Raymond FARINA

Raymond FARINA



Raymond Farina, né le 11 juin 1940 à Alger, a passé sa jeunesse en Algérie jusqu’en 1950 et au Maroc, jusqu’en 1959, partageant son temps entre les champs, le collège et la poésie. De retour en Algérie, entre 1960 et 1962, où il espère faire ses études supérieures, il découvre l’horreur des dernières années de la guerre dont l’écho parvient jusque dans l’École des jeunes sourds où il exerce la fonction de répétiteur : Ainsi nous sommes désormais / bribes de la vie lasse / Songes de mort cherchant / appui au dernier pan de monde. C’est durant cette sombre période qu’il fait la rencontre de Marie-Paule Granès, sa femme. Après ses études supérieures à Nancy, commencent ses années d’enseignement de la philosophie, de 1964 à 2000, dans différentes régions de France : Lorraine, Provence, Bretagne, mais aussi au Maroc, en République Centrafricaine (ce « pays abandonné par le monde entier », où Raymond Farina réside de 1989 à 1991), puis à La Réunion, où il s’installe en 1991 : « Il y a les lieux traversés au cours des voyages, où l’on fut de passage, et il y a ceux où l’on a longtemps résidé. Il y a aussi ceux - comme Imsouâne, ce petit village de pécheurs du Sud marocain où avec les miens j’ai vécu sept étés successifs -, où à force de revenir on finit par se sentir un peu chez soi. Tous ces lieux, surtout ceux de L’enfance, ont laissé en moi des impressions fortes et durables. Quelque chose comme des fresques avec des rhapsodies, une intime constellation de sons et de couleurs qui vibre, vit encore, intacte, étonnamment précise dans mes neurones, mon sang, ma chair. »

Poète discret - tellement que bien peu savent qu’il est l’un des meilleurs poètes français -, également traducteur (des poètes américains, espagnols, estoniens, irlandais, italiens et portugais), Raymond Farina est l’auteur d’une œuvre singulière, exigeante, émerveillée (autant par la nature que par l’humanité), non dénuée de fantaisie, ni de gravité, comme dans Sambela (1993) où, de Bangui au Zaïre, il se fait l’écho des drames du Sida, de la faim et de la solitude (Dans le lent voyage du sang - la mort glisse ses fièvres - ses sournois anophèles - la faim - ne croit plus aux berceuses) et dresse le portrait d’une Afrique meurtrie, trahie, abandonnée aux dirigeants incompétents, à la corruption, aux ambassades étrangères complices. Cette œuvre poétique compte vingt-deux livres de poèmes. Farina nous dit : « Il me semble que, dans mes premiers recueils, je suis partagé entre l’extrême tension du poème lyrique et la concision du fragment, comme tiraillé entre deux voix. À quel moment de mon trajet cette contradiction vécue dans l’écriture a-t-elle été dépassée, sans être annulée bien sûr, ? C’est peut-être dans Anecdotes, en 1988, que s’établit un juste équilibre entre ces deux voix. »

De Saint-Denis (La Réunion), où il vit, Raymond Farina, considère « tout simplement que la poésie aujourd’hui est ce qui, au milieu du vacarme, des frénésies et des gesticulations de toutes sortes, n’existe que de sa fragilité dont elle est également l’indice. C’est miracle qu’elle existe encore comme tant de choses inutiles dont on sait qu'elles sont essentielles. » Emmanuelle Caminade écrit : « Son écriture est fine et aérienne, musicale et colorée, érudite, élaborée mais concrète et familière qui capte l’instant, elle est un geste vif et tendu, à la fois sûr et léger comme celui du calligraphe.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

 

Œuvres : Mais (A.V.E.C, 1979), La prison du ciel (Rougerie, 1980), Le rêve de Gramsci (J.M. Laffont, 1981), Les lettres de l’origine (Temps Actuels, 1981), Archives du sable (Rougerie, 1982 ), Bref (Les Cahiers du Confluent, 1983), Fragments d’Ithaque (Rougerie, 1984), Pays (Folle Avoine, 1984), Virgilianes (Rougerie, 1986), Anecdotes (Rougerie, 1988), Epitola posthumus (Rougerie, 1990),  Anachronique (Rougerie, 1991), Sambela (Rougerie, 1993), Ces liens si fragiles (Rougerie, 1995), Exercices (L’Arbre à Paroles, 2000), Italiques (San Marco in Lamis, 2003), Fantaisies (L’Arbre à Paroles, 2005), Une colombe une autre (éd. des Vanneaux, 2006), Éclats de vivre (Dumerchez, 2006), La maison sur les nuages, anthologie 1980-2005 (Recours au Poème Editeur, 2015), Notes pour un fantôme suivi de Hétéroclites (N&B Editions, 2020), La gloire des poussières (Alcyone, 2020).

À consulter : Sabine Dewulf, Raymond Farina (Éditions des Vanneaux, 2019).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Edouard J. MAUNICK, le poète ensoleillé vif n° 53