Jehan MAYOUX

Jehan MAYOUX



JEHAN MAYOUX

1904 - 1975

D’une vie, quelques repères

 

 

            Jehan Mayoux est né le 25 novembre 1904 à Cherves-Chatelars en Charente.

            Il est le fils de Marie et François Mayoux, instituteurs, militants syndicalistes condamnés à 2 ans de prison en 1917 pour pacifisme.

             Il entre dans l’enseignement, d’abord instituteur dans les Bouches-du-Rhône (1924) puis professeur délégué dans le Nord (1932) et Inspecteur primaire à Saint-Jean-de-Maurienne (1937). En 1925 il a épousé Marie-Louise Florac, institutrice, et leur fils Gilles est né en 1926.

             En 1933 Jehan Mayoux prend contact avec André Breton et Paul Eduard à qui il envoie un texte qu’ils publient dans Le surréalisme au service de la révolution n°5. Désormais il participe aux activités du groupe, collabore aux revues surréalistes et signe les textes collectifs. C’est le début d’une amitié sans faille avec Yves Tanguy, Benjamin Péret et André Breton. Il publie Maïs (1937), Le fil de la nuit (1938) et Ma tête à couper (1939).

             1934-1936. Jehan et Marie-Louise accueillent les réfugiés allemands qui ont fui le nazisme. C’est une période de grande activité syndicale et politique pour Jehan Mayoux, militant syndicaliste et libertaire, qui n’a jamais appartenu et n’appartiendra jamais à aucun parti politique.

             1er septembre 1939. Jehan Mayoux refuse d’obéir à l’ordre de mobilisation. Il est condamné à 5 ans de prison par un tribunal militaire et révoqué de l’enseignement. Incarcéré à la Centrale de Clairvaux il y rencontre le poète Alfred Campozet, insoumis lui aussi. En 1940 la prison subit un bombardement aérien et les détenus se retrouvent sur les routes. Partis ensemble, Mayoux et Campozet sont arrêtés par les Allemands peu après et envoyés en Allemagne comme prisonniers de guerre. Femme d’insoumis, Marie-Louise a été déplacée à Mostaganem par le gouvernement de Vichy. Elle y meurt accidentellement en 1942.

             Jehan Mayoux rentre de captivité en 1945. Amnistié et réintégré dans l’enseignement il est nommé Inspecteur primaire à Ussel, Corrèze, en 1946. Il épouse Yvonne Coulaud en 1947 et leur fille Alice naît en 1949.

             Il retrouve le groupe surréaliste qui s’est reformé après la guerre. Son recueil de poèmes Au crible de la nuit paraît en 1948. Passionné par les livres il se fait éditeur pour publier ses amis et lance en 1961 les Editions Peralta, nom choisi en hommage à Benjamin Péret.

             Août 1960. Jehan Mayoux signe le Manifeste des 121. Il est suspendu de ses fonctions d’inspecteur en octobre et n’est réintégré dans son poste d’Ussel qu’à la rentrée 1965.

             Il prend sa retraite d’enseignant en 1967. La même année il refuse de signer un texte interne au groupe surréaliste, certaines propositions n’étant pas compatibles avec sa conception de la liberté d’expression de la minorité. De ce fait il cesse d’appartenir au groupe.

             En 1968 il prend part aux manifestations étudiantes à Montpellier et à Paris.

            Jusqu’à la fin de sa vie il reste curieux de tout, s’intéresse aux luttes pour la paix et contre tous les autoritarismes, accueille et encourage de jeunes poètes qui s’adressent à lui et continue d’écrire. Il meurt à Ussel le 14 juillet 1975.

             De 1976 à 1979 Yvonne Mayoux publie ses œuvres dont une très grande partie est alors inédite, aux Editions Peralta.

             La poésie, son métier d’enseignant, son action militante, étaient pour Jehan Mayoux trois facettes complémentaires d’une même quête, celle de toujours plus de liberté, «la liberté une et divisible».

 Alice MAYOUX

(Revue Les Hommes sans Epaules).


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Je donne vie à un objet et il mange pour moi, a écrit Jehan Mayoux  (in À perte de vue, 1958), comme pour dire que ses poèmes respirent et témoignent d’une présence que rien n’a pu dompter. Jehan Mayoux ; le courage ne lui a jamais fait défaut ; le Merveilleux et l’amour non plus : Ta beauté m’a donné des yeux - De toute liberté… et puis ta voix comme les gouttes d’eau sur l’aile de l’oiseau… c’est avec toi que tout commence.

Jehan Mayoux fut un insoumis de tous les temps et de tous les instants. Il avait de qui tenir, avec des parents anarcho-syndicalistes : François et Marie Mayoux, instituteurs laïques, révoqués en 1917. Son rapprochement d’avec le surréalisme était inévitable. Le contact est pris, dès février 1933 avec André Breton et Paul Éluard, qui le publient dans Le surréalisme au service de la révolution n°5.

Dès lors, Jehan Mayoux va participer à toutes les activités, jusqu’en 1967, du groupe ; groupe au sein duquel les liens affectifs jouent un rôle important, comme en convient notre poète : « Ce ne fut jamais une réunion de disciples avides de recueillir la parole du maitre, mais bien une collectivité pensante où chacun, selon ses forces mais dans un parfait sentiment d’égalité, participait à la vie commune. »

Le surréalisme, pour Mayoux (in André Breton et le surréalisme), c’est la recherche éperdue de plus de liberté pour l’homme : « C’est l’affirmation que dans ce domaine tout est ou sera un jour possible, que l’utopie aura toujours raison contre là prétendue raison, que la liberté ne peut subsister qu’à l’état dynamique. Qu’elle se dénature et se nie à l’ instant où on croit pouvoir faire d’elle un objet de musée (André Breton in Arcane 17, 1944); que l’homme, sans cesse aiguillonné par le désir voudra et obtiendra plus de liberté. C’est dire que le problème de l’action sociale n’est, je tiens à y revenir et j’y insiste, qu’une des formes d’un problème plus général que le surréalisme s’est mis en devoir de soulever et qui est celui de l’expression humaine sous toutes ses formes (André Breton in Second manifeste du surréalisme, 1930). Refusant de morceler la pensée, l’action, l’homme lui-même, le surréalisme soutient que les grandes instances humaines toujours opprimées, l’aspiration à la vérité, à la beauté, oserais-je dire à la bonté, en tout cas le pouvoir d’amour, parviendraient à régénérer le monde aussi vite qu’il aurait été détruit. Nous voulons, disait étrangement Apollinaire dans son dernier poème : Nous voulons explorer la bonté, contrée énorme où tout se tait. »

Syndicaliste, Jehan Mayoux n’en fut pas moins et avant tout poète. En 1935, il publie Traînoir, qui sera suivi de Maïs en 1937 et de Le Fil de la nuit en 1938. Il est alors lié d’une amitié indéfectible avec Yves Tanguy, Benjamin Péret et André Breton, à propos duquel il écrira : « Les jeunes, qui si souvent venaient à lui, Breton les retenait ou les éconduisait, non pas en fonction de l’admiration, du respect qu’ils portaient à sa personne ou à son œuvre, mais selon qu’ils avaient ou non quelque chose à lui dire, à lui apporter. Jusqu’à son dernier jour, il fut celui près de qui on se sentait tenu d’être davantage soi-même. »

Jehan Mayoux fut la vie même, la poésie, en sa révolte sans compromission. Il est décédé il y a quarante et un ans, à Ussel, ville où il a vécu ses trente dernières années. Il laisse derrière lui une œuvre poétique singulière, comme un oursin aux piquants de lumière.

César BIRÈNE

(Revue Les Hommes sans Epaules).


Œuvres de Jehan Mayoux : Trainoir, HC, 1935, Maïs, HC, 1937, Le Fil de la nuit, Tschann, 1938, Ma tête à couper, GLM, 1939, Au crible de la nuit, GLM, 1948, Les Machines Célibataires de Michel Carrouges, Bizarre n° 1 et 2, 1955, À perte de vue, HC, 1958, André Breton et le surréalisme, essai, Les Cahiers de Contre-courant, 1966, Œuvres, cinq volumes, éditions Peralta, 1976/1979 : Tome 1 : Trainoir, Le fil de la nuit, Les navires sont des meubles, Maïs, Ma tête à couper, Au crible de la nuit, Autres poèmes, Tome 2 : Le principe d’équivalence, Petite Banlieue, La Rivière Aa  Tome 3 : Fatrasies, Tome 4 : Traité des fourchettes, Tome 5 : La Liberté une et divisible, Textes critiques et politiques, L’oiseau est un défi et autres textes. The bird is a challenge and other texts, bilingue français/anglais,  Oasis, 1976, Le principe d’équivalence et sa moyenne élevée / O princípio de equivalência e a sua média elevada, bilingue français/portugais, éditions Felicio & Cabral, 1994, Traînoir, le Fil de la nuit, Maïs et autres poèmes, Atelier de Création Libertaire, 1997.

À consulter : Dossier Jehan Mayoux in Cahiers Benjamin Péret n°5, octobre 2016, Marie et François Mayoux instituteurs pacifistes et syndicalistes, éditions Canope 1992, Petr Kral, Jehan Mayoux, poète exemplaire, in Mélusine n°5.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : La parole est toujours à Benjamin PÉRET n° 41