Joseph Paul SCHNEIDER

Joseph Paul SCHNEIDER



Poète, critique de poésie, d’art et de théâtre, Joseph Paul Schneider, né le 20 octobre 1940 à Marmoutier (Bas-Rhin), passe son baccalauréat au lycée de Saverne puis étudie l’histoire, la langue allemande et l’histoire de l’art à l’Université de Strasbourg. Il enseigne à partir de 1963 à Luxembourg (l’histoire de l’art à l’École Européenne), où il décède le 20 janvier 1998. Alain Bosquet le présente en ces termes (in préface à Pierres levées en demeure, 1984) : « Je parle de Joseph Paul Schneider, le plus typique et le plus palpable des poètes de sa génération. Je veux le comprendre en son équilibre fait de nécessaires instabilités qu’il maîtrise avec justesse. Je le vois en cette région de Lotharingie intérieure – comme on dit d’une France au cœur – qui va de la Zélande jusqu’en Argovie. Joseph Paul Schneider y est chez soi, qu’il aille à Bréda, à Maastricht, à Liège, à Aix-la-Chapelle, à Esch-sur-Alzette, à Marmoutier sous les lions romans, à Strasbourg, à Colmar, à Karlsruhe ou à Bâle, partout où l’on sent le Rhin qui coule et dont découlent une sagesse et une agitation européennes. Il y enseigne car les enfants y ont chacun deux langues maternelles : de passage, donc résolus à ne point passer. Terre de haute culture et de basse invasion, d’échanges et de rapines, de fureur et de ferveur : on s’y complète, on s’y interpénètre, on y est toujours le concurrent de soi-même. La taille haute, le regard doux sous la stridente des verres épais, la bière et le moselle à portée de narine, les souvenirs tout frais de trop de femmes, la phrase prête à citer tel poète de Navarre et de Nimègue, de Dordrecht et de Düsseldorf, de Luxeuil et de Luxembourg, de Malines et de Mannheim, de Bretagne et de Bruges, de Lorraine et de Lörrach, il a la fragilité massive des grands colporteurs de lyrisme. Il prend le train : il faut changer d’accent entre les poèmes comme entre les confrères en souffrance grisement illuminée.

Est-il seul ? Ah ! les métallurgies du verbe vieillissent mal dans les plats pays. Être conforme à ce qu’on écrit, ça vous a de ces authenticités ! Le poète écrit : « L’homme – éternel arpenteur – sur le chemin des fables », et c’est définir la loi du calcul verbal, précis, grave, inéluctable, dans la prospection de ce qui ne peut se saisir et qui dépend de la rencontre de plusieurs imaginations. Être attentif à la démesure, qu’il faut encourager mais à laquelle il ne convient de laisser aucune liberté excessive : tel est notre destin de rêveurs comptables de nos rêves. Tout est permis et à la fois trop coûteux, en poésie. Le poète persiste : « Dans la mémoire des pierres – un regard se fait jour » : c’est que rester homme pour les hommes et par les hommes ne saurai suffire à nos prétentions légitimes. Nos semblables s’appellent aussi silex, plante et nuage ; nous avons des pactes avec eux et, dans nos moments de doute, nous affirmons que nous passons en eux pour mieux nous pardonner de n’être au fond que le peu que nous sommes ; alors ils compatissent à notre indignité ou, du moins, nous nous leurrons de croire qu’ils acceptent d’incarner nos tourments… Le poète se morfond : « Dans la lenteur ouatée – on entend crisser un temps hostile. » Que voulez-vous, il ne fait pas tellement bon vivre avec ses contemporains, et le moyen âge est dans l’aorte. L’espoir se fissure depuis Hiroshima et Heidegger. Joseph Paul Schneider est un petit cousin de l’absurde… Nous sombrons les uns les autres de nous savoir interchangeables…Le poète s émet à nu sans emphase : « Je marche sur des mots d’exil. » Nous sommes, non plus dissous, mais doubles : nous marchons à côté de nous-mêmes, incompréhensibles à nos mémoires et à nos mains. Éviter l’exil ? L’exil c’est très salutaire : nous y naissons et nous y prospérons de blessure en blessure et de dégoût en dégoût. Le poème proclame : « Langage de bruyère – ou de genêt – sous l’autorité verte – du grand sapin. » Le poète conclut : « Poète simplement – dans le feuillage des mots ». Il assure par-là nos droits à la métamorphose et au transfert idéal de nos hantises, d’un domaine physique à un autre… »

Karel HADEK

(Revue Les Hommes sans Epaules).

Œuvres, Poésie : Entre l’arbre et l’écorce (Grassin, 1965), Les Bruits du jour (Fagne, 1969), Les Gouffres de l’aube (Fagne, 1971), Saisons dans un visage (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1973), Terres miennes (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1974), Marges du temps (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1975), Patience des pierres (Verticales 12, 1977), L’incertain du sable (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1978), Pays-signe, poésie 1970-1980 (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1983), Horizon mobile du temps (Simoncini, 1983), Pierres levées en demeure (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1984), Partage des jours (Eckartswiller, 1987), Sous le chiffre impassible du soleil (le cherche midi, 1988), Parler dans les feuilles (Galerie de la Cité, 1988), En cette steppe (le cherche midi, 1992), Traversée du temps (Éditinter, 2000). Essais : Camille Hirtz, peintre rhénan (éd. de la Dryade, 1980), Jean-Vincent Verdonnet (Subervie, 1981), Michel Ventrone (éd. de la Dryade, 1982), Erwin Heyn (La Grisière, 1983), Schortgen (Galerie de Luxembourg, 1984), Ben Heyart, avec Henri Blaise (Galerie de Luxembourg, 1985), Leyder, quêteur d’absolu (La Grisière, 1985), Haagen, aventurier du signe (Galerie de Luxembourg, 1986), Cees Korlang (Galerie de Luxembourg, 1987), Brandy, une vie, un destin (Saint-Paul, 1987), Dorny, ordonnateur du réel (Galerie de Luxembourg, 1988), Camille Hirtz (éd. Michel frères, 1988), Jacques Doucet : Traces du quotidien, avec Corneille (éd. GKM Siwert Bergström, 1989), Jean Hilger (éd. HJ, 1990), Brandy, le bonheur de peindre (éd. Phi, 1991).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Richard ROGNET & les poètes de l'Est n° 55