Michel FARDOULIS-LAGRANGE

Michel FARDOULIS-LAGRANGE



Bien sûr, de Michel Fardoulis-Lagrange nous possédons dates, lieux de naissance et de mort : le Caire 1910 / Paris 1994. Ainsi que quelques faits marquants. Rencontres : Breton, Bataille, Leiris. Circonstances historiques périlleuses : 1943 / déféré devant les tribunaux pour propagande communiste (bien qu’exclu du Parti en 1936), et incarcéré à la Santé d’où la Résistance le libérera un an plus tard… Et coutumes encore ; Café de Saint Germain-des-Prés (à la recherche obstinée de ceux d’une époque perdue), voyages en Grèce, vacances dans le Luberon… Mais rien à ses yeux, susceptible en matière de biographie de pouvoir un tant soit peu rivaliser avec celle(s) contenue(s) dans ses livres : Dans la mesure où j’ai vécu une enfance qui n’est pas la mienne, et que j’ai tenté de la reconstituer par mes livres, quelle part donner à la dimension autobiographique ? Garant d’une pratique du langage où l’énigme occupe une place prépondérante, exigeant ainsi du lecteur (explorateur serait plus juste) : ralentissement du temps et faculté peu coutumière à s’ouvrir à des horizons auxquels il demeure difficile de trouver des précédents, Michel Fardoulis-Lagrange, recyclant l’humain (Georges Henein), tout en s’égarant nous perd : excentre parfois aux extrêmes limites du lisible et de la sensation, même si Prairial, de son vivant seul recueil ouvertement poétique, s’emploie à nous rassurer par sa constante fraîcheur, sa naïveté aussi. Non sans une certaine volonté de provocation, bien que fort précautionneux – précaution qui, la mort changeant la donne : elle libère la critique et pourquoi pas l’insolence, ne saurait plus aujourd’hui être de mise – lui accolant Roger Vailland (dont au passage il n’eut jamais que faire !) – je tentai, désireux de ponctuer notre amitié, avec Antipodes d’en dresser une sorte de portrait mouvant. Histoire de vite traduire combien son pas, sa théâtralité, me troublait, aimantait alors tout autant que son verbe. Incernable, immense. Aimantation si forte que, dix-sept ans après son éclipse, sa sortie de scène, il m’arrive encore de le rencontrer au hasard des rues de Paris, ou bien au matin d’entendre sa voix au téléphone me fixant rendez-vous. De haute connivence et de fraternité distante, ils furent nombreux. Un œil pour Ezra Pound, l’autre pour les élégantes qui plus ou moins tapageuses continuent à passer, passe…


Jehan VAN LANGHENHOVEN

(Revue Les Hommes sans Épaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34