Rainer Maria RILKE

Rainer Maria RILKE



Rainer Maria Rilke naît à Prague en 1875, dans une famille qui le destine très rapidement à la carrière des armes.
 
Il est ainsi pensionnaire dans une école militaire avant d'être renvoyé en 1891 pour inaptitude physique. Il étudie alors le commerce avant de revenir à Prague, où il exerce le métier de journaliste et écrit ses premières œuvres.
 
En 1896, il part pour Munich et rencontre, en mai 1897, Lou Andreas-Salomé, qui a alors trente-six ans. Cet amour enflammé se transforme progressivement en amitié réciproque et en admiration mutuelle se poursuivant jusqu'à la fin de leur vie. En 1897, il change de prénom : de René Maria, il devient Rainer Maria. Il voyage en Italie puis en Russie avec Lou et son mari. Il rencontre à cette occasion en 1899 Léon Tolstoï.
 
En 1901, il épouse Clara Westhoff, une élève d'Auguste Rodin avec qui il aura une fille, Ruth. Le couple se sépare un an plus tard et Rilke se rend à Paris, où il devient en 1905 le secrétaire de Rodin (il écrit d'ailleurs à propos du sculpteur un essai intitulé Sur Rodin). Il rompt avec ce dernier et voyage dans toute l'Europe et au-delà de 1907 à 1910 (Afrique du Nord, Égypte, Berlin, Espagne, Venise, Aix-en-Provence, Arles, Avignon). Il abandonne peu à peu la prose pour se consacrer à la poésie, plus apte selon lui à restituer les "méandres de l'âme".
 
En 1910, il fait la rencontre décisive de la princesse Marie von Thurn und Taxis, née Hohenlohe-Waldenburg-Schillingsfürst, dans son château de Duino, alors en territoire autrichien, sur les bords de l'Adriatique. Elle l'héberge fréquemment et est son mécène jusqu'en 1920. Pour elle, il compose son chef d'œuvre, les Élégies de Duino.
 
Il est mobilisé dans l'infanterie lors de la Première Guerre mondiale, mais revient rapidement à la vie civile. De 1914 à 1916, Rilke entretient une liaison tumultueuse avec la femme peintre Lou Albert-Lasard.
 
À partir de 1919, il s'installe en Suisse et compose plusieurs recueils de poésies en français. Sitôt arrivé, il y retrouve Baladine Klossovska qu'il avait connue en 1907 à Paris, avec son époux, Erich Klossowski. Elle vit à présent seule à Berlin, avec ses deux fils, Pierre Klossowski et Balthazar dit Balthus, (le futur artiste peintre). Elle a onze ans de moins que lui, ils deviennent amants. Elle s'installe en Suisse, non loin de chez lui et Rilke se prend d'affection pour les deux enfants et encourage le talent qu'ils affirment, en effet, à l'âge adulte. C'est par son intervention auprès d'André Gide qu'est publiée la première plaquette de dessins intitulée Mitsou faite par Balthus à quatorze ans illustrant les étapes de sa recherche désespérée de son chat qu'il croyait perdu. Rilke préface et suit de près la fabrication de cette sorte de "bande dessinée". La liaison de Rilke avec Baladine dure environ six ans.
 
En 1921, un industriel et mécène de Winterthur, Werner Reinhart, lui achète la tour isolée de Muzot, à Veyras, dont il fait sa résidence.
 
Il meurt à Glion dans la clinique Valmont d'une leucémie en 1926 et est inhumé à Rarogne dans le canton du Valais.


« La première fois que je le rencontrai je me souviens combien son apparence me déconcerta. Petit, maigre, chétif, avec un visage osseux et singulièrement étroit, un grand front admirable, un long nez pointu, des moustaches chinoises, un menton presque absent, et ces beaux yeux verts, singuliers, qui illuminaient toute sa physionomie. Il était d’une politesse cérémonieuse et raffinée… Mais cette politesse dissimulait mal une sorte de gêne… La solitude était sa plus grande passion. Il habitait une petite tour en ruine, au-dessus de Sierre, qui domine la vallée du Rhône, dans le Valais…  Quand on lui parlait, on voyait combien les Cahiers de Malte Laurids Brigge, ce livre admirable, étaient vraiment sortis de lui. J’ai entendu tomber de sa bouche vingt ou trente récits absolument pareils à ceux que l’on trouve dans son volume… Quand il parlait ainsi, il se soulevait à demi sur sa chaise, comme si un souffle léger l’emportait. Sa main faisait un geste de cadence et toute sa physionomie se modifiait… Son regard s’illuminait tout à coup et transformait cette mélancolie qu’on lui voyait généralement en une véritable exaltation lyrique. Né à Prague d’une ancienne famille d’origine carinthienne, élevé en Allemagne, écrivain de langue allemande, ayant habité successivement l’Italie, la Russie, l’Espagne, le Danemark, la France, la Suisse, ces derniers temps, écrivain de langue française, il était tout naturellement un Européen et il n’avait aucun effort à faire pour le devenir… Ne demandant rien au monde des faits, il pouvait se concentrer entièrement sur cette vie intérieure, poussée chez lui à un tel degré que, sitôt qu’on l’approchait réellement ou par ses livres, la vôtre en était enrichie. La poésie était chez lui le suprême affleurement de cette vie intérieure. Une idée capitale, pour Rilke, c’était que chacun devait avoir sa propre mort, une mort en quelque sorte autonome, qui fût à la fois la conclusion logique de la vie et le germe d’un développement nouveau. L’idée principale de sa poésie est résumée dans les lignes suivantes : Ainsi la vie n’est que le rêve d’un rêve,  Mais l’état de veille est ailleurs. Rien de la matière universelle ne lui était indifférent. Il y avait quelque chose de l’animisme des peuplades les plus primitives chez ce raffiné. Quand on étudiera l’espèce de système philosophique diffus dans son œuvre on y verra la part qu’il y a faite au mysticisme, au panthéisme, au quiétisme. […] On a relevé dans les […] Cahiers le culte qu’il avait pour les objets. Il en parlait lui-même avec un singulier attachement, et la moindre chose touchée devenait entre ses mains un talisman, une manière de correspondre avec quelque chose d’invisible, l’âme cachée de la matière. »  

Edmond JALOUX

Extrait de « Hommage à Rainer Maria Rilke », in Chronique des lettres françaises no 25, 1927.

Œuvres:

Vie et chanson (1894) ; Dans l'attente du chemin de la vie (1896) ; Maintenant et à l'heure de notre mort... (1896), théâtre ; Offrandes aux lares (1895), poésie ; Couronné de rêve (1896), poésie ; Pour le gel matinal (1897) ; Avent (1898) ; Sans présent (1898) ; Vers la vie (1898) ; Au fil de la vie (1898), nouvelles ; Le Livre d'images (1899) ; Histoires du bon Dieu (1900), nouvelles ; Geldbaum (1901), essai ; Le Livre de la pauvreté et de la mort (1903) ; Sur Rodin (1903), essai ; La Chanson de l'amour et de la mort du cornette Christophe Rilke (1904) ; Le Livre de la vie monastique (1905) ; Lettres à un jeune poète (1903-1908) ; Requiem (1909) ; Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910), roman ; La Vie de Marie (1913) ; Rumeur des âges (1919) ; Élégies de Duino (1922) ; Sonnets à Orphée (1922) ; Vergers (1926) (en français) ; Quatrains Valaisans (1926) (en français); Poèmes à la nuit (1913-1916, publ. 1976); Poèmes français (1944) (en français); Lettres à une amie vénitienne (1985) (en français) ; Lettres à une musicienne (1998) (échanges épistolaires avec Magda von Hattingberg); Histoires Pragoises (1899): Le Roi Bohusch, suivi de Frère et Sœur; Notes sur la mélodie des choses (2008) (en français).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34