Paul VALÉRY

Paul VALÉRY



Paul Valéry est né à Sète (Hérault) le 30 octobre 1871. D’ascendance corse par son père et génoise par sa mère, il fit ses études primaires chez les Dominicains de sa ville natale et ses études secondaires au lycée de Montpellier. Ayant renoncé à préparer l’École navale, vers laquelle le portait son amour de la mer, il s’inscrivit en 1889 à la faculté de Droit. Passionné par les mathématiques et la musique, il s’essaya également à la poésie et vit, cette même année, ses premiers vers publiés dans la Revue maritime de Marseille. C’est encore à cette époque qu’il se lia d’amitié avec Pierre Louÿs, qu’il lui arrivera de nommer son «directeur spirituel», et fit la connaissance de Gide et de Mallarmé. Les vers qu’il écrivit dans ces années-là s’inscrivent ainsi, tout naturellement, dans la mouvance symboliste. Dans la nuit du 4 au 5 octobre 1892, il connaît à Gênes ce qu'il décrit comme une grave crise existentielle. Il sort résolu à répudier les idoles de la littérature, de l'amour, de l'imprécision, pour consacrer l'essentiel de son existence à ce qu'il nomme la vie de l'esprit. En témoignent les Cahiers dans lesquels il s'astreint à noter toutes ses réflexions au petit matin. Après quoi, ajoute-t-il en manière de boutade, "ayant consacré ces heures à la vie de l'esprit, je me sens le droit d'être bête le reste de la journée". La poésie est-elle exclue pour autant de sa vie ? Non, car justement, selon Valéry, "tout poème n'ayant pas la précision exacte de la prose ne vaut rien". Tout au plus a-t-il vis-à-vis d'elle la même distance que Malherbe affirmant sérieusement qu'un "bon poète n'est pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles". Quoi qu'il en soit, Paul Valéry indique à plusieurs reprises qu'il considère cette nuit passée à Gênes comme sa véritable origine, le début de sa vie mentale. Ayant obtenu sa licence de droit, il s’installa, en 1894, à Paris, où il obtint un poste de rédacteur au ministère de la Guerre. Mais cette période devait marquer pour Paul Valéry le début d’un long silence poétique. À la suite d’une grave crise morale et sentimentale, le jeune homme, en effet, décidait de renoncer à l’écriture poétique pour mieux se consacrer à la connaissance de soi et du monde. Occupant un emploi de secrétaire particulier auprès du publiciste Édouard Lebey, directeur de l’agence Havas, il entreprit la rédaction des Cahiers (lesquels ne seront publiés qu’après sa mort), dans lesquels il consignait quotidiennement l’évolution de sa conscience et de ses rapports au temps, au rêve et au langage. "Les autres font des livres. Moi, je fais mon esprit", confiait Paul Valéry à André Gide. Dans ses Cahiers, l'écrivain consigne quotidiennement, entre 1894 et 1914, à l'aube, d'innombrables phrases soumises à une impérieuse nécessité : s'approcher au plus près d'une pensée en perpétuel mouvement. Cette exigence apparaissait déjà dans Monsieur Teste (1896), avec son personnage à la pure cérébralité, décidé à dévoiler enfin les « lois de l'esprit ». En 1900, Paul Valéry épousait Jeannine Gobillard (une cousine germaine de Julie Manet, elle même fille de Berthe Morisot et d'Eugène Manet, le frère d'Edouard Manet) dont il aurait trois enfants. Le couple Valéry est logé dans l'immeuble construit par les parents de Julie, dans la rue de Villejust (aujourd'hui, rue Paul-Valéry). Ce n’est qu’en 1917 que, sous l’influence de Gide notamment, il revint à la poésie, avec la publication chez Gallimard de La Jeune Parque, dont le succès fut immédiat et annonçait celui des autres grands poèmes ("Le Cimetière marin", en 1920) ou livres de poèmes (Charmes, en 1922). Influencé par Mallarmé, Paul Valéry privilégia toujours, dans ses recherches poétiques, la maîtrise de la forme sur le sens et l’inspiration. Quête de la « poésie pure », son œuvre se confond avec une réflexion sur le langage, vecteur entre l’esprit et le monde qui l’entoure, instrument de connaissance pour la conscience. Après la Première Guerre mondiale, la célébrité devait peu à peu élever Paul Valéry au rang de « poète d’État ». Si la poésie fit sa gloire et, sans tenir compte de sa correspondance et de ses inépuisables cahiers, elle occupe en volume moins du dixième de son œuvre publiée. Lui-même écrivait, non sans une petite coquetterie, à Charles Du Bos, en 1923 : "On veut que je représente la poésie française. On me prend pour un poète! Mais je m'en fous, moi, de la poésie. Elle ne m'intéresse que par raccroc. C'est par accident que j'ai écrit des vers. Je serais exactement le même si je ne les avais pas écrits. C'est à dire que j'aurais, à mes propres yeux, la même valeur. Cela n'a pour moi aucune importance." A l'en croire, la poésie est un jeu de mots (de quilles, disait Malherbe) : "Je cherche un mot (dit le poète) un mot qui soit féminin de deux syllabes contenant P ou F terminé par une muette et synonyme de brisure, désagrégation, et pas savant, pas rare, Six condition - au moins ! " Mais non gratuit : il y faut «un certain genre d'émotion», un « état émotif particulier », qu'il s'agit de restituer. Le poème, disait-il, est une « fête de l'intellect »; mais il n'est rien sans sa « fête », qui est « un jeu, mais solennel, mais réglé, mais significatif ». Paul Valéry multiplia dans les années 1920 et 1930 les conférences, voyages officiels et communications de toute sorte ; en 1924, il remplaçait Anatole France à la présidence du Pen Club français, et devait encore lui succéder à l’Académie française où il fut élu le 19 novembre 1925. Le discours que devait prononcer Paul Valéry lors de sa réception, le 23 juin 1927, est resté célèbre dans les annales. Valéry, en effet, réussit ce tour de force de faire l’éloge de son prédécesseur sans prononcer une seule fois son nom. On raconte qu’il n’avait pas pardonné à Anatole France d’avoir refusé à Mallarmé la publication de son Après-midi d’un faune, en 1874, dans Le Parnasse contemporain. En 1932, Paul Valéry devint membre du conseil des musées nationaux ; en 1933, il fut nommé administrateur du centre universitaire méditerranéen à Nice ; en 1936, il fut désigné président de la commission de synthèse de la coopération culturelle pour l’exposition universelle ; en 1937, on lui attribua la chaire de poétique au Collège de France ; en 1939, enfin, il devenait président d’honneur de la SACEM. Lorsqu’éclata la Seconde Guerre mondiale, Paul Valéry, qui avait reçu en 1931 le maréchal Pétain à l’Académie, s’opposa vivement à la proposition d’Abel Bonnard qui voulait que l’Académie adressât ses félicitations au chef de l’État pour sa rencontre avec Hitler à Montoire. Directeur de l’Académie en 1941, il devait par ailleurs prononcer l’éloge funèbre de Bergson, dans un discours qui fut salué par tous comme un acte de courage et de résistance. Refusant de collaborer, Paul Valéry allait perdre sous l’Occupation son poste d’administrateur du centre universitaire de Nice. Par une ironie du sort, il mourut le 20 juillet 1945, la semaine même où s’ouvrait, dans la France libérée, le procès Pétain. Après des funérailles nationales, il fut inhumé à Sète, dans son cimetière marin. A lire : Œuvres, tome I, Poésies, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Œuvres, tome II, Proses : Monsieur Teste, Dialogues… Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard. Cahiers, deux volumes,  Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34