Remy de GOURMONT

Remy de GOURMONT



Épicurien, amoraliste, esprit libre, curieux et brillant, affranchi de toute croyance et de tout dogme, Remy de Gourmont jeta une extraordinaire et vive lumière sur la création de son époque, avec notamment, Le Livre des masques (1896), les Promenades littéraires (1904-19027), ou les Promenades philosophiques (1905-1909). L’érudition envahit chacune de ses œuvres, qui apportent une irremplaçable contribution à la compréhension du Symbolisme, le mouvement le plus important de la fin du XIXe siècle, et de la littérature « fin de siècle ».

Le Symbolisme, dont l’acte de naissance est la publication du Manifeste de Jean Moréas, dans Le Figaro du 18 septembre 1886, est né d’une réaction contre le Parnasse et s’accompagne d’une contestation sociale de la vie moderne. Gourmont fut le plus important critique littéraire de ce mouvement, et probablement de son temps, mais également un romancier de premier plan et un poète non négligeable.

Remy de Gourmont est né au château de la Motte, à Bazoches-en-Houlme (Orne), près d’Argentan, le 4 avril 1858. Ayant obtenu en 1879, son diplôme de bachelier en droit, Gourmont s’installe à Paris, obtient en novembre 1881, un emploi d’attaché à la Bibliothèque nationale et commence à collaborer à des périodiques. C'est avec un roman, Merlette (1886), qu’il fait ses débuts littéraires, dans l’indifférence.

En cette même année 1886, Remy de Gourmont découvre le Symbolisme. Il fait également la connaissance de Berthe de Courrière, modèle et légataire universelle du sculpteur Auguste Clésinger, sur lequel elle commande une étude au jeune auteur, qui ne tarde pas à devenir son amant. Elle lui inspire des lettres passionnées, qui seront publiées à titre posthume sous le titre Lettres à Sixtine (1921). Il s’installe chez elle, 71 rue des Saints-Pères, et y vit jusqu’à sa mort. Berthe lui inspire également le roman Sixtine (1890). Gourmont fréquente les lundis de Stéphane Mallarmé, rue de Rome. En 1889, Rémy de Gourmont (également fondateur de la revue L’Ymagier, avec le merveilleux Alfred Jarry) est, avec Alfred Vallette, Louis Dumur, Ernest Raynaud, Jules Renard, au nombre des fondateurs du Mercure de France, auquel il collabore pendant vingt-cinq ans.

En avril 1891, il y publie un article intitulé « Le Joujou Patriotisme », qui suscite une polémique et lui vaut d'être révoqué de la Bibliothèque nationale. Gourmont dénonce en effet le nationalisme comme exercice de matamore. Les colonnes de la majeure partie de la grande presse, lui sont fermées. Grâce à Octave Mirbeau, il parvient à rentrer au Journal. Vers la même époque, Gourmont est atteint par une forme de lupus dont la progression ne peut être enrayée que par des cautérisations extrêmement douloureuses, qui le défigurent et donnent à son visage un aspect insoutenable.

Profondément atteint, il reste cloîtré chez lui et ne sort que pour passer dans les bureaux du Mercure, rue de Condé et, une fois par an, pour quelques semaines de vacances à Coutances. Brutalement défiguré par les efforts conjoints d'un lupus tuberculeux et des médecins, Remy de Gourmont devait affronter les grimaces de répulsion des femmes et les jets de pierre des enfants. Pour Gourmont, désormais, n’existent plus que le travail et les livres. Il publie, quasi-exclusivement au Mercure de France, une œuvre vaste et abondante, composée de romans, de pièces de théâtre, de recueils de poésie et surtout d’essais qui témoignent d’une profonde érudition.

En 1910, il rencontre Natalie Clifford Barney, qui lui inspire une dernière et vive passion qui s’exhale dans les Lettres à l’Amazone, publiées en 1914. Mais l’ataxie locomotrice qui l’atteint depuis plusieurs années mine sa santé. La Première Guerre mondiale le plonge dans un désarroi total. Ses amis sont pour la plupart sur le Front, le Mercure est fermé pendant un an.

Sa maladie empire. Il meurt d’une congestion cérébrale le 27 septembre 1915, et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, dans le tombeau de Clésinger. Sa vie durant, Gourmont aura été un polygraphe accompli. La beauté fut le guide de ce symboliste phare qui se nourrissait de mots rares, tandis qu’il jetait un regard distancié sur son époque.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

 

Œuvres (sélection) : Merlette, 1886, Sixtine, roman de la vie cérébrale, 1890, Le latin mystique, 1892, Lilith, théâtre, 1892, Théodat, théâtre, 1893, Hiéroglyphes, poèmes, 1894, Proses Moroses, contes, 1894, Phocas, 1895, Le Pèlerin du silence, contes et nouvelles 1896, Le Livre des masques, 1896, Oraisons mauvaises, 1900, Physique de l'amour, 1903, Promenades littéraires, 1904-1913, Une nuit au Luxembourg, 1906, Un cœur virginal, 1907, Divertissements, 1913, La petite ville, 1913, Lettres d'un Satyre, 1913, Lettres à l'Amazone, 1914, Esthétique de la langue française, Lettres intimes à l’Amazone (Mercure de France, 1927).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes normands pour une falaise du cri n° 52