Jean-Luc MAXENCE

Jean-Luc MAXENCE



POUR UN ÉVANGILE DU POÈTE APOCRYPHE JEAN-LUC MAXENCE

Par Christophe DAUPHIN

 

Jean-Luc Maxence a tiré sa révérence dans la nuit du 5 décembre 2024, à l’âge de 78 ans. Sa vie débute en poésie en 1970, sous un Ciel en rage : « J’ai voulu ne trahir personne et surtout pas ce jeune homme de vingt ans qui mettait déjà LE CIEL EN CAGE et constatait, avec colère et imprudence, « On passe son temps à chercher ce qui ne se trouve pas et l’on perd son temps à trouver ce qu’on ne cherche pas ». Aujourd’hui plus que jamais, je souhaite « mourir comme un été à bout de souffle ». Je n’ai de déférence pour si peu quel que soit le décor de mon tablier d’éternel roturier. Certes, comme mon TCF Patrice, je rêve de descendre en lignes directes des derniers Templiers, pour leur amour de rédemption de toutes les prières d’acceptation et surtout pas pour leur allure de militaire aux ordres de je ne sais quel Grand Maître dévalué… J’ai passé l’âge des reptations faciles. » La vie de Jean-Luc Maxence s’achève en poésie avec un titre définitif, plus serein en apparence, Tout est dit, en 2020 : Marions-nous cet été - Marions-nous jusqu’à la mort !

L’Évangile du poète apocryphe

La poésie qui compte, selon Jean-Luc Maxence - qui écrit dans Soleil au poing :  Cette lenteur d'être qui retient le bonheur - Dans la crainte du jour où la fin viendra - La fin de notre soleil, le bout de nos terres - Quand il s'agira de s'enfoncer sans un mot de plus - Dans les bras de l'Obscur - Quand l'un de nous saluera l'autre - A partir de quand ? Qui sait ? Demain peut-être ? - L'amour se compte à rebours - Dès que la vie tend sa note à la mort - Comme en passant -, c’est celle qui « bouscule, fait rêver, secoue la paresse des foules, jusqu’au bout de l’espérance revenue. Elle se situe à l’opposé de la mondanité bourgeoise, du Sacré galvaudé, de la passivité béate d’une société soumise qui cherche à servir Mammon pour remplir sa propre gamelle, sous couvert d’un altruisme universel au faux nez. Nous sommes tous des insectes fous, insurgés pour la peau des étoiles ! Quand j’ai baptisé mon dernier recueil de poèmes, TOUT EST DIT ? – j’ai voulu mettre en poèmes révoltés toute ma rage libertaire. J’ai interrogé dans les yeux plus de quarante ans de présence poétique au cœur de ma vie aventureuse. »

La poésie a imbibé et animé toute la vie de Jean-Luc Maxence. Cela, personne ne pourra lui retirer : « Sous le monde réel, il existe un monde idéal qui se révèle, resplendissant, à ceux que leurs méditations ont accoutumé à voir dans les choses plus que les choses. La poésie, c'est ce qu'il y a de caché et d'intime dans tout... En définitive, les poètes mondains qui n’écrivent que pour faire parler d’eux dans les salons de l’éphémère m’ennuient autant que mes Frères initiés qui ne peuvent supporter le moindre philosophe insolite s’inquiétant de   l’avenir des dernières loges aux bras étroits et aux cœurs jansénistes. De toute façon, sans céder au lyrisme, je déteste ce qui sent le petit, le ratatiné, la routine et l’onanisme rituel. Une poésie qui n’élargit pas l’horizon ou n’approfondit pas les unions de la Lune et du Soleil, engendre invariablement l’ennui des mots. Au bout du compte, ce qui fait la grandeur de Rimbaud ou de Claudel c’est que l’un comme l’autre « ré-enchantent » le monde à la hauteur pascalienne du vertige. Croyez-moi : sans vertige, il n’y a rien, ou si peu. »  

Jean-Luc se présentait comme le défenseur de la poésie et des poètes et, en effet, la poésie et les poètes lui doivent beaucoup : « Le poème, aujourd'hui, est un pain de dynamite jeté dans les dortoirs des contents d'eux-mêmes. Le rôle du poème est d'ouvrir toutes les questions métaphysiques les plus inattendues, de les afficher partout, et d'exiger ainsi une amélioration générale des conditions de vie de l'humanité. » Il a en tant aidé, publié, des poètes, dans sa maison d’édition, Le Nouvel Athanor, comme dans sa revue, Les Cahiers du Sens, les deux, co-dirigées avec son épouse Danny-Marc. Il a découvert des poètes et défendu ceux trop effacés ou oubliés, à ses yeux et qui ne le méritaient pas. Il leur a d’ailleurs consacré une collection : « Poètes trop effacés ».

Jean-Luc était attentif et solidaire, comme il était gouailleur, malicieux et bagarreur : « Je déteste les instituteurs de la banalité et les écologistes des formules toutes plates. Cependant je ne suis pas inquiet de rester incompris des conformistes des slogans à vue basse. Le temps retrouve ses petits. Ce qui est bien avec les écrits, c’est qu’ils témoignent, c’est qu’ils restent. Ils ne peuvent pas mentir. Ce n’est pas, en effet, en leur pouvoir. Je suis un patchwork vivant, brodé serré et offert en holocauste aux imbéciles. »

Rebelle et gueulard et fraternel, Jean-Luc était volontiers provocateur, désinvolte et l’orgueil (« Mes silences sont des orgueils »), n’était jamais loin : « J’ai passé l’âge des reptations faciles. Des soumissions lâches. Je souhaite des milliers de Soleils revenus dans ma cathédrale intérieure, et la peur de mourir me fait rire quand la camarde terrorise les cons et qu’ils tremblent devant le regard du poète inguérissable qui a pardonné depuis longtemps à tous les violeurs de la Beauté, de la Sagesse et de la Force. Je ne suis pas « sortable ». Mes degrés et mes grades vous « emmerdent ». Ma quête du Graal s’effectue en blues-jeans. Le bleu, je veux le bleu. Avec entêtement. Les pas de côté me font rire. »

Il était un adepte de la phrase choc : « Tout ce tapage pour fourmis, à vrai dire, n’a pas plus d’importance qu’une ondée sur le lac de la platitude érigée en valeur universelle. » Il n’avait ni sa langue, ni sa plume dans sa poche, pour pourfendre tel poète ou tel homme politique : « Républicain fortuné ou tyran ripoliné et attardé, ou même fasciste larvé, le citoyen du temps présent tourne de l’œil et du masque dans sa grosse bagnole pétaradante de suffisance. Ce n’est évidemment pas la sienne dès qu’on évoque le péril du Carbone pollueur. »

Jean-Luc Maxence fut cela intensément et passionnément. Mais aussi, il a fini par l’écrire lui-même : « Mon grand voyage, ma biographie d’avant, n’intéressait pas grand-monde. Je le savais et le déplorais…  Très tôt, je me pris pour un futur grand écrivain, plus célèbre que Jean-Edern, l’aristocrate breton de la Closerie des Lilas….» Derrière le guerrier du verbe, le poète et l’intellectuel, l’homme avait soif et besoin de reconnaissance : « J’ai toujours rêvé, au fond, de gloire et de reconnaissance. Sous le règne de Jacques Médecin, quand Chichi chiait partout sur les huiles de l’édition nationale et que Jacques Thieuloy jouait les anarchistes sur les ondes de Radio Libertaire, j’allais chez Serge Gainsbourg pour lui tirer les vers du nez. Il n’y avait que Jane, devant le piano black, tel un cercueil nègre dans un salon de ténèbres à la Francis Bacon. Et Serge prenait des allures de petite frappe pour m’assurer que la poésie moderne, c’était de la merde, ou presque, du caca à la  Michel Butor revu par Rimbaud… D’ailleurs, pour lui, il n’y avait que Rimbaud et que lui, et la certitude qu’il était un grand peintre raté déguisé en chanteur sans voix… Philippe Sollers me fascina très tôt. Sait-il même qui je suis encore ? Et Jacques Chirac ? Quel âge avais-je quand il me serra la main au centre Didro, à la belle époque ? J’adressai le livret à Louis Aragon et à Pierre Seghers. L’un et l’autre me répondirent et m’encouragèrent à poursuivre. Je suis né à partir d’eux. Que voulez-vous qu’il m’arrive désormais ? Quel âge avais-je donc ? 20 ou 22 ans ! À faire pâlir de jalousie mondaine, Bruno Doucey et Compagnie ! » Combien sont-ils ceux, qui à l’instar de son ami Bruno Doucey, ont dû essuyer, pour des motifs de jalousie, ses coups de griffe ? Jean-Luc était ainsi, comme à l'opposé il pouvait être bienveillant.

Jean-Luc se délectait, non pas sous les projecteurs, mais d’être celui qui tirait les ficelles d’un pouvoir dans les coulisses. Il avait un côté tordu et paradoxal, déclarant : « Je ne suis pourtant pas « mondain » ou avide de célébrités… Il faut le répéter : je ne suis pas sortable ». Puis, il se targuait d’avoir l’écoute des puissants : « Je rencontrais Nicolas Sarkozy dans un café proche de la station de radio Europe 1 alors qu’il n’était pas encore élu à l’Élysée. Nous prîmes ensemble un petit déjeuner. J’appréciais son esprit de synthèse… Je fus reçu dans le bureau fastueux de Jacques Chirac alors qu’il était encore Maire de Paris mais candidat à la plus haute fonction de la République… Pour ce livre, je fus même invité deux fois, dans le cadre de La Marche du siècle, par Jean-Marie Cavada… » Ses dénonciations des pouvoirs étaient parfois fluctuantes : « Quand elle est partisane, à genoux devant le ministère de la Culture fraîchement installé, la poésie montée en exergue devient mauvaise et fabricotée, ennuyeuse, une poésie de la flatterie des décideurs de subventions, une poésie couchée pour tout résumer. Depuis quarante ans de passion et de passeur, nous avons l’habitude… » Et : « J’ai eu la joie de participer aux travaux du C.N.L (Centre National du Livre) durant trois ans, particulièrement lors des rencontres de la Commission spécialisée Poésie décidant des subventions accordées pour tel ou tel ouvrage… »

En définitive, Jean-Luc écrit : « Mes mémoires sans masque s’en vont en zigzags. J’ai perdu le code de la route. Le moine dont je porte la nostalgie ne s’arrête jamais, devant nul autel. Je cumule mes rêves épuisés. »

Les Riverains du feu au tournant du siècle

La relation comme l’amitié, n’étaient pas toujours sereines avec Jean-Luc. Il en alla ainsi avec moi comme il en avait été de même avec bien d’autres, dont mes amis aînés, que Maxence évoque : « Je me souviens aussi de Guy Chambelland, de sa bouille à la Brassens, joviale et chaleureuse. Quand il fréquentait Michel Breton, ce Bernard Tapie de la poésie populaire, et Jean Breton, son frère taciturne, quelque peu conventionnel et prudent derrière ses allures révolutionnaires. Sous le même registre, je revois Pierre Seghers, chez lui, près de la station de métro Raspail, avec ses rides multiples comme autant de poètes édités dans la série « Poètes d’aujourd’hui »… Avec Jean Breton, une réelle connivence s’installa progressivement entre nous. Il fut, au fil du temps, un comparse de discussions métaphysiques sur l’existence ou la non-existence de Dieu ! »

Il y avait des hauts fraternels (« De toute façon, tous les êtres humains que j’ai pu connaître m’ont aidé à vivre. Je ne suis né qu’à partir d’autrui ») et des bas qui pouvaient tourner au jeu de massacre, à la rancune tenace. Il avait, dit son ami et auteur (qui lui, aussi, en a pris pour son grade, avec Jean-Luc) Patrice Delbourg, dont il a publié le premier livre Toboggans (1976), « l’amitié batailleuse ».

Sans être un intime de Jean-Luc, j’étais son ami et je le connaissais très bien depuis belle lurette, via Guy Chambelland, Jean et Alain Breton, depuis le tout début des années 1990. Jean-Luc m’a fait confiance et j’ai eu l’honneur et le plaisir d’être publié à deux reprises, outre dans ses anthologies et dans la revue Les Cahiers du Sens, par ses soins. Tout d’abord, mon livre de poèmes Le gant perdu de l’imaginaire, en 2007, puis, Les Riverains du feu, Une anthologie émotiviste de la poésie francophone, en 2009. Cette entreprise très ambitieuse était inédite sur le plan éditorial et coûteuse dans sa réalisation. Le risque éditorial et financier ne fit pas peur à Jean-Luc, qui adhéra au projet et décida de le porter avec Le Nouvel Athanor.

Les Riverains du feu est une anthologie en grand format de 516 pages, rassemblant 195 poètes, de Maurice Blanchard (né en 1890) à Jean-Luc Aribaud (né en 1961), que Jean-Luc présente ainsi, dans sa préface : « Cette anthologie de la poésie francophone contemporaine, pensée et établie par le poète Christophe Dauphin (né en 1968 !), est à mes yeux de pourtant vieil « éditeur-nomade » (né en 1946 !), un sujet d’émerveillement. Enfin, nous sortons franchement des sentiers trop connus… Chaque poème témoigne de l’urgence du cri. Ou du feu qui menace de tout incendier, ce qui revient au même… Cette copieuse anthologie que Le Nouvel Athanor a la joie et le plaisir d’éditer et de promouvoir à ses risques et périls, va renverser, nous le croyons vraiment, nos routines de critiques aux épaules voûtées, nos prudentes lunettes tamisées… » Les poèmes de cette anthologie sont inséparables d’une certaine présence de l’homme au monde, ils expriment que l’homme porte en lui la poésie avec toute la force de sa solitude et de son amour, ses ombres et ses lumières nouées en un équilibre instable. Un poème émotiviste est une trouée dans la langue, l’aventure multipliée d’un langage aux grands pouvoirs, capricant et fraternel. Cette anthologie est assurément le projet éditorial le plus ambitieux du Nouvel Athanor, qui n’est pas avare de risques lorsqu’il s’agit de défendre la poésie de l’émotion.

Cinq ans plus tard, en 2014, Jean-Luc fit paraître chez Seghers, son panorama, Au tournant du siècle. Regard critique sur la poésie française contemporaine. Il était, avec la longue expérience d’éditeur, de revuiste, d’anthologiste et de critique qu’il revendique, assurément l’un des plus qualifiés pour réaliser ce genre d’ouvrage. Mais il n’en fut rien, contre toute attente. Jean-Luc se perdait page après page dans le verbiage, les approximations, les erreurs et les anachronismes. En vérité, ce balayage désinvolte ne nous éclairait en rien sur le paysage poétique contemporain, pire, il y ajoutait de la confusion. Après m’en être ouvert à lui, qui fut désinvolte, tout heureux de publier un volume chez Seghers, j’ai répliqué par une cinglante note de lecture dans recoursaupoeme.fr. Il n’en fallut pas tant, pour que Jean-Luc, qui écrivait (cf. Les Cahiers du Sens n°13, juin 2003) : « Christophe Dauphin demeure un grand poète. Je l’ai déjà écrit et je persiste, Jean-Luc Maxence), me qualifie ensuite de « surréaliste décadent », d’« opportuniste », etc. La revue Les Hommes sans Épaules tomba de son socle de « meilleure revue de la poésie contemporaine », pour devenir un « bottin imprimé de noms sans épaule ! » Sa rancune à mon égard dura plusieurs années, avant qu’il y ait des retrouvailles. Et c’est, moi, au lendemain de ta mort, mon cher Jean-Luc, qui tente ici, sur le site des Hommes sans Épaules, de dresser ta biobibliographie, pour qu’elle existe quelque part. Tu le mérites.

L’anarchiste chrétien

Jean-Luc se disait iconoclaste et anarchiste-chrétien : « De l’anarchiste, il est resté mon besoin de tout bousculer pour combattre l’opacité des vitres des fenêtres qui sont les leurres des familles humaines. Du chrétien, il m’est resté le besoin absolu de prier, je ne sais trop qui, hélas, et le souvenir d’une parole de l’Évangile affirmant que le Christ n’est pas venu apporter la Paix, mais l’Épée. Mon œuvre poétique, si œuvre il y a, se souhaite aussi éloignée de l’humilité des moutons à genoux devant des certitudes dogmatiques que des hédonistes ennuyeux comme des déserts sans nomades. »

« Dès mon adolescence, poursuit Jean-Luc en 2022, après une enfance bourgeoise disloquée par le viol répété par un faux frère obsédé de désir pédophile, je me suis senti habité par l’étrange anarchiste Jésus-Christ et son souffle divin. J’ai appris, au fil des jours de mon grandissement, à réciter mes litanies libertaires de refus de la société capitaliste, de l’État compresseur et autoritaire, des juges injustes et des flics bornés, des banquiers obsédés de profits et des dictateurs avides de pouvoir absolu. J’ai lu, pêle-mêle, Bakounine, Proudhon et Louise Michel, Kropotkine et Armand Robin, Camus et Roda-Gil, j’ai voulu descendre dans la rue d’un Rêve à transformer le monde d’une barricade à l’autre, et il m’a fallu plusieurs décennies pour me dépouiller de mes illusions. Ô lendemains tristes comme un interminable hiver de défaites à l’heure de la reconnaissance forcée de l’inutilité de ses propres insoumissions… »

Faut-il réhabiliter l’anarchisme en France, s’interroge encore Jean-Luc Maxence : « Et maintenant, dans mon merveilleux pays de France, à l’heure des adieux et des mouchoirs trempés, des chômeurs en furie et des économistes véreux, des victimes innocentes des barbares terroristes et kamikazes, des confrontations de salon entre la droite gigot et la gauche caviar, la question qui se pose désormais ne peut rassurer le bourgeois, bobos ou non, et se résume ainsi : faut-il réhabiliter l’anarchie en France ? Une certitude s’impose : les électeurs naïfs élisent régulièrement au suffrage universel un Président de la République française et par le bulletin de vote ils vont croire que le Père Noël existe en politique et oublié ce qu’un Albert Libertad en mai 1906 disait : « Tu es l’électeur, le votard, celui qui accepte ce qui est, celui qui, par le bulletin de vote, sanctionne toutes ses misères ; celui qui en votant, consacre ses servitudes ». Il concluait aussi : Tu es toi-même ton bourreau. De quoi te plains-tu ? Oui, je crois qu’il faut relire au plus vite les grands auteurs anarchistes de l’Histoire. Et pas seulement Élisée Reclus qui affirmait : « Voter, c’est abdiquer. Voter, c’est être dupe ». Il faut se souvenir de la formule coupante de Pierre-Joseph Proudhon «la propriété, c’est le vol » et de la phrase de Sébastien Faure : « L’anarchisme est, par tempérament et par définition, réfractaire à tout embrigadement qui trace à l’esprit des limites et encercle la vie. Il n’y a, il ne peut y avoir ni credo, ni catéchisme libertaires ». Sans croire au retour de la Commune de Paris, je me souviens de ce qu’un Bakounine affirmait justement à la suite de l’écroulement de ladite Commune, à savoir : « je n’hésite pas à dire que l’État c’est le mal, mais un mal historiquement nécessaire, aussi nécessaire dans le passé que le sera tôt ou tard son extinction complète, aussi nécessaire que l’ont été la bestialité primitive, et les divagations théologiques des hommes. L’État n’est point la société, il n’en est qu’une forme historique aussi brutale qu’abstraite. Il est né historiquement dans tous les pays du mariage de la violence, de la rapine, du pillage, en un mot de la guerre et de la conquête ( / ). Il y a dans la nature même de l’État quelque chose qui provoque à la révolte… Un certain anarchisme non violent est peut-être à réinventer. À vingt ans, à peine davantage, avec un camarade de rébellion, j’ai fait la maquette d’un journal qui s’appelait L’anarchiste chrétien et rêvait d’une impossible synthèse entre l’émerveillement que j’avais pour le Jésus des quatre évangiles prônant l’amour et la paix pour tous, et le refus de la société bourgeoise, des tribunaux et de la police sous l’influence collective des hérauts de la pensée libertaire. Trop vite, le projet avorta et n’eut plus ni dieu, ni maître… Alors je retourne à l’impossible combat qui me permet de refuser la violence aveugle sous toutes ses formes et de quêter une société pacifique inaccessible comme un mirage de fraternité et de couteaux « pour trancher / Le pain de l’Amitié ». Joyeux et toujours debout, bien entendu. En fait, il faudrait souhaiter à mon pays l’apparition d’une nouveau « critérium libertaire de la révolution », pour reprendre le titre d’un article de ce Charles-Auguste Bontemps (1893-1981) qu’une maîtresse d’Henry Miller me fit connaître et qui me marqua à jamais. Bontemps, en effet, avait la bonté dans les yeux et dans les mains. Il était un autodidacte de haute volée et un pacifiste absolu, inoubliable « individualiste social » refusant toute centralisation du mouvement anarchiste français, revenu de toutes les illusions, même de l’Internationale communiste, réfractaire à la guerre et lutteur têtu contre toutes formes d’antisémitisme et de racisme. Écologiste avant la lettre, l’ombre de Charles-Auguste Bontemps hante encore les colonnes de Rebelle(s). Et c’est tant mieux. Le saluer ici revient à retrouver, pour moi, la source même de toute espérance revenue. »

Dans son éditorial (cf. « Détruire toutes les bastilles est un rêve secret » in magazine Rebell(e)s n°14, 29 octobre 2018) Jean-Luc Maxence écrit : « Il y a l’immense prison du monde malade qui fait que personne ne se sent libre du dedans, tranquille et non impliqué devant toutes les injustices sociales qui crèvent l’écran de l’Actualité planétaire. Il y a les guerriers bouchers et obsédés qui tuent des enfants sans un soupir. Il y a aussi la prison intérieure de mes analysants qui s’emprisonnent eux-mêmes dans leur névrose d’angoisse ou leur psychose jusqu’à mourir à la vie de l’âme, même ordinaire. Il y a la prison qui enferme derrière les barreaux tous les délinquants et les criminels du globe et s’imagine les rendre inoffensifs pour toujours, guérissant leur haine interne, les mettant hors d’état de nuire, et les redressant à perpétuité et pour perpétuité, dans des conditions inhumaines et dégradantes. » Il ajoute deux ans plus tard (cf. « Les garde-chiourmes sont tous fascistes ! » in magazine Rebell(e)s n°18, 4 mars 2020) : « « Nous sommes tous et chacun des galériens de la vie ordinaire. Forçats souffrant et aspirant à une impossible indépendance, nous sommes entourés de surveillants brutaux dans un environnement rappelant le régime établi en Italie de 1922 à 1945, instauré par Benito Mussolini et enraciné sur la dictature d’un parti unique, l’exaltation nationaliste et un corporatisme galopant. En territoire fasciste, toute autorité manifeste une autorité dictatoriale et violente. Heil Hitler ! Heil Mao ! Vive Trump ! Soyons clairs : toutes les idéologies planétaires qui prônent et imposent en ce début du vingt-et-unième siècle malade, le fascisme ou ses succédanés, déshumanisent l’homme. Et l’on retrouve les traces du fascisme et de ses zélotes à chaque fois qu’un militant veut imposer par la force ses idées, ses points de vue, ses méthodes, sa force d’oppression physique ou morale… Tous les chemins ne mènent plus à Rome (trop de pédérastes cachés sous les soutanes, mon bon François !) ou au Ramadan (trop de Daech sous le manteau de Mahomet et les sourates du Coran !)… Et cette ambiguïté générale du temps présent nous force à tout revoir. Et c’est tant mieux pour la liberté retrouvée en vue d’une égalité qui passe soudain par l’espérance folle d’une fraternité de destin. »

Le clavecin de Didro

Poète, critique littéraire, essayiste, romancier anthologiste, psychanalyste d’inspiration jungienne, Jean-Luc Godmé alias Maxence, né le 3 juin 1946 à Paris, est un travailleur acharné de tous les instants, l’auteur d’une œuvre imposante au regard du nombre de volumes qu’il a fait paraître, de la poésie, bien sûr, mais aussi des romans, des anthologies et surtout des essais, touchant aux sujets qui ne cessèrent de l’habiter : la toxicomanie et sa prévention, le sida, la religion, la franc-maçonnerie, la psychanalyse et l’œuvre de Carl Gustav Jung, la poésie contemporaine, la mystique, le désert : « Dieu a créé un pays plein d'eau pour que les hommes puissent vivre et un pays sans eau pour que les hommes aient soif, et il a créé un désert : un pays avec et sans eau, pour que les hommes trouvent leur âme. » Ce fin connaisseur de la poésie contemporaine a également donné des anthologies. Jean-Luc Maxence a en outre dirigé le centre Didro, mythique association de prévention et de soins pour toxicomanes et fut président de la délégation Française de l’A.P.E (Association européenne de psychanalyse).

La rencontre avec Danny-Marc est décisive dans sa vie d’homme et de poète, comme dans son orientation professionnelle : « Bien sûr, parmi mes rencontres, il y eut celle qui devint beaucoup plus tard mon épouse, Danny-Marc, et dont la beauté me frappa d’emblée. C’est elle qui me fit connaître le Père Gaston Lefebvre, son associé en soutane, qui m’engagea au centre Didro « bénissant » mon emploi d’intervenant en toxicomanie, acceptant de tenir compte en priorité de mon passé trouble d’ancien toxicomane délivré de toutes ses addictions. Au centre Didro, je devins un des antipsychiatres les plus médiatiques de son pays, pondant même un essai sur mes méthodes de soin que publièrent les éditions Fleurus (L’Antipsychiatre et le toxicomane)… »

Maxence poursuit, à propos de son expérience auprès des toxicomanes, au centre Didro : « Les toxicomanes mouraient parfois au Centre Didro. Et, à chaque fois, j’avais du mal à l’accepter. Ainsi, un matin, avec les prémices du soleil, Francisco A… mourut à l’hôpital Louis Mourier et l’équipe du centre Didro prit la nouvelle, pourtant attendue, de plein fouet. Plusieurs, fois, Francisco avait juré de me chatouiller la plante du pied droit, après sa disparition, afin de me prouver que l’Eternité existait ! C’était comme un contrat d’amitié entre nous. Bien sûr, il ne me chatouilla jamais les pieds. Il n’empêche : quand je pense à Francisco, une image s’impose à moi : Francisco sous morphine, et de partout perfusé. Il me semblait respirer de plus en plus difficilement. Je me souviens de sa chambre d’hôpital surchauffée dans ses moindres détails. Parfois, sa poitrine nue se soulevait sous l’effet d’un spasme, parfois il râlait littéralement comme si son corps refusait d’être vaincu. Et quand je pense qu’il m’avait dit et redit qu’il ne voulait surtout pas mourir comme son frère José, cloué dans un lit de supplice lent, j’enrage contre Dieu ! Au chevet de Francisco, observant son torse imberbe d’éternel adolescent, ce torse qui se soulevait d’un spasme à l’autre, je ne réussis pas à murmurer le moindre « Notre Père », à croire que, déjà à cette époque, la religion catholique et son rituel n’étaient plus les miens ! L’inconnu, je le pense, reste pour moi l’Inconnu qui nous attend peut-être derrière l’ultime porte. Dans ce sens, ma course demeure une forêt de signes et une inlassable répétition. À Tremblay-en-France, eurent lieu les funérailles de Francisco. Il m’en reste cette image peu croyable des patients sidéens du centre Didro qui le connaissaient et qui communièrent presque tous, en signe de fraternité, au cours de la messe. Et j’entends encore l’homélie du Père Gaston sur tous ceux qui n’ont pas trouvé, dans cette société occidentale une place et qui sont, de quelque manière, « les enfants chéris de Jésus-Christ ». À l’enterrement de Francisco, je n’ai pas pleuré, dans l’espoir de préserver les apparences. Mais, en dedans, tout était larmes, couleurs fortes des émotions et écorchures à l’âme. Je pensais : ou la mort est une rupture absolue, sans aucun sens ; ainsi qu’un saut définitif dans le néant, ou bien la mort devenait une délivrance ainsi qu’une résurrection de la chair dans une dimension. En vérité, aujourd’hui encore je conclus que personne ne me donna jamais la clef de l’énigme. Je reste agnostique. La mort, quoiqu’il en soit, n’en finit pas de hanter ma profession d’intervenant en toxicomanie et ma sensibilité de poète rebelle. Je suis un toubib qui ne peut guérir ou éviter la mort d’autrui et mesure chaque jour ses propres limites humaines… »

Le centre Didro demeure la pierre d’achoppement en humanité de Jean-Luc : « Une simple journée ordinaire au centre Didro fut toujours pour moi une prière ! Et je reste convaincu que j’ai toujours aimé le métier que j’ai exercé pendant plus de vingt ans ! Ainsi, le 2 octobre 1995, je notais déjà que toute personne qui travaillait à Didro n’en sortait jamais semblable à ce qu’elle était lors de son embauche. À lui seul, le centre Didro était un lieu de développement personnel pour chaque « toxicothérapeute » engagé. Dans la relation à soi-même et à l’autre, habitait l’espérance. Aider autrui à se sortir de ses addictions fut toujours une aventure hors du commun. Sommes-nous nés pour tant de douleurs accumulées ? Nés pour mourir, et non, pour, peu à peu, guérir ? Certains soirs, au centre Didro, à l’heure de la dynamique de groupe avec les toxicomanes accueillis, cette interrogation insistante atteignait parfois l’insoutenable. Il est vrai que je devinais que Karim (32 ans) allait mourir sous peu, et que Mojibe (34) comme Laurence (28), également… Ma sinistre énumération était ainsi un chemin de croix avec le sceau du Sida à chaque station… »

La ligné brisée du poète

« Mon histoire poétique est celle d’un parcours en ligne brisée », nous dit Jean-Luc Maxence. Cette ligne se brise en 1956, alors qu’il est âgé de dix ans, avec la mort de son père. Un père pour le moins controversé, auquel Jean-Luc consacre un livre, L'Ombre d'un père (Hallier, 1978), parce qu'il a refusé, une fois pour toutes, de se soumettre à l’ombre despotique de son père, son fils retrace la vie de son procréateur : Jean-Pierre Maxence est le fondateur à vingt-deux ans de la revue des Cahiers (1928-1931), inspirée de Charles Péguy et défendant l’idée d’une « révolution spirituelle », où collaborent Daniel-Rops, Thierry Maulnier, Jacques Maritain, Nicolas Berdiaeff, Henri Massis, Georges Bernanos et beaucoup d'autres. Au début des années 1930, Maxence père se rapproche des jeunes intellectuels proches de L’Action française comme Thierry Maulnier et prend la direction de La Revue française (de 1930 à 1933). D’abord défenseur d’un spiritualisme catholique, Maxence père se tourne progressivement vers des positions politiques plus radicales, d’extrême-droite, caractérisées par un antiparlementarisme et un anticapitalisme de plus en plus marqué. Jean-Pierre Maxence est également un polémiste (Positions I et II), un historien (Histoire de dix ans) et le critique abject de Gringoire. Lors d’un meeting en 1936, il déclare : « Si jamais nous prenons le pouvoir, voici ce qui se passera : à six heures, suppression de la presse socialiste ; à sept heures, la franc-maçonnerie est interdite. À huit heures, on fusille Blum. » Fait prisonnier en 1940, déporté et libéré en 1941, il est favorable à la Révolution nationale du régime de Vichy. À Paris, il est coresponsable avec (« drôle » de cohabitation) le poète résistant Robert Desnos, de la page littéraire du quotidien Aujourd’hui, et dirige les services sociaux parisiens du commissariat aux Prisonniers, en utilisant ses fonctions pour aider les prisonniers évadés et favoriser (l’info est à vérifier) l’activité d’un réseau de protection d’enfants juifs. S’il se sépare de Robert Brasillach, le rôle paradoxal de Jean-Pierre Maxence pendant l’occupation allemande n’a pas fini de susciter la controverse À la Libération, il figure sur la « liste noire » du Comité national des écrivains et s'exile en Suisse où il crée un Centre d'études thomistes et meurt en 1956, à l’âge de 49 ans.

Ce n'est pas tout, car en 1956, Jean-Luc Maxence, dix ans, perd un père qui lui fera défaut toute sa vie et à propos duquel il oscillera tour à tour entre haine et compassion, mais, ajoute-t-il : « Je fais partie – mes amis le savent – des enfants violés encore enfant (j’avais dix ans) et j’ai tout pardonné, sachant que toute guérison, ne passe, au bout de la réflexion, que par le pardon. J’ai perdu pourtant d’avance ma jeunesse du jour où elle fut blessée à mort. J’ai su étayer l’Horreur. Accepter l’Enfer, en faire un livre que je ne relis jamais (Le cœur du corps). Mes séances de divan, enfin, avenue de Versailles, chez Xavier Audouard, m’ont permis de moins mal vivre ma sexualité barbelée…. Puzzle épars, que veux-tu me dire sur le parquet ciré de mes dix ans ? Le cercueil de mon père était ouvert quand cette vieille cruche de grand-mère exigeait, au nom de Jésus et de la Vierge Marie et de tous les Saints de Bretagne et d’ailleurs, que je m’agenouille pour prier et accepter. Je ne savais pas encore qu’apprivoiser la mort prenait toute une longue vie. Dans ma naïveté de départ, je croyais que tout Golgotha ne comportait qu’une seule station… Je suis né à jamais du viol fou de mon bel amant de frère, un Apollon, celui-là. De si fière allure, à vingt ans, que j’en fis vite une idole obsédante, un cauchemar, un garde-chiourme. Vers toi, Rémy, je crie encore en silence. Je crie en pleine nuit de ce voyage tragique de nous deux. J’attrape encore des sueurs froides quand ton fantôme me tourmente, quand tout me fascine de toi, et surtout le sperme des étoiles. De toute façon, tout meurt au fil des naissances et des violences extraites de mes souvenirs. Dans mon existence, élan vital et mort s’accouplent et se conjuguent de concert sur le ring sanglant de mes nuits louches. Pour m’échapper de la démence de tant de loups interchangeables, de tant de monstres à double tête, j’ai changé en vain de visage, de sexe, de haute ou petite tenue, vingt fois plus qu’à moitié. J’ai brisé des centaines de miroirs en espérant apercevoir mon authentique portrait une bonne fois ! Et je n’y ai vu que du Feu. Pas même mon propre visage banal dans la glace, celui que tint en souriant mon parrain de loge maçonnique… Le compte de ma vie ne tombe jamais juste. Bilan exécrable d’une marche en solitaire, en rêvant d’être deux.  C’est un bilan de faillite, de fiasco minable, en lieu et place d’un credo tranquille et sûr comme une religion constituée, balisés d’interdits catégoriques, de dogmes et de leurres de bénitier. Et de fausse Sainte Vierge. Souvent, j’ai préféré lâchement jouer les victimes et les mythes. Jouer l’initié du musée des horreurs, et des nombrils cachés sous des tabliers décorés. Ne le dites à personne, mais je suis Chevalier du soleil levant et contagieux. Vérité sordide : on m’a sodomisé mes plus belles illusions bien avant l’âge de raison ! De là, tous mes désenchantements se sont accumulés, toutes mes puretés ont été souillées dans les lieux d’aisance de Satan et j’ai touché, du doigt, la douleur.  Et je crie encore dans la profonde nuit des villes, mes brûlures trop tôt endurées pour me laisser intact au petit matin. »

Jean-Luc Maxence n’empruntera pas le même chemin que son père et tentera de conjurer son souvenir, comme celui du frère violeur : « Au-delà des minutes et des heures, des midis et des minuits, je suis le fils d’une charogne de Vichy et le beau-fils du Grand Papa René Gillouin quand il était l’ami du Maréchal Pétain et qu’il lui déconseillait d’épingler l’étoile jaune sur tous les juifs du monde ! Je crache sur mes parents. Je suis sauvé. Faites venir les Vierges miraculeuses, le petit est sauvé ! Même dans le placard des tortures, je bandais de peur. « Out’es » ma sauvé la vie en donnant des coups de marteau dans la porte de l’armoire où Rémy m’avait enfermé tout nu, pour mieux voir mes fesses ! »

On comprend à quel point l’action et l’investissement total de Maxence au sein du centre Didro, n’est pas vain : « Mon savoir-faire de thérapeute ne provenait que de la douleur subie par le gosse innocent que j’étais alors. Qui revient de l’enfer se croit capable de tout écouter, de tout comprendre, de tout pardonner de l’existence même de Satan. Toute ma vie, la psychanalyse fut le chien d’attaque de mes rêves et du pourquoi de ma personnalité. » Là, il existe et se rend utile, comme dans sa poésie : « J’ai fait ce que j’ai pu afin de me maintenir en équilibre à flanc d’abîme. On me crut en caoutchouc. Je me suis sauvé tout seul. »

Son premier livre de poèmes, Le Ciel en cage, parait en 1969 : « À vingt-deux ans, j’ai publié mon premier recueil (première étape d’une longue quête ?) qui a été salué par Pierre Seghers notamment. Et le vieil Aragon m’a dit en substance « Continue ». Il est de ceux qui m’ont soufflé l’élan vital, si j’ose dire. À vingt-deux ans, on se croit avec orgueil si vite au bout de son âge alors que le voyage commence à peine ! Et j’ai fondé une petite revue de poésie, ronéotée, Présence et Regards, ce qui m’a permis par la suite de vivre la poésie au présent de l’indicatif et sur le fil merveilleux des rencontres (Jean-Louis Giovannoni, Ghislaine Amon, Guy Allix, Étienne Orsini, Bruno Thomas, et beaucoup d’autres !). La poésie est devenue mon panier à fraternité vivante, l’athanor toujours lumineux d’une loge mère ! »

Une dizaine de livres de poèmes suivront. À propos de sa poésie, Pierre Seghers n’a pas écrit en vain : « J’aime cette rage écrite, contenue, ce masque arraché. Vous écrivez au poignard », et Alain Bosquet : « Jean-Luc Maxence est une sorte de gauchiste chrétien, ou un enfant de Mai 68 qui croit en Jésus Superstar… Voilà dans notre poésie une attitude et une pensée aussi importante que celles des « jeunes philosophes » dans le domaine des idées générales ». Chez Jean-Luc Maxence, le désordre du monde se résout en un chant âpre mais toujours empreint d’un sentiment de profonde humanité.

Le Nouvel Athanor et Les Cahiers du Sens

À la revue Présence & Regards, succèdent en 1977 les éditions Le Nouvel Athanor et en 1991 la revue Les Cahiers du Sens, alors que Danny-Marc, l’épouse, collaboratrice et co-directrice du centre Didro, avec Jean-Luc Maxence, permet la réalisation du premier numéro évoquant René-Guy Cadou et axé sur le thème du désir. Les Cahiers du Sens deviennent pendant plus de vingt-cinq ans, une rencontre annuelle des acteurs de la poésie contemporaine pour ses thèmes traités (le désir, l’errance, l’imposture, l’écrivain, l’ouverture, la femme, l’initiation, la mystique, le voyage, la mémoire, l’amour, la liberté, la lumière, le bonheur, le chemin, le désert, la frontière, l’attente, la parole, le poésie, l’athanor des poètes, le mystère, la colère, le oui et le non, le feu, le souffle…), mais aussi pour ses inédits et ses critiques sans concession d’ouvrages, sans oublier ses pages consacrées au voyage…

La revue Les  Cahiers, du Sens, en 25 livraisons, publie 423 auteurs, pour la plupart des poètes, dont des sociologues comme Michel Maffesoli, des éditeurs comme Gérard Pfister, Alain Noël, Francis Combes ou Michel Héroult, des mystiques comme Jean Mambrino, Dominique Cerbelaud, Yves Masselot ou Jean-Claude Renard, des militants politiques comme Maurice Cury, des performeurs comme Hervé Brunaux, des anticonformistes comme Bruno Thomas, Jean-Bernard Charpentier, Étienne Orsini ou Alain Breton, des « philosophes-poètes » comme Gérard Engelbach ou Claude Olivenstein, des créateurs de revue comme Françoise Thieck ou Matthieu Baumier, des grand(s) regretté(s) comme Andrée Chedid, Jocelyne d’Agostino ou Jean Breton, des « initiés » comme Pierrette Micheloud ou Jacques Viallebesset, des chanteurs comme Pierre Selos, des « inclassables » comme Patricia Laranco, des « écolos » comme Jean-Yves Vallat, des « vedettes » de la télévision comme Jean-Pierre Rosnay. En 2015, Danny-Marc et Jean-Luc Maxence fonde le magazine Rebelle(s), qui passera du format papier distribué en kiosque au format numérique en ligne, présenté en ces termes : « Nous refusons plus que jamais à être des moutons de Panurge ou d’ailleurs, et nous restons fidèles jusqu’à la mort à notre cœur rebelle, jamais indifférents des injustices et des drames de nos sociétés à la dérive. Nous persistons à quêter un après Marx et un après tout capitalisme de profit. Refusant d’être hors de la mêlée humaine cherchant désespérément une fraternité salvatrice, nous nous situons sur la place publique, là où s’érigent les barricades qui bousculent l’indifférence des égoïsmes humains, collectifs ou individuels. »

Pour Jean-Luc Maxence, la poésie humanise les choses : « Oui, je m’entête à l’espérer ! J’aime me souvenir que le mot poésie vient du mot grec ancien poièsis qui provient du verbe poiein que l’on peut traduire par faire, créer. Ainsi, le poète ne fait pas que poétiser ou rêver. Le poète est créateur. Il explore et bouscule le dedans et le dehors de l’être humain pensant. Depuis toujours, il incite à la transformation. Et je songe alors au rôle joué, au siècle dernier, par René Char. Et d’autres noms me viennent, et pas seulement les noms de ceux qui furent résistants. Après 45, ils furent aussi légion les poètes qui ont humanisé les rapports entre leurs contemporains, qui ont contribué à incarner un authentique humanisme. Certes, il ne faut pas céder au vague bon sentiment, à l’optimisme de commande. Malheureusement, il y a quelques poètes qui ont détruit pour détruire. Quant à la poésie contemporaine de ce début de siècle (le XXIe !), avec ses courants si divers et contradictoires, il n’est pas toujours facile de discerner faiseurs et véritables « soleilleux » comme le disait mon vieil ami Luc Bérimont ! Quant à la « poésie maçonnique », elle le devient, maçonnique, quand elle ne le sait pas heureusement, parce qu’elle est souvent mauvaise quand elle veut l’être. Il ne suffit pas de plaquer des symboles style compas ou équerre dans un poème pour qu’il soit bon. À bien l’écouter, la poésie de notre décennie a souvent du mal à humaniser les liens, à les creuser davantage du côté de la Lumière, à rassembler, pas seulement ce qui est épars, ce qui est humain, mais aussi ce qui vaut la peine de vivre. Ce qui est souvent issu de l’humanisme… Sous prétexte de « post-surréalisme », la poésie d’aujourd’hui est parfois devenue incompréhensible à l’oreille du plus grand nombre ! »

Le poète sur le divan de Jung

Nous savons que l’orientation et l’intérêt que portait Jean-Luc Maxence à la psychanalyse ne compte pas pour rien au regard de sa vie, avec le fait de devoir grandir sans père, qui plus est, un père engagé à l’extrême-droite, et un frère aîné qui le viole à l’âge de dix ans : « Dans nos familles, avoir des enfants plaidait pour notre bon monde bourgeois et généreux. On en adoptait pour la galerie. Avec des façons pareilles, ô Michel, Jérôme et Rémy, ne jouez plus les étonnés, vous n’étiez que des frères adoptifs, des frères d’occasion faisant l’honorabilité de notre père, ce larron fasciste, à peine échappé des ombres à oublier. Si j’avais su que tu étais adopté, j’aurais peut-être éprouvé moins de honte, Rémy, d’être par toi sodomisé ? Qui peut le savoir ? Quel Lacan de Prisunic à l’heure d’explorer l’inconscient ? Chaque crépuscule met en moi je ne sais quelle gravité inguérissable de handicapé à vie ? Et mon absolu désir d’infini est éternellement présent tel un perpétuel frisson de l’âme, comme un retour de dégoût profond et de douleur. Rue des Granges, à Genève, près de la cathédrale, se trouvaient les locaux de mon instituteur français qui m’enseigna notamment le désir du Vrai. Jadis, il me fit même comprendre avec tact que mon père n’en n’avait plus pour longtemps et que sa mort allait advenir. De mon âge de craie, je ne retiens que l’idée d’un escalier étroit qui menait à un minuscule cabinet d’aisance où l’onanisme bleu de l’enfance innocente se heurtait aux interdits moraux catégoriques des adultes helvètes et calvinistes. De toute façon, mes toutes premières années ont des yeux troubles, elles n’émettent que des rayons de triste opacité. Te souviens-tu de l’hiver 1956 ? Il gelait à cœur fendre sur les rives du lac Léman, tant et plus qu’on y patinait dessus pendant que les tanks soviétiques écrasaient la Révolution hongroise, à Budapest. Avant de mourir, mon père évoquait le temps de la barbarie froide et rouge, le rideau de fer, le mur de la Honte… La planète tremblait à force de voir rouge sang. Les nations occidentales, le mot de liberté plein la bouche, laissaient courir de peur de mettre le feu définitif aux poudres de l’Apocalypse nucléaire. Les grands discours outrés fusaient. La figure d’Imre Nagy flottait sur les usines et les universités du Danube. Et j’entends encore le speaker de « Radio Sottens » annoncer que là-bas, « on brûlait les portraits de Staline », « on brûlait l’asservissement et la tyrannie ». En fait, on ne brûlait pas grand-chose. Et il fallut bien des cadavres encore pour que Staline, en Europe, soit déboulonné de son piédestal idéologique. Cependant, pendant tout le temps de l’insurrection magyare, Genève restât banquière et froide du cœur comme l’indifférence calculée d’une légère baisse à la Bourse… J’étais alors haut comme dix pommes trop croquées quand je devais traverser le pont du Mont-Blanc pour atteindre la « haute ville », en dépit du gel et de la bise locale. Mon paternel, Jean-Pierre Maxence, philosophe néo-thomiste de derrière les fagots de la Collaboration, exilé en Suisse, mourut d’un cancer du fumeur, cette année-là. J’avais à peine défini mes intimes désirs et les ailes géantes de mon orgasme massacré par mon frère Rémy, j’avais à peine rangé le tricycle grenat, symbole de mon innocence enfoncée. À dix ans, je me cachais déjà sous mon pupitre de chêne, alors qu’un petit camarade et moi, faisions un concours pour savoir lequel des deux jouirait le plus vite, en serrant et relâchant nos cuisses impubères afin de maintenir royales nos premières érections d’homme.  C’était ainsi : l’appel du corps nous taraudait déjà, nous avions des poings fermés sur l’étonnement timide d’un entrejambe si vite humide. Je n’avais pas encore été expédié à l’hôpital d’urgence pour être reconstruit tant bien que mal après le viol violent de mon frère Rémy. Mais j’étais déjà son petit amant encore « gentil » et doux. Je découvrais très tôt, d’un trait de feu, tout un univers de sensualité ardente au simple contact d’un slip trop étroit. Je visitais les étoiles en quelques secondes d’abandon, et je me retrouvais la honte blanche au bout des doigts, ou même la peur d’avoir été surpris par le surveillant d’études qui n’avait, de toute façon, rien à redire des sèves soudaines qui montent, lui qui n’arrêtait guère de porter sa main droite à la fermeture éclair de sa lourde braguette, comme pour s’assurer qu’elle gardait encore tous ses secrets. Émoi du corps brûlé. Éveil du fauve à venir, en quête d’orgasmes. Et les attributs du lion se balancent tristement en attendant la venue d’une reine des lieux. Tout paraît presque simple à dire avec le recul des années. L’homosexualité est induite (« la mixité à l’école, c’est dangereux ! » disait-on pourtant à cette époque) quand il y a assaut dévastateur, prise de force, éventrement. Un psychanalyste s’amuserait peut-être à retracer mon itinéraire d’alors. En effet, je débutais mon existence sur cette planète à deux spasmes de la mort. Mon futur praticien, Xavier Audouard, ami de Jacques Lacan, allait avoir l’occasion de tirer encore et encore sur sa bouffarde de bois en murmurant « Continuez, continuez ». Pourtant, il n’y avait rien à poursuivre puisque tout avait si mal commencé ! »

Plus tard, alors qu’il vit à l’instar du centre Didro, une vie agitée, Maxence confie : « J’animais l’équipe thérapeutique, mon épouse pilotant d’une main énergique l’ensemble de l’association. Nous vivions tout cela comme une épopée à hauts risques. Optant pour une propédeutique de soins fort peu médicale, j’inventais peu à peu, sur le terrain même des interventions, une antipsychiatrie typiquement française à base de bon sens et de grandes données jungiennes. Déjà, à cette époque, j’étudiais l’œuvre de C.G. Jung et tentais de l’appliquer lors de mes entretiens de thérapeute spécialisé en toxicomanie. Bien entendu, ce que Jean Oury appelle une « greffe de transfert » était le point d’ancrage de ma façon toute personnelle d’inciter le patient à rompre volontairement sa pharmacodépendance. Et j’écrivais, comme spécialiste in situ, plus de 3.000 pages de commentaires personnels, au fur et à mesure de ma pratique quotidienne. Je n’avais pas peur. Mon métier d’aide était mon dopage, ma force secrète. Et j’étais infatigable. Et j’ai pu au fil des ans raconter et étayer ma pratique, et faire paraître mes réflexions sous le label d’éditeurs ayant pignon sur rue. »

De Carl Gustav Jung, auquel il a consacré plusieurs essais, Maxence nous dit : « On a trop caricaturé sa vie. On a essayé d’en faire une sorte de chaman collabo. Ce n’est pas le cas. Il faut consulter les textes. Jung a critiqué l’Allemagne nazie. Il était Suisse allemand, pas allemand, pas nazi. D’ailleurs, ça n’est pas pour rien si les Américains lui demandèrent d’établir le profil psychologique d’Hitler et de dignitaires nazis. Heureusement, les faux procès s’éloignent, les béatifications arbitraires changent de paroisse : Jung n’est plus le mauvais larron de Freud ! L’attirance pour l’œuvre et l’enseignement de C.G.Jung revient aujourd’hui au premier plan, me semble-t-il, d’une part parce que les religions monothéistes en ce début de millénaire font la guerre au lieu de l’amour et laisse le désespoir envahir l’âme du monde. Or, pour Jung, le besoin de religieux, de sacré est une part de l’Homme. Comme le désir, ou l’animalité. Avec Rudolf Otto, il appelle ça le « numineux » qui signifie ce qui nous dépasse et nous effraie dans le mystère d’être. Jung revient de son purgatoire, également parce que Freud a été très réducteur vis-à-vis de lui ! Évidemment, je veux bien croire que chaque individu est né de son inconscient, et que l’on est détruit, construit ou reconstruit à partir des refoulements de la libido sexuelle. Mais je devine mieux la perspective jungienne qui me semble plus large quand elle met en avant les symboles, les mythes, la « mythanalyse », le rôle des archétypes, l’inconscient collectif et ses conséquences. Et je songe aussi à la notion de « synchronicité » si chère à Jung ! La synchronicité, c’est la poésie sacrée et secrète du hasard, ce « nom pudique de Dieu » dit le poète ! Ou du Grand Architecte, pourquoi pas ? L’idée force de mes trois livres « comparatifs » sur C.G. Jung et la franc-maçonnerie, y compris le dictionnaire. C.G. Jung suggère au fond que tout, ici-bas, est holistique. Dans cet esprit, avec La loge et le Divan, j’explique que le profane accepte une « préparation », après et avant l’initiation, puis une autre en tant qu’apprenti, compagnon, puis maître et que l’on retrouve cet enchaînement en psychanalyse, de manière un peu différente. En psychanalyse, l’impétrant médite aussi dans un lieu secret. Dans le cabinet du praticien, il n’est pas question de dévoiler quoi que ce soit vers l’extérieur. Secret de la personne, secret du mal-être. C’est aussi cela l’éthique de l’analyse. En loge comme sur le divan, si on introduit la notion de secret, c’est qu’il y a peut-être quelque chose à garder. Par ailleurs, dans le déroulement d’une psychanalyse, on retrouve l’idée de la neutralité bienveillante présente aussi dans la loge maçonnique. On y parle chacun son tour. On écoute l’autre qui parfois peut s’égarer mais finalement la parole partagée sert quand même à la réflexion commune. C’est un peu ça, aussi, la psychanalyse. Le psychanalyste écoute et guide un peu. Pour mieux se comprendre, en loge, c’est un peu la même chose. Le côté non directif qu’on trouve en analyse devient un supplément d’espace pour mieux accepter son inconscient, et, par ricochet, mieux comprendre son frère… Jung a osé faire de l’antipsychiatrie avant la lettre ! Le mot fait peur aujourd’hui mais Jung considérait qu’il faut aller au bout de son trouble, de ses difficultés pour les surmonter. Il s’est intéressé au collectif car il n’était pas dogmatique comme Freud. Il s’est dit : « non, il n’y a pas qu’un inconscient pour chaque personne », ce qui l’a amené vers le concept d’inconscient collectif. Il y a une mémoire commune, mystérieuse, sacrée, de toute l’humanité en marche. »

Le poète et la franc-maçonnerie

Initié à la Grande Loge de France (« Le 26 septembre 1996, j’entrais, intrigué, dans ce « cabinet de réflexion » de la Grande Loge de France que tant d’illustres devanciers connurent. Tout y était énigme, à vrai dire. J’étais habité par mes prédécesseurs prestigieux »), Jean-Luc Maxence n’a jamais fait mystère de sa spiritualité chrétienne, qu’il n’hésitait pas à tourner en dérision (C’est peut-être Madame la mort qui fait une carte bleue… -  Je ne sais plus rien du bon Dieu et de son fiston), puis maçonnique, axée sur la défense et l’incarnation d’une fraternité universelle : « Mon chemin initiatique commença par le sentiment d’une misère commune appartenant à tous les Hommes, mes frères humains, tous engagés au-delà de la solitude, de l’attente, pour pressentir le rythme juste de leur propre rythme d’existence. Pour moi, VITRIOL, cela voulait dire : assume le Mystère initial, accepte de te découvrir sans cesse, toujours au plus proche de ton Centre, accepte d’être complice de ta propre et trop lente individuation. Je m’engageais sans peur dans la connaissance du monde des écrivains où j’étais né. Et je m ‘étais juré, tôt, de modifier mes comportements trop enfiévrés, de quêter ma vérité au plus inconnu de moi-même. Je tentais de rectifier, au fur et à mesure de mon parcours, mes emportements les plus spontanés pour trouver enfin qui je voulais être, qui je voulais devenir en émergeant de la caverne de Platon. Je devinais, ce jour-là, que je faisais les premiers pas d’un long trajet de transformation personnelle vers une conversion précoce de l’âme. Et quand advint le temps de rédiger ce que mes frères appellent mon « testament philosophique », je n’hésitais pas à écrire : je veux devenir un écrivain mystique, un réveilleur permanent, un brûlé vif pour changer le monde ! Rien de plus, rien de moins. Entouré de symboles représentant la mort (crâne, os, coq, couleur noire), je me crus apte à rejeter avec violence toute peur paralysante et armé, corps et cœur, pour participer, avec l’orgueil de ma jeunesse, à la Maçonnerie Universelle, pour le moins ! Le postulant que j’étais entra dans le Temple, les yeux bandés. Il voulut être « admis aux mystères et aux privilèges de la Franc-Maçonnerie » et appliquer toute sa vie le principe hermétique suscité par la formule V.I.T.R.I.O.L… Oui, je méditais sur le mystère que je portais en moi. Je vécus l’ensemble de la cérémonie d’initiation dans l’expectative. J’entends encore le Vénérable Maître m’avertir : « le poignard que vous sentez sur votre poitrine est toujours levé pour punir le parjure. Il déchirerait votre cœur si vous deveniez traître à la Société dans laquelle vous demandez à être admis ». À mes yeux, cette mise en garde grandiloquente du rituel, me fit toujours songer à ma famille de maurassiens bornés qui m’apportèrent une certaine éducation entre l’impératif Devoir d’un certain nationalisme militaire et l’idéologie la plus stricte et le remords mal digéré d’un père et d’une mère qui furent « collaborateurs » sous le gouvernement de Vichy. Et j’omets au passage les conséquences dévastatrices du viol fraternel d’une violence inouïe et que la famille passa toujours sous silence, à Genève, par bienséance de caste. En vérité, j’étais prêt à me convertir à n’importe quelle espérance collective ! Et je n’avais pas besoin de « Règle en douze points » ni de « corde au cou », ni de coupe d’amertume à « boire un peu », ni de l’ordre impératif « Maintenant, buvez, buvez tout ! ». En vingt ans et plus, mon itinéraire initiatique s’est partagé entre la Grande Loge de France, la petite Loge des Cultures et des Spiritualités de Marcel Laurent et Christine Sauvagnac et ladite Grande Loge Mixte de France. J’ai pu y constater que la Franc-Maçonnerie était le lieu d’un éclatement en sectes diverses manquant de souffle cosmique vital. Aucune de ces obédiences ne fut jamais pour moi des centres de régénérescence où se dénouaient des symboles de purification même si l’eau des rituels pratiqués me lavait vraiment de toute souillure et particulièrement des grosses pattes suantes de mon frère Rémy, le prédateur… L’Église catholique où je m’enfermais fut pour moi un échec sévère et la Franc-Maçonnerie un fiasco subtil et pervers de jalousies trop incarnées. Un toubib du Centre Didro fut mon parrain me présentant à la Grande Loge de France. Et le tout premier Vénérable de ma toute première loge où je fus initié (à la France, respectable loge n° 712) devait s’avérer un escroc bavard de grande envergure… Ensuite, la G.L.C.S qui succéda à la rue Puteaux se comporta en secte indiscutable vis-à-vis de moi Et la G.L.M.F (Grande Loge Mixte de France) fut plus honnête à la longue. »

Jean-Luc Maxence poursuivit en parallèle de ses écrits, une longue carrière de psychanalyste d’inspiration jungienne : « Au plan de ma spiritualité présente, du début de ma vocation de trappiste au fin fond du monastère de Bricquebec (Manche) jusqu’à ma direction actuelle du bimestriel Rebelle(s) diffusé à travers l’Hexagone, je revendique un itinéraire de « barde rebelle » et en habit d’écrivain, de poète, de journaliste parfois. Je me suis toujours reconnu comme un mauvais garnement de la Lumière, un veilleur, un défenseur du Sacré. Je cible depuis des années ce que Carl Gustav Jung appelle l’individuation. Ayant suivi une psychanalyse de plusieurs années avec Xavier Audouard, ami et disciple de Jacques Lacan, j’ai pratiqué la psychanalyse en cabinet privé durant des décennies, ciblant le sens caché de mon itinéraire insolite et personnel. »

Puis, vient l’écrasement de la maladie, le cancer et les doigts du poète se mirent « à danser dans le vide et ma sueur avouée est celle de l’ensemble de la planète manifestement en égarement général. Je fais des signes à la nuit tombante comme si elle devait durer éternellement. Je me fabrique des confidents afin d’atténuer mes douleurs. Je m’impose des masques partout, même, invisibles. J’entreprends l’exploration méticuleuse de mes cryptes inavouables qui firent de moi une ombre rimbaldienne en échec. Je m’accorde le temps du silence et du langage créateur. Je joue avec les mots et les peurs, et me souviens soudain de la toute belle Ghislaine criant à la cantonade : Dieu des préservatifs que n’étiez-vous là ! Tout est puzzle sans signification dans mon existence revisitée. Tout est psaume d’avant-garde sans prendre garde de ces paquets de cadavres qui bougent encore sans raison ! Tout est décrit de mémoire inventée quand une ambulance immobilisée en plein trafic, aux heures de pointe, klaxonnait et que ma sainte mère accouchait de moi avec ses quarante ans de prétendue stérilité, hurlant de douleur. »

J’ai revu Jean-Luc pour la dernière fois au Salon de la revue, à Paris, le dimanche 13 octobre 2024, lorsqu’il s’est rendu avec Danny-Marc sur le stand des Hommes sans Épaules. Il se déplaçait et parlait avec difficulté. Il m’a invité à venir boire un café chez lui dans les jours qui suivent. Je n’ai pas pu venir.   

Jean-Luc Maxence a tiré sa révérence dans la nuit du 5 décembre 2024, à l’âge de 78 ans. Sa vie débute en poésie en 1970, sous un Ciel en rage et s’achève en poésie avec un titre définitif, plus serein en apparence, Tout est dit, en 2020 : Mon cœur craque de partout ce soir ; - Et je ne sais plus parler ; - Je ne peux que t'envoyer la feuille blanche et secrète ; - Où nous écrirons tous les deux ; - Notre histoire quoi qu'il advienne ; - Notre fabuleuse histoire de filigrane ; - Et d'éternelle poésie… / Pour défier le temps et les rides - Et les hirondelles fatiguées de naissance - Pour défier le suicide de nos gosses - Et les trahisons des faux-frères de l’ombre sans logement - Pour défoncer les yeux des salauds au fur et à mesure - Et saluer le soleil de l’amitié et la panne de l’horloge… - Marions-nous cet été - Marions-nous jusqu’à la mort !

Christophe DAUPHIN

(in revue Les Hommes sans Épaules).

 

Œuvres de Jean-Luc Maxence :

Poésie : Le Ciel en rage (Le Cerf-volant, 1970), Raz-le-cœur (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1972), Révolte au clair (Ed. Saint-Germain-des-Prés, 1974), Croix sur Table (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1976), Le Double cri (éditions des 4, 1980), Voyage en évangile noir (Les Insomniaques), Ferveur des silences (Le Pont de L’Epée, 1986), De longue mémoire (Le Pont sous l’eau), Pour Golgotha, tapez 2001 – 2 – 3 (Andras/Librairie Bleue, 2003), Soleils au poing (Le Castor Astral, 2011), Tout est dit (Le Nouvel Athanor, 2020).

Romans : Bilka, notre histoire (L’Athanor, 1975), L'Ombre d'un père (Hallier, 1978), L'éternité en somme (Oswald, 1982), Le cœur du corps (Le Nouvel Athanor, 1993), Le Pèlerin d'Eros (éd. du Rocher, 2009).

Essais : La Mystérieuse Prophétie de saint Malachie ou Les Derniers Papes de la fin du monde (Oswald, 1979. Rééd. Lattès, 1996. Rééd. Dervy, 2005), La métaprévention au temps du sida (Le Nouvel Athanor, 1991), L'Aide aux toxicomanes / prévenir, soigner, guérir (Droguet & Ardant, 1993), Une substitution naturelle, la famille d'accueil (Centre Didro, 1996), Réponses aux tricheurs de la drogue (Presses de Valmy, 2001), L'Anti-psychiatre et le Toxicomane, 16 ans de cheminement thérapeutique, le Centre DIDRO (Fleurus, 1989), La Métaprévention au temps du sida (Le Nouvel Athanor, 1991), Ô séropositifs (Le Nouvel Athanor, 1994), Les Écrivains sacrifiés des années sida (Bayard-Centurion, 1995), La défonce médicamenteuse (éd. du Rocher, 1996), Le Secret des apparitions et des prophéties mariales (Éditions de Fallois/L’Âge d'Homme, 2000), René Guénon. Le Philosophe invisible (Presses de la Renaissance, 2001), L’Appel du désert, Charles de Foucauld, Antoine de Saint-Exupéry (Presses de la Renaissance, 2002), L'Égrégore. L'Énergie psychique collective (Dervy, 2003), Le flic et le thérapeute (Entrelacs, 2004), Jung est l'avenir de la franc-maçonnerie (Dervy, 2004), Jean Grosjean (coll. « Poètes d’aujourd’hui », Seghers, 2005), Faut-il crucifier Dan Brown ? (Dervy, 2007), La Loge et le Divan (Dervy, 2008), Le Désert, états d’âme, avec le photographe Jean-Marc Durou (Éditions Ouest-France, 2010), Le Crabe, l'Ermite et le Poète (Pierre Guillaume de Roux, 2012), Dictionnaire comparatif : C. G. Jung et la franc-maçonnerie (Dervy, 2012), La Franc-maçonnerie (Bouquins, 2013), Au tournant du siècle, Regard critique sur la poésie française contemporaine (Seghers, 2015), Légendes maçonniques. Imaginaire et Psychanalyse, avec Frédéric Vincent (Dervy, 2015), Psychanalyse et poésie contemporaine (Le Castor Astral, 2015), Imaginaire et psychanalyse des légendes maçonniques d'Hiram à Dark Vador (Dervy, 2015), La prophétie de saint Malachie et le pape François (Dervy, 2017).

Anthologies : Anthologie de la poésie mystique contemporaine (Presses de la renaissance, 1999), Anthologie de la poésie maçonnique et symbolique (Dervy, 2007), Anthologie de la prière contemporaine (Presses de La Renaissance, 2009), L'Athanor de poètes 1991-2011, en collaboration avec Danny-Marc (Le Nouvel Athanor, 2011), Ouvrir le XXIe siècle : Quarante poètes québécois et quarante poètes français vous y invitent (Moebius/Le Nouvel Athanor, 2013).

 

POÈMES DE JEAN-LUC MAXENCE

  

ELUARD ET COCA-COLA

                         à Guy Allix

 Sur l’asphalte des chemins défoncés

Sur les cars des travailleurs imberbes

Dans le regard des enfants de La Paz

Qui vendent du vent pour survivre

Sur les épaules voûtées de l’éternel chômage

Sur les bidonvilles et les Sheraton

Sur la termitière des exploités

Sur les casques militaires

En plein cœur du drapeau de la honte

Près du Parlement-guignol

 

A la manière d’Eluard

ILS ont écrit ton nom

COCA-COLA

 

 SENTIR BASCULER UN SIECLE

                         à Pierre Drachline

 Savoir toute sa vie que la mort gagnera

Que le désir est un tigre châtré

Rugissant ses nostalgies de sperme aux étoiles

 

Dénoncer les usines de fauves

Aux bourgeois qui se mouchent

Dans les kleenex de la bonne conscience

 

Sentir basculer un siècle

Et la misère demeurer

 

Du côté des mendiants s’en aller

Battre les mots pour en faire du pain

 

MORT AU DIVAN !

Je prends mes réalités pour tes rêves

Et la femme qui adoucit mon âme

N’a d’égale que l’homme guerrier

Qui lève en moi sa colère ancestrale

 

Je vois rouge

Qui parle de mes cavernes

De mes plaies ouvertes et recouvertes

Des apparences tranquilles de chaque jour

 

J’ai des parades de funambule

Avec un panaché pour jouer l’insouciance

Quand gronde en moi tes rapaces de désirs

Le cantique sauvage de tes formes

Les précipices béants

 

J’aime l’orgie inventée de mes nuits secrètes

L’eau-de-vie de mes passions barbelées

La rage de ton manque en guise de compagne

Et ma patrie de monstres à tuer chaque soir

 

Je ne porte pas en moi l’ombre même d’une patience

Mes colombes sont mortes avant de chanter juste

Mes vautours revivent dans l’hiver insomniaque

Je n’ai de « gentil »

Que le fourreau du poignard

 

Jean-Luc MAXENCE

(Poèmes extraits de De longue mémoire, Le Pont sous l’eau, 1990).

 

ROMANIA LIBERA

À Sighetu la boue

Ne fait plus de politique

Il pleut des larmes de crocodile

Entre faucille et marteau

Sur l'hôtel de passe-passe

Quand le touriste change au noir

Du bonheur occidental

 

À Sibiu la boue

Un ciel rouge de confusion

Hurle à la mort du

Conducteur fou

Des enfants prennent des flaques pour la mer

Dans l'aluminium des vitrines

De vieux mannequins marchandent

L'unique corsage du crève-misère

 

À Brasov la boue

Et la beauté

Le P-Cul n'a rien de libéré

Ton Cinq-Étoiles est poitrinaire

Depuis des lunes

 

À PECCO les autos patientent la bouche ouverte

En panne sèche mon petit

L'International des croissants-beurre

Les monastères gardent l'Icône aux frais

On se marie toujours à l'Est

Les yeux fermés de préférence

Pour mieux rêver la liberté

 

Nous irons dormir chez les gueules noires

 

L’IVRESSE DES MIROIRS

Aveuglée par l'ivresse des miroirs

Blanche

Ta nuit aux lèvres sang

À l'heure des bêtes fauves

Dans le soutien-gorge de son absence

Acide

Comme une herbe d'arrière-saison

Aux trentièmes terrasses de l'enfer

Où nul ne voulait ta mort

Le tueur de minuit a bien failli

Jeter toute ta vie au

Noir

Camarade acrobate aux mains coupées

Ouvre-moi le temps presse

J'ai des mots à te rendre

Le matin sent les croissants chauds

Et le café-black du réveil

Je suis venu boire un coup de lumière

Pour ne pas mourir sais-tu

Je deviens un as

Te filerai la bonne carte

La bonne passe des larmes au sourire

Loin des loups et des tricheurs

J'ai de beaux draps pour refaire ton visage

Et cajoler le soleil

 

Jean-Luc MAXENCE

 

 

ENTRETIEN AVEC JEAN-LUC MAXENCE

Par Gwen Garnier-Duguy, in recoursaupoeme.fr, le| 29 décembre 2013

Jean-Luc Maxence bonjour, merci d’accepter cet entretien pour Recours au Poème. Vous êtes poète, vous êtes éditeur de poésie, dirigeant, avec Danny-Marc Le Nouvel Athanor, vous êtes écrivain et vous dirigez également la revue Les Cahiers du sens. Pouvez-vous nous raconter votre histoire poétique ? Comment le poème a pris la place qu’il occupe dans votre vie.

Mon histoire poétique est celle d’un parcours en ligne brisée, qui, cependant, depuis plusieurs décennies, va vers une même direction d’ensemble : dire l’indicible, quêter l’invisible et chercher au fil de ma marche de vie, le sens du monde (dans l’athanor du conscient et de l’inconscient). Tout a commencé à l’âge de dix ans quand j’ai perdu mon père (le philosophe Jean-Pierre Maxence) et que j’ai écrit un poème d’enfant pour exprimer douleur et manque et révolte. Le journal “Les Écoutes” a publié ce poème et mon aventure en domaine d’écriture a pu commencer. La poésie est devenue au fil du temps, et de ses rencontres humaines, mon mode d’expression privilégié non point pour me montrer à autrui mais pour mieux “me voir” comme disait volontiers mon vieux camarade Luc Bérimont. Scribe trop oublié.

Votre observatoire de revuiste et d’éditeur vous place dans une situation idéale pour parler de la situation poétique actuelle. Au 19e siècle, un homme qui se déclarait poète pouvait être admiré par la société et désiré par les femmes. Aujourd’hui, on a davantage l’impression que se réclamer de la poésie agit comme un répulsif puissant. Ce changement d’image est-il réel ? A‑t-il été orchestré par les temps modernes ? Que traduit-il de la situation politique réelle ?

Je n’irai pas jusqu’à dire comme vous que la poésie agit comme un répulsif puissant, mais presque ! Je ne suis même pas certain non plus que le changement de l’image du poète soit définitif. Pour l’appréhender il faut sans doute penser en terme d’évolution permanente, le passé comme toujours servant de loupe de compréhension du présent et d’intuition du futur. Le poète est demeuré “la mauvaise conscience de son temps” et c’est tant mieux pour son temps ! La poésie me semble souvent la secrète musique de l’âme, la clef derrière l’apparence des choses et des Hommes, un long processus d’individuation semblable souvent à ce qu’entendait par là un Carl-Gustav Jung par exemple.  Trop d’ ”ismes” en poésie ont souvent étouffé la spontanéité et l’élan créatif véritable. En ce début de siècle, avec internet, les réseaux sociaux (le sont-ils toujours “sociaux ?), Twitter and so on, tout semble avoir été bouleversé, les transmetteurs de la poésie (Gutenberg, notamment), ne sont plus exclusivement les mêmes qu’au siècle dernier. C’est un saut vertigineux, passionnant, dans l’inconnu. Les idéologies se heurtent, la suffisance des idéologues a tué les “voyants” (hommes en avance habités de prescience ) et les “libérés” du dedans. La poésie ne se cherche plus, elle redevient audible et efficace, une certaine poésie scrutant la psychologie des profondeurs et la part religieuse de l’humanité.

Votre revue, Les cahiers du Sens, a publié la grande majorité des paroles poétiques qui comptent dans notre époque. Si vous deviez faire une synthèse, ou donner une image de la poésie contemporaine, à quoi ressemblerait-elle ?

La poésie de ce début de siècle ressemble à une immense tapisserie brûlante, belle et contradictoire, captant dans ses doigts d’araignée inconsciente tout le drame humain éternel dans sa diversité. Mon ouvrage “Au tournant du siècle” (à paraître en mars 2014 chez Seghers) est un essai désespéré cherchant à jeter un regard critique sur tout cela !

Question difficile et délicate, que je pose régulièrement aux poètes qui acceptent ces conversations avec moi : quel est le rôle du poème aujourd’hui dans le monde ?

Le poème, aujourd’hui, est un pain de dynamite jeté dans les dortoirs des contents d’eux-mêmes. Le rôle du poème est d’ouvrir toutes les questions métaphysiques les plus inattendues, de les afficher partout, et d’exiger ainsi une amélioration générale des conditions de vie de l’humanité.

Question subséquente, encore plus ardue, mais cela devrait être aisé pour un homme qui a nommé sa revue Les Cahiers du Sens, et ses éditions Le Nouvel Athanor : comment qualifieriez-vous votre propre œuvre poétique dans l’émergence de la poésie contemporaine ?

Quand j’avais vingt ans à peine, j’avais établi le plan d’un journal de poésie que j’avais baptisé “L’anarchiste chrétien” ! De l’anarchiste, il est resté mon besoin de tout bousculer pour combattre l’opacité des vitres des fenêtres qui sont les leurres des familles humaines. Du chrétien, il m’est resté le besoin absolu de prier, je ne sais trop qui, hélas, et le souvenir d’une parole de l’Évangile affirmant que le Christ n’est pas venu apporter la Paix, mais l’Épée. Mon œuvre poétique, si œuvre il y a, se souhaite aussi éloignée de l’humilité des moutons à genoux devant des certitudes dogmatiques que des hédonistes ennuyeux comme des déserts sans nomades.

Maçonnerie, Psychanalyse, Alchimie, Christianisme, Poésie : avez-vous réussi la synthèse de toutes ces lignes de force qui, pour beaucoup, semblent contradictoires ?

Ce qui réunit, de façon consciente ou non dans la tête des protagonistes, les démarches de la psychanalyse, de la maçonnerie, de l’alchimie, de la quête chrétienne, c’est la soif insatiable d’une certaine conjonction des opposés. Je m’efforce d’être une synthèse et non point un syncrétisme comme me disait souvent ma vieille amie Marie-Madeleine Davy dont je ne me suis jamais consolé !

Recours au Poème considère que le retrait de la poésie est une illusion. La preuve, notre lectorat ne cesse de croître de façon exponentielle, alors qu’aucun quotidien national n’accorde le moindre intérêt à la poésie, que les libraires constatent du coup un désintérêt commercial pour la poésie. La poésie contient visiblement quelque chose de dangereux, que les pouvoirs successifs récents tentent de neutraliser. On a fait du poète un imbécile amoureux des fleurs et des oiseaux. Recours au Poème travaille au rétablissement de la poésie à la place qui est la sienne : au cœur de l’homme, au centre de l’action. Qu’est-ce que votre expérience de Jungien aurait à dire sur ce sujet ?

Oui, je vous rejoins et vous le savez en toute conscience. J’aime la beauté mystérieuse des fleurs et des oiseaux, mais je m’en fous tout autant, d’une certaine manière. C’est l’océan du dedans de l’homme qui me fascine et d’où je tire ma poésie personnelle. Poète d’inspiration jungienne ? Je rêve d’être un jour reconnu comme tel. Alors, je n’aurai peut-être pas donné ma vie pour quelques prunes “écologiques” !

Pouvez-vous nous parler de vos admirations poétiques, de vos influences et de vos poèmes compagnons ?

J’aime d’admiration, pêle-mêle, Claudel et Aragon, pour l’universalité des grandes orgues qu’ils portent sans cesse dans les poumons  quand ils laissent derrière eux leurs certitudes d’école. J’apprécie  Pierre-Jean Jouve pour les infinies et subtiles nuances mystiques de son œuvre, Jean Grosjean pour les insinuations divines que lui inspire la moindre brise. Je lis encore Franck Venaille pour ses révoltes désespérées, et André Laude aussi. Je me souviens avec passion de  Ghislaine Amon (Raphaële George) pour sa furie  féminine et révoltée, jamais “fabricotée”. Je reste fidèle à presque tous les poètes que j’ai édités au moins deux fois (plus d’une centaine !) parce que, comme l’écrit Jouve quelque part, “ils combattent  aux frontières de l’intimité et de l’avenir”. Quant à mes poèmes amis de la mémoire et de ma destinée, ce sont ceux qui me mettent la conscience à vif, en quelque sorte, qui m’aident à prendre conscience du refoulé en moi. Ceux qui disent la fragilité de l’Homme. Et la grandeur de la transcendance. “Les Pâques à New-York” de Blaise Cendrars. “Garder le mort” de Jean-Louis Giovannoni. L’ensemble du recueil !

Vous avez consacré une très belle étude au poète magnifique Jean Grosjean. Il me semble que Grosjean a composé une œuvre poétique absolument iconoclaste, dans une discrétion absolue. Le nihilisme spectaculaire a tenté de faire croire qu’il fallait être tapageur et vulgaire pour être rebelle, signe d’élection du poète d’excellence misant sur un avant-gardisme par définition inexistant. Comment voyez-vous ce jeu de dupe, d’une part, et où placeriez-vous la dimension iconoclaste de la parole de Grosjean ?

Garder sans relâche une “dimension iconoclaste dans une discrétion absolue” comme a su le faire Jean Grosjean durant toute sa vie (j’ai beaucoup aimé écrire “son” Poète d’aujourd’hui” chez Seghers) me semble exceptionnel dans la poésie contemporaine française de ces dernières années. Être rebelle sans être gueulard, révolutionnaire sans code révolutionnaire, classique sans le vouloir parfois, moderne sans y penser, à la mode sans le faire exprès, inventeur comme en passant, rassembleur sans sermon, voici mes utopies, mes obsessions, ce qui fait ma seconde nature.

 Vous avez dirigé une anthologie de la poésie mystique, ainsi qu’une anthologie de la prière contemporaine. Est-ce là un acte de provocation salvatrice de votre part ?

J’ai en effet dirigé une anthologie de poésie mystique parue aux Presses de la Renaissance, en 1999,  une anthologie de prières d’aujourd’hui chez le même éditeur, au début de ce siècle, “L’Athanor des poètes, 1991–2011”, avec mon épouse Danny-Marc, sous la marque du Nouvel Athanor. “Rassembler ce qui est épars” s’avère pour moi un réflexe vital, autant dire une thérapeutique ! Je rêve, sur ce plan, d’être un successeur de Jean Rousselot, de Serge Brindeau, de Bernard Delvaille,  de Robert Sabatier, d’Alain Bosquet même,   en moins catégorique toutefois.  Le public jugera. Le public et le temps également.

Merci Jean-Luc Maxence. Propos recueillis par Gwen Garnier-Duguy

 

 

AU TOURNANT DU SIÈCLE OU L’ÉVANGILE DE LA POÉSIE DU DÉBUT DU XXIe SIÈCLE, D’APRÈS JEAN-LUC MAXENCE

Par Christophe DAUPHIN (in recoursaupoème.fr, 2014).

Le projet affiché par Jean-Luc Maxence en première de couverture d’Au tournant du siècle, Regard critique sur la poésie française contemporaine (Seghers, 2014), est plus modeste que celui qu’il revendique dans sa préface : établir ni plus ni moins — dans la lignée des travaux entrepris jadis par Jean Rousselot, Georges-Emmanuel Clancier, Bernard Delvaille, Alain Bosquet ou Robert Sabatier —, un « panorama de la poésie française du début du XXIe siècle ». Alors, bien sûr, on se dit que Jean-Luc Maxence, avec la longue expérience d’éditeur, de revuiste, d’anthologiste et de critique qu’il revendique, est assurément l’un des plus qualifiés pour réaliser ce genre d’ouvrage.

Mais force est d’observer que là où ses prédécesseurs, présentés pourtant par l’auteur comme des références, maîtrisèrent totalement leur sujet à force de pratique, d’expérience et de lectures avec un regard aiguisé, en se livrant à un véritable travail, pas seulement de recensions, mais de critique ; sans éluder personne, et en parvenant à dégager les tendances, mouvements et courants sans jamais sombrer dans le cloisonnement étroit, Jean-Luc Maxence lui, se perd page après page dans le verbiage, les approximations, les erreurs, les anachronismes. En vérité, ce balayage désinvolte ne nous éclaire en rien sur le paysage poétique contemporain ; pire, il y ajoute de la confusion, surtout pour un lecteur non avisé. Jean Paulhan avait une formule pour qualifier ce genre d’opuscule : « Encore un livre que c’est pas la peine ! »

On cherche en vain le regard dont il est question dans le titre. Ce livre, dont le plan et les chapitres sont plus qu’aléatoires (jusque dans les titres. Exemple : Le match Paris-Marseille), semble avoir été écrit par un camelot ou un journaliste sportif. Les rapprochements entre poètes sont souvent intempestifs, incongrus et erronés. Quant à la critique : elle est totalement absente. Libre à Jean-Luc Maxence d’exprimer sa réticence à l’égard des œuvres de Bernard Noël, Vénus Khoury-Ghata, Lionel Ray et d’autres, dont Yves Bonnefoy ; mais il ne déploie aucun argument critique, tout occupé à mettre à bas des statues, dont il envie peut-être le palmarès, le talent et l’aura. Les sentences tombent à la va-vite, tout comme les exécutions capitales :« Bernard Noël est un personnage mondain, d’ailleurs très affable et même émouvant dans cette insistance souriante à inscrire son estampille un peu partout. » « Sans prétendre jouer les gourous, que restera-t-il dans une vingtaine d’années de Vénus Khoury-Ghata ? ». « Lionel Ray, ex-Robert Lorho, n’a plus guère d’influence aujourd’hui et son œuvre, à la relecture, vieillit assez mal ». « Les ailes de géant d’Yves Bonnefoy semblent désormais appesanties par l’orgueil de l’enseignant. »

Le premier chapitre, « La ligne blanche », dénonce la poésie blanche. Mais cette question n’était-elle pas liquidée depuis plusieurs décennies ? Et pourquoi pas la mise au ban du Romantisme et de Musset ? L’auteur s’en prend d’emblée à André du Bouchet (« la bien-pensance triste et ennuyeuse »), qui, rappelons-le, est mort en 2001 et n’a pas eu trop le loisir de fréquenter le XXIe siècle. Passons aussi sur de bien curieuses diatribes et arrêtons-nous, par exemple, à cette déclaration insolite : pour Maxence, la paternité de ce qu’on appelle la poésie blanche trouverait sa source chez André Breton, Louis Aragon, Philippe Soupault et Robert Desnos ! Or, même un étudiant en première année de Lettres, sait que le « père » de la dite poésie blanche pratiquée par les du Bouchet, Dupin, etc., n’est certes pas Robert Desnos, qui en est aux antipodes (et mort en 45 dans les circonstances que l’on sait), mais René Char, que l’auteur ne cite même pas. D’ailleurs, du Bouchet paya une forte dîme, jusque sur le plan privé, à cette filiation avec le Maître de l’Isle-sur-la-Sorgue.

Deuxième chapitre : Retour au lyrisme. De quoi s’agit-il ? De l’École de Rochefort ! De la fin des années 60, nous remontons à présent à 1941. Le XXIe siècle s’éloigne un peu plus. Ensuite, l’auteur, sans que l’on comprenne trop le lien, nous livre une série de notices neutres de Jacques Simonomis, Jacques Taurand, Jean-Yves Valat, Evelyne Morin, Michel Héroult, Pierre Chabert, Denis Emorine, Dominique Sorrente, Jean-Pierre Lesieur, Nathalie Picard… Voilà où nous en restons avec le lyrisme, et c’est bien mince ! 

Troisième chapitre, le plus long du livre : seize pages : La source mystique, où l’on imagine que l’auteur est dans son élément. Et il y est effectivement. Le livre aurait gagné en se limitant à ces seize pages…

Quatrième chapitre : Les héritiers d’André Breton. Certainement l’un des plus catastrophiques. Il suffit de mentionner les noms des « héritiers » supposés : « feu Sarane Alexandrian, Christophe Dauphin, le plus jeune mais le plus omniprésent, Alain Jouffroy, qui fait maintenant figure de patriarche, Marc Kober, Jehan Van Langhenhoven, Paul Sanda, l’éditeur gardien du temple…  Pierre Garnier, Marc Alyn, Jean Orizet, Jean Joubert, Jacques Réda, Jude Stéfan et Jean Pérol », pour comprendre que les sept derniers cités sont tout à fait étrangers à ce rapprochement abusif et que, aux autres poètes, il aurait fallu ajouter au moins : Gérard Legrand, Alain-Pierre Pillet, Guy Cabanel, Hervé Delabarre, Annie Le Brun, etc. Hélas ! Tous les chapitres qui suivent sont bâclés et truffés d’erreurs du même cru. Ajoutons que Maxence cite également Matthieu Baumier et Gwen Garnier-Duguy, dont il salue plus loin le site « Recours au Poème », qui est réellement et pleinement sur internet : le magazine de la poésie et des mondes poétiques. Mais davantage que du surréalisme, Garnier-Duguy et Baumier ne sont-ils pas plutôt à rapprocher du Grand Jeu de Daumal et de Gilbert-Lecomte ?

Cinquième chapitre : La poésie dite « féminine ». N’y cherchez pas les noms de Claude de Burine, Claudine Bohi, Mireille Fargier-Caruso, Jacquette Reboul, Jocelyne Curtil, Elodia Turki, Odile Cohen-Abbas, etc. Elles n’existent pas pour l’auteur. D’ailleurs, il manque tellement de poètes dans ce livre qu’on peut le considérer comme un panorama de camping. Francesca Caroutch est à peine citée. Voici à quoi se réduit la poésie dite « féminine » : Patricia Castex Menier, Maram al-Masri, Andrée Chédid, Ariane Dreyfus, Christiane Veschambre, Anne Périer, Françoise Thieck, Maximine, Claude Ber, Béatrice Bonhomme, Marie-Claire Bancquart, Laurence Bouvet, Silvia Baron-Supervielle, Jeanne Benameur ; c’est encore assez sommaire, d’autant que chacune de ces dames est expédiée en quelques lignes sans intérêt.   

 En huit pages, le chapitre Francophones et francophiles se résume, et de manière insipide, à Salah Stétié, Tahar Ben Jelloun, Abdellatif Laâbi, Salah al-Hamdani. L’Afrique, le Québec, la Belgique et la Suisse n’ont pas encore été découverts par l’auteur. La poésie francophone se résume donc à deux poètes marocains, un poète libanais et un poète syrien — sans doute des rencontres de hasard.

La Négritude au XXIe siècle est bradée en quatre pages. Après quelques lignes d’introduction, J.-L. Maxence récite une notice fade et incomplète sur Édouard Glissant et voilà tout. Édouard Glissant est mort en 2011 et la négritude avec lui. Sans doute l’ignore–t–il, mais Glissant avait déjà et depuis longtemps dépassé le cadre de la négritude avec l’antillanité, la créolisation et le Tout-Monde. L’auteur n’évoque même pas le césairien Daniel Maximim, pas davantage que Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau, Alain Mabanckou, Nimrod, etc. C’est confondant.

Nous passons ensuite aux Rebelles de l’après-68 ; le genre de chapitre qui, à l’instar du titre, ne veut rien dire, mais dont raffole Maxence, pour en faire un fourre-tout, sans la moindre explication : Bernard Delvaille, Franck Venaille, Pierre Tilman, Claude Pélieu, Yves Martin, Valérie Rouzeau, Michel Baglin ; là encore, nous cherchons la pertinence des rapprochements. Plus loin, on s’aventure encore : « C’était l’époque de ma propre jeunesse, et nous étions nombreux à admirer l’aventure nomade des Lawrence Ferlinghetti, Allen Ginsberg, Robert Goffin, James Laughlin et autres poètes venus de la mythique Beat Generation. » On relit ce passage à deux reprises. Oui, l’auteur a bien écrit que le belge Robert Goffin était un poète de la Beat Generation ! Robert Goffin (1898-1984), ami et biographe de Louis Armstrong, a séjourné aux USA pendant la guerre, mais il n’a absolument aucun rapport avec la Beat Generation. On se demande en fait si les poètes intègrent tel ou tel chapitre selon un tirage au sort.

Et on continue, avec Poètes militants. Titre on ne peut plus surfait. Les noms : Francis Combes, Henri Deluy, René Depestre et Roland Nadaus. Ce que l’auteur nous dit dans ce chapitre de six pages, se résume à : « Aborder la question de la poésie et de la politique, c’est nécessairement aborder celle de la politique de l’édition. » Comprenne qui pourra ! 

Toujours en six pages, nous passons à Poésie et philosophie. Là encore, l’auteur, qui semble incapable d’avoir un avis personnel et de l’exprimer (mais pourquoi alors s’être lancé dans une telle entreprise ?), procède en guise de commentaires par des citations, d’ailleurs souvent mal choisies. Jean-Pierre Faye, en l’occurrence : « … la poésie atteint le désir dans la langue, elle le touche et le trace à l’horizon. » André Comte-Sponville enchaîne : « Pourquoi la poésie ? Parce qu’il arrive que la vérité soit à la fois émouvante et belle. » Maxence conclut : « Ainsi de tout temps, philosophes et poètes ont dialogué. » Les petites notices concernent : Gil Jouanard, Michel Cazenave, Antoine Emaz, Philippe Beck et Jean-Louis Giovannoni.

Le chapitre Le match Paris-Marseille, est assurément un sommet de la critique comique. L’auteur y oppose le Centre international de poésie de Marseille et le Printemps des poètes de Paris ; les deux, rappelons-le, n’étant que des institutions culturelles d’État et pas autre chose. Le premier personnifierait « l’école de la recherche sur le langage, du rejet a priori de toute émotion, de tout lyrisme » ; le deuxième, « les adeptes du nouveau lyrisme, de la sensibilité assumée. » Voici donc les deux grands courants de la poésie du début du XXIe siècle, selon l’auteur : le CIPM et le Printemps des poètes. Dans dix ans, il trouvera probablement une opposition entre deux nouvelles tendances : la poésie de la RATP et celle de la SNCF. L’auteur nous dit : « Refusons les préjugés et les aveuglements d’un camp ou d’un autre. » Mais bien sûr, selon Maxence, le « match Paris-Marseille » a des antécédents. Passons en revue les deux équipes. Dans le camp des Marseillais, le sélectionneur retient : « Alain Veinstein, Bernard Noël, Claude Royet-Journoud, Roger Giroux, Claude Esteban, Jacques Roubaud, Jean-François Bory, Matthieu Messagier, Emmanuel Hocquard. » Ils sont neuf, il en manque deux pour constituer l’équipe. Passons à la sélection parisienne dite des « enfants du Pont de l’Épée : Guy Chambelland, Alain Simon, Christian Bachelin, Robert Momeux, Pierre Chabert », auxquels s’ajoutent les « rescapés de l’aventure Poésie 1 : Jean Breton, Henri Rode, Paul Farellier, Alain Breton ». Parisiens, vraiment, le bourguignon Chambelland, l’îlien insurgé Alain Simon, le provençal Chabert ? Et que vient faire ce pauvre Momeux dans l’équipe ? Il est en outre amusant d’apprendre que Paul Farellier est un « rescapé de Poésie 1 », revue dont il n’a jamais été membre. Mais après tout, l’auteur a fait pire en situant Goffin dans la Beat Generation, par exemple. Le critique se trompe de trente ans. Paul Farellier est membre des Hommes sans Épaules. C’est d’ailleurs la seule évocation de ce poète important au sein du livre. Plus loin, James Sacré (l’auteur ne nous précise pas dans quelle équipe il évolue ; on perd soudain le fil) est taxé de « maladroit ». Frédéric Jacques Temple ne bénéficie que de six lignes et encore, par le biais de citations. 

Dans un autre chapitre, au titre tout aussi improbable que les autres, À l’épreuve du temps, Alain Breton, Christian Bachelin et François Montmaneix sont amalgamés avec — difficile d’imaginer une plus grande incompatibilité — Jean-Luc Parant. Montmaneix, à qui, entre les lignes, il est fait reproche de la préface dont Bonnefoy a honoré son dernier livre, n’est présenté que sous forme de citations de Jean Orizet. On se trouve désemparé par une perspicacité qui nous dépasse. 

Bien sûr, le critique se défend : « Il s’agit, selon moi, de patauger, souvent à vue, dans un océan de diversité et de faire confiance au seul magnétisme que dégage un univers poétique, à nul autre comparable. » Pour patauger, c’est sûr qu’il patauge Jean-Luc Maxence dans ce « petit tournant du siècle » et nous avec lui.

Ce livre aurait pu être une belle tribune, une mine d’informations aussi ; il n’est qu’un livre pour rien.

Christophe DAUPHIN (in recoursaupoème.fr, 2014).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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