Eugène VIALA

Poète (Paysages, Loin des foules, La traversée du Rouergue), animateur (de 1908 à 1909, il dirige la revue Le Cri de la Terre, à Rodez, 13 numéros), Eugène Viala est surtout le plus grand, avec et avaant Pierre Soulages, peintre aveyronnais. Eugène Viala est plus précisément un graveur à l’eau-forte, d’exception.
Constituée d’huiles sur panneaux et d’aquarelles, son œuvre peint est marqué par des supports pauvres, à la mesure de sa situation sociale. Son œuvre, qui oscille entre romantisme noir et symbolisme, représente les aspects austères de sa terre natale, des arbres tourmentés, des paysages sauvages, des villages abandonnés, des bêtes fantasmagoriques : « Mornes landes où un étang semble une lumière, pierres effondrées dans la désolation des ravins déserts, clochers perdus dans un crépuscule de rêve, humbles maisons du Rouergue. Il avait une prédilection marquée pour les figures d’arbres tourmentés, luttent contre les éléments. C’était le maître des troncs, des ramures et des souches. Influencé par le romantisme et le symbolisme, il admirait beaucoup l’œuvre de Gustave Moreau. Son style est avant tout imprégné de « fantastique ».
C’est un visionnaire halluciné, un graveur de la nuit et du crépuscule. Ses estampes sont marquées d’une noirceur presque diabolique. L’angoisse et l’obsession de la mort sont omniprésentes. Le titre de l’un des recueils résume à la fois sa vie et son œuvre : De l’encre, de l’acide, de la souffrance. Il y a dans sa manière une grande profondeur, de l’âpreté, et beaucoup de tristesse.»
Tout cela, j’ai pu le vérifier en admirant ses œuvres à Rodez, au Musée Denys Puech, où l’on apprend que Viala, né le 8 septembre 1859 dans l’ancien hôtel des Vialettes du bourg de Salles Curan, sur le haut plateau du Lévézou, fils de Firmin Antoine Viala, percepteur, et d’Eugénie Matet, peintre, étudie de 1877 à 1879 aux Beaux-Arts de Montpellier, avant de gagner Paris en 1881, pour rejoindre les cours de l’Académie Jullian.
De 1884 à 1889, il fréquente les cabarets de Montmartre et de Montparnasse, où il rencontre sa femme, l’Aveyronnaise Berthe Ducrochet, de Saint-Geniez-d’Olt, qu’il épouse en 1888. Ils auront quatre enfants. Il effectue de nombreux allers-retours Paris-Rodez pour vendre ses toiles et connaît des moments très difficiles. À partir de 1903, Maurice Fenaille, grand industriel du pétrole, mécène de Rodin, le prend en charge. C’est le début d’une période plus heureuse de sa vie. En 1909, Maurice Fenaille lui procure un atelier à Neuilly. Un an plus tard, il lui offre un voyage en Italie.
Poète, peintre et surtout aquafortiste, cet homme libre, anarchiste, mène une vie tragiquement pauvre. « De l’encre, de l’acide, de la souffrance » est le titre d’un album d’eaux-fortes constitué par Viala et le résumé de sa vie d’artiste. Mais cette période faste, dure peu. Eugène Viala meurt le 5 mars 1913, à 54 ans, des suites d’un accident. Il est renversé par une automobile à la descente d’un tramway à Neuilly. « C’était une nature indomptable et rebelle, un être tourmenté, indépendant, en marge de la société. Misanthrope et solitaire, croyant anticlérical, libre penseur anarchiste, il se définissait avant tout comme un grand amoureux de la nature. Viala a combattu pour lutter contre l’affaiblissement de l’économie agricole et contre l’industrialisation.
Poète, ses vers sont influencés par l’œuvre de Charles Baudelaire qu’il admire. L’un de ses livre s’intitule Loin des foules (1897) : Et tu l’auras trouvé le remède à la haine, - L’asile des parias et des crucifiés. – Qu’il est grand le néant après l’âpre géhenne – Qu’elle est belle la mort pour les désespérés. La poésie de Viala est sœur de ses tableaux et de ses gravures : Pauvres abris, repaires accrochés aux parois de la roche calcaire comme d’énormes nids d’hirondelles, des huitres géantes, des parasites nés là pour y mourir ; des œufs monstrueux informes dont le dieu soleil hâterait l’éclosion. Demi chaos où grouillent des demies-vies, au-dessus d’un Tarn d’émeraude qui se sauve et reste toujours. Des humains sont là d’un contact impérieux prolongeant inconsidérément leur race de l’ombre enfumée de l’habitacle aux ocres ambiantes, à la grande stupeur des roches, dont le masque, fantastique, anthropoforme, semble épouvanté de tant d’inconscience. Viala écrit encore : Tôt la haine a versé son poison dans mon verre – Mon humble verre au vin doré par la chimère – Où mes vingt ans aimaient à tenter l’avenir. – Combien m’a meurtri l’âme et déçu la pensée – La bêtise, cruelle et dure obsession !... – Je porte au cœur le deuil de mon illusion, - Et le rêve suffit à mon âme blessée.
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : Ilarie VORONCA, les poètes du Rouergue et du Gévaudan n° 59 |