs qui nous inonde …
un Ailleurs évocateur … onirique ou cauchemardesque …

La poésie des sensations
L’émoi des mots qui se conte à voix haute, pour en saisir toute l’intensité
Les mots qui se cognent, s’inventent, se chevauchent, se caressent, se libèrent, s’emprisonnent … se fracassent …

Une oeuvre qui, la dernière page tournée se garde encore à portée de main … 
Marie Murski, une poétesse, qui avec merveille sublime les mots …
« elle y trouvait des mots légers suspendus à l’encre, ... » p 166

Quel délice !!

in lespatchoulivresdeverone.com, mars 2019.

*

Marie Murski a publié quatre livres de poésie remarqués sous le pseudonyme de Marie-José Hamy entre 1977 et 1989. Je me souviens de ce nom, sans doute croisé dans des revues de l’époque, ou saisi lors de son passage dans l’émission Apostrophes de Bernard Pivot en 1986. Elle est alors une des voix émergeantes de la poésie. Après avoir publié quelques nouvelles en revues, elle disparaît brusquement du paysage éditorial au début des années 90.

Christophe Dauphin, reprenant de larges extraits de Cris dans un jardin, le récit de sa renaissance réédité plusieurs fois depuis sa parution en 2014,  expose les raisons de cette éclipse involontaire dans sa préface : en proie à un pervers narcissique, isolée et coupée de ses amis et de toute vie sociale, Marie-José Hamy a subi durant quatorze années de violences conjugales un inexorable processus de décervelage et de destruction, ne trouvant de réconfort que dans le jardin qu’elle parvint à créer, en guise de substitut à l’écriture.

Ce volume, publié sous son patronyme de naissance, reprend son œuvre poétique, ses quatre premiers recueils et Le grand imperméable, écrit récemment. Un livre pour effacer la douloureuse parenthèse, reprendre le cours de sa vie et renaître à l’écriture et à la poésie.

Marie-Josée CHRISTIEN (cf. "Nuits d'encre" in Spered Gouez / l'esprit sauvage n°25, 2019).